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3 janvier 2018 3 03 /01 /janvier /2018 14:56

    Habituée de ouvrages sur l'emprise du libéralisme économique et sur les résistances qui s'y opposent, la diplômée de Science Po, journaliste et essayiste Elisabeth WEISSMAN aborde là la désobéissance éthique, forme de désobéissance civile, qui, au nom de l'éthique des services publics, s'oppose aux diverses atteintes à ceux-ci, à commencer par l'éducation, surgie vers 2008. 

Dans un style journalistique, avec des sous-titres empruntés à la présentation favorite des problèmes de société d'une maison d'édition aujourd'hui disparue (Alain Moreau), elle se livre à une enquête sur la résistance dans les services publics. A commencer par celle des instituteurs, aux directives du ministre de l'éducation de Nicolas SARKOZY, amorcée par Alain REFALO, militant non-violent bien connu, dont le statut de fonctionnaire n'a pas éteint la verve contestatrice.

Stéphane HESSEL, qui préface l'ouvrage, le présente comme "une caisse de résonance pour tous ceux qui d'une manière ou d'une autre résistent à la destruction du socle social de la République, à l'écrasement de ces valeurs fondamentales que nous avons essayé de faire pénétrer à travers le programme du Conseil national de la Résistance et que, avec Raymond Aubrac, et d'autres, nous avons rappelés il y a maintenant six ans (à l'occasion de la commémoration du 60ème anniversaire du programme du CNR).  Au delà d'aspects techniques qui sont souvent le déclencheur de ces nouveaux mouvements dont se réclament les désobéisseurs, dans l'éducation nationale, dans la poste ou dans l'agriculture, il est bon de rappeler l'incompatibilité du système social français vis-à-vis du libéralisme social. Et d'indiquer dans la foulée les moyens de s'y opposer. "Résister est donc aujourd'hui une ardente obligation et je le dis en particulier à ceux qui commencent leur vie de jeunes avec des défis qui ne peuvent être abordés utilement qu'en restant fermement attachés aux valeurs fondamentales, nos valeurs de français républicains et progressistes."

     A des syndicats professionnels parfois surpris, il est bon de bien montrer pourquoi des solutions techniques (qui sont présentées sous des jours avantageux et de responsabilité collective) apportées par les ministères aux effets de leurs propres politiques de démantèlement du service public, à savoir des réductions drastiques des effectifs et des moyens matériels, ne sont que des cautères sur jambes de bois qui ne font que déplacer les problèmes, que ce soit en matière d'éducation, de transports, de police et de gendarmerie, ou des services de pompiers.

     Parce que les oppositions professionnelles officielles s'avèrent impuissantes, des individus s'élèvent un peu partout, "désobéissent". Sans expérience officielle, sans rang élevé dans la hiérarchie, au nom de leur devoir de citoyen, ils entendent, dans l'Education nationale, l'Université, le secteur hospitalier, l'aide à l'enfance, la justice, la police, la protection judiciaire de la jeunesse, EDF, La Poste, ONF, Pôle emploi, musées, services de statistiques, météorologie, archéologie préventive, services vétérinaires, sapeurs-pompiers, empêcher que s'installe en France, mais aussi en Europe, un système social à l'anglo-saxonne. Même si la grande presse se soucie finalement peu d'eux, sauf lors de leur procès intenté par l'Administration, après une période où la "nouveauté" du mouvement font quelques grands titres, ils continuent d'oeuvrer dans de nombreux secteurs, relayés parfois (très peu) par des organisations syndicales en recherche d'autres moyens d'action. 

    Les chapitres de son livre sont autant de déclinaisons de ce mouvement de "désobéisseurs" dans plusieurs secteurs de la fonction publique. Mais sans doute l'auteure va vite en besogne en décrivant un avant 2008 et un après concernant les acteurs de la désobéissance civile. Auparavant, écrit-elle," les acteurs de la désobéissance civile s'appellent tous des "désobéissants". C'est avec le mouvement des enseignants qu'apparaît le terme de "désobéisseurs". Désobéissants, les militants de l'association Droit Au Logement qui investissent et occupent illégalement les appartements vides pour y reloger des familles à la rue, ou ceux du Jeudi noir, comme est noir chaque jeudi, jour de chasse aux logements.(...). pour faire simple, on dira que la différence entre désobéissants et désobéisses tient aujoud'hui essentiellement à la nature, à la forme et au lieu de la désobéissance, même si tous indistinctement se réclament de la philosophie de la désobéissance civile. Et tous indifféremment se retrouvent sous le concept de "désobéissance éthique". Il est vrai que la caractéristique des "désobéisseurs" est de faire partie eux-mêmes des organes de la fonction publique dont ils contestent les nouvelles orientations. Alors que les mouvements de désobéissance civile massif dans l'Histoire rassemblait bien plus contre un fait majeur qui frappe toute la société, que ce soit une occupation étrangère ou un putsch militaire. En tout cas, l'auteure ne cesse de développer la philosophie globale de cette désobéissance civile et la relation de l'activité de ces "désobéissants" ou "désobéisseurs". Qu'importe. 

   Voici donc un livre comme on aimerait les voir plus nombreux et plus connus, qui rend compte d'actions de premier plan en ce qui concerne la démocratie. On trouvera en annexe la lettre fondatrice d'Alain REFALO du 6 novembre 2008 ainsi que plusieurs textes concernant la désobéissance éthique comme celui des enseignants en désobéissance pédagogique qui s'adressent aux syndicats, et d'autres textes encore qui dépassent le cadre français, comme la Déclaration concernant les buts et objectifs de l'Organisation Internationale du Travail. On relira de manière instructive le Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944.

 

Elisabeth WEISSMAN, La désobéissance éthique, Editions Stock, 2010, 360 pages

 

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