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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 11:27

    Le philosophe et économiste autrichien Friedrich HAYEK est une figure de nos jours du libéralisme, opposée au socialisme et aux interventions de l'État dans l'économie. Artisan sur le plan de la philosophie de la connaissance, de l'économie et de la sociologie d'une vision de la société qui veut renouer avec le libéralisme après des décennies de domination intellectuelle du keynésianisme et à plus moindre degré du marxisme, il est revendiqué par l'ensemble des auteurs néo-libéraux comme l'initiateur de l'individualisme méthodologique.

Même si son oeuvre, qui se partage entre l'épistémologie, l'économie et la sociologie de la liberté, comporte des éléments qui sont loin de conforter cette position, elle contribue à l'hégémonie actuelle du libéralisme économique et politique qui commence d'ailleurs à reculer. Il fait partie activement d'abord de l'École de Vienne, mais s'en distancie par la suite sur de nombreux points.

 

     Si ses premières oeuvres sont économiques, avec Prix et production (Conférences en Angleterre) de 1931, Monetary Nationalism and international Stability en 1937 et Pure Theory of Capîtal en 1941, il s'oriente surtout vers l'épistémologie et la sociologie, avec par exemple une série d'articles sur la "contre-révolution de la science" de 1941, La route de la servitude en 1944, fondant la Société du Mont-Pélerin en 1947, The Sensory Order de 1952, La constitution de la liberté en 1960, et surtout sa trilogie publiée en 1973, 1976 et 1979, Droit, Législation et liberté. Il tente, dans l'objectif d'en finir avec le socialisme, d'organiser une rencontre entre économistes libéraux et économistes socialistes en 1988 - sans succès - dont il rédige le texte introductif Présomption fatale : les erreurs du socialisme.

 

      Le point de départ de ses réflexions, chronologiquement et sur le plan analytique, réside dans ses interrogations sur la nature de la connaissance. Quelle est la nature de la réalité? pouvons-nous la percevoir directement? Y-a-t-il une différence entre l'esprit et la matière? Quelles sont la part de l'inné et de l'acquis dans l'expérience humaine? Quelle est la nature de l'esprit? Quel est son rapport avec la matière? Quelles sont les relations entre les événements d'ordre physique et les faits mentaux? Il s'agit pour le penseur de l'École de Vienne, d'élucider les relations entre le monde "phénoménal" et le monde "physique". Le monde phénoménal est celui qui est perçu en termes de qualités sensorielles. C'est l'ordre sensoriel. Alors que le monde physique se définit exclusivement par les relations entre ces éléments.

La tâche de la physique consiste à découvrir dans les événements du monde extérieur des régularités indépendantes des individus qui perçoivent, alors que celle de la psychologie est de montrer comment ces événements se manifestent dans un ordre différent à travers leurs effets sur nos sens. Pour Friedrich HAYEK, "ce que nous appelons l'"esprit est donc un ordre particulier dans un ensemble d'événements se produisant dans un certain organisme et d'une certaine manière relié à, mais non identique avec, l'ordre physique des événements dans l'environnement" (The Sensory Order). Du coup, la classification qu'opère le cerveau humain ne correspond pas toujours au réel du monde physique. Plus, le monde physique est tel que le cerveau humain ne peut complètement l'appréhender. Et dans la foulée de ce scepticisme qui rejoint celui de HUME, cité à de nombreuses reprises dans son ouvrage, il s'oppose au rationalisme métaphysique, dans une pleine conscience selon lui des limites de la raison.  Le positivisme logique croit à tort possible une explication totale et unitaire du monde. La société est un organisme d'une telle complexité (au degré de complexité plus grand que le cerveau humain), qu'il est impossible pour l'esprit de donner une explication complète et globale de son fonctionnement.

Le philosophe autrichien se situe donc à l'opposition du positivisme qui se construit en Europe depuis Auguste COMTE. C'est ce qui rend l'explication globale du fonctionnement économique impossible, la planification socialiste tout aussi impossible, comme généralement tous les projets de reconstruction rationnelle des sociétés utopiques.

La tendance à considérer la société comme composée de totalités, d'ensembles que l'on peut directement appréhender, constitue une des nombreuses dérives du scientisme, que Friedrich HAYEK qualifie de "totalisme" (selon la traduction de Raymond ARON de collectivism dans Scientisme et sciences sociales : essai sur le mauvais usage de la raison, Plon, 1953, traduction d'un ouvrage paru en 1952). Il y associe des concepts comme ceux de classes, de nation, d'industrie, de capitalisme, d'impérialisme, toutes des constructions théoriques provisoires et non des réalités objectives. 

 

      La pensée économique de Friedrich HAYEK, portée souvent en porte-drapeau par toute la famille néo-libérale est pourtant plus complexe que le simplisme de certaines de leurs théories. Si finalement, elle connaît le succès, c'est sans doute en grande partie parce qu'elle est construite notamment pour démontrer la fausseté de l'analyse économiques qui soutient toutes les expériences socialistes. Dans un monde d'économistes qui semblent ne jurer que par les mathématiques parce que exemptes de toute idéologie et de toute implication sociale, à la suite des travaux de Arthur SPIETHOFF (1873-1957), de Knut WICKSELL(1851-1926) et de Eugen von BÔHM-BAWERK (1851-1914) dont il se situe dans une filiation directe, l'économiste autrichien met en garde contre l'illusion mathématique. pour lui, et ce sera encore plus net dans ses derniers ouvrages (par exemple, La présomption fatale...). Il dénonce "l'usage extensif (...) des mathématiques, qui ne manque pas d'impressionner les hommes politiques qui n'ont aucune formation en ce domaine, et qui est réellement ce qui est le plus proche de la pratique de la magie au sein de l'activité des économistes professionnels". Les statistiques ont leur utilité "pour nous informer sur l'état des affaires", mais il ne croit pas "que l'information statistique puisse contribuer de quelque manière à l'explication théorique du processus" (Hayek on Hayek : An autobiography Dialogue, Stepehn Kresge et Lef Wenar, Londres, Routledge). Dès les premières pages de Monetary Theory and the Trade Cycle, de 1929, il s'attaque à l'illusion en vertu de laquelle on pourrait utiliser les statistiques pour comparer la validité de théories alternatives des cycles. Certaines données économiques complexes ne peuvent tout simplement pas être quantifiées. Cette illusion s'ajoute à une autre, l'illusion macroéconomique, lieu principal de l'erreur scientiste en économie. "Le nombre de variables distinctes qui, dans tout phénomène social particulier, déterminera le résultat d'un changement donné, sera en règle générale beaucoup trop grand pour que l'esprit humain puisse les maîtriser et les manipuler effectivement (Scientisme en sciences sociales).

     Sa pensée économique suit d'abord celle de WICKSELL : une économie théorique a-monétaire tendrait, conformément à la conception de l'équilibre général de WALRAS, spontanément vers une situation d'équilibre où le taux d'intérêt nominal correspondrait au taux d'intérêt naturel, vers une situation où l'investissement correspondrait à l'épargne disponible.

"Dans une économie de troc, l'intérêt  constitue un régulateur suffisant pour le développement proportionné des biens capitaux et des biens de consommation. En l'absence de monnaie, s'il est admis que l'intérêt prévient effectivement toute expansion excessive de la production de biens de production, en la contenant dans les limites de l'offre disponible d'épargne, et qu'un accroissement du stock de biens capitaux basé sur un report volontaire dans le futur de la demande des consommateurs ne peut jamais mener à des expansions disproportionnées, alors on doit nécessairement admettre que le développement disproportionné dans la production de biens de capitaux peut seulement naître de l'indépendance de l'offre de capital monétaire par rapport à l'accumulation de l'épargne" (1933). Le crédit monétaire amplifie cette possibilité de déséquilibre. "Un trait essentiel de notre système de production "capitalistique" moderne, est qu'à tout moment la part des moyens originels de production disponibles employés pour obtenir des biens de consommation dans un futur plus ou moins lointain est beaucoup plus importante que celle qui est utilisée pour satisfaire des besoins immédiats. Ce mode d'organisation de la production permet, en allongeant le processus de production, d'obtenir une plus grande quantité de biens de consommation à partir d'un montant donné de moyens originels de production" (1975). Plus le "triangle" des valeurs qui sert à représenter le détour de production est allongé, c'est-à-dire plus la période des productions est longue, plus est grand le nombre de stades successifs de production, plus la structure de la production va être capitalistique et permettre de produire une plus grande masse de biens de consommation. Le caractère capitalistique de la production dépendra de deux facteurs : le comportement des entreprises à l'égard de l'investissement et la décision d'épargner des agents économiques. En fait, plus forte sera la demande de biens de production et ainsi plus les agents économiques accepteront de reporter leur consommation, plus capitalistique sera alors la structure de production. C'est à ce niveau que se pose le problème de l'équilibre dès lors que l'on tient compte de l'existence de la monnaie, et surtout de la possibilité d'une création monétaire "ex nihilo" par les banques.

Pour Friedrich HAYEK, "toute tentative pour expliquer les processus économiques doit partir de la proposition que, étant donné la constellation particulière des circonstances qui existent, il n'y a qu'un seul mode particulier de comportement d'un sujet économique qui correspond à ses intérêts, et il continuera de changer ses décisions jusqu'à ce qu'il ait réalisé les utilisations les plus avantageuses des ressources économiques pour lui" (1928). Sa définition de l'équilibre met plus l'accent sur l'individu que sur la coordination entre les agents, ce qui le distingue de la conception walrasienne

Le marché n'est pas un modèle d'équilibre abstrait. C'est un processus relié à un système d'information. Il forme dans Droit, Législation et Liberté, le mot "catallaxie" pour désigner l'ordre du marché engendré par l'ajustement mutuel de nombreuses économies individuelles sur ce marché. C'est un ordre spontané produit à partir des actes des gens qui se conforment à des règles juridiques concernant la propriété, les dommages et les contrats. Ce terme, tiré du verbe grec katallatien, rassemble les sens d'échanger, d'admettre dans la communauté, de faire un ami d'un ennemi. 

Les fluctuations monétaires, reliées à l'élasticité des systèmes monétaires de crédit sont les premières responsables des fluctuations et des crises économiques et elles ne peuvent être résorbées que par la neutralisation de la monnaie. Les crises ne sont pas dues à l'insuffisance des demandes effectives (ce qui permet de faire l'impasse du coup sur les problématiques des salaires et des prix...), mais au contraire par les surinvestissements qui se transforment en excès de demande de consommation par rapport aux moyens de la satisfaire. Quels que soient les critiques émises contre sa théorie de l'effet d'accordéon, même dans sa seconde version nommée effet Ricardo, l'économiste autrichien s'en tient toujours à la trop grande élasticité du crédit monétaire.

Opposé donc aux politiques économiques prônées par KEYNES, Friedrich HAYEK continue après la seconde guerre mondiale son offensive contre l'interventionnisme d'État. Il estime avoir montré qu'une hausse de la demande pour les biens de consommation peut mener à une baisse de la demande pour les biens capitaux et que ce déclin peut être retardé par le maintien des taux d'intérêt à de bas niveaux, mais la chute sera d'autant plus importante que les taux de profit dans les secteurs intensifs de main-d'oeuvre auront été plus élevés. Inversement, si l'on permet aux taux d'intérêt de s'élever, on atténue les conséquences néfastes du processus. Une faible propension à consommer aura le même effet, dans tous les cas, la fin de la croissance est provoquée par une rareté de capital. pendant la période de dépression, ce n'est pas le taux d'intérêt, mais le taux de profit et les salaires réels qui déterminent le déclin et l'éventuelle reprise de l'investissement. Ce n'est donc pas la baisse dans les occasions d'investissement qui provoque la crise, contrairement aux idées en vogue dans les années 1930 et qui aboutissent à la fin de la seconde guerre mondiale aux politiques keynésiennes. Dans Prix et Production (Calmann-Lévy, 1975, traduction de l'ouvrage de 1931, remanié), nous pouvons lire : "Keynes s'était basé sur l'hypothèse d'une corrélation positive simple entre la demande globale et le niveau de l'emploi, et sur le fait que le chômage pouvait et devait être combattu par un accroissement convenable de la demande globale. L'application de cette théorie a non seulement entraîné l'inflation mondiale en échouant dans une prévention durable du chômage mais se trouve être à long terme la cause d'un chômage beaucoup plus important que celui qu'elle entendait combattre (...). Il se peut que l'effondrement de l'illusion keynésienne auquel on est en train d'assister donne à l'autre explication des causes du chômage présentées dans ce livre davantage de chances d'être écoutées qu'il y a quarante ans."

En fait, le rôle de l'État est de fournir le cadre juridique requis par le jeu de la catallaxie, tâche pour laquelle il dispose du monopole de la coercition, mais de plus, loin de plaider pour un "État minimal", l'auteur lui demande d'user de son pouvoir fiscal pour assurer un certain nombre de services qui ne peuvent être fournis de manière adéquate par le marché. Il en est ainsi des biens collectifs qui profitent à tous, notamment la santé, la protection civile contre les catastrophes, les transports et les infrastructures d'énergie, mais aussi de toutes les solutions à apporter aux problèmes de pollution. Si le champ d'intervention de l'État est relativement étendu, son type d'intervention doit être assez circonscrit. Comme le marché demeure en dernier ressort le meilleur moyen pour la production et l'allocation des ressources, il convient de réduire au minimum les activités qui ont pour effet de le contrarier. Dans la gestion de ces activités, il n'y a en outre pas de raison de ne pas soumettre l'État aux règles de la concurrence. Friedrich HAYEK ne jette pas aux oubliettes, comme le font beaucoup de ceux qui se réclament de sa pensée, toute politique économique, mais son attitude très ambiguë vis-à-vis de l'objectif d'un "niveau stable et élevé" de l'emploi et le fait qu'il faut cesser selon lui d'utiliser l'impôt comme moyen de redistribuer et comme levier d'une politique économique, indiquent bien une conception très restrictive, finalement, malgré certains passages de ses ouvrages économiques, sur l'État. C'est que sa conception de l'économie est supportée par une vision bien précise de la société.

 

     Friedrich HAYEK remplace souvent le terme société, qui pour lui se réfère à une vision holiste qu'il réfute, par des périphrases tels que "ordre étendu", "grande société", "société ouverte"... S'il cède à l'usage courant la plupart du temps, ses écrits donnent facilement, même s'il peut s'en défendre, une vision économiciste de la société. Pour étudier les phénomènes complexes, l'auteur préfère nettement le concept d'ordre qu'il défini comme un "état de choses dans lequel une multiplicité d'éléments de nature différente sont en un tel rapport les uns aux autres que nous puissions apprendre, en connaissant certaines composantes spatiales ou temporelles de l'ensemble, à former des pronostics corrects concernant le reste ; ou au moins des pronostics ayant une bonne chance de s'avérer corrects" (Droit, Législation et Liberté). La société est un ordre spontané d'ensemble qui contient en son sein à la fois des ordres spontanés plus spécifiques et des groupes organisés qui relèvent plus de la notion de taxis. Telles sont les familles, les entreprises, les sociétés de toute nature, mais aussi les institutions publiques, y compris le gouvernement. L'ordre spontané n'a pu être conceptualisé que dans le cadre d'une société sécularisée, ou en tout cas libéré des mythes religieux, et la conceptualisation qui s'est imposée, celle d'un rationalisme constructiviste, de même que la notion de contrat social, celle qui sert de référence au freudisme, au marxisme et à KEYNES, menace en fait la survie d'une civilisation qui est le résultat d'une évolution longue et complexe... En fait, l'ordre spontané ne doit pas être confondu avec un organisme qui désigne un ordre dans lequel les éléments individuels occupent une position relativement fixe. Les règles d'une société ne sont en fait pas le résultat d'une élaboration consciente, et si elles existent, c'est parce qu'elles ont fait la preuve de leur efficacité et de leur supériorité pour par exemple la croissance économique. L'effort d'abstraction, s'il est conduit, et c'est le cas le plus souvent, sans une réelle connaissance de toute la réalité, conduit à des impasses et à des erreurs. Plus une société est évoluée et complexe, plus ses membres suivent, sans en être conscients, des "règles de juste conduite" dans leurs actions et dans leurs interactions avec leurs semblables.

L'objet principal de La constitution de la liberté est le "réseau combinant philosophie, jurisprudence et économie de la liberté, et qui jusqu'à présent fait défaut". Friedrich HAYEK rejette à la fois la conception du libéralisme rationaliste et celle du libéralisme utilitariste de la liberté. A toutes les notions qu'il critique, il oppose la seule signification qui lui semble acceptable (celle qu'il désigne par liberty et freedom) : cette condition humaine particulière où la coercition de certains par d'autres se trouve réduite au minimum possible dans une société". Elle se définit donc négativement par l'absence de coercition, ou plus précisément par la réduction au minimum de cette anomalie que l'on retrouve dans tous les regroupements humains. Du coup, l'existence de la propriété privée est nécessaire à la liberté, bien qu'elle ne constitue pas une condition suffisante. L'extension de sa sphère et le développement de la société ouverte s'accompagnent de la généralisation de règles de conduite fondées sur l'honnêteté, le respect des contrats qui sont essentielles à la survie de la civilisation. A cause de l'existence d'instincts primitifs, du vol et de la fraude, la coercition ne peut être complètement évitée, et non plus le monopole de cette coercition par l'État. Il développe une sorte de sociologie morale où le droit n'a certainement pas été créé pour servir à un but formulable politiquement, mais au contraire pour rendre les gens qui s'y conforment plus efficaces dans la poursuite de leurs propres objectifs.

Pour que ce monopole de la coercition, nécessairement présente pour l'évolution du droit, reste dans les limites de la nécessité, seule la démocratie apparaît comme une véritable garantie contre l'arbitraire du gouvernement (confondu pour l'auteur avec l'État). Mais contrairement au libéralisme, la démocratie n'est pas un bien en soi : "la démocratie est essentiellement un moyen, un procédé utilitaire pour sauvegarder la paix intérieure et la liberté individuelle. En tant que elle, elle n'est aucunement infaillible" (La route de la servitude, 1946). En fait, non seulement, la démocratie n'est pas synonyme de libéralisme, mais on peut envisager une société libérale sans démocratie... dans un régime autoritaire, à condition qu'il soit limité par la loi. La méfiance manifestée par le philosophe autrichien envers la démocratie représentative trouve sans doute sa source, plus que dans une argumentation, dans le contexte social et politique dans lequel il a vécu, à Vienne, dans les premières décennies du siècle, et par sa hantise des soulèvements populaires.

En fait, la critique du socialisme constitue un axe majeur de sa pensée politique. Tout son ouvrage, La route de la servitude, son manifeste libéral, est tendu vers cette critique. Il n'y a pas pour lui de différence de nature entre hitlérisme et stalinisme et il n'y a qu'une différence de degré entre la social-démocratie, le socialisme et le communisme. Il faut abandonner cette route de la servitude pour... quelque chose qui n'est pas entièrement théorisé. Il n'y a pas de système social ou politique chez l'auteur, parce qu'il a toujours une méfiance absolue pour toute élaboration théorique à partir de phénomènes que l'homme ne peut complètement appréhender...

 

    Gilles DOSTALIER, à propos de sa théorie de la connaissance, qui supporte une grande partie de la tonalité de son oeuvre, "on peut s'interroger sur le degré de cohérence d'une démarche au terme de laquelle est niée la possibilité de l'opération que Hayek a lui-même entreprise, soit celle d'expliquer le fonctionnement de la société pour démontrer rationnellement l'impasse de l'interventionnisme, sous toutes ses formes, et la supériorité du libéralisme classique."

Si, effectivement, nous sommes loin de posséder toutes les données de la réalité, de la réalité économique surtout, rien ne justifie qu'une partie de la société puisse indiquer la bonne voie... Étant donné, qu'en plus, il semble tout de même d'une étonnante coïncidence que cette voie est précisément celle qui satisfait le plus cette partie... Sur l'économie proprement dite, toute sa construction reposant sur la neutralisation de la monnaie, nous ne pouvons que poser la question du pourquoi de sa "popularité" dans une époque où le  capitalisme financier est proprement envahissant. En fait, cette "popularité" tient surtout à des ouvrages qui ne traitent pas précisément d'économie mais qui constituent des sortes de pamphlet contre le socialisme.

 

      Théoricien polyvalent, au moment où la plupart des économistes restent cantonnés dans des domaines très spécialisés, Friedrich HAYEK propose une oeuvre impressionnante (d'érudition) qui... impressionne surtout les tenants du libéralisme et du néo-libéralisme. Toutefois, au-delà des sympathies politiques, nombre de ses écrits oblige à réfléchir à des propositions. Même s'il n'y a pas de concordances strictes entre les positions épistémologiques, les analyses économiques, les théories sociales et les positions politiques, son impact reste énorme dans les milieux des économistes. S'intéressant à de nombreux champs de la connaissance, il force à toujours penser l'interdépendance des phénomènes économiques, sociaux et institutionnels.

Son oeuvre offre aussi le tableau des conflits théoriques (croisés entre KEYNES, MARX et les libéraux) qui rebondissent d'une époque à l'autre, sur des aspects théoriques et pratiques, sur notamment la place de l'État dans l'économie, débat très actuel à l'heure de bouleversements économiques induits par le développement du crédit tant analysé et critiqué par lui. 

 

Friedrich HAYEK, La route de la servitude, PUF, collection Quadrige, 2011 ; Pour une vraie concurrence des monnaies, PUF, 2015 ; Droit, législation et  liberté, PUF, 2007 ; Essais de philosophie, de science politique et d'économie, Les Belles Lettres, 2007 ; Individualism and Economic Order, The University of Chicago Press, 1948 ; Nouveaux essais de philosophie, de science politique, d'économie et d'histoire  des idées; Les Belles Lettres, 2008 ; L'ordre sensoriel : Une enquête sur les fondements de la psychologie théorique, CNRS Éditions, 2001 ; La présomption fatale : Les erreurs du socialisme, PUF, 1993 ; Scientisme et sciences sociales, Pockett, 1991 ; Monetary Theory and the Trade cycle, 1929.

Gilles DOSTALER, Le libéralisme de Hayek, La découverte, collection Repères, 2001. De catallasia, dans le site consacré à HAYEK, Galaxieliberaux.org, La théorie du cycle économique, Analyse de Christian DEBLOCK et Jean-Jacques GISLAN.

 

Relu le 7 septembre 2020

 

 

 

 

 

 

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