Herbert RICHMOND, officier de Marine royale de 1885 à 1931, décrit parfois comme le plus brillant officier de sa génération, est également un historien et un stratégiste naval, reconnu comme le MAHAN britannique. Brillant intellectuel, il n'hésite pas à prendre le contrepied de sa hiérarchie, menant une révolution intellectuel à la royal Navy, qui lui vaut tôt une retraite comme cadre d'active. C'est sans doute rendre un grand service à ses idées, car loin d'être un exil doré comme le conçoivent beaucoup le cantonnement à des tâches d'enseignement, cela lui permet de multiplier les interventions hors et en direction de publics variés.
Il est reconnu en fait comme un stratégiste qui ajoute bien des éléments aux réflexions de MAHAN, notamment en 1992 lorsque le Naval War College de Newport (Rhode Island), réunit des experts du monde entier pour examiner ses oeuvres .
Une carrière soutenue dans l'enseignement militaire grâce à des amitiés et de solides convictions
Herbert RICHMOND, officier et intellectuel autodidacte a bien connu CORBETT, lequel l'a encouragé, en 1907, alors qu'il est seulement capitaine de vaisseau, à commencer son ouvrage fondamental d'histoire maritime, The Navy in the War of 1739-1748. La publication est retardée jusqu'en 1923 à cause de la guerre, mais entre-temps, en 1912, RICHMOND apporte sa contribution à la création de la revue Naval Review, publication de diffusion restreinte et moyen de promotion de la réflexion parmi les officiers. Malgré ses heurts avec les autorités militaires, cette revue a prospéré et continue encore.
Quand éclate la Première Guerre Mondiale, il est adjoint au directeur des opérations navales au War Staff pour la création du quel il fut très enthousiaste. Malheureusement, il lui est impossible de travailler avec les deux grandes figures qu'étaient alors FISHER et CHURCHILL, et il quitte l'Amirauté sur sa demande. La réputation de RICHMOND, le "jeune Turc" au franc-parler, le provocateur, le tient à l'écart de la politique navale globale pour le restant de la guerre.
En tant que commandant d'un cuirassé de la Grand Fleet, il peut cependant avoir quelque influence sur la pensée de l'amiral BEARRY et sur son état-major après que ce dernier succède à JELLICOE à la fin de 1916. RICHMOND a alors quelques idées intéressantes sur une politique un peu plus offensive en Méditerranée capable de dissuader les sous-marins allemands d'attaquer les navires de commerce ; il est aussi partisan de l'utilisation de la flotte aérienne pour attaquer la flotte allemande dans ses bases. Cependant, étant un ami de CORBETT, il n'est pas favorable à une action qui ferait courir des risques à la flotte elle-même.
Les bonnes relations qu'il entretient avec BEATTY permettent à RICHMOND de diriger le Naval ,War College au moment où il se reconstitue à Greenwich en 1920 ; il devient alors contre-amiral. Il commande la station des Indes orientales de 1923 à 1929 et, par la suite, il est le premier commandant de l'Imperial Defence College (aujourd'hui le Royal College of Defence Studies). Il voit parfaitement que l'intérêt de la Grande Bretagne appauvrie se porte sur les navires de ligne de moindre tonnage et RICHMOND va jusqu'au bout dans ses idées. Dès 1921, pendant la Conférence de Washington, sous l'anonymat, dans le Times, il remet en question le besoin des grands tonnages et les navires de ligne de 35 000 tonnes. En novembre 1929, il demande l'abandon des navires de ligne existants et leur remplacement par des croiseurs de 10 000 tonnes. Ses idées ne heurtent pas seulement une partie de l'état-major britannique ou même américain, elles gênent considérablement les plans des industriels rattachés aux chantiers navals et RICHMOND reçoit un blâme officiel. Après cela, on se doute qu'il quitterait le service, et lorsqu'il est amiral, il prend sa retraite et se met à écrire et faire des conférences. Il est nommé à la chaire d'histoire navale et impériale à Cambridge en 1934. Deux ans plus tard, il devient principal du Downing College de Cambridge et le reste jusqu'à sa mort.
Après avoir quitté le service, RICHMOND écrit des livres, des articles et des textes de conférence sur l'histoire maritime et la politique navale contemporaine. Dans tous ses écrits, il se situe dans le sillage des COLOMB et des CORBETT, insistant sur la suprématie des communications maritimes, élément crucial à la fois pour la compréhension de la stratégie et pour la sécurité de lEmpire britannique. Il souligne avec force l'importance des leçons d'histoire, convenablement et scientifiquement dispensés, pour comprendre les forces dynamiques de la stratégie maritime. RICHMOND reconnait l'importance des navires de ligne (quel qu'en soit le tonnage) pour la maîtrise des mers, mais il est d'accord avec CORBETT "dans son refus de penser que la grande bataille qui amenait la décision était le but de toute guerre navale".
Herbert RICHMOND souligne l'importance des opérations combinées et les facteurs de succès comme une planification sérieuse, une bonne liaison entre le commandement à la mer et le commandement à terre, éviter les défenses fixes, la nécessité de s'emparer de la maîtrise de la mer en contenant au moins les forces navales adverses partout ailleurs. Dans le contexte des leçons de la Première Guerre Mondiale, il est naturel de souligner plus particulièrement la défense du commerce maritime, le blocus et les droits des belligérants ; il attire l'attention sur l'importance des bases navales. Les écrits de RICHMOND reflètent les problèmes d'une marine face à un monde où les contraintes de la stratégie maritime devenaient de plus en plus nombreuses et diversifiées, mais où les ressources économiques de la puissance britannique n'étaient clairement plus en mesure de défense la sécurité de l'Empire. (Eric GROVE)
Herbert RICHMOND, Tne Navy in the War of 1739-1749, Cambridge University Press, 1920, en deux volumes consultables sur le site archive.org ; Sea Power in the Modern World, 1934. Voir dreadnought Project.org.
Arthur MARDER, Portrait of an Admiral, Londres, 1952. D. M. SCHURMAN, the Education of a Navy : The deveelopment of British Naval Strategic Thoughts, 1867-1914, Chicago, 1965.
Eric GROVE, Herbert Richmond, dans Dictionnaire de la stratégie, Sous la direction de Arnaud BLIN et de Gérard CHALIAND, tempus, 2016.