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1 août 2016 1 01 /08 /août /2016 09:33

     D'une pertinence stratégique en question, d'un coût bien supérieur à celui de tous les types d'aéronefs existants, non seulement en termes de matériels mais également en terme de formation de leurs servants, de mise en oeuvre et d'entretien, le porte-avion est toutefois toujours porteur à la fois d'une esthétique de la puissance - quand des porte-avions se déploient, c'est le signe marquant d'une montée en puissance, quel que soit la mer considérée - et... tout à fait matériellement, des vecteurs aériens nécessaires à des opérations orientées vers la terre plus ou moins proche, au moment où les bases en territoire allié (notamment au Moyen-Orient) font l'objet de dures négociations diplomatiques et financières. 

 

Le porte-avions, bâtiment majeur

    Le porte-avions a supplanté depuis la Deuxième Guerre mondiale le cuirassé en tant que navire constituant le bâtiment principal de la marine (capital ship) parmi les forces de combat de surface. En plus des porte-avions classiques, sont apparus les porte-aéronefs (hélicoptères ou avions de taille petite ou moyenne). Ils constituent de "véritables bases aériennes mobiles capables de défendre une zone comme d'exercer une menace allant jusqu'à frapper dans la profondeur des terres" comme l'écrit Franck MAIRE. "Les programmes ou projets qui fleurissent, poursuit-il, sur tous les océans du globe révèlent l'intérêt croissant porté à ces navires hors du commun, par les puissances qui ont des ambitions navales." Le porte-avions, in fine, est un instrument clé de la maitrise des airs. 

  Notre auteur, du pôle Etudes du CESM, indiquent deux événements récents caractéristiques dans l'histoire récente des "ponts-plats" : les premières sorties en mer du porte-avions chinois Liaoning qui marquent l'entrée de la Chine dans le club fermé des puissances navales dotées de porte-aéronefs, et le lancement de l'USS Gerald R Ford, "supercarrier" américain de nouvelle génération. Cette unité concrétise à lui seul l'évolution des armes majeures : c'est le plus important navire de combat jamais construit (100 000 tonnes) et le plus cher (14 milliards de dollars à ce jour). 

  L'arrivée d'aéronefs à décollage et appontage courts ou verticaux (Short Take-Off Vertical Landing ou STOVL) a engendré la construction et la mise en service d'un type hybride de bâtiments qui n'existait pas auparavant, les porte-aéronefs. C'est un élément de diversification de la flotte d'un Etat, très prisé des puissances moyennes qui ne peuvent se payer de mastodontes porte-avions modernes. 

Le porte-avions reste l'instrument de puissance ; peu de pays peuvent en assumer les frais : la Chine s'y lance, les États-Unis en possède dix à propulsion nucléaire, la France a le Charles de Gaulle et la Grande-Bretagne y fait un retour avec le Queen Elizabeth pour 2017, puis le Prince of Whales. La Russie s'appuie toujours sur son unique porte-avions, le Kuznetsov, dont la disponibilité et le niveau opérationnel restent incertains et l'Inde remplace ses deux plate-formes datant de 1957 (de facture britannique) avec l'INS Vikramaditya acheté à Moscou et son programme local pour fabriquer l'INS Vikrant (pour 2018). Le Brésil, avec des visées régionales, met toujours en oeuvre le vénérable Sao Paulo. 

 

Plus largement, le porte-aéronefs...

Le porte-aéronefs est préféré non seulement par les puissances moyennes, mais également par les autorités militaires maritimes des différents grands pays qui ne veulent pas dépendre seulement d'un ou de deux porte-avions. Conçu pour des missions multiples, il permet l'emploi d'hélicoptères de combat ou d'avions de taille moyenne à des fins de défense aérienne et de projection de puissance, sans avoir à recourir pour les mêmes missions au déploiement des lourds porte-avions. Suivent notamment ce chemin l'Espagne et l'Italie en Europe, la Thaïlande, l'Australie, le Japon...

  De nombreux analystes, rapporte toujours Franck MAIRE, américains en particulier, s'interrogent sur le bien-fondé du concept de porte-avion géant choisi pour l'USS Gerald Ford. Ils craignent que ce type de navire soit devenu caduc face à d'autres systèmes et d'autres stratégies.

Cela renvoie au grand débat outre-Atlantique sur la guerre moderne navale qui oppose deux stratégies. L'une de la supériorité navale de théâtre pour favoriser la projection de forces (Sea Control américain) et l'autre du déni d'accès/interdiction de zone que les Chinois voudraient appliquer dans les mers de Chine face aux groupes de porte-avions adverses. Comme d'habitude les tenants des deux stratégies et les entreprises d'armement qui les soutiennent (ou les suscitent...) poussent au développement d'armements différents, qualifiés de complémentaires, mais aux coûts qui ne cessent de grimper. Des missiles balistiques anti-navires de très longue portée de types très divers aux capacités de dominer les spectres électromagnétiques, optiques et acoustiques... Tout l'arsenal de guerre électronique est étudié avec attention, car un saut technologique dans ce domaine risque de rendre inopérants tous ces mastodontes militaires. Certains experts proposent que le format de l'US Navy de 2065 (date théorique du retrait du service du Gerald Ford) privilégie plus des porte-avions plus légers, plus nombreux et par conséquent plus présents dans les toutes les "zones chaudes". Et même de développer des "petits" porte-avions à propulsion conventionnelle (46 000 tonnes environ), employables de concert avec des sous-marins nucléaires pour la gestion "discrète" et "non diplomatiquement visible" de crises dans le monde entier. 

  L'aura du porte-avions géant semble encore fasciner les grandes puissances navales comme celles qui voudraient le devenir (Russie, Chine). Mais la tendance serait plutôt de favoriser des programmes moins coûteux - encore que les complexes militaro-industriels s'y opposent en définitive - avec des unités navales plus abondantes aux équipement plus diversifiés, vu notamment l'imprévisibilité de plus en plus grandes de l'évolution stratégique. 

Franck MAIRE illustre cela par les exemples différents du Royaume- Uni et de la France. "Leurs passés sont riches d'expérience opérationnelle dans la mise en oeuvre d'un GAN et leurs ambitions navales océaniques assez proches. La Marine nationale a privilégié l'option d'un porte-avions de taille moyenne (42 000 tonnes) à propulsion nucléaire, équipé de catapultes et accueillant 40 appareils. Depuis plus de dix ans, le Charles de Gaulle a accumulé une forte expérience opérationnelle et déploie un groupe homogène de Rafale (chasseurs, bombardiers, reconnaissance, ravitailleurs) et de Hawkeye. La Royal Navy a opté pour deux porte-avions conventionnels plus lourd (65 000 tonnes), dont le premier, le Queen Elisabeth, n'est pas gréé de catapultes. Ces unités avec tremplin mettront en oeuvre un groupe aérien de 40 aéronefs dont des STOVL F-35B et des hélicoptères d'alerte avancée Merlin. La problématique de la Marine nationale est la gestion d'une seule plate-forme qui nécessite - en raison de sa propulsion nucléaire - des arrêts techniques majeurs programmés qui excèdent un an. Or, les crises ne se programment pas. Les difficultés britanniques sont d'un autre ordre, Londres ne disposera que d'un nombre de F-35B réduit qui ne permettra même pas d'armer un groupe aérien complet pour les deux navires en même temps. La coopération trans-manche aurait pu être une solution mais, contrairement aux unités américaines, le Queen Elizabeth ne peut catapulter de Rafale ou accueillir d'Hawkeye... Dans le monde incertain qui est le nôtre, le poids du fait aérien est confirmé, mais la capacité à le mettre en oeuvre, quand et où le pouvoir politique le souhaite, prend de plus en plus d'importance. En conséquence, le concept actuel du porte-avions garde de beaux jours devant lui."

 

Franck MAIRE, Quel avenir pour les porte-avions?, Diplomatie Les grands dossiers n°33, Juin-juillet 2016.

 

ARMUS

 

Relu le 4 juillet 2022

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