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16 mai 2016 1 16 /05 /mai /2016 09:28

     Les mines sont des armements différents selon les époques. Si l'on se trouve dans l'Antiquité jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, il s'agit essentiellement de moyens de destruction des remparts de villes ou de place-fortes. Après, il s'agit surtout d'engins explosifs, sur terre, sur mer, et même dans les airs, constituant des barrages à l'avance des troupes, des navires ou des avions ennemis. Même après l'apparition et la généralisation de l'usage de la poudre, il faut distinguer les mines dans la guerre de siège et les mines en campagne.

 

Mines de sièges

  Les mines sont employées comme moyens d'attaque depuis l'Antiquité, pour prendre des places fortes. De nombreux récits sur des sièges de villes montrent son emploi.

   Il s'agit de creuser une galerie souterraine passant sous la muraille. Dans des cas rares, cette galerie peut déboucher dans la cour de la forteresse permettant l'irruption de l'assaillant. Généralement, la muraille est étayée, la cavité remplie de matières inflammables, dont la combustion détruit les étais et assure la ruine de la muraille. Le mineur peut également travailler au pied même de la muraille, protégé au début de son travail par des "tortues" ou "mantelets". La mise à pied d'oeuvre du mineur se disait "attacher" le mineur.

Les contre-mesures consistent à partir de la détection par les ébranlements ou le bruit (écoutes) à creuser une galerie à sa rencontre, pénétrer dans son boyau et s'y battre ou l'asphyxier.

La ventilation facilitant la combustion, bénéficiait des techniques des mines civiles.

  Quand l'usage de la poudre explosive se répand (depuis 1250 en Europe occidentale), elle sert surtout à des fins balistiques : bâtons de feu, bombardes, canons, etc. Le premier emploi dans la mine parait être lors du siège de Sorezanella par les Génois en 1487.

La poudre, lorsqu'on commence à l'utiliser, et pendant trois siècles, ne diffère pas de la poudre à canon, charbon, soufre, salpêtre. Une poudre plus fine sert à l'amorçage. Le régime de l'explosion est détonnant, la réaction se déplaçant par conductibilité thermique ; la partie imbrûlée reçoit une impulsion de la surface en ignition vers l'avant.

Les explosifs ont un régime détonnant, la réaction progressant à une vitesse de plusieurs kilomètres par seconde par le moyen d'une onde de choc. Il n'y a pas d'impulsion sur la partie qui n'a pas encore détonné. L'effet de l'onde de choc sur le milieu extérieur a entrainé le qualificatif d'explosif "brisant". Le premier et plus connu est la dynamite, découverte en 1867 par NOBEL, incorporant la nitroglycérine particulièrement instable au kieselgur inerte. Elle est employée exclusivement dans les travaux de mines, carrières et destructions sous l'eau. Cependant, elle est utilisée par les mineurs asturiens lors de la guerre civile d'Espagne. Les explosifs sont très variés, le plus connu du grand public étant le TNT (trinitrotoluène). Pour un pays, le choix d'un explosif est lié non seulement à son efficacité, mais encore aux facilités d'approvisionnement et de production de matières premières.

Il faut un explosif d'amorçage (fulminate de mercure). Des explosifs progressifs sont utilisés pour des cordeaux détonants, en double allumage. L'explosion est produite par pression dans des mines anti-personnel, ou anti-chars. Elle est obtenue par contact dans les mines marines, par influence dans les mines magnétiques.

   L'emploi presque exclusif de la mine est pendant trois siècles dans la guerre de siège. On utilise pratiquement sans modification les procédés de la guerre antique : galeries, écoutes, contre-mines. La modification est la substitution de la poudre aux matières combustibles.

  Les tatonnements sont nombreux entre les premières tentatives à Orense (1468), Malaga et Sarzanello (1487) et le premier usage valable au château de l'Oeuf à Naples (1503). C'est la mise en application d'un tracé de galerie en zig-zag permettant un bourrage efficace de la poudre qui ouvre la voie à des sièges réussis (du point des assaillants bien sûr). Le principe du bourrage est la constitution d'un bouchon remblayé dans la galerie, calé par le tracé en baïonnette de l'extrémité de celle-ci. Ce bouchon est traversé par les cordeaux d'allumage, placés dans des enveloppes en cuir ou "saucissons". Toute la force de l'explosion est alors dirigée vers la muraille à ruiner.

Cette description veut donner une idée du travail qu'il faut accomplir lors d'un siège, lequel est toujours très long, même si la poudre permet d'accélérer les choses. De véritables ouvriers doivent creuser, sous la direction d'ingénieurs pour suivre le bon tracé, placer la poudre ; d'autres, vite spécialisés, doivent s'assurer qu'elle se trouve au bon endroit, l'amorcer, partir au bon moment de l'endroit de l'explosion, tout cela avec tout une soldatesque chargée de protéger ces "techniciens". Tout un artisanat se développe, entre la fabrication de la poudre et de son enveloppe, le creusement des galeries (songez aux déblais qu'il faut évacuer...) et leur installation adéquate. Sans compter qu'il faut prévoir les pertes de main-d'oeuvre, ce qui exige son remplacement continuel, de toute façon nécessaire pour l'efficacité des creusements (fatigue rapide...). Tout cela fait partie d'ailleurs d'un renchérissement du coût des sièges et d'un mercenariat des mines - de l'ingénieur aux ouvriers - qui vend ses services au plus offrant, exerçant parfois le chantage pour poursuivre le travail, sans égard de leur propre appartenance nationale et de la nationalité du commanditaire du siège (lesquelles n'avaient de toute façon pas la même importance que de nos jours ..., beaucoup moins que l'appartenance religieuse.). Ces "mineurs" font partie du mercenariat européen tant décrié par MACHIAVEL. 

Des perfectionnements sont apportés dans le cours du XVIe siècle, galeries d'écoute au niveau du fossé, desquelles des puits donnent accès à une chambre d'où partent les amorces de rameaux vers les contre-mines à creuser lors du besoin (San Gallo), détection par les vibrations de l'eau, au lieu de la peau du tambour et des cailloux employés à Rhodes en 1522 ; pilotage des galeries mieux assuré, évitant un certain nombre de ratés. Surtout la poudre permet de lutter efficacement contre le mineur ennemi. Toute une façon de faire se raffine, faisant appel plus aux compétences techniques qu'aux valeurs militaires. D'ailleurs, même si cette pratique va être abandonnée, notamment lors de la constitutions d'armées royales permanences (et de corps spécialisés des mines dans les armées, mais cela va prendre... un certain temp), on peut faire volontiers appel à des ingénieurs ou à des ouvriers qui travaillent généralement pour les mines d'extraction de métaux ou de houille...

Les sièges se pratiquent en deux niveaux : en surface par les sapeurs allant jusqu'à l'installation de batteries de brèche sur le chemin couvert ; en souterrain par les mineurs tendant à ruiner les murailles.

Cette technique a ses concepteurs, ses artisans et ses exécutants. Des théories sont élaborées, ensemble de géométrie, de poids et mesures, précautions matérielles, entrainant des dispositifs de siège de plus en plus précis (Antoine de VILLE, 1628 - Errard de BAR-LE-DUC, 1594). Et même des modélisations à appliquer sur place... Un siège très notable est celui de Candie durant 28 mois, de 1657 à 1659 ; l'attaque est menée tout autant par les fantassins et artilleurs que par les mineurs. On dénombre 1 364 fourneaux dont un chargé de 18 000 livres, et 69 assauts avec une perte pour les Turcs de 12 000 hommes. La défense fait elle aussi un large usage de mines, repoussant des batteries au contact direct de l'assaillant et reconstruisant immédiatement les ouvrages minés.

Au XVIIIe siècle, BÉLIDOR, professeur à l'école d'artillerie de La Fère, met au point la théorie des explosifs. Il écrit en 1729 une Nouvelle théorie de la science des mines, procède à des expériences en 1732 et 1753, qui sont reprises par l'ingénieur LEFEBVRE au service du roi de Prusse en 1754. Pour l'action souterraine. Il démontre surtout que les fourneaux surchargés ruinent sur une grande distance les galeries d'attaque.

 Dans les guerres de la Révolution et de l'Empire, les sièges utilisent les mines, surtout dans la lutte pied à pied de Saragosse.

Le long siège de Sébastopol est une lutte avec de lourdes pertes entre mineurs français et russes. Mines et contre-mines sont le labeur quotidien. Les Russes créent en particulier des galeries en sous-oeuvre à 17 mètres sous les premières les garantissant contre les mineurs français.

Au siège de Port Arthur, de mai 1904 à janvier 1905, les Japonais déterminent la chute de la place lorsqu'ils détruisent avec les explosifs modernes les coffres de contrescarpe interdisant le passage dans les fossés des forts.

 

Mines de campagne

Pour les mines en compagne, un premier essai peu concluant a lieu pendant la guerre russo-japonaise.

La guerre de 1914-1918 est marquée par un très large et spectaculaire emploi des mines. La guerre étant de position, on y trouve l'application sur des fronts stabilisés des principes appliqués dans la guerre de siège :

- origine des galeries en deuxième ligne, camouflée pour échapper à l'action de l'artillerie, et dans un abri assez vaste pour recevoir les déblais évacués à distance de nuit ;

- galerie d'attaque principale doublée par une ou plusieurs galeries pouvant la suppléer ou tromper l'adversaire ;

- galeries à niveau inférieur, protégeant contre une action souterraine de l'ennemi, éventuellement liaisons des galeries maitresses ;

- écoutes développées, silence obligatoire, car même les conversations téléphoniques sont à la merci du captage par la télégraphie par le sol (TPS) ;

- emploi, lorsque le bruit ne s'y oppose pas, d'engins mécaniques.

  Cette guerre des mines règne en 1915-1917, au prix de lourdes pertes mais avec des résultats guère meilleurs que ceux de l'action en surface, les avances se comptant en dizaines de mètres. Dans leurs manoeuvres en retraite de  de 1917 et surtout 1918, les Allemands développent des pièges et mines à personnel du genre "fougasses".

 

Mines anti-personnel

   Dans la guerre de 1939-1945, se développe la technique des mines légères, anti-personnel et anti-char saturant le champ de bataille.

Les Allemands mettent au point une bombe bondissante, la mine-S, utilisée jusqu'à nos jours. Elle permet de projeter la charge au-dessus du sol pour assurer une dispersion plus efficace du schrapnel. Durant ce conflit, les mines sont responsables de 5% des pertes militaires.

Les mines anti-personnel sont réparties sur un champ de bataille probable, en vue de l'interdire. Elles sont enfouies suivant un plan à conserver afin d'en permettre le déminage ami en cas de besoin. Le champ de mines doit être signalé du côté ami. A noter que cette précaution s'avère le plus souvent théorique, car ces plans sont détruits dans la bataille, et on ne compte plus alors le nombre d'explosions fraticides. Après la guerre, la première des tâches est souvent de déminer. Les populations civiles de maintes contrées font ensuite la triste expérience de ces mines de mieux en mieux camouflées...

  La détection tout le temps qu'elles sont à enveloppe métallique se fait par détecteurs magnétiques, les "poêles à frire". Avec les mines en verre ou à enveloppe plastique, il faut recourir, comme à l'origine, à la fouille à la baïonnette. A partir de 1944, on construit des engins blindés, poussant devant eux un  lourd rouleau compresseur les faisant exploser. Les astuces se multiplient, double allumage, mines factices en dissimulant un véritable éclatant lors de l'enlèvement de la première, dissimulation des mines dans des objets anodins (poupées par exemple...). Faute de mieux, on utilise aussi des obus piégés jouant aussi un rôle de destruction. 

Les guerres d'Indochine et de Corée connaissent un extraordinaire développement technique voyant apparaitre des moyens archaïques mais efficaces, tels les trous de loup avec bambous pointus. Afin de projeter plus loin les éclats, on utilise des mines bondissantes.

   Les mines anti-char sont plus lourdes, devant détruire les chenilles, voire crever le dessous du char. Elles sont imaginées d'abord par les Allemands en 1935 et utilisées en grand dès la guerre. Le déminage est rendu de plus en plus dangereux, en y associant des mines anti-personnel.

   Des mines marines sont développées sous forme de tonneaux de poudre devant exploser sous la surface ou en surface pour endommager la coque des navires ennemis. Il faut dire que cette technique est déjà réalisée durant toute la marine à voile. Samuel COLT est le premier, en 1842, pour le compte de la Navy, à couler "scientifiquement" sur le Potomac une vieille canonière désarmée, le Boxer, avec une mine sous-marine à mise à feu électrique. 

Ces mines sont constituées d'une enveloppe métallique enfermant une charge explosive, le ou les dispositifs de mise à feu avec ses capteurs et combinateur d'influences, les dispositifs d'ancrage ou de contrôle d'immersion, un dispositif de programmation de contremesures, de neutralisation ou de sabordage. On distingue les catégories de mines selon leur position dans l'eau et selon leur dispositif de mise à feu.

   Variété inspirée des mines marines, les mines fluviales ou dérivantes gênent un franchissement de fleuve.

  La défense anti-aérienne utilise aussi des mines aériennes en chapelets suspendus à des ballons captifs, dont l'efficacité est limitée par l'élevation du plafond de navigation des avions. Des barrages aériens sont mis en place par les armées française, allemande, italienne et britannique durant la première guerre mondiale.

Durant la seconde guerre mondiale, c'est surtout au-dessus de villes britanniques et allemandes que sont installées des mines aériennes. Avec des ballons au-dessus de Londres, des barrages sont installés avec une certaine efficacité contre les missiles V1 et V2. Mais des accidents, dus à des tempêtes ou des ouragans, destructeurs fraticides, doivent faire abandonner l'usage systématique de ballons. Ils ne sont plus utilisés qu'à titre complémentaire, par exemple lors du débarquement anglo-américain en Normandie en juin 1944.

   Il était prévu dans les plans de maints états-major l'usage des zeppelins avant que leur production ne soit abandonnée. Inefficaces et vulnérables, pour ce qui est de freiner l'ennemi dans les airs, ils sont tout de même utilisés pour quelques bombardements pendant la première guerre mondiale. L'apparition d'avions chasseurs efficaces marque la fin de la menace zeppelin. Interdits explicitement par le Traité de Versailles (mais ce n'est pas l'essentiel, l'arbalète en son temps avait fait l'objet d'interdictions bien plus lourdes), les zépellins n'intéressent plus les états-majors. 

 

    Des engins poseurs sont par ailleurs utilisés, afin de "planter" à la chaine des mines sur une grande superficie.

 

  Des mines de destruction de ponts, de démantèlement de fortifications sont classiques dans les guerres anciennes, mais difficiles si les constructions sont en pierre.

  L'emploi de la poudre a généralisé le procédé, qui intervient dans la préparation du champ de bataille.

 Néanmoins sa mise en oeuvre est délicate. La destruction prématurée peut causer des pertes fratricides en grand nombre.

 Les destructions visent surtout les communications de l'ennemi, voies ferrées, ponts et tunnels. L'énormité des reconstructions à entreprendre après la guerre de 1914-1918 conduit à éviter la ruine des ponts au niveau des fondations. 

 

  Après 1945, des mines à charge nucléaire sont développées, en version navale et terrestre, comme la mine Britannique Blue Peacock ou la Medium Atomic Munition. Il était prévu d'en disposer en très grand nombre sur le continent européen dans le cadre de la préparation d'un affrontement entre l'OTAN et les pays du Pacte de Varsovie.

 

Jean-Marie GOENAGA, Mines, dans Dictionnaire d'art et d'histoire militaires, PUF, 1988.

 

Relu le 14 mai 2022

   

 

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