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2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 07:20

   George BECKWITH, homme d'Eglise et pacifiste américain, est pendant 33 ans secrétaire de l'American Peace Society. Rédacteur du magazine The Advocate of Peace, il lutte en faveur de congrès pour la paix et de tribunaux internationaux des conflits. 

   Il publie en 1845 un Livre de la Paix (The Book of Peace), livre référence au XIXe siècle aux Etats-Unis, qui rassemble plus de soixante essais sur la guerre et la paix. Il s'agit de textes écrits par lui-même ou par d'autres auteurs pacifistes (Jonathan DYMOND, William CHANNING...). Sont abordés beaucoup de sujets, philosophiques, moraux, juridiques et politiques. 

Disponible gratuitement sur mises.org, mais non traduit en Français.

   Longtemps, il conserve l'illusion que l'on peut réaliser une séparation non-violente entre le Nord et le Sud des Etats-Unis, étape importante dans l'établissement d'une paix perpétuelle dans l'histoire universelle.

   Pour donner une idée du contenu du The book of peace : a collection of essays on war and peace, ce livre de référence de 606 pages et aux 64 textes différents, on peut extraire ces traductions (approximatives) du premier texte : The cause of peace (la cause de la paix).

"La cause de la paix est aussi vieille que le christianisme. Des textes des Anciens Prophètes de l'Ancien Testament au Sermon sur la Montagne, avec les écrits abondamment éparpillés dans le Nouveau Testament, les premiers chrétiens ne mettaient pas strictement en pratique. Peu d'entre eux acceptaient de porter les armes, sur la supposition de l'incompatibilité (inconsistant) entre leur profession et leur foi. Mais l'Eglise, avant même que son union avec l'Etat en vertu de l'édit de Constantin au IVe siècle, a malheureusement dégénéré dans la pratique des armes, comme à d'autres égards ; et depuis cette époque, elle a prêté son appui à la coutume de la guerre, avec peu de réflexion sur l'incompatibilité avec sa religion de paix. Erasmus a écrit au nom de cette cause (de la paix) avec une éloquence digne du premier chercheur de la Chrétienté ; et, bien que sa voix était peu entendue par les chrétiens de cet âge, il a semé à travers les siècles et la récolte de ses efforts a commencé en ce siècle. Le premier appel efficace a été fait dans une brochure publiée en décembre 1814 ; et la première société de la paix de l'époque moderne a été organisée dans la ville de New York, au cours de l'été 1815, et suivie, en huit et dix mois, par une autre dans le Massachusetts, et une autre dans l'Ohio, et une autre encore plus importante à Londres., toutes sans aucune connaissance l'une de l'autre, preuve frappante que Dieu lui-même avait préparé le chemin. des sociétés similaires ont depuis été multipliées en Angleterre et en Amérique. Des efforts similaires ont été faits dans une certaine mesure en France, en Suisse, et d'autres parties de la Chrientienté, et leur influence a atteint les extrémités du monde civilisé, et fait sentir dans une certaine mesure aux nations de s'ouvrir à la lumière de l'Evangile. 

L'American Peace Society, organisée en 1828 en tant que lien d'union entre tous les amis de la paix dans notre pays, et de coopération, sans égard à une secte ou à un parti, entre toutes les confessions religieuses dans le pays. Et les chaires de presque toutes les sectes ont effectivement été occupées plus ou moins par ses agents, en plaidant les revendications de cette grande entreprise évangélique.

I. La quantité d'actions déjà entreprises - le succès de cette cause a été bien au-delà des moyens utilisés, comparativement plus important que dans n'importe quelle famille de l'entreprise. Peu sont pleinement conscient de ce qui a déjà été acquis. En un peu plus de vingt ans qui ont précédé notre effort, les guerres de la Chrétienté sont sensées avoir causé plus de 30 milliards de dollars de perte, et pas moins de neuf de ces guerres ont provoqué le sacrifice de millions de vies. Mais la paix a été préservée depuis 1815 par les divers organismes et influences pour la cause de la paix. Les sentiments du monde civilisé sur ce sujet sont très différents maintenant de ce qu'elles étaient il y a 50 ans ; et les difficultés, qui ont impliqué les nations en conflit, ont fréquemment été réglées avec le souci d'épargner le sang. (...) Le recours aux menaces et les recours à l'épée dans une variété de cas, ont diminués dans la Chrétienté. Laissez ce processus se poursuivre encore 50 ans, et il sera presque impossible d'impliquer les nations civilisées dans la guerre.

II. L'unique objet de la cause de la paix.  Toutes les relations sociales de l'humanité peuvent être réduites à trois classes : - la relation d'un individu à l'autre, - la relations des individus à la société, des citoyens au gouvernement et - les rapports d'un gouvernement à l'autre. Cette réduction (...) constitue le fondement même de l'unité d'action entre les amis de la tempérance. Les principes de la réforme sont applicables à toutes les sortes de boissons et de nourritures, mais dans la cause de la tempérance, (les boissons) sont limitée à l'usage des boissons enivrantes ou intoxicantes. Les amis de la réforme peuvent, chacun pour soi, étendre ces principes comme il leur plaisent, mais la cause elle-même n'a pas à se mêler du thé ou du café, du tabac, de l'opium ou des aliments pour animaux. (...) Ils se limitent au problème de fraude et la cause se limite à l'usage des boissons source d'intoxication." 

Parce qu'une grande partie de l'activité des organisations religieuses à cette époque est de lutter contre l'alcoolisme et toutes formes de "débauches", notamment sexuelles, et considèrent l'intempérance comme cause de violences, les auteurs du texte entendent restreindre l'activité pour la cause de la paix, à la lutte contre la guerre et ce qui la favorise, dans une cible restreinte. Les conflits entre familles, les questions de légitime défense entre individus, les conflits entre citoyens et gouvernements peuvent légitimement être la préoccupation des individus membres des associations de paix, mais en tant que telle ces associations doivent se préoccuper (uniquement) de la guerre, et de la guerre entre nations, entres États. La guerre y est strictement définie comme conflit armé inter-étatique, même si ces termes ne figurent pas dans le texte. Les associations de paix ont pour seul but d'abolir les guerres internationales, et ,même, si l'on entend bien les auteurs qui s'expriment dans ce Livre de la paix, les guerres entre Etats chrétiens. C'est pourquoi toutes les attaques (contre elles) concernant les exactions commises contre les Indiens sont exclues d'entrée de jeu et il faut beaucoup de combats à l'intérieur de ces organisations pour placer les causes de l'abolition de la guerre et de l'abolition de l'esclavage au même niveau. 

III. Principes communs ou base de l'Union parmi les Amis de la paix. L'identité de vues entre les membres de l'association pour la cause de la paix, qui existe sur la guerre, n'a pas à exister sur la cause de la tempérance ou de l'esclavage. ou de toute entreprise de bienveillance et de réforme. Il y a dans cette similitude de vues sur la cause de la paix une plate-forme suffisamment large de principes, qui permet d'agir et de travailler ensemble en harmonie constante :

1. La guerre est le pire des fléaux, parmi une masse de maux. Elle est extrêmement pernicieuse pour toutes les activités humaines, matérielles et spirituelles ;

2. la guerre est moralement répréhensible dans son origine, dans ses principes, dans ses motivations, dans ses moyens et tous ses résultats. C'est un crime contre Dieu, et le premier péché de tous les âges et de tous les temps. Nous considérons la guerre comme un tissu de folie, de culpabilité et de malice.

3. la guerre est impossible sans criminalité et elles se nourrissent l'une de l'autre. Dans chaque guerre, chaque camp est régi par les mêmes sentiments et effectue les mêmes actes.

4. Nous sommes d'accord pour condamner moralement la guerre, toutes les guerres, qui se caractérisent par l'orgueil, la jalousie, l'avarice, l'ambition, la vengeance, qu'elle soit préventive ou de dernier recours.

5. Même les guerres dites défensives sont contraires à l'Evangile, car bien des moyens existent pour éviter le recours à l'épée, notamment dans le cadre d'une Union entre les pays.

6. Si cette Union doit par principe réglementer leurs relations, nous n'avons qu'à vérifier et appliquer les principes. ------

7. Un telle application de l'Evangile aux rapports entre nations constitue la somme de tous les moyens employés dans la cause de la paix.

8. Nous croyons que l'abolition totale de la guerre est possible entre les nations chrétiennes, mais nous pensons aussi que des moyens spécifiques sont indispensables pour cette fin, et leur utilisation appartient à tous.

Les citoyens de la Chrétienté considèrent (c'est beaucoup répété dans le texte) que peu d'Amis de la paix peuvent défendre les guerres défensives et qu'il s'agit de combattre la guerre entre États, excluant toute action en ce qui concerne les opérations de maintien de l'ordre. Cette dernière disposition fera toutefois débat plus tard en ce qui concerne la guerre de Sécession...

IV. Sphere et moyens d'action. "La Chrétienté est notre seul champ (décidément!). Nos efforts sont limités aux pays chrétiens avec la lumière de la Révélation, et nos espoirs seront complètement réalisés lorsque les guerres cesseront partout où le christianisme l'emporte."

Ce qui sous-tend cette volonté, c'est qu'en même temps, les efforts d'évangélisation ne cessent pas à l'extérieur des frontières de la Chrétienté. Le cas des Indiens christianisés opprimés constituent d'ailleurs un débat annexe important. 

"Tous nos moyens pour l'accomplissement de cet objectif sont inclus dans une bonne application de l'Évangile, de bout en bout, de la correction des points de vue des Chrétiens à l'introduction des mécanismes d'ajustement pacifique des différends internationaux. L'opinion publique est un instrument, le plus important que toutes les baïonnettes : il n'est pas plus grand instrument pour contrôler les actions des gouvernements dans les Caraïbes (par exemple). Différérents moyens sont à utiliser :

1. La responsabilité des ministres (des gouvernements) est insuffisante pour la prévention de la guerre. Mais on doit encourager, sous la pression de l'opinion publique, l'enquête sur les différends. 

2. La presse est un moteur de grande puissance morale, et à travers tracts, brochures, livres, il faut réveiller l'écoute de toutes les communautés.

3. Les Églises doivent se mobiliser et elles ont une responsabilité première dans l'application de la loi de Dieu lui-même dans la propagation de la paix universelle. Elles doivent valoriser le fait que leur religion et la guerre sont incompatibles, notamment dans la prière.

4. Les parents, enseignants dans les écoles du Sabbat, et instructeurs dans tous les séminaires chrétiens de l'apprentissage sont appelés à contribuer pour former une génération d'artisans de paix dans le monde.

5. Il faut s'appuyer sur les femmes, qui moulent le caractère du jeune et qui qui doivent intégrer les principes de la paix dans tous les esprits sous leur garde. Les guerres devraient alors cesser avec la génération suivante.

6. La formation de sociétés de paix n'est pas obligatoire mais, partout où c'est nécessaire, nous encourageons une simple organisation. Nous insistons sur la nécessité de moyens : argent et surtout entreprises leader de bienveillance chrétienne (référence là du grand mouvement de bénévolat) (Beaucoup d'évaluations chiffrées sont produites...)"

  Ensuite, dans le texte sont cités, même si la foi dans la possibilité d'abolir la guerre, vu la grande variété des moyens pour obtenir son extinction et les exemples historiques (chevalerie et combat judiciaire, par exemple), plusieurs types de ce que l'auteur appelle des succédanés de la guerre, car on ne doit pas lasser les nations sans moyens de protection et de réparation :

1. Négociations, avec l'appui d'une Union, pour régler tous les différends par accord amiable ;

2. Arbitrage, lorsque les parties sont trop excitées, avec choix mutuel d'un juge-arbitre. Leur utilisation opportune pourrait éviter 9 guerres sur 10.

3. Médiation, lorsque les parties ne peuvent plus se maitriser. Un troisième bloc, sympathique, aux deux parties à la fois, peut donner des moyens de régler le conflit, ce qui permettrait d'éviter 49 guerres sur 50. La Chrétienté pourrait intervenir rapidement afin d'adopter ces suppléants, avec l'appui du peuple.

4. Mais la perfection serait un Congrès des Nations Unies, sous forme d'un tribunal." L'exemple de la Confédération grecque est détaillé.

Le texte se termine sous forme d'exhortations à toutes les congrégations et à tous les Chrétiens d'oeuvrer en faveur de la paix. Nombre de textes de cette époque mélange l'exposition rationnelle de moyens pour y parvenir et la forme du sermon.

Nous avons employé des termes pour cette traduction qui ne figurent pas dans le texte, qui, tel quel, est difficilement traduisible en termes modernes, comme responsabilité et conflit, même si nous ne trahissons par là nullement l'intention de l'auteur. C'est le premier des textes de ce Livre, beaucoup d'entre eux abordant un aspect très précis. Le Livre dans son ensemble attend, à notre sens, une bonne traduction des 64 contributions, qui constituent pour longtemps, un condensé de ce qu'il y a de meilleur en propositions pour abolir la guerre. Nonobstant un enthousiasme et une foi optimiste qui ne sont pas vérifiés par la suite dans l'Histoire, ils constituent un bon témoignage de l'état de la réflexion du mouvement de paix américain jusqu'au début de la Première Guerre mondiale. Ces textes renferment tous les débats et toutes les contradictions qui font éclater une bonne partie de celui-ci durant la Guerre de Sécession. 

George C. BECKWITH, The Peace Manual : Or War and Its Remedies, Kessinger Publishing, LCC, septembre 2007.

Domenico LOSURDO, La non-violence, une histoire démystifiée, éditions delga, 2015.

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