PROCOPE DE CÉSARÉE est un rhéteur (avocat) et historien byzantin dont l'oeuvre (qui nous est parvenue, comme toujours) est essentiellement consacrée au règne de l'empereur JUSTINIEN. Secrétaire du général BÉLISAIRE, il l'accompagne dans ses campagnes militaires jusqu'en 540, année où il revient à Constantinople pour se consacrer définitivement à l'écriture.
Peu de choses nous sont connues de sa vie après ses pérégrinations lors des campagnes de BÉLISAIRE et de NARSÈS (en Italie), même si l'on sait qu'il est préfet à Constantinople en 562.
Des écrits d'histoire précieux et des plus élaborés et documentés dans l'Antiquité
PROCOPE DE CÉSARÉE est le témoin privilégié de la reconquête initiée par l'empereur JUSTINIEN. Outre Les Guerres (de Justinien) (Polemon), il est l'auteur de deux ouvrages importants. Le premier est un traité des édifices (Sur les monuments) et recense les travaux publics entrepris sous le règne de JUSTINIEN. Le second, L'Histoire secrète, d'un intérêt bien moindre que celui consacré au guerres, est un pamphlet contre JUSTINIEN et l'impératrice THEODORE ainsi que d'autres dignitaires de l'empire (BÉLISAIRE et ses épouses ainsi que de celles de l'empereur).
Les huit livres qui composent ses Guerres (de Justinien) se divisent en trois parties :
- Les guerres contre la Perse qui relatent la lutte entre les Byzantins et les Perses jusqu'en 549, dont aucun des adversaires ne sort véritablement vainqueur.
- La guerre contre les Vandales et les événements, entre 532 et 548, qui se terminent par la défaite complète des Vandales, leurs royaume étant anéanti.
- Les guerres gothiques couvrant la période 536-551, au cours de laquelle les Ostrogoths sont battus en Sicile et en Italie méridionale.
Avec NARSÈS (492-568), BÉLISAIRE (492-568) est chargé par l'empereur JUSTINIEN de reconstituer pour Byzance l'unité de l'Empire romain. Les guerres entreprises par ces deux généraux se déroulent sur trois théâtres d'opérations, en Mésopotamie, en Afrique du Nord et en Italie, et ce à trois adversaires, Perses, Vandale et Ostrogoths.
Dans chacune des campagnes militaires auxquelles il participe, BÉLISAIRE se trouve en état d'infériorité numérique. Ce handicap l'oblige à adopter un style de guerre indirect qui lui permet de choisir les lieux d'affrontement tout en évitant le choc direct avec des armées beaucoup plus puissantes. Les armées de JUSTINIEN ne ressemblent guère aux légions qui firent jadis la gloire de Rome. La cavalerie lourde fait son apparition comme arme de choc. Elle est renforcée par des troupes de cavalerie légère montées par des cavaliers-archers, principalement huns. L'infanterie lourde et légère sert surtout de bouclier aux groupes de cavaliers. C'est aux fantassins que revient la tâche ingrate d'absorber le choc frontal provoqué par l'offensive ennemis, alors que les cavaliers tentent de déséquilibrer leurs adversaires par des manoeuvres de débordement sur leurs flancs. Avec leurs archers montés et à terre, les armées byzantines possèdent, outre la mobilité, la supériorité du jet. C'est ainsi que BÉLISAIRE peut vaincre une armée deux fois plus importante que la sienne (530). Un peu plus tard, en 533, avec seulement 10 000 hommes, il anéantit les Vandales en Afrique du Nord avant d'entamer une campagne victorieuse contre les Ostrogoths en Italie et en Sicile. Ses succès militaires provoquent des jalousies à Byzance, et JUSTINIEN le remplace par NARSÈS qui achève la reconquête de l'Italie avec une armée beaucoup plus puissante que celle dont disposait BÉLISAIRE.
BÉLISAIRE est un maître de la guerre psychologique. De plus, il sait parfaitement conjuguer les différentes combinaisons stratégiques et tactiques d'attaque et de défense. De cette période nait la grande tradition byzantine de la guerre qui produit des stratèges remarquables comme MAURICE, LÉON et NICÉPHORE PHOCAS.
NARSÈS est grand chambellan et chef du corps des eunuques qui composent la garde impériale byzantine sous JUSTINIEN. Par ailleurs, il est l'un des favoris de l'impératrice THÉODORA. En 532, durant les émeutes de Nikka, il soutient vigoureusement JUSTINIEN, ce qui renforce sa position, l'empereur parvenant à rétablir son autorité. Il prend part à la campagne d'Italie (538) menée par BÉLISAIRE. Mais les deux généraux ont des difficultés à coopérer (on devine pourquoi...) et NARSÈS s'en retourne à Constantinople (53). C'est à un âge avancé qu'il se distingue lors de la campagne en Italie contre les Goths (551). A la tête de 20 000 hommes, il marche sur Rome et défait les forces de TOTILA à Taginae, non loin du Gubbio (552). L'année suivante, il bat au mont Lactère, près de Capoue, le successeur de TOTILA.
Bien que disposant d'une armée inférieure en nombre, il parvient à vaincre, grâce à une manoeuvre hardie, une armée franque à Casilinum (554). NARSÈS gouverne l'Italie en faisant preuve de modération et parvient à restaurer l'autorité impériale. Il est rappelé par JUSTINIEN en 567.
Il est probable que si PROCOPE n'avait pas été byzantin, il eût été tenu, dès le siècle dernier, comme l'un des grands historiens de l'Antiquité, avec AMMIEN MARCELLIN. Peu d'historiens latins peuvent être perçus comme plus considérables. Et, sur le plan militaire, ses Guerres sont remarquables pour comprendre l'intelligence des campagnes comme pour apprécier les qualités tactiques de la cavalerie byzantine.
Même si les écrits de PROCOPE DE CÉSARÉE, où il raconte l'histoire de BÉLISAIRE et de NARSÈS, empruntent beaucoup à THUCYDIDE, HÉRODOTE et POLYBE (ce qui agace parfois) - mais c'était alors la norme d'imiter les auteurs déjà classiques - son style vivant et alerte en fait le principal historien du VIe siècle. Plusieurs autres écrivains, connus aujourd'hui, de son époque, empruntent à leur tour bien de ses écrits, tout en ayant parfois des opinions opposées aux siennes (envers la famille impériale par exemple).
PROCOPE DE CÉSARÉE se situe dans une période d'intenses controverses religieuses (le Cinquième Concile œcuménique de 553 et la Querelle des Trois chapitres sont arbitrées par JUSTINIEN) et politiques (opposition des évêques d'Afrique et d'Asie mineure qui minent ses efforts de reconstitution de l'Empire Romain).
PROCOPE DE CÉSARÉE, Histoire secrète, Les Belles Lettres, 1990 ; la Guerre contre les Vandales, Les Belles Lettres, 1990 ; Constructions de Justinien 1er, Alexandrie, Edizioni dell'Orso, 2011 ; Histoire des Goths, Les Belles Lettre, 2015. On trouvera des extraits de La guerre contre les Perses, traduit de HIstory of the Wars, Washington Square Press, 1967, par Catherine Ter SARKISSIAN, dans Anthologie Mondiale de la stratégie, Robert Laffont, 1990.
Averil CAMERON, Procope and the Sixth Century, Berkeley, 1985. J. A. S. EVANS, Procope, New York, 1972.
Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, tempus, 2016.