Moins connu que le taylorisme, le fordisme et même le toyotisme, le fayolisme est une théorie développé par Henri FAYOL (1841-1925), directeur d'entreprises minières employant 10 000 personnes entre 1888 et 1918.
Ses idées, formalisées dans son ouvrage L'Administration industrielle et générale (Dunod, 1916), connaissent un succès immédiat auprès des dirigeants d'entreprise, mais beaucoup moins parmi les ingénieurs et les associations savantes dirigées par des polytechniciens. C'est que si des chefs d'entreprise y trouvent des indications formelles de leur statut et de leur fonction de dirigeant, et partant une certaine légitimité sociale à une époque où celle-ci est contestée par d'importants mouvements de grèves et parfois d'insurrections ouvrières, les ingénieurs en général sont plus intéressés par les réflexion portant sur les activités de production. Pour ces derniers, les idées de FAYOL sont trop générales et ils préfèrent celles de TAYLOR qui formalise l'organisation scientifique du travail bien plus que la fonction même du management (côté direction) dans l'entreprise.
Si ses idées sont méconnues (en dehors des cercles du management d'entreprise) (mais bien plus leur origine) - mais cela ne veut pas dire qu'elles n'existent pas dans la tête de beaucoup de dirigeants d'entreprise - c'est parce que ce sont surtout ces ingénieurs qui sont à l'origine de bien des réflexions, de l'organisation pratique d'une entreprise à la sociologie des organisations...
Il expose dans ses écrits, il analyse les fonctions au sein de l'entreprise, bon observateur, expérimentateur, généraliste et désireux de partager ses connaissances, en six volets (TECOFASC) :
- technique : produire, transformer et fabriquer ;
- commercial : achat, vente et échange ;
- financière : rechercher et utiliser de façon optimale les capitaux ;
- administrative : prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler (POCCC) ;
- sécurité : protection des personnes et des biens :
- comptabilité : calcul de paie et des statistiques (recensement des actifs et du patrimoine).
Dans son ouvrage, Henri FAYOL expose les sept qualités du grand chef d'entreprise, qui est l'élément clef d'une bonne gestion. Responsable du succès de l'entreprise - en cas d'échec, il doit démissionner (ce qui n'est plus le cas de nos jours...), il doit posséder des qualités spécifiques, qui s'acquièrent par l'expérience et la formation et qui ne sont pas innées, aux premiers rangs desquelles figurent donc :
- la santé et la vigueur physique ;
- l'intelligence et la vigueur intellectuelle ;
- des qualités morales (volonté, persévérance, audace, courage des responsabilités, sentiment du devoir, souci de l'intérêt général) ;
- une forte culture générale ;
- une large compétence dans la profession caractéristique de l'entreprise ;
- une connaissance de gestion ;
- un art de manier les hommes.
Il introduit l'idée qu'il fait sélectionner les futurs dirigeants en fonction de leurs qualités. Lorsqu'un dirigeant ne pas les qualités requises, il doit s'appuyer sur des spécialistes (État-majir) et s'aider d'outils de gestion (outillage administratif). Ce n'est pas écrit mais il faut tout de même qu'en fin de compte, le droit de propriété soit respecté et qu'une hiérarchie doit existé dans l'entreprise. On s'aperçoit en parcourant cette liste de qualités, que de nos jours, peu de dirigeants d'entreprise les possèdent et que c'est plutôt la délégation de direction qui est courante. De plus, mais la critique n'a pas attendu la sortie de son livre, la fonction de chef d'entreprise doit bien plus aux réseaux d'alliances financières et familiales qu'à des qualités d'entrepreneur. FAYOL ne serait pas en désaccord avec cette critique, lui qui estime qu'un chef ne peut contrôler qu'un petit nombre de personnes, de 5 à 10. On a du coup bien plus ici des qualités de chef d'entreprise artisanale de petite taille que celles de dirigeant de grands groupes multinationaux...
Henri FAYOL décrit cinq éléments d'administration (prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler) et les outils de gestion nécessaires, ainsi que 14 principes généraux d'administration qui, s'ils sont respectés, doit assurer la vie du meilleur des mondes capitalistes. Il exprime sous forme de "principes" les axiomes d'une théorie. Ces 14 principes généraux d'administration sont :
- la division du travail, par une description des postes de chacun ;
- l'autorité et responsabilité, pouvoir de se faire obéir et courage d'assumer ses ordres ;
- la discipline, le respect des conventions (obligations d'obéissance, d'assiduité, d'activité, de tenue) entre l'entreprise et ses agents ;
- l'unité de commandement. Une grande entreprise, c'est d'abord une hiérarchie à plusieurs niveaux. Chaque personne obéit à un chef et un seul. Cela signifie qu'un grand chef ne pas pas "court-circuiter" ses collaborateurs et donner des ordres directement à tout le monde. l'organigramme représente formellement la dépendance entre les personnes. Il faut éviter toute dualité de commandement.
- l'unité de direction, un seul projet commun, la cohérence entre les actions engagées ;
- la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général (la lutte contre l'opportunisme des individus) ;
- la rémunération, la gestion du personne est essentielle avec notamment une participation aux résultats ;
- la centralisation, selon le nombre de subordonnés de chaque chef intermédiaire, la pyramide de l'entreprise est plus ou moins pointue ;
- l'ordre, ordre matériel et ordre social, chacun et chaque chose à sa place ;
- l'équité, principe fondamental dans les relations avec le personnel ;
- la stabilité du personnel, les personnes bien formées doivent trouver intérêt à passer toute leur carrière dans l'entreprise ;
- l'initiative, tous les membres de l'entreprise peuvent proposer des actions ;
- l'union du personnel, pour éviter les conflits, notamment par une bonne communication personnelle, le long de la ligne hiérarchique.
Henri FAYOL qui écrit en même temps que TAYLOR a lu ses thèses (mais pas l'inverse) dès 1913. Il détecte bien que la notion de direction fonctionnelle est contradictoire avec sa théorie de la hiérarchie. Mais sa pensée à ce sujet évolue, il l'accepte à condition que les domaines de responsabilité soient bien définis, en 1913 et 1925, même si dans son ouvrage de 1916, il s'oppose violemment à cette notion de direction fonctionnelle.
En 1925, il accepte la création du Conseil National de l'Organisation Française) où se retrouvent ses disciple et des taylorises français. FAYOL et TAYLOR, d'ailleurs, sont souvent associés dans les cours sur les théories des organisations en tant que tenants d'une organisation formelle de l'entreprise. Même si les termes employés par FAYOL n'ont pas été retenu par les sciences de gestion, du fait d'une traduction sommaire et tardive (seulement dans les années 1930) en anglais, les théories anglo-saxonnes étant hégémoniques dans le monde de l'entreprise, les différents manuels de gestion d'entreprise retiennent nombre de ses idées.
Formé au management au départ par Stéphane MONY, un disciple de SAINT-SIMON, Henri FAYOL s'inspire du Positivisme d'Auguste COMTE pour fonder sa doctrine de l'administration.
Son Administration industrielle et générale a été traduit en de nombreuses langues et son succès dans les années 1920 est considérable. Les questions posées par FAYOL sont poursuivies par d'autres chercheurs, même si ceux-ci ne se réfèrent pas à lui. Surtout parce que les fayoliens transmettent la "doctrine" de manière dogmatique et statique.
Parmi ces chercheurs, on peut citer Lyndall URWICK pour le monde anglo-saxon, même s'il met surtout en avant le besoin de contrôle (surveillance), Chester BARNARD (1886-1961) auteur du célèbre The functions of the Exécutive de 1938, ancien président de ITT, identifiant les fonctions du chef, Luther GULICK (1892-1933), expert américain en administration publique et en management mettant lui aussi l'accent sur l'étendue du contrôle, Elliott JACQUES (1917-2003), qui formule l'idée que plus le niveau hiérarchique est élevé, plus est long le délai nécessaire pour constater l'incompétence des personnes. A ce propos, il se situe bien plus dans la lignée des études sur le niveau d'incompétence dans les entreprises, incompétence qui croît avec leur taille et la distance entre les activités de la maison-mère (qui peut être strictement financière et absolument ignorante des spécificités des métiers de production de richesses matérielles) et des filiales.
On peut citer également Martin BERCKMANN pour la formalisation mathématique du fonctionnement des hiérarchies, Henry MINTZBERG (né en1939), auteur prolifique, et John KOTTER (né en 1948) pour leurs enquêtes sur le contenu concret du travail de chef (essentiellement des tâches de communication), et Octave GÉLINIER (1916-2004), économiste français, qui formule des règles d'une bonne coordination très fayoliennes. C'est ce dernier qui introduit, avec son Secret des structures compétitives, Management ou bureaucratie?, le premier, le concept et le mot "management" en France en 1966.
Henri FAYOL est l'auteur de très nombreux ouvrages et de notes (sur les Mines et sur l'administration générale d'entreprises, et aussi sur le rôle de l'État), notamment dans les revues professionnelles et à l'Académie des sciences, dans les années 1870, 1900, 1910 et 1920.
Henri FAYOL, Administration industrielle et générale, Bulletin de la Société de l'industrie Minérale, 1916, réédité 13 fois chez Dunod ; L'incapacité industrielle de l'État : les PTT, Junod, 1921.
Tsuneo SASAKI, Fayol et la Comambault, dans Entreprises et Histoire, décembre 2003. Henry MINTZBERG, Le manager au quotidien, 1984, traduction de The nature of the managerai work, 1973.
Aministration industrielle et générale (1916) Dunod, 1970.
SOCIUS
Le correcteur d'over-blog est parfois insupportable!!!!! Il ne connait pas Dunod, alors il force à mettre Junod à chaque fois!!!!! Il est finalement bien plus pénible pour les noms propres que pour les noms communs...