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13 février 2017 1 13 /02 /février /2017 09:53

  Le pasteur baptiste afro-américain Martin Luther KING Jr, militant non-violent pour les droits civiques et contre la guerre du VietNam aux Etats-Unis consacre toute sa vie pour la paix et contre la pauvreté. S'il ne rédige pas beaucoup d'ouvrages à strictement parler, car entièrement pris par sa vie militante sur le terrain (et parce qu'il est assassiné avant d'avoir théorisé sa pensée...), il rédige de nombreux écrits et discours qui gardent encore aujourd'hui une grande influence dans le mouvement noir américain et même au-delà.

  Influencé par les oeuvres de Henry David THOREAU, HEGEL, TILLICH et GANDHI (qu'il rencontre plusieurs fois), il organise des actions telles que le boycott des bus de Montgomery pour défendre le droit de vote, la déségrégation et l'emploi des minorités ethniques, s'efforçant par là faire entrer dans les faits de nombreuses lois non appliquées (sur le plan électoral, sur le plan de la libre circulation des personnes, et sur le plan scolaire notamment), surtout dans les Etats du Sud. Il est très connu entre autres pour son discours du 28 août 1963 devant le Lincoln Mémorial à Washington durant la marche pour l'emploi et la liberté : "I have a dream" (Je fais un rêve). Dans le concret, il agit souvent de concert avec son mentor, le dirigeant des droits civiques, théologien et éducateur Howard THURMAN et le militant des droits civiques Bayard RUSTIN (qui eu comme professeur le Mahatma GANDHI).

 Outre ce discours célèbre, sa Lettre de la prison de Brimingham de 1963, ses livres Stride toward freedom : the Montgomery story (1958), The Measure of a Man, tentative de présentation d'une meilleure société aux Etats-Unis (1959), Strengh to Love (1963), Wy we can't Wait, de 1964 (La Révolution non violente, traduit en 1969), Where do we go from hère : Chaos or Community, de 1967 (Où allons-nous? traduit en 1968), The trumpet of conscience (1969), les divers recueils traduits diversement en plusieurs langues, dessinent une conception de la société et de la désobéissance civile à mettre en oeuvre pour y parvenir. Jusqu'à la fin de sa vie, il reste opposé à la radicalisation et à la violence prônée par le Black Power, dont les moyens sont souvent rapprochés de CHE GUEVARRA, "illusions romantiques" sans débouchés politiques réels. Egalité raciale, liberté et fierté, pacifisme, vie spirituelle contre confort matériel, Foi, amour et pouvoir partagé, usage de la science en complémentarité avec la religion et l'éthique dans le développement humain, sont les thèmes majeurs de son oeuvre et de son action. 

   Le choix de la non-violence dans ses activités s'est imposé par les faits, si l'on suit son cheminement. Alors qu'il entame l'action de 382 jours des bus de Montgomery en 1955, le boycott, l'information, la marche sont particulièrement approprié pour défendre le droit des Noirs à avoir le même système de transport que les Blancs. Dans la non-violence, il trouve une méthode d'action capable d'efficacité, en résonance avec son peuple et compatible avec ses aspirations morales et religieuses. "Le Christ, dit-il, donne son sens à notre action et Gandhi donne la méthode" (La force d'aimer). Vincent ROUSSEL rappelle que cependant il fait rarement référence à lui dans ses discours publics. "Il se réfère plutôt à de "grands" Américains comme Abraham Lincoln, mais surtout aux personnages de la Bible. La référence à Moïse qui a conduit son peuple hors d'Egypte, pour fuit l'esclavage, était capable de soulever l'enthousiasme des marcheurs de Montgomery. La pensée de Martin Luther King va se structurer dans le combat et sa foi se nourrir de l'action pour la justice sociale."

Dans Combat pour la liberté, pour caractériser sa non-violence dans cette période, nous pouvons lire une exposition en 6 aspects :

- La résistance non-violente n'est pas destinée aux peureux ; c'est une véritable résistance.

- La  non-violence ne cherche pas à vaincre ou humilier l'adversaire, mais à conquérir sa compréhension et son amitié.

- C'est une méthode qui s'attaque aux forces du mal, et non aux personnes qui se trouvent  être les instruments du mal.

- La résistance non-violente implique la volonté de savoir accepter la souffrance sans esprit de représailles, de savoir recevoir les coups sans les rendre. Le non-violent ne cherchera pas à éviter la prison.

- La non-violence refuse non seulement la violence extérieure, physique, mais aussi la violence intérieure.

- La résistance non-violente se fonde sur la conviction que la loi qui régit l'univers est une loi de justice.

   Si l'on suit David L LEWIS, Martin Luther King est l'une des figures les plus étudiées de l'histoire des Etats-Unis. "Comme pour Georges Washington, Thomas Jefferson et Abraham Lincoln, les évaluations de son action et de son héritage sont très contrastés et évoluent encore actuellement. L'extraordinaire influence de King n'a pratiquement pas diminué depuis sa mort. Sa vie, sa pensée et son caractère sont plus complexes que les biographes ne les ont initialement dépeints. Certains ont regretté que l'exaltation de son action ait en réalité rejeté dans l'ombre tous les efforts de la base du mouvement pour les droits civiques, qui ont joué un rôle essentiel dans le changement social. La présentation de King en sauveur, voire en messie, aurait découragé l'initiative et l'autonomie et incité beaucoup de Noirs à se cantonner dans l'attente de l'homme providentiel. D'après le théologien Michael Eric Dyson, cette "canonisation" de King aurait même dilué son message, adouci ses critiques et fait de lui un "bon nègre". Ces critiques indiquent clairement que l'héritage de King n'a pas fini d'être discuté.

Il reste que Martin Luther King fut une figure majeure durant l'une des périodes les plus troublées de l'histoire des Etats-Unis. Sa contribution au mouvement pour les droits civiques fut celle d'un chef capable de transformer une manifestation en croisade et les conflits sociaux en questions morales concernant toute une nation, voire le monde entier. Par la force de sa volonté et sa personnalité charismatique, il réveilla la conscience des Blancs américains et en utilisant un levier politique capable de faire pression sur le gouvernement fédéral inapte pour venir à bout des inégalités sociales et économiques continuant d'entretenir la discrimination raciale dans l'ensemble des Etats-Unis".

   Alain NISUS, pour conclure son étude sur la pensée de Martin Luther King conclu dans ces termes, qui indiquent que ses interpellations ont un écho plus large que sur la seule lutte des Noirs aux Etats-Unis. "En quoi le message de Martin Luther King nous interpelle-t-il aujourd'hui? Il y aurait de nombreuses pistes à arpenter. Nous nous en tiendrons à quelques-unes.

On pourrait commencer par poser la question du problème Noir en France. Y-a-t-il un problème Noir en France? On tend à éluder cette question. Mais on pourrait se demander si l'égalitarisme français n'est pas devenu le paravent de nouvelles discriminations. On ne peut certes pas comparer la France et les Etats-Unis. Mais les émeutes des banlieues de 2005 ont décillé les bonnes consciences en mettant en évidence le mal-être de certains jeunes Noirs de banlieue. Le message de King gagnerait à être connu dans les banlieues. La non-violence active, telle qu'incarnée par Martin luther King mériterait d'être enseignées dans les cours d'éducation civique. On pourrait plus largement faire une éducation à la non-violence active.

King interpelle aussi les chrétiens évangélistes à propos d'une des grandes difficultés qu'ils connaissent au moins depuis le début du XXème siècle : articuler orthodoxie doctrinale, spiritualité revitalise, prédication de la conversion et engagement social, souci de la justice sociale. Peut-être manque t-il dans le courant évangéliste une réflexion en profondeur sur une théologie de l'action. Dans un de ses discours datant de 1967, King affirmait : "L'heure n'est pas aux illusions romantiques ni à de creux débats philosophiques sur la liberté. Elle est à l'action. Ce qu'il nous faut, c'est une stratégie qui nous permette d'obtenir le changement, un programme tactique qui permette de ramener le Noir dans le courant principal de la vie américaine le plus vite possible." Il y a un temps pour débattre et pour réfléchir, mais il y aussi un temps pour agir. peut-être que l'on prolonge les débats parce qu'on a peur de passer à l'action.

King nous interpelle aussi sur la question de la "réussite" de l'Eglise. Quand l'Eglise est-elle fidèle à l'Évangile? Sait-elle discerner véritablement les signes des temps? Les évangélistes n'ont-ils pas trop tendance à jauger le succès d'une Eglise à l'aune de sa croissance numérique? Dans un de ses sermons, King constatait la croissance numérique de l'Eglise, mais il prévenait : "Il ne faudrait pas exagérer l'importance de cet accroissement numérique. Nous ne devons pas succomber à la tentation de confondre puissance spirituelle et importance numérique (...). Un accroissement en quantité ne donne pas automatiquement un accroissement en qualité. Une communauté plus nombreuse ne représente pas nécessairement un engagement accru envers le Christ. Presque toujours, c'est une minorité, créatrice et engagée, qui a rendu le monde meilleur." (La force d'aimer). Les évangélistes français, qui ont tellement envie de croître numériquement, ne devraient-ils pas être attentifs à ces avertissements?

King nous interpelle encore sur le rôle du prédicateur de l'Evangile et sur sa fonction prophétique. Quand on lit ses prédications, on est admiratif, car il s'agit de sermons qui nourrissent véritablement l'âme, tout en étant fortement ancrés dans la vie réelle. King aborde toujours d'une manière ou d'une autre, la réalité de la souffrance noire. Mais il avait véritablement une parole pour ses auditeurs. Une parole de foi, d'espérance, qui ouvre vers la réalité du Dieu d'amour qui est auprès de ceux qui ont le coeur brisé. Bref, King a toujours rêvé de cette communauté bien-aimée. Communauté prophétique. Communauté qui est engagée dans la suivante radicale de son maître. C'est probablement l'interpellation la plus forte que l'on doit garder de lui."

   Si l'on reproduit cette conclusion, c'est bien pour garder à l'esprit que l'influence la plus importante de KING s'exerce encore sur le monde chrétien, même si son message demeure beaucoup plus universel.

 

Martin Luther KING, La force d'aimer, Casterman, 1964, réédition aux éditions Empreintes temps présent, 2013 ; Combats pour la liberté, Payot, 1968 ; Révolution non violente, Payot, 1965 ; Où allons-nous? la dernière chance de la démocratie américaine, Payot, 1968 ; La seule révolution, Casterman, 1968 ; Je fais un rêve, Bayard, 2ème édition, 1998 ; Minuit, quelqu'un frappe à la porte, Bayard, 2000. Il existe également des recueils de texte, non traduits en français, The Papers of Martin Luther King édités par University of California (de 1992 à 2005). 

Alain NISUS, La pensée de Martin Luther KING, ThEv Volume 8.1 & 2, 2009. Gandhi et Martin Luther King, des combats non-violentes, Les éditions du Cerf, 1983. Vincent ROUSSEL, Martin luther King, combats pour la liberté, Alternatives non violentes, 119-120, Eté-automne 2001. David L LEWIS, King (Martin Luther), dans Encyclopédia Universalis, 2015.

 

 

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