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17 mars 2016 4 17 /03 /mars /2016 14:25

        Les projets de défense anti-missiles à partir de l'espace, comme à partir du sol ont fleuri très tôt, mais les difficultés à résoudre restent immenses. Aucun projet d'ampleur n'a eu de développement réel avant le lancement, par le président américain Ronald REAGAN, dans son célèbre discours du 23 mars 1983, de l'initiative de défense stratégique, destinée à protéger les États-Unis d'une attaque massive.

 

La recherche difficile (et sans doute vaine) d'une protection complète...

     Auparavant, des programmes restreints ont vu le jour, dans le cadre de la course aux armements nucléaires entre l'URSS et les USA, et des déploiements ont même eu lieu de rampes de missiles anti-missiles autour de Moscou (8 sites de 16 missiles Galosh à la fin des années 1960), mais le traité ABM de 1972, pour partie parce que les technologies n'étaient alors pas au point, a officialisé l'abandon d'une course aux missiles anti-missiles. Même si le traité ABM en question permettait tout de même d'installer des missiles anti-balistiques, au nombre de 100 engins sur 2 sites pour chacun des deux signataires, l'URSS et les USA. 

     L'idée était de disposer, à terme, d'une protection complète, et donc de restaurer l'inviolabilité des États-Unis. Au départ, de nombreuses critiques ont été émises sur un plan a priori technique, en fait, rempli de sous-entendus idéologiques très forts pour démontrer l'infaisabilité du projet. Pourtant, soutenues par une volonté politique forte et par une organisation administrative indépendante, le Strategic Defense initiative Organisation, devenu en 1993, Balitic Missile Defense Organisation, les recherches ont très vite pris une grande ampleur et des expériences réussies ont démontré la faisabilité d'interception durant la trajectoire balistique sans avoir à recourir à des armes nucléaires dangereuses à tous égards. Les problèmes à surmonter pour une couverture globale restaient et restent encore monstrueux, tant sur le plan politique (mais là, les Etats-Unis ont décidé depuis 2001 de passer outre le traité ABM de 1972), que sur un plan financier (là, les problèmes demeurent très redoutables) avec des coûts qui croissent au fur et à mesure des offres des entreprises concernées. 

    En 1987, la SDIO envisageait un réseau de 200 à 300 satellites lourds équipés chacun d'une dizaine d'arme à énergie cinétique (Space Based Interceptors). On se heurte toujours au problème déjà rencontré dans les années 1960 avec le programme Sentinel : l'impossibilité d'assurer une défense hermétique contre une attaque de saturation. L'effondrement de l'union Soviétique a modifié la donne et met un terme à une vision aussi grandiose et très médiatisée (une guerre des étoiles...). En 1991, le président BUSH a annoncé une réorientation majeure : l'objectif serait désormais d'assurer une protection contre des frappes limitées de n'importe quelle origine. L'IDS (Initiative de Défense Stratégique) est devenue la Global Portection Agianst Limited Strikes (GPALS) qui mettait en oeuvre des dispositifs basés à terre mais également des intercepteurs basés dans l'espace, les Brilliant Pebbles. Mais il en aurait fallu des milliers (4 614 dans la première version) et le Congrès a reculé devant un tel engrenage (voir Serge GROUARD et François GÉRÉ, "Brilliant Peables", dans Défense nationale, octobre 1990). La guerre du Golfe est venue, à point nommé pour les entreprises engagées dans ce secteur, confirmer que l'interception en vol des missiles tactiques (lancés notamment contre Israël) était possible, même si les performances exactes des Patriot contre les vieux missiles Scud (d'origine soviétique), jugées assez médiocres au demeurant, ont engendré une controverse furieuse, dominée par des considérations industrielles (sous-capacités...).

Les recherches se sont poursuivies et une interception de missile Minunteman a été réussie en 1992 (système ERIS). Le GPALS est devenu le GPS (Global Protection System) en 1992, puis NMD (National Missile Defense) en 1993, avec comme objectif l'interception d'ne frappe accidentelle en provenance de la Russie ou d'une frappe délibérée par une puissance nucléaire inférieure. Le chiffre de 200 missiles à intercepter a été cité (Serge ROUARD, La Guerre en orbite, Essai de politique et de stratégie spatiale, Économica, Bibliothèque stratégique, 1994), chiffre qui excède largement les capacités d'une puissance nucléaire émergente, ce qui a conduit plusieurs commentateurs à désigner la Chine comme agresseur potentiel visé. L'administration Clinton s'est montrée hostile au projet et lui a substitué une TMD (Theater Missile Defense) plus modeste. Soumise à une intense pression du Congrès, qui vote en mai 1999 le National Missile Defense Act, elle a temporisé jusqu'à ce que plusieurs essais ratés donnent au président le prétexte pour renvoyer la décision à son successeur. Celui-ci, Georges BUSH Jr, s'est engagé en faveur de la NMD durant sa campagne mais la faisabilité technique du système reste problématique : la plupart des tirs d'expérimentation se soldent par des échecs alors qu'ils se déroulent dans des conditions (très favorables) sans rapport avec la réalité, l'intercepteur connaissant tous les paramètres de sa cible. A la fin de 2001, l'avenir du système était largement compromis.  (Hervé COUTEAU-BÉGARIE)

      Heureusement pour les entreprises d'armement, les attentats de 2002, même s'ils sont sans rapport aucun avec la menace considérée, contribuent à rendre plus optimiste le climat politique autour de cette défense anti-missiles. Mais avant un battage médiatique à la rhétorique guerrière bien affirmée, le président BUSH avait déjà dénoncer le traité ABM en décembre 2001. Afin d'orienter vers un programme qui vise avant tout les puissances émergentes, surtout la Corée du Nord. L'administration OBAMA s'inscrit dans cette ligne avec une nuance : si la défense anti-missile doit être poursuivie, elle se doit de ménager la Russie. 

L'actuel concept stratégique de l'OTAN adopté en novembre 2010 prévoit que l'Europe se dote d'une défense anti-missile pour protéger son territoire et sa population. ce document ne désigne aucune menace en particulier, mais le président de la République française a tout de même précisé que le futur dispositif a pour objet de contrer des missiles iraniens. Il était prévu qu'en 2013, l'US Navy devrait avoir déployer jusqu'à 27 bâtiments AEGIS anti-missiles. 

 

L'actuel Missile Defense des États-Unis

  Actuellement, le Missile Defense américaine comprend deux grandes composantes :

- Pour la protection du territoire continental, des missiles antimissiles exo-atmosphériques à impact direct contrôlés et guidés par les satellites d'alerte Sbirs et STSS (Space Tracking and Surveillance Satellite) combinés à un réseau comprenant quatre radars fixes (Belae air force base, Shemlya, Greenland, Thute) et deux radars mobiles AN/TPY-2.

- pour la protection des troupes en opérations extérieures, des batteries mobiles terrestres Thaad et Patriot Pac 3 et des bâtiments de combat armés d'engins SM-3. Les deux dispositifs partagent le même réseau d'alerte par satellites.

  Ces systèmes peuvent être complétés par le système ABL YAL-1A (Airborne Based Laser), un laser de forte puissance embarqué sur un avion Boing 747. Sa mission est de détruire un missile adverse dans l'atmosphère durant sa phase de lancement. Avantages indéniables (vantés, on s'en doute par ses constructeurs et ses vendeurs...) : les débris retombent sur l'adversaire et son coût de tir est faible. Le Pentagone prévoit une flotte de 8 appareils dont l'entrée en service devrait être effective au cours de la décennie 2010. Pour 2011, la Missile Defense Agency avait demandé plus de 8 milliards de dollars, une augmentation de plus de 6% par rapport à 2010.

 

Les autres systèmes pratiques et théoriques...

   Ce schéma semble (mais les informations ici sont plus incertaines) aussi celui adopté par la Russie qui dispose du nouveau système S-400 pour la défense de théâtre et qui conserve un système de protection central.

    La Chine, en janvier 2010, annonçait avoir réalisé avec succès une expérience d'interception à 20 000 m d'altitude, sans doute à l'aide d'un missile HQ-9, un engin dérivé du S-400 russe.

    L'Inde se propose d'utiliser son missile Prithvi, exposé au salon militaire Défexpo de 2010.

   Israël conforte son système Arrow, validé par plusieurs essais concluant.

   La France relance ses efforts sur le projet R&D en partant du système Aster SAMP/T. Elle déploie ses efforts sur les satellites d'alerte et entreprend de développer un nouvel engin de MBDA permettant une interception de missiles balistiques d'une portée de 1 000 km. Le nouveau missile serait associé au radar Thales GS1000, équipement vu pour la première fois au salon d'armement 2009 du Bourget. 

 

La défense anti-missiles : des spécificités techniques difficiles...

     Dans les schémas de défense antimissile, le système parfait reste l'impact direct d'un missile de défense sur l'engin assaillant, c'est "la balle de fusil qui arrête la balle de fusil", image beaucoup plus juste que celle d'un "bouclier qui arrête les missiles". 

Tout se joue en plus d'une vingtaine de minutes, le temps de parcours d'un missile intercontinental de son lancement à son arrivée sur la cible (beaucoup plus court s'il opère sur le même continent - missile de théâtre). Pour neutraliser une attaque, il convient de disposer de plusieurs composantes intervenant à tour de rôle de manière parfaitement coordonnée :

- pour la détection du tir, un système de détection des lancements (des radars de longue portée et des satellites d'alerte ;

- pendant la trajectoire des missiles adverses, il faut détruire les missiles le mieux avant la séparation des têtes. La phase ascendante du missile constitue a priori le moment le plus favorable à une tentative de destruction pendant le vol. Aucun contremesure ne peut être mise en oeuvre pour protéger le missile qui est relativement lent ; il est d'autant plus vulnérable que les ergols ou les propergols sont en train de brûler. la complexité de l'interception tient essentiellement au besoin de positionner des moyens de détection et des intercepteurs à proximité de la zone de tir et dans une position qui soit compatible avec une interception. Ces moyens peuvent eux aussi être vulnérables, constituant donc des cibles à haute valeur ajoutée et demandant des moyens de protection conséquents. Par ailleurs, le missile interceteur doit pour être suffisamment rapide pour parvenir à engager la cible dans une phase relativement courte (quelques minutes après détection)

- il faut opérer une discrimination entre les vraies têtes armées d'une charge nucléaire et les leurres inoffensifs chargés de détourner des vraies cibles. Il faut même opérer la discrimination entre la charge proprement dite et une quantité d'objets variables liés au missile balistique (dernier étage propulsif, partie haute contenant la case à équipement, débris de séparation... La discrimination contre des engins disposant d'aides à la pénétration sophistiqués s'avère encore aujourd'hui extrêmement difficile, voire impossible, pour les systèmes existants. 

- en dernière ligne, des missiles à grande vélocité basés à terre sont chargés de détruire dans l'atmosphère les corps de rentrée qui n'ont pu être interceptés dans l'espace.

  Le tir au but anti-missile sur missile est encore difficile et en termes purement physiques, la solution idéale est encore l'utilisation d'une charge nucléaire qui produit un effet de destruction sur une zone très importante. Cette dernière solution n'exige donc pas une précision très élevée pour le système de guidage et de navigation de l'intercepteur mais la masse de la tête de l'intercepteur est de quelques centaines de kilogrammes. Elle présente néanmoins des inconvénients importants du fait des conséquences d'une interception en altitude en terme de retombées radioactives... Cependant les solutions actuellement développées par les pays occidentaux ou la Russie consistent à réduire les distances de passage (entre missile et anti-missile), afin de permettre un impact direct ou du moins très rapproché. Cette solution est plus exigeante en termes de performances du système de guidage-navigation mais permet de réduire fortement les masses des têtes des intercepteurs. 

Toutes ces opérations sont réalisées depuis des centres de commandement et de communication dotés de moyens de calculs très puissants, capables d'effectuer des simulations, des corrections et des actualisations de trajectoire tout le long des parcours des missiles adversaires et des missiles intercepteurs, en temps réel bien entendu. (Dictionnaire de la dissuasion).

 

Un vif débat aux États-Unis... et en Europe

     Aux États-Unis, après 60 ans de controverses et plus de 150 milliards de dollars dépensés, le débat public sur la défense antimissile reste vif, mais il se fonde sur un consensus fort en faveur d'un système de protection contre les missiles balistiques, désormais bien éloigné des travaux initiaux. Loin d'un bouclier global, il s'agit pour les responsables politiques et militaires de protéger surtout des sites de défense opérationnels. Le débat s'y caractérise en outre par des réflexions de fond sur les ambitions que doit avoir le système global et voulu par tous les gouvernements successifs depuis la fin des années 1990, sur la place et le rôle des alliés des États-Unis ainsi que sur les coûts de production et de mise en place, et les performances techniques des systèmes retenus. 

     Pour Emmanuel DELORME, coordinateur du dissuer antimissile à la Délégation aux Affaires stratégiques, Bruno GRUSELLE, maitre de recherche au sein du pôle "prolifération-dissuasion" à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), et Guillaume SCLUMBERGER, chercheur associé à la FRS, tous les trois favorables à ces nouveaux systèmes d'armement, "le développement du programme américain dans la durée explique en grande partie le rôle de premier plan que la défense antimissile joue dans le panorama stratégique contemporain. Ces systèmes répondent à une menace, qu'elle soit réelle ou perçue par les autorités des États concernés ou les opinions publiques : le choix de la défense antimissile (en complément d'autres capacités) peut s'imposer comme une évidence aux responsables politiques ou militaires. Le cas d'Israël vient immédiatement à l'esprit en la matière." Les auteurs reconnaissent toutefois en filigramne que le début public se trouve souvent restreint aux sphères dirigeantes. "Paris, et plus largement en Europe, le public ignore que se joue au siège de l'OTAN à Bruxelles et ailleurs en Europe, une pièce qui pourrait avoir des conséquences technologiques et financières majeures. A Lisbonne, en novembre 2010 et près de 10 ans de négociations, les chefs d'État de l'OTAN ont décidé de doter l'Alliance d'un système capable de défendre l'Europe, ses territoires et ses populations contre les missiles balistiques et leurs charges, qu'elles soient nucléaires ou conventionnelles. Cette décision doit beaucoup aux efforts iraniens, mis en lumière il y a quasiment dix ans (les auteurs écrivent en 2013), pour se doter de ce qui pourrait être la première arme nucléaire du Golfe Persique, associées à des missiles balistiques. Téhéran pourrait réussir là où son ancien ennemi irakien avait échoué dans les années 1980.

    Malgré cette perspective, atteindre un consensus au sein de l'Alliance s'est avéré d'autant plus difficile que les intérêts et les objectifs des différents pays européens divergent :

- Le débat a été ainsi particulièrement marqué par une confrontation ouverte entre la France, tenant l'arme nucléaire pour la garantie ultime de la sécurité des Alliés, et l'Allemagne qui militaire, lors du sommet de Lisbonne, pour la poursuite d'un désarmement nucléaire complet et en premier lieu pour une dénucléarisation de l'Europe. Si cet affrontement a été mis en sourdine, la question de la nature des réponses opérationnelles à apporter à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs devrait continuer à se poser.

- Certains pays se trouvent particulièrement exposés au risque balistique et peuvent en conséquence légitimement souhaiter voir émerger des solutions collectives pour s'en prémunir ; d'autres à avoir un rôle auprès des puissances plus importantes.

- D'autres enfin, comme ceux qui ont été membres du pacte de Varsovie, sont moins inquiets de ces menaces que de l'apparent désengagement américain de la zone européenne et d'une potentielle réaffirmation du rôle de la Russie.

     Moscou constitue d'ailleurs un acteur majeur de la défense antimissile et s'est doté depuis très longtemps de ses propres capacités. Les projets européens du gouvernement de G. W. Bush en matière de défense antimissile avait conduit à une rupture historique depuis la fin de l'Empire soviétique de la relation entre la Russie et l'OTAN." 

 

Un débat autant technique que financier...

   Le débat apparait parfois plus financier que technologique, entre les dépenses consenties par les pays européens et les exigences de prise en charge des États-Unis par eux. Les différents sommets de l'OTAN semblent tirer vers de plus en plus d'efforts financiers, comme celui de mai 2012, où des décisions de principe ont été prises, et notamment la mise en oeuvre opérationnelle d'une capacité intérimaire de défense antimissile en Europe et, dans une certaine mesure, celui de la stabilité stratégique de l'Alliance atlantique. 

Nos trois auteurs indiquent les différents progrès technologiques réalisés à ce jour, tant sur les missiles balistiques en général (notamment les systèmes d'alimentation et de propulsion, les carburants utilisés, solide/liquide des missiles) et sur les missiles intecepteurs en particulier. ils indiquent que de nombreux pays "en développement" (Iran, Inde, Pakistan, Syrie, Corée du Nord...) participe à la course aux armements anti-missiles et qu'ils le font dans un environnement économico-politique très permissif. En effet, les transferts de technologie, sur lesquels ils s'appuient, ne sont soumis à aucune règle internationale. 

     Les États-unis ne font pas mystère par ailleurs, de leur souhait de faire de la défense antimissile l'un des principaux piliers de la sécurité de leurs alliés. Il y a cela de très grands avantages à attendre :

- au niveau politique, la relance de cette course aux armements aux motifs variables, permet de garder la suprématie sur le continent européen, qu'ils auraient pu perdre avec la fin de la guerre froide, et notamment dans les véléités de plus en plus précises de l'Union Européenne de constituer un pôle multi-facettes dans le monde. Perspectives positives pour le continent européen mises en cause par un retour d'un guerre froide avec la Russie, entretenue sur de nombreux plans, notamment par ses entreprises militaires en Europe, notamment en Ukraine, "juste" retour des choses au demeurant avec une stratégie consistant à faire rentrer cette région dans l'OTAN... et par une perte de vitalité de l'Union européenne, de plus en plus mise en cause sur le plan des politiques économiques.

- au niveau technologique, la possibilité de maintenir la main-mise sur tous les processus de normes techniques. 

- au niveau militaire, la réussite d'un système d'interception globale est conditionnée par la subordination des alliés aux procédures américaines. D'ores et déjà, l'élaboration de certains systèmes nationaux dépendent sur le plan technique des moyens des États-Unis, que ce soit pour le coeur des matériels utilisés ou pour leur utilisation. Si de manière formelle, des pays ayant une capacité formelle conservent un commandement autonome, les israéliens "bénéficient" des moyens de surveillance des États-unis, quitte à une très forte interopérabilité entre leur architecture de défense et celle des Etats-Unis dans la région du Moyen-Orient, les Japonais ont leur propre système de commandement co-localisé avec celui du Pacific Command américain, la Corée du Sud et demain les pays du Golfe dépendent fondamentalement des condition de leur intégration dans le c3I américain (Commandement-Communication-Contrôle). Pour ce qui est de l'Europe, l'Italie et l'Allemagne entreprennent leurs efforts dans le cadre d'un programme Medium Extended Air Defense Ssytem (MEADS) dominé par les États-Unis, jusqu'à ne pas avoir accès aux éléments de fonctionnement...

      Il n'est pas certain que les États européens suivent, ne serait-ce que pour des raisons financières, les programmes américains d'installation de missiles anti-missiles en Europe, même si il n'existe pas d'alternatives actuellement aux propositions de l'industrie américaine.

A l'intérieur de l'OTAN, les États-Unis tentent de faire adopter aux pays européens et surtout de leur faire respecter certaines engagements formels quant au déploiement d'un DAMB de l'OTAN, suivant une planification dont on ne sait en définitive si elle sera réellement effective : quatre phases sont prévues jusqu'en 2020 (European Phased Adaptative Approach). Une première phase s'est achevée en 2011 par le déploiement des premières capacités d'interception navale (la composante la plus avancée même dans les programmes américains aux États-Unis). Un destroyer Aegis avec des missiles SMS3 Block IA contre des missiles de moins de 1 500 km est opérationnel, de même qu'un radar en bande X en Turquie. Une phase est prévue pour 2015, avec la mise en place de capacités navales et terrestres (site en Roumanie) pour protéger l'Europe contre des missiles de moyenne portée. La phase 3 ; programmée pour 2018, prévoit des capacités d'interception contre des missiles intermédiaires, sur plateformes navales ou basées à terre (en Pologne). La phase 4 devrait se terminer en 2020 par le déploiement de capacités additionnelles contre des missiles intercontinentaux. 

Au niveau des États-Unis eux-mêmes, le déploiements des système anti-missiles est l'enjeu de batailles entre les trois armes traditionnelles (air, terre, mer), où la composante navale est désormais une des composantes essentielles de la stratégie de défense anti-missile. Atout majeur de la marine, les navires peuvent se déployer sans contrainte dans tout domaine maritime et rallier les positions les plus favorables pour les missions de détection initiale, de gestion de la bataille ou de l'interception. A l'horizon 2020, les États-Unis devraient disposer d'une centaine de navires - destroyers et croiseurs - équipés du système de combat Aegis et donc capables de recevoir des intercepteurs SM3, y compris ceux dont le développement a été lancé pour pouvoir intercepter des missiles intercontinentaux. 

 

Des informations parcellaires....

    Si les informations en provenance des États-Unis par différents canaux (entre les investigations du Sénat américain et les propagandes commerciales) sont relativement importantes, celles en provenance de Russie ou de Chine restent de l'ordre des hypothèses (entre propagande de ces États et spéculations - souvent orientées - occidentales).

   La Russie protègerait actuellement 30% de sa population, selon DELORME, GRUSELLE et SCHLUMBERGER. On peut se demander d'où sort ce chiffre et, de même que pour les États-Unis, gardons-nous de citer des proportions de populations protégées, dans la mesure même où les techniques actuelles sont loin de ressembler aux projets futuristes parfois mis en avant. Il reste de nombreux aléas, compte tenu de l'expérience, la plus tangible étant celle de la protection d'Israël pendant la guerre du Golfe, les missiles anti-missiles s'avèrant aussi contre-performant que les missiles eux-mêmes notamment en terme de précision.

La région de Moscou est protégée depuis plusieurs décennies par des intercepteurs endo-atmosphériques, "gazelles". Ces intercepteurs sont dotés de charges nucléaires, comme ceux des projets américains des années 1960-1970, et sont déployés sur 5 sites autour de la capitale. Ils ont été modernisés une dernière fois à la fin des années 1980 pour prendre en compte des systèmes américains installés en Europe (Pershing et Lance). Malgré les efforts de maintien en condition opérationnelle, il est probable que ces intercepteurs ne pourront être conservé au-delà de l'horizon 2020. il faut noter que ces intercepteurs ne fonctionnent pas par impact cinétique sur leur cible, mais la détruise via une explosion nucléaire en altitude, permettant de fait de s'affranchir des problèmes de discrimination. Cette défense anti-missile, intégré à une défense du territoire, s'appuie sur un réseau de radars d'alerte et de détection (notamment en Aberbaïdjan) et d'un réseau d'alerte avancé en bordure de la Russie, certains éléments pouvant être déployés chez leurs alliés (Belarus et Kazakstan). Les capacités satellitaires, conçues principalement pour surveiller le territoire américain n'ont été conservées que partiellement depuis la chute de l'URSS. Les contraintes budgétaires pèsent sur le maintien à niveau nécessaire de l'ensemble des éléments de la défense aérienne, malgré quelques possibilités d'exportation de technologies qui restent inférieures à celles des États-Unis. Les programmes en cours, qui gardent au nucléaire toute sa place, contrairement aux pays Occidentaux qui s'efforcent de déployer des mesures anti-missiles avec des charges conventionnelles, sont orientés selon une stratégie qui n'est pas symétrique de celle des États-Unis. En effet, la Russie ne partage pas la vision pessimiste des Occidentaux sur les programmes de prolifération balistique en Iran et en Corée du Nord et il s'agit de pouvoir contrer dans l'immédiat les déploiements de matériels américains en Europe. Actuellement en phase de redéfinition de sa posture dans la DAMB, avec le souci de préserver son rang stratégique, la Russie cesse de faire des propositions à l'OTAN (partage de capacité d'une DABM OTAN/Russie basée sur le partage géographique des tâches de protection) et s'efforce d'accélérer la mise en oeuvre de programmes d'essai, de fabrication et de déploiement de nouveaux systèmes d'intercepteur, appuyés sur la mise en orbite de nouveaus satellites. 

     Face aux efforts américains, nos trois auteurs distinguent trois types d'efforts chinois :

- Une modernisation des forces stratégiques, sans doute d'abord sous l'effet de l'obsolescence et du vieillissement des systèmes ; la dynamique de la course aux armements offensifs/défensifs entre la Chine et les États-Unis sous l'effet des projets américains de DAMB, reste une question controversée ;

- Un développement de capacité anti-accès (conventionnelles) dans lesquelles la défense aérienne, et progressivement la défense anti-missile peuvent s'inscrire ; il s'agit principalement de protéger les moyens militaires ou les centres de décisions d'opérations de contre-forces conventionnelles qu'un assaillant pourrait vouloir mener sur le territoire chinois (les États-Unis et leurs alliés régionaux) ;

- Des efforts technologiques réguliers comme le projet d'intercepteur exo-atmosphérique, permettant de limiter les effets d'une rupture technologique américaine.

 

Emmanuel DELORME, Bruno GRUSELLE et Guillaume SCHLUMBERGER, La nouvelle Guerre des étoiles, idées reçues sur la défense antimissile, Éditions Le Cavalier Bleu, 2013. Philippe WODKA-GALLIEN, Dictionnaire de la dissuasion, Marines Éditions, 2011. Hervé COUTEAU-BÉGARIE, Traité de stratégie, Économica/ISC, 2002.

 

ARMUS

 

Relu le 24 mars 2022

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