Jules Ange Michel BLANC, est un journaliste, militant syndicaliste, pacifiste et membre du parti communiste français. Il travaille inlassablement en faveur de la paix et de la justice sociale, dès son plus jeune âge. Il fait partie de ces hommes de gauche qui se situe en avant-garde du mouvement ouvrier, ne mettant aucune barrière entre son engagement en faveur de la paix et en faveur du socialisme. Secondairement sans doute, mais cela mérite d'être souligné, il ne fait pas de séparation entre le pacifisme et la non-violence, comme en témoigne plusieurs de ses textes.
S'étant engagé dans la marine nationale en 1899 à Toulon, il connait bien et la mentalité militaire et l'armée. Délégué au congrès socialiste en 1908, il s'affirme dans la Drôme dès 1910 comme l'un des propagandistes les plus populaires de la Fédération socialiste. Il est d'ailleurs désigné pour porter les couleurs de la SFIO aux élections cantonales dans ce département en 1913.
Réformé en 1915, il est à Valence à la Bourse du travail, où se constitue un noyau zimmerwaldien, auquel il se rallie après KIENTHAL. Le courant minoritaire dans les syndicats dont lequel il se trouve, qui finit par l'emporter en 1917 dans la Fédération de la Drôme, le porte comme candidat en 1918 comme délégué au Conseil National du Parti Socialiste. Il y est signataire d'une motion de soutien sans réserve à la République des Soviets. Son ascension politique l'amène en 1920 au Congrès National de Strasbourg de la SFIO, où il milite pour l'adhésion à la Troisième Internationale. Il est engagé dans la lutte entre tenants d'une séparation ou d'une union entre syndicalisme et parti politique, et se retrouve au Congrès de Marseille du Parti Communiste, élu au comité directeur pour représenter la province. En désaccord avec la ligne du parti, condamnant les luttes intestines au Congrès de 1922, il quitte ses fonctions du secrétariat et le Parti l'année suivante.
Il se livre alors à une intense activité d'écrivains et publie entre autres De Platon à Karl Marx, admis à la Société des gens de lettres.
Dans l'Anthologie des écrivains pacifistes, publiée en 1937 sous la direction de Jean SOUVENANCE, figurent plusieurs textes de 1936, 1927 et 1930.
Dans un texte du 11 novembre 1927, intitulé Ils n'ont rien appris !!!, on peut lire :
"Ce n'est pas sans un serrement de coeur que l'on assise aux tonitruantes farandoles des fils de ceux qui allèrent, par une belle journée d'août, se faire massacrer en série pour la plus grande gloire du capitalisme international!!
C'est le conseil de révision... et ils nous le font bien entendre par leurs battements frénétiques sur la peau d'âne tendue!! Ils crient comme des possédés, ils claironnent à tous les carrefours... C'est l'intelligente jeunesse qui passe...!
O! Mânes de ceux qui moururent pour que les fils ne voient plus d'hécatombe, que pensez-vous de cette joie à la veille de prendre l'uniforme et les armes qui tuent et font tuer!
Et pourtant, nous devons le reconnaître, les conscrits sont joyeux, comme s'il ne s'était rien passé!
Me voilà tout pensif en face de cette ivresse ; je revois les années terribles pendant lesquelles, à quelques-uns, nous tenions conciliabules pour arrêter la faucheuses d'hommes, et essayer que cette folie sanguinaire n'eût plus de lendemain...
Je revois mon ami Banderon, le vieux militant du tonneau, revenant de Zimmerwald, reçu à Valence par quelques pacifistes vrais, je le vois encore nous faisant connaître les sentiments de ceux avec qui, en Suisse, il avait pu converser de la Paix... Nous buvions ses paroles, nous sentions sa résurrection de l'homme ; nous espérions...
Et puis nouveau silence ; le bruit du canon couvrait nos faibles voix, les cris des martyrs étaient étouffés par la monstrueuse machine à broyer les hommes ; hurlant avec les bourreaux, la grande masse faisait chorus...
Les chefs socialistes nous menaçaient des foudres de l'Etat bourgeois... Tous étaient à nos chausses...
Et puis ce fut Kienthal ; Alexandre Blanc, Brizon, Rafün-Dugens, parlementaires, qui finirent pas voir clair, et qui allèrent, eux aussi, rééditer le geste de paix de Zimmerwald!!
Ah! mes amis, quelle tollé général... toute la presse tempêta, accusa, demanda l'emprisonnement de ceux qui osaient ainsi parler de Paix, alors que Constantinople n'était pas encore aux Russes...
Mais méthodiquement, en petit comité, nous continuâmes l'action, nous moquant des menaces et des risques, avec simplement la grande joie du devoir que nous accomplissions pour délivrer des servitudes militaires et de la mort les millions d'êtres qui, à travers le Monde, regardaient, éperdus, dans notre direction!
Et puis ce fut le 11 novembre 1918... l'armistice que les peuples n'avaient pas voulu réaliser... mais que les gouvernants réalisaient, consolidant ainsi le système...
Les malheurs revinrent, ils acceptèrent en échange de leur fusil une prime de mille francs : on leur laisse le casque, le casque à Bélisaire... et ils retournèrent au logis!
Et là, oubliant, se reniant, ils n'eurent qu'un désir : celui de raconter les péripéties des années sanglantes... cherchant à prendre figures de héros ; et devant les enfants (les conscrits d'aujourd'hui), ils magnifièrent le grand massacre des innocents!!
Et les fils, suivant l'exemple des pères, frappent à tour de bras sur la peau d'âne tendue, hurlent aux carrefours en buvant à même la bouteille!!! pour aller terminer l'orgie chez les malheureuses filles, dites de joie, aux coloris arc-en-ciel...
Et demain, ils iront, comme des bêtes de trait, tendre au joug oppresseur leur jeunesse et leur vie!!!
La guerre sera tant que l'homme, tout seul, ne comptant que sui-lui-même, n'aura pas tué en Soi la bête qui le pousse au meurtre!
L'individu porte en Soi sa bouée de sauvetage ; ne comptons pas sur les bergers pour éviter que le troupeau n'aille aux abattoirs...
Tuons l'esprit belliciste en nous!!
Dans le même recueil de textes figurent également : Que la paix soit dans nos coeurs (11 septembre 1936), Action de non-violence (19 juin 1930) et L'objection (8 juin 1927).
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Les Éditions de l'Atelier, 1997. Anthologie des écrivains pacifistes, Éditions R. Debresse, 1937.