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9 avril 2016 6 09 /04 /avril /2016 13:02

      L'épée et le bouclier fait partie d'une représentation du monde des armes et de la guerre qui est reprise bien après la disparition de ceux-ci comme armement habituel des soldats ou des guerriers.

Munir une armée d'épées, c'est la doter de moyens d'attaque, la munir de bouclier c'est la permettre de se défendre. Aujourd'hui encore, si les épées du monde moderne sont encore plus métaphoriques, et s'appliqueraient plus à une société qu'à une armée qui doit avoir les moyens de l'offensive politique et économique, les boucliers sont encore promis à un bel avenir concret avec le déploiement de boucliers missiles anti-missiles.

      En fait, avec l'épée et le bouclier, pour se replacer dans le contexte de l'Antiquité et du Moyen-Age (en tout cas occidental), il faut adjoindre la lance (laquelle préfigure nettement plus que l'épée le moyen d'offensive d'une armée contemporaine, des balles aux missiles...). Ainsi existe depuis des millénaires un armement tripartite. Rencontré autant chez les combattants germaniques du haut Moyen-Age que chez les Celtes, les Germains, les Romains de l'Antiquité. On pourrait même penser d'abord le couteau pour le corps à corps, suivi de la lance pour le lancer à distance, le plus loin possible de l'adversaire, le bouclier pour parer aux nuées de lances ou au choc des soldats adverses, puis l'épée pour le corps-à-corps puisqu'il faut en passer par là, autant pour se défendre que pour attaquer. Les experts discutent comment s'agencent suivant les époques et les armées l'utilisation de la lance, du bouclier et de l'épée. Sans oublier le complément arc à flèches indispensable, tout cela dans une problématique entre soldats à pied et soldats à cheval... de combat au corps-à-corps et de combat masse contre masse...

 

Armes défensives et armes offensives ?

    Il n'est pas sûr que les différentes classifications usuelles entre armes défensives et armes offensives soient très utiles pour comprendre les combats d'antan, tant les instruments utilisés pour les unes que pour les autres sont variées et interchangeables... Mais comme l'usage veut que l'on passe par là, on fait dans cet article un petit inventaire des instruments de combat, en écartant tout ce qui est de la chasse et de la collection ludique. A noter d'ailleurs que dans les premiers temps, la chasse et la guerre ne devait pas se mener avec des instruments bien différents...

     Daniel REICHEL, docteur de l'université de Neuchâtel, colonel EMG, directeur scientifique du Centre d'histoire et de Prospective militaires à Morgues, écrit que "on désigne traditionnellement par arme blanche l'épée, le sabre, le poignard enfin la pique, la hallebarde et la baïonnette. On peut  y joindre les armes de jet comme le javelot et la lance, cette dernière devenant une arme de main.  (...) On peut admettre que l'arme blanche est l'un des principaux instruments du combat à corps à corps."

il évoque tour à tour, en remontant aux temps les plus anciens, à l'époque mésolithique, les poignards de silex et d'obsidienne, les premiers essais d'alliages de bronze de 5000 à 3000 de notre ère, les armes de bronze elles-mêmes, prédominantes du IIIe millénaire au début de la période romaine, à l'exception des Hittites qui commencent à manier le fer vers le milieu du IIe millénaire. Grâce à ce maniement, les Hittites conservent un temps la suprématie d'une partie de l'Asie Mineure. Les Grecs, qui en avaient connaissance, préféraient le bronze.

 

La généralisation de l'usage du fer

    Les Romains généralisent l'usage du fer, en conservant pour l'essentiel la forme des armes helléniques. La diversité des dimensions des épées semble indiquer que les combattants gréco-romains tenaient compte de la taille des combattants pour les équiper "sur mesure". L'entrainement au combat singulier de l'hoplite grec, puis du légionnaire romain, prend une grande place. 

Les légionnaires romains emploient le glaive, qui se porte du côté droit comme avant lui l'épée gauloise ou ibérique. Le glaive du haut Empire est directement inspiré de l'épée hispanique avec une lame qui peut atteindre 60 cm. Par la suite, la pointe se raccourcit et ses tranchants, jusqu'alors courbés en deux points (une courbure rentrante et une courbure sortante, lame de type "pistilliforme"), deviennent droits (type "Pompéi"). Le glaive du légionnaire est sans doute l'arme qui contribue le plus à la supériorité militaire romaine des premiers siècles de notre ère, notamment en raison de sa capacité à être utilisé de taille et d'estoc. Parallèlement, la cavalerie romaine, souvent composée des troupes auxiliaires celtes ou germains, emploie un type d'épée longue. A cause de sa relative complexité (de la poignée jusqu'à la pointe), l'épée est une arme dont la fabrication est confiée à des spécialistes. Pour cette raison, un modèle est souvent et longtemps imité avant qu'une innovation le remplace lentement. A partir du IIIe siècle environ l'épée longue romaine s'inspire des armes germaniques occidentales.

Les armes blanches arabes et asiatiques, caractérisées souvent par leur forme recourbée, indiquent que la frappe de taille (le geste de hacher), à l'inverse de la frappe d'estoc (le geste de piquer) ait été plus répandue chez ces peuples que dans le monde méditerranéen. 

 

La diversification au Moyen-Âge

     Au Moyen-Age reprend les formes des armes blanches de l'Antiquité en les diversifiant et en apportant des perfectionnement très poussés à la garde et à la poignée, alors qu'auparavant les attentions étaient plus portées sur les tranchants, les longueurs de la lame proprement dite. "Certaines formes, qui atteignent à la perfection dans leur simplicité, comme celle du poignard mérovingien, se maintiennent pratiquement sans changement pendant plus de huit siècles." Parmi les innovations de la fin du Moyen-Age et de la Renaissance, Daniel REICHEL relève :

- l'allongement de l'épée, qui peut atteindre 110 cm et davantage. Le poids accru de l'arme confère aux coups portés de taille une efficacité plus grande. On peut s'en servir à cheval lorsque la lance est rompue ;

- le développement de la souplesse des armes qui confère sa véritable dimension à l'art de l'escrime. Les progrès des forgerons leur permettent d'obtenir entre le noyau d'une lame et son enveloppe une tension intérieure qui lui confère une souplesse et une résistance supérieures.

Dès le début de la Renaissance, l'épée longue fait place à la rapière, les lames ne sont plus utilisées pour la taille. Les protections de la main se développe ainsi que les liaisons entre la poignée et la lame (pommeau pour éviter le glissement de la poignée). Se développent aussi différents types d'épée, petite épée ou épée de cour, épée longue avec redécouverte de certaines capacités de frappe de taille. 

      La pique courte, à la fois arme de main et arme de jet, apparait très tôt dans l'Histoire. Elle équipe l'infanterie et la cavalerie légère des armées de l'Orient ancien, des Perses et des Grecs. Les romains utilisent également ensuite le pilum, arme de jet lourde capable de percer les boucliers légers et en se fichant dedans de les rendre peu maniables en les alourdissant. La pique longue (très longue parfois) est l'arme de l'infanterie lourde macédonienne. Elle permet à une troupe groupée de pratiquer le choc au pas de charge et de former des hérissons défensifs, mais cette formation est peu manoeuvrière. Les Romains adaptent ensuite leur armement pour rendre la manoeuvre plus facile. Il y a toute une progression de l'art de la manoeuvre et de la forme des lances et épées (et des boucliers) utilisées de la formation des hoplites grecs, de la phalange macédonienne et de la légion romaine. 

Au XVe siècle, grâce à leur robustesse (le paramètre de la constitution physique du soldat est relativement peu étudié mais entre de manière décisive dans l'adéquation de l'arme et du soldat) et leur habileté, les suisses, suivis des lansquenets allemands, remettent en honneur la pique utilisée par les fantassins en formation serrée. Lorsque le mousquet se répand, le piquier est considéré comme l'élément protecteur du mousquetaire rechargeant son arme (opération très laborieuse au début). Au XVIIe siècle, les piquiers portaient une cuirasse de telle manière qu'il gardaient une main libre pour l'épée. La recherche de la puissance de feu condamne plus tard la pique, très longtemps considérée comme une arme noble. Elle ne disparait toutefois que lorsque la baïonnette permet d'asocier l'arme blanche à l'arme à feu. Par contre, dans les troupes à cheval, la lance qui s'est allongée et a cessé d'être considéré comme arme de jet continue à équiper une partie de la cavalerie lourde, que l'on rencontre encore (hélas pour eux!) dans l'armée polonaise jusqu'en 1939.

    C'est à la Renaissance que l'arme blanche atteint de nouveau un apogée. Leur développement offre une analogie manifeste avec celui du choc considéré en ce temps comme l'élément décisif au combat. Lorsque l'emploi des armes à feu fait décliner la réputation du choc, les armes blanches passent au second plan (sauf dans la cavalerie avec l'usage du sabre). Seule la baïonnette, plus ou moins courte, adaptée à l'arme à feu, subsiste, du XVIIIe siècle à nos jours. Dans les combats contemporains, l'usage d'une lame (poignard), notamment demeure à cause de son utilisation silencieuse, notamment dans les divers commandos de la plupart des armées. Cette arme primitive coexiste encore avec les moyens de combat les plus sophistiqués.

    

La protection du combattant

    Parmi les armes défensives, écrit encore notre expert, le casque occupe une place de choix, que ce soit en cuir ou en métal. 

Les Anciens s'attachent à protéger leur combattant de la grêle de flèches (pratiquement traditionnelles, pratique gardée aujourd'hui par les tirs au canon pour "préparer" une offensive) qui ouvre généralement le combat. "La principale parade est le bouclier, auquel on donne les formes les plus diverses. L'infanterie légère, moins exposée que la ligne, est équipée d'un bouclier léger d'osier, recouvert de peau de chèvre ou de mouton ; une échancrure accroit la visibilité et facilite la parade. Le bouclier de la ligne est soit circulaire, soit rectangulaire. Les légionnaires romains qui le portent à l'assaut d'un rempart, joignent leurs bouclier bord à bord au-dessus de leurs têtes, manoeuvre qui porte le nom de "tortue". Par ailleurs, les Romains "neutralisent" les boucliers de leurs adversaires en les prenant pour civle de leur pilum lourd, qui perce 25 mm de chêne massif. Alourdie par une arme fichée comme un harpon, l'arme défensive adverse devient inutilisable." 

Le bouclier connait de grandes modifications à travers les âges, tant dans sa composition que dans sa forme, s'adaptant sans cesse aux avancées techniques ou tactiques. Chaque fois qu'une nouvelle arme au potentiel meurtrier est introduite, le bouclier voit son épaisseur ou la qualité de ses matériaux accrue, jusqu'à ce que la poudre à canon lance des projectiles au-delà du supportable. Dans les régions où justement elle est absente (Océanie, Afrique...), des boucliers sont encore utilisés au début du XXe siècle. Tant dans ses dimensions que dans ses moyens de préhension, le bouclier évolue en Europe de manière importante des débuts de l'Antiquité à la fin du Moyen-Age. En cuir, en lin, en cuivre, en bronze, en fer, puis dans l'époque moderne en acier puis en matière plastique, le bouclier garde sa fonction de protection dans les combats les plus divers.

Utilisé depuis les Sumériens, la lanière de cuir maintient le bouclier accroché en travers de l'épaule. Rejeté sur le dos lors des déplacements ou en cas de fuite, la lanière est ramenée en avant au moment de l'assaut, laissant les deux mains libres pour saisir une lance. C'est ce système de fixation que reprend l'armée macédonienne afin que ses fantassins puissent manier les longues sarisses utilisées au sein de la phalange. Le télamon, nom de cette lanière, a l'avantage, durant la fuite, de placer le bouclier sur le dos qu'il protège ainsi que de le maintenir fixé pour éviter de le perdre, car son prix est élevé. On retrouve un système de fixation similaire pour l'écu des chevaliers du Moyen-Age, permettant d'une main la conduite de la monture et de l'autre le maniement d'une arme.

     Entre le VIIIe et le VIIe siècle av J-C., les Grecs inventent un système révolutionnaire de préhension du bouclier utilisé encore de nos jours par les "forces de l'ordre". Soutenu par l'ensemble de l'avant-bras, le bouclier gagne une fermeté de maintien et une liberté de mouvements dans les corps à corps inconnus jusqu'alors. Un autre système très largement répandu, chez les Celtes par exemple, est celui d'une simple poignée au centre du bouclier, saisie par la main. Elle permet de maintenir celui-ci plus en avant mais se révèle peu adapté pour bousculer un adversaire pendant un corps à corps. 

La forme des boucliers part d'abord de premiers modèles observables chez les sumériens, rectangulaire et de taille presque aussi haut qu'un homme. Elle se retrouve en de nombreuses régions dans l'Antiquité et jusqu'au Moyen-Age avec les pavois. Cette arme défensive peut aussi être lobée ou échancrée sur ses côtés, ce qui laisse un passage à la lance entre les boucliers de la ligne de front des combattants lors de l'assaut tout en permettant de maintenir les rangs serrés. Inversement, pour s'adapter à un autre type de combat, la forme ovale se rencontre chez les légionnaires ou au Moyen-Age.

    Le Moyen-Age fait du bouclier un symbole, l'écu portant les armes "armoiries" du chevalier, tout en conservant le pavois (bouclier d'assaut) et la rondache, petit bouclier circulaire rappelant par son usage celui qu'en faisant les peltastes anciens. Un développement original est celui du bouclier incorporé, soudé au brassard (armure du bras) du chevalier.

L'époque moderne et contemporaine voit réapparaitre diverses sortes de boucliers ; pendant la première guerre mondiale, on a ainsi fabriqué des blindages imitant la forme d'arbres à demi brisés par des obus, pour servir de protection à des tireurs d'élite. pour le reste, le blindage du véhicule de combat a largement prit la relève de cette arme défensive qui, dans sa forme primitive, n'équipe plus guère que les forces de police engagées dans des opérations de maintien de l'ordre."

  Dans le développement du bouclier comme dans celui de la cuirasse en général (couvrant des parties plus ou moins importantes du corps, compromis tâtonnant entre la protection du soldat et ses rapidités de manoeuvre), on cherche à offrir au combattant la sûreté la plus grande. L'archéologie militaire se dote aujourd'hui d'un corpus de connaissances, lesquels restent entravées par l'absence souvent de documents écrits. Il est difficile de savoir quelle est la réelle protection due au bouclier et à la cuirasse. Si un temps, le légionnaire est protégé peut-être à 70%, le chevalier à 90% (à force de compléter son armure), les efforts, pour favoriser la mobilité portent surtout sur le casque. Il semble bien d'ailleurs que si des efforts particuliers sont faits pour protéger les officiers et sous-officiers - ceux-ci d'ailleurs combattent de moins en moins en première ligne... - la piétaille ne bénéficie pas forcément des mêmes attentions. 

  L'usage de l'arme défensive ne se perd jamais tout à fait. Au XVIIIe siècle, le cavalier porte souvent encore une cuirasse à l'épreuve de la balle. Au XIXe siècle, le recours à la fortification de campagne se substitue peu à peu à l'usage de la cirasse, mais on retrouve en 1915 l'idée que le casque est indispensable au combattant.

"Plus tard, l'étude systématique des blessures reçues conduit la plupart des armées à équiper leurs hommes de casques de plus en plus enveloppants. le gilet pare-balles, enfin, pour lequel on emploi des matériaux nouveaux, dont certains treillis très résistants, superposés, qui peuvent fragmenter les projectiles pour en absorber le choc, sont l'un des développement les plus récents."

 

L'épée et le bouclier, parties d'un tout

   Pour être complet en ce qui concerne l'usage de la lance, de l'épée et du bouclier, il convient de les englober dans les diverses catégories d'armes anciennes et armures, comme le fait Jacques BOUDET :

- les armes de choc (bâton, massue, marteau, maillet), sans doute les premières utilisées et dont la forme a peu varié ;

- les armes d'hast, c'est-à-dire à fer : les unes, sous la forme de lance (arme du cavalier), de pique (arme du fantassin), de sagaie, sont apparues très tôt, se sont peu modifiées, mais se sont prolongées très tard dans l'histoire ; les autres, à partir de la hache ou de la faux, ont multiplié leur forme dans les temps et dans tous les pays ;

- les armes de jet, à main (javelot, fronde) ou à engin bandé (arc, puis arbalète) ;

- les armes à main : glaive, épée, cimeterre, dague, qui à cause de leur emploi très généralisé tant à pied qu'à cheval n'ont cessé de se modifier selon les époques.

le vocable armure recouvre l'ensemble des moyens de protection du combattant :

- le bouclier, qui a subi un grand nombre d'évolutions parallèles de forme et de poids, régionales ou nationales ;

- les défenses de tête, c'est-à-dire les casques avec leurs infinies formes et variantes, selon les pays et les époques ;

- les défenses de corps, c'est-à-dire l'armure de mailles (dite habituellement cotte de mailles), ou l'armure de plates (plaques de fer), la plus récente (l'armure popularisée).

  "Les combats se déroulant, écrit-il encore, durant des millénaires comme une série de corps à corps et une multiplicité de duels simultanés, le rôle du poignard et de l'épée est attesté sans interruption de l'époque néolithique au XVIIIe siècle. Arme d'estoc (pour transpercer) à double tranchant, le poignard néolithique en lame de pierre courte (20 à 40 cm) était déjà si parfait que les modèles en métal, cuivre, bronze et fer qui suivirent ne firent que l'imiter. L'art de la forge permit non seulement d'en faire une arme de luxe (poignard à incrustations d'or), mais d'en allonger la lame. Ainsi passa t-on de l'usage du glaive, arme d'estoc, mais aussi de taille (permettant de frapper de bas en haut), et l'archéologie a identifié sept types créto-mycéniens ne bronze. L'épée grecque à deux tranchants qui suivit était assez courte. Ce sont les peuples ibériques, déjà très habiles à forger les métaux, qui donnèrent à l'armée romaine son épée, beaucoup plus longue, et terminée en pointe. Elle fut remplacée au IIIe siècle par la spatha à bords parallèle, encore plus longue, empruntée aux cavaliers germains.

Déjà l'épée était tenue en main grâce à son pommeau, et à sa fusée où quatre dépressions aident l'effort des quatre doigts. Cette poignée au cours des siècles ne cessa d'évoluer en fonction de préoccupations à la fois esthétiques et utilitaires. Une barre de fer plein, placée à l'intersection de la poignée et de la lame à l'époque carolingienne, se transforma en "quillons" recourbés au XIe siècle. Puis la poignée ira s'allongeant : les quillons se développeront pour mieux envelopper les mains, une ou deux gouttières évident la lame pour la rendre plus légère. Fourreau, baudriers, poignées et lames même s'enrichissent d'ornements, de garnitures, d'inscriptions. L'épée courte, ou dague, le poignard et sa variété, le cinquedeis italien, suivirent la même évolution. Ainsi, l'art des grands centres de fourbissage (Brescia, Tolède, Solingen, Rives) atteignit son plus haut point de luxe et de perfection au XVe et au XVIe siècle, cependant que la gigantesque épée à deux mains aussi haute qu'un homme était réservée aux plus athlétiques.

Le sabre, grand et long coutelas courbe, qui ne sera adopté réglementairement dans les cavaleries françaises qu'à la fin du XVIIe siècle, était déjà depuis longtemps en usage dans les armées asiatiques : arabe, turque, chinoise et japonaise. Il atteignit son point de perfection au japon où les armes à feu ne durent introduites qu'au XVIIe siècle et où les samouraïs avaient le privilège de porter le daisho (le grand et le petit) et le kozuka, couteau qui se fixait dans le fourreau. De forme ronde et plate, la tsuba, ou garde du sabre, était beaucoup plus simple qu'en Occident (...)."

   Parmi les armes défensives, le bouclier est utilisé depuis les origines, confectionné en matériaux de toutes sortes, dont nous n'avons sans doute la trace que pour les plus résistantes au temps. 

Du IXe au XIVe siècle, l'Occident connut trois formes de boucliers :

- l'écu, aussi haut qu'un homme, ovale, terminé en pointe, décoré d'emblèmes héraldiques ; allégé au moment des croisades jusqu'à prendre la forme d'un triangle équilatéral, bombé au cours du XIVe siècle, il ne sert qu'à l'homme à cheval ;

- le pavois, plus léger que le grand écu, mais tout aussi haut, de forme quadragulaire, sert à la protection des fantassins. Ses emblèmes, visibles de loin - fonction psychologique très importante - servent à "pavoiser" pour affirmer le désir de vaincre ;

- le bouclier rond sous le nom de rondache, servant aux combattants à l'épée, surtout en Italie et en Espagne, qui devint pièce de parade au XVIIe siècle, jusqu'à supporter de très belles peintures ou des motifs en métal repoussé.

 

La recherche de l'arme absolue...

  Pour mieux comprendre la forme de combat que suppose le port de l'épée, de la lance et du bouclier et de son utilisation, le plus ancien livre de combat connu en Occident, Le Livre de l'Art de Combat, est fort utile. Manuscrit unique, composé d'aquarelles dessinées à la plume et commentées en latin (forme usuelle de présentation des livres de cette époque), il renferme la leçon d'un maître d'armes au tournant des XIIIe et XIVe siècles. Il enseignait à ses élèves les pratiques de combat ancestrales de l'Europe romane, germanique ou celtique. Cette oeuvre synthétique, inachevée (c'est le lot d'énormément d'ouvrages durant la Renaissance...), énigmatique, est traversée d'un souffle puissant (c'est dans la présentation, mais ce n'est pas faux...). Le maitre d'armes est un ecclésiastique, héritier d'une pensée scolastique qui déborde sur l'éducation du corps. Centré sur le maniement raisonné de l'épée et du bouclier, son enseignement renverse des préjugés relatifs à la brutalité des pratiques de combat médiévales. Et montre que l'escrime de cette époque n'a rien à envier aux arts martiaux traditionnels d'Orient. Cette oeuvre est disponible dans une édition critique de 2015, présentée par Franck CINATO et André SURPRENANT (CNRS Éditions).

     Chaque grande innovation est marquée par une reviviscence du mythe de l'arme absolue, de cette arme qui donne la suprématie et, dans la foulée, conforte la valeur morale (souvent requise au départ, découverte dans un processus initiatique) de celui qui la brandit. Plus tournée vers l'épée que vers le bouclier, l'histoire d'un invincibilité acquise, mais contrariée ensuite par un destin funeste (sans doute une représentation de l'apparition d'une arme supérieure!), est visible dans les contes nordiques, moins dans la littérature romaine, plus dans la littérature du Moyen-Age. Le mythe des chevaliers de la Table Ronde, celui d'Excalibur, est bien connu. L'association de qualités morales d'un roi, d'un chevalier, d'un souverain, d'un chef, aux qualités de son épée relève d'une problématique de la violence, qui ne cesse en fait de hanter toutes les recherches, même contemporaines, d'une épée ou d'un bouclier définitifs. 

 

Daniel REICHEL, Armes blanches, Armes défensives, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, PUF, 1988. Jacques BOURDET, Armes anciennes et armures, dans Encyclopedia Universalis, 2015.

 

ARMUS

 

 

Relu le 25 avril 2022

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