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14 novembre 2017 2 14 /11 /novembre /2017 10:27

     La vie de Simon BOLIVAR se confond, pour l'essentiel, avec le combat qu'il mène pour l'émancipation des colonies américaines de l'Espagne. La séduction du personnage et l'éclat de son rôle historique expliquent la persistance, jusqu'è nos jours, d'un véritable mythe bolivien en Amérique du Sud. La Bolivie est nommée telle en référence à cet homme politique. De culture autoritaire, il ne faut pas donner à Simon BOLIVAR une dimension sociale qu'il n'a pas. Si l'on regarde la composition des armées, on serait même tenté de voir dans son entreprise la tentative de constitution d'un Empire sans préoccupations sociales. Il agit essentiellement en s'appuyant sur des vétérans des guerres napoléoniennes.

Durant ses brefs mandats politiques, il laisse des instructions de réforme des Universités, qu'il amorce sans pouvoir les poursuivre. Et aussi, c'est essentiel, des idées de Constitutions. Tenant d'un libéralisme face à l'économie dirigiste et monopolistique de la métropole espagnole, son combat politique peut être interprété comme un archétype de lutte contre toute influence étrangère, mais son anti-impérialisme se limite à une opposition contre l'Espagne, ce qui peut laisser à penser qu'il a un projet bel et bien impérial. Sur le plan des institutions, il préfère s'inspirer de la Constitution britannique...

     Né à Caracas d'une riche famille créole, il fait partie d'une aristocratie souvent cultivée, sensible aux idées nouvelles venues de France, d'Angleterre et des Etats-Unis, qui supporte mal le despotisme, synonyme d'impôts et de commerce hors de leur maitrise, même éclairé, de l'administration espagnole et prétend jouer un rôle plus important dans la gestion des affaires. 

    Heureux en stratégie militaire, il l'est moins dans ses efforts pour organiser politiquement l'Amérique libérée. Alors qu'en 1825, il est président des trois républiques de Grande-Colombie, du Pérou et de Bolivie (nom nouveau du haut-Pérou), il n'a que son prestige personnel comme atout. La dispersion et l'hétérogénéité sociale des pays libérés, la difficulté d'imposer une conception politique d'une république césarienne (Constitution bolivienne de 1826) celle de confédérer durablement les trois Etats, ont raison de ce grand projet. Grand projet d'une alliance continentale qui échoue dès le Congrès de Panama (1826). La dictature conservatrice qu'il veut imposer rencontre trop d'oppositions et il ne réussit même pas à empêcher la désintégration de la Grande-Colombie en trois républiques souveraines en 1829-1830), Venezuela, Équateur et Colombie. (Jean-Pierre BERTHE)

 

   Homme politique de tout premier plan, Simon BOLIVAR est aussi un stratège militaire particulièrement doué. Envoyé par sa famille en Europe à l'âge de seize ans, il voyage, lit beaucoup  MONTESQUIEU, LOCKE, VOLTAIRE et ROUSSEAU, rencontre un certain nombre de personnalités politiques et intellectuelles, et se passionne pour la figure de NAPOLÉON, dont il admire le génie guerrier et l'autoritarisme. C'est d'ailleurs par l'effet des campagnes napoléoniennes (en Espagne) que le mouvement d'indépendance en Amérique Latine prend naissance. Avec MIRANDA, BOLIVAR déclare l'indépendance du Vénézuela le 5 juillet 1811 et, après l'emprisonnement de son compagnon en Espace, prend la tête des opérations militaires. Il se rend à Carthage des Indes, en nouvelle-Grenade (Colombie), où il écrit son célèbre Manifeste de Carthage. Après six batailles d'une violence extrême, BOLIVAR prend le contrôle du Venezuela et pénètre victorieux dans Caracas LE 6 Août 1813. Ce triomphe est de courte durée. Les espagnols s'organisent et rassemblent leur armée de llaneros (Indiens des plaines), dont les troupes d'anciens vachers reconvertis en cavaliers sont redoutables. Emmenés par BOVES, ils reprennent Caracas tandis que BOLIVAR fuit en exil où il rédige la Lettre de la Jamaïque (6 septembre 1815), dans laquelle il dévoile sa vision grandiose de l'avenir de l'Amérique latine.

Avec l'appui de Haïti, BOLIVAR réorganise son armée. En 1819, après plusieurs tentatives avortées, il prépare un plan, très audacieux, d'invasion de la Nouvelle-Grenade. Fort de 2 500 hommes, dont de nombreux vétérans anglais et irlandais des guerres napoléoniennes, en pleine saison des pluies, ses troupes avancent péniblement sur un terrain difficile avant de traverser les Andes en un passage jugé infranchissable. Les pertes sont importantes mais l'effet de surprise l'est encore plus : BOLIVAR affronte son adversaire, le général espagnol BARREIRO, sur son flanc gauche, avant de lancer un offensive frontale. C'est le choc de la bataille de Boyaca, le 7 août, dont BOLIVAR sort vainqueur. Trois jours plus tard, il pénètre dans Bogota. Il reprend ensuite le Venezuela, puis, avec SUCRE, l'Equateur et le Pérou à la bataille d'Ayacucho (1824). En avril 1825, les derniers opposants au mouvement d'indépendance sont défaits par SUCRE dans le nord du Pérou. L'Amérique espagnole est libérée, mais m'union des Etats souverains qui avaient constitué, grâce à BOLIVAR, la Grande Colombie est minée par les dissensions. BOLIVAR n'est bientôt plus que le président de la seule Colombie (1828). Deux années plus tar, il démissionne et choisit l'exil (1830). (BLIN et CHALIAND)

   Plus que pour d'autres auteurs stratèges, ce rappel est rendu obligatoire par le peu de connaissances de faits peu connus dans le monde francophone, mais archi-connus dans la sphère linguistique espagnole ou portugaise. On a peine à imaginer l'ambiance intellectuelle en Amérique Latine devant l'effervescence européenne qui met à bas l'Espagne. Les parallèles ne manquent pas dans la marche vers l'Indépendance entre l'indépendance des Etats-Unis envers l'Angleterre et l'indépendance de l'Amérique Latine, pensée aussi sur le modèle de la grande puissance du Nord, envers l'Espagne et plus loin envers le Portugal.

   Militairement, les guerres menées par BOLIVAR n'impliquent pas d'effectifs élevés et l'armée expéditionnaire espagnole ne dépasse jamais le dixième des armées royalistes. BOLIVAR, bien que "chanceux" sur le terrain, n'est pas un militaire professionnel, au sens où on l'entend aujourd'hui, et encore moins un expert de la stratégie. Sa formation militaire est basique et son instruction théorique ne va pas plus loin qu'au-delà des bases de la discipline et de la hiérarchie. Il possède néanmoins plus de connaissances de stratégie militaire que sa formation ne lui apporte. Il emploi les fondamentaux de Planification et Stratégie pour élaborer ses opérations et, à l'occasion d'actions particulières, il démontre ses connaissances des classiques de l'art de la guerre, appliquant des tactiques telles l'ordre oblique de FRÉDÉRIC II de Prusse. Il s'inspire également des formations romaines décrites par TITE LIVE, et met en pratique certains principes militaires de MACHIAVEL. BOLIVAR est constamment conscient de l'économie des forces ainsi que de la nécessité d'analyse du terrain et de l'adversaire et considère la logistique comme fondamental. Dans la littérature militaire, il est avéré que BOLIVAR a lu les histoires de POLYBE, de La Guerre des Gaules de CÉSAR. Suffisamment d'indices laissent à penser de plus qu'il s'est beaucoup inspiré des textes de MAURICE DE SAXE et du COMTE DE GUIBERT. Cependant, il apparait qu'il ne prit connaissance des oeuvres de MONTECULLI qu'en 1824, et des études à propos des stratégies de NAPOLÉON qu'après ses campagnes militaires. 

Simon BOLIVAR, Pages choisies, Paris, 1966 ; La lettre de la Jamaïque est disponible sur wikipedia en espagnol (wikisource). 

J.L. Salcedo BASTARDO, Vision y Revision de Bolivar, Caracas, 1957. G. SAURAT, Simon Bolivar, le libertador, nouvelles éditions Grasset, 1990. Salvador DE MADARIAGA, Bolivar, Mexico, 1951 ; Bolivar, Coral Gables, 1967. V. A. BELAUNDE, Bolivar and the Political Thought of the Spanish American Revolution, Baltimore, 1938. John LYNCH, Simon Bolivar : A life, New Haven, 2006. Pierre VAYSSIÈRE, Simon Bolivar : le rêve américain, Biographie Payot, 2008. Clément THIBAUD, Républiques en armes, Les armées de Bolivar dans les guerres d'indépendance du Venezuela et de la Colombie, Presses Universitaires de Rennes, 2006. Cahier Bolivar, sous la direction de Laurence TACOU, L'Herne, 1986.

Jean-Pierre BERTHE, Simon Bolivar, dans Encyclopedia Universalis, 2014. Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016. 

 

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