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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 14:05

    L'Histoire est emplie d'Empires nomades éphémères et avant que n'émergent les civilisations sédentaires, les guerres opposent souvent plusieurs grandes tribus nomades, qui, une fois pillées les terres conquises, s'en vont chercher ailleurs les richesses à prendre. Sans doute, les guerres entre Empires nomades et Empires sédentaires ne sont-ils qu'un cas minoritaire de l'ensemble des guerres depuis les débuts de l'humanité et rien ne dit qu'on ne retombera pas dans la tradition d'avant les civilisations sédentaires... En tout cas, l'histoire de ces Empires nomades, ne serait-ce que parce que la vie sédentaire exige une bien plus grande permanence des ressources et des connaissances, ne nous est connue que par le biais de leurs adversaires sédentaires qui, souvent les assimilent culturellement et politiquement. C'est le cas de l'Empire mongol, qui est à notre connaissance l'Empire nomade le plus "stable" et le plus important que le monde (sédentaire) ait connu. C'est souvent la montée fortuite, aidée par de fortes contingences (au bon moment, au bon endroit), d'une de ces tribus nomades et d'un chef conscient de la nécessité d'assurer la discipline et la stabilité nécessaires à l'a durée de son pouvoir. C'est précisément la montée au pouvoir de GENGIS KGAN, privé très jeune de protection et ne pouvant donc pas s'appuyer sur une chefferie, vers 1197, dans les steppes de Haute Asie.

 

Le chef de tribu GENGIS KHAN

   Né entre 1155 et 1167 (1165 pour son meilleur biographe, P. RATCHNEVSKY), il lui faut une dizaine d'années de dures luttes politiques et de guerres (1196-1206) pour soumettre les confédérations tribales qui composent ceux que l'on nomme Mongols (Tartares pour l'histoire européenne à l'époque médiévale : NaÏmans, chrétiens nestoriens, Kéraïtes, christianisés depuis peu, Merkites; Tatars et Oïrats  pratiquant le chamanisme).

Traditionnellement, les associations de tribus plus ou moins nombreuses rassemblés pour une entreprise guerrière sont peu structurées, peu stables, et se désintègrent rapidement, une fois les rapines partagées, chaque tribu restant attachée d'abord à ses intérêts propres. 

Ce n'est qu'à la quarantaine passée au moins du GENGIS - TEMOUDJIN comme il est nommé jusque là - devient le chef "des peuples qui vivent sous la tente". La grande assemblée des notables qui prend les décisions importantes - le Kurultay, le proclame chef suprême : khan. (BLIN et CHALIAND).

La logique tribale veut que si l'on veut maintenir le rassemblement des tribus sous une autorité, il est nécessaire d'entreprendre des conquêtes continuelles et fructueuses. 

 

Les éléments d'un empire nomade qui puisse durer

   Jusqu'au XIIIe siècle, les Mongols avait - comparativement aux peuples turcophones - joué un rôle secondaire en Haute-Asie. Au cours des deux siècles précédents, ils avaient repoussé hors de Mongolie les Kirghiz, mais faute d'unité, n'avaient pas encore créé d'empire. le pouvoir était partagé entre les familles aristocratiques, avec toute une hiérarchie. Les guerriers (nokürs) sont des hommes libres et les sers sont les vaincus. Entre les Mongols, comme chez tous les peuples nomades qui les précèdent, régnait la désunion, et les tribus étaient perpétuellement en conflit larvé ou n guerre ouverte jusqu'à ce que GENGIS KHAN les soumette à une discipline commune.

Selon le même principe décimal qui était employé pour l'armée, les Mongols, en tant que peuple, sont alors divisés par GENGIS en unités familiales (dix, cent, mille familles). Une fois agrégé à une telle unité, un individu qui la quittait encourait la peine de mort.

En ce XIIIe siècle, la Mongolie est prospère. Contrairement à de nombreux peuples nomades, les Mongols ne sont pas poussés par d'autres groupes qui les obligent à se déplacer, mais constituent une puissance montante en quête d'expansion. Au début, les Mongols ne disposent d'aucun service administratif, et GENGIS apporte un génie en la matière, permettant notamment l'organisation d'un réseau assurant la disponibilité des chevaux pour les entreprises militaires. 

Les Mongols peuvent profiter de la division de leur grande voisins : la Chine, qui bien que divisée en deux (Nord et Sud), reste l'adversaire le plus coriace, l'Islam désuni depuis de nombreux siècles, le monde chrétien, orthodoxe ou catholique, avec une papauté qui ne parvient pas à assurer son hégémonie. 

   Le souci premier de GENGIS KHAN est d'éviter les cabales tribales pouvant miner son pouvoir. Il cherche à se gagner des fidèles en favorisant la promotion de chefs de guerre aux origine humbles et qui lui doivent tout. Il crée des unités territoriales liées par une discipline extrêmement stricte et le éloigne les combattants de leur terroir. Il institue, en s'appuyant sur les traditions de la steppe, un code pénal en partie existant, en partie nouveau, le Yassa. L'administration qu'il met en place reste le modèle de toutes les sociétés nomades pour les siècles suivants. Il parvient à créer des troupes d'une discipline inconnue dans la steppe et sans équivalent dans l'histoire médiévale. Pour sa chancellerie, ce nomade illettré fait utiliser l'écriture ouïghour. Très vite, il apprend à tirer parti du savoir des Chinois et des Persans.

Afin de limiter les solidarités tribales, il crée une garde impériale qui se monte à 10 000 hommes ; elle regroupe à la fois des éléments d'élite, quelle que soit leur origine sociale, et des membres des familles nobles, comme otages. Cette garde constitue le noyau des fidèles du régime institué par GHENGIS KHAN. La mobilisation est générale pour tous les hommes valides jusqu'à soixante ans. 

Les conquêtes des mongols sous GENGIS KHAN se font graduellement. d'abord le contrôle de la steppe et des zones forestières voisines ; puis soumission des peuples du haut lénissei et du lac Baikal (1207). Deux ans plus tard, les Ouïgours se reconnaissent vassaux de GENGIS HKAN ; sur l'Ordos, l'État xia xia est occupé. Tout pousse les Mongols vers la conquête de la Chine : la géographie, l'immémoriale fascination des nomades pour le riche et prestigieux État sédentaire dont le souverain décerne les autres honorifiques aux nomades. C'est sans difficulté que les Mongols passent ou contournent les murailles et ravagent l'État de Chin, tenu par les Djurcens. Mais ils ne peuvent s'emparer des villes, manquant de matériel de siège (1211). La révolte des Khitais, naguère maîtres de la Chine du nord, contre leurs maitres china, et leur ralliement aux Mongols, change tout. Grâce aux ingénieurs civils ou militaires khitaïs, les mongols peuvent acquérir le savoir qui leur faisait défaut. La première campagne en Chine (1212) s'apparente à un raid. Un armistice est négocié avec les Chines, GENGIS épouse une des filles de l'empereur. Mais les Chins, par prudence, évacuent leur capitale, Pékin, et se replient sur Kaï-Feng. Du coup, les Mongols s'emparent de Pékin et la mettent à sac. GENGIS se retire de Chine : la conquête, inachevée en 1216, est confiée à l'un de ses généraux, sorti du rang, des plus remarquables : MUKALI. Au début, le clivage entre nomades conquérants et sédentaires subjugués reste total, à l'exception de ceux des sédentaires dont les nomades utilisent le savoir.

L'offensive suivante concerne le Khorezn. Elle est précédée par l'annexion de l'empire des Kara-Khitaï (1217). Au Kurultay (Grande Assemblée) de 1218, la décision est prise d'attaquer le Khorezm en réponse à l'exécution d'ambassadeurs mongols. 

La campagne de GENGIS KHAN est menée après une solide préparation. Des espions sont chargés de recueillir des informations, de répandre des rumeurs, de rassurer la population en matière de liberté religieuse, de reconnaitre le terrain. Ces aspects ne sont jamais négligés par les Mongols sous GENGIS KHAN. En quatre mois, celui-ci défait les forces sans doute supérieures du shah ALLA ALDIN MOHAMED II du Khorezm (sans doute 150 000 contre 100 000 Mongols), par une campagne remarquable. face à un adversaire qui a dispersé ses troupes sur la ligne défensive du Syr-Daria, GENGIS KHAN leurre celui-ci par une offensive combinée dont le shah ignore où se situe le centre de gravité. Tandis que deux armées mongoles avancent, l'une vers Samarcande, la deuxième vers Tachkent, une troisième menée par GENGIS lui-même et son général SUBOTAÏ, traversent le désert du Kizil Koum, fond de façon imprévisible sur Boukhara et les arrières des forces du shah. L'effet de surprise est tel que le shah se retire plutôt que d'affronter les Mongols. Boukhara se rend (mars 1220) et les trois armées convergent vers Sarabande qui tombe après un siège de dix jours.

Mobilité, surprise, capacité de concentration au terme d'une manoeuvre sur une longue distance, la campagne du Khozerm est un modèle du genre. Les ennemis défaits, lorsqu'ils ne sont pas massacrés (la décision est faite selon leur résistance, plus ils résistent, plus les Mongols sont impitoyables) et distribués aux chefs militaires qui les utilisent comme auxiliaires.

L'année suivante, après un très dur siège, les Mongols prennent la ville d'Ourgendj, dont tous les habitants sont passés au fil de l'épée. Pendant ce temps, GENGIS a lancé ses généraux SUBOTAÏ ET DJEBÉ à la poursuite du shah. Celui-ci, traqué, finit par mourir sans avoir été rejoint. Le fils du shah se révèle autrement pugnace. Mais GENGIS le poursuit ; il franchit le Khossaran oriental qu'il ravage. L'armée du fils du shah est écrasée sur les bords de l'Indus (novembre 1221), mais son chef, après un combat intrépide, parvient à prendre la fuite. Sur le chemin du retour, les Mongols ravagent l'Afghanistan occidental (Hérat, Ghazni) et l'Iran oriental. GENGIS retourne en Mongolie par le Kazakhstan actuel (1225).

Entre temps, un extraordinaire raid de reconnaissance est effectué vers le Caucase, la Russie méridionale, par SUBOTAÏ et DJEBÉ. Ceux-ci ravagent l'Azerbaïdjan, la Géorgie, l'Arménie, se heurtent victorieusement aux nomades kipchaks qui appellent à la rescousse les princes russes. Russes et Kipchaks, après une retraite feinte des Mongols qui permet de les séparer en plusieurs tronçons, sont vaincus à la bataille de la rivière Kalka (1222). 

La dernière campagne de GENGIS KHAN est dirigée contre les Tanguts (Chine du Nord-Ouest), mal soumis (1227). Nul doute qu'il ait eu le sentiment et la conscience d'ériger un empire qu'il voulait durable. GENGIS KHAN, avant sa mort (1227), a lui-même désigné son successeur. En effet, la question de la descendance dynastique, compte tenu de l'absence du droit de progéniture, reste un problème hautement conflictuel parmi les nomades. Oncles ou frères du défunt khan pouvaient traditionnellement prétendre à la succession. Les fils, légitimement, le pouvaient également : aussi bien l'aîné que le cadet qui recevait en héritage les femmes et les servantes de son père (à l'exception de sa propre mère). A la mort de GENGIS, l'Empire mongol couvre toute la Haute-Asie, le nord de l'Iran et de l'Afghanistan ainsi que le nord de la Chine. Son empire, selon sa volonté, dépend nominalement du grand khan, son fils OGÖDAÏ, mais il est divisé à la façon traditionnelle entre ses fils. Si l'empire est ainsi partagé, les différentes zones sont soumises (un temps) au même code, le passa, qui renforce la coutume, un même service postal, avec des relais de chevaux et en nourriture tous les cinquante kilomètres, permettant au courrier de parcourir 200 à 300 km par jour, un même service de taxes... Ainsi l'empire mongol parvient à conserver son unité jusqu'à la mort d'un des fils, MÖNGKE (1259).... (BLIN et CHALIAND).

Il convient de préciser que quand on écrit que les Mongols ravagent, occupent un pays, il s'agit de ses routes et voies de communications, ainsi que des villes et villages pas trop éloignés, utiles et non d'un quelconque recouvrement de territoires dont les nomades, d'ailleurs, n'ont que faire, du moment qu'ils perçoivent ensuite tributs et gardent otages... 

Et cela d'autant plus qu'ils bougent constamment, ne se reconnaissent pas du tout dans les valeurs des empires sédentaires (que la majorité des Mongols méprisent par ailleurs). L'opposition d'une partie de l'aristocratie nomade est à la mesure de la fascination que peut exercer le style de vie sédentaire sur une grande proportion des Mongols en général. D'ailleurs, on peut constater que tant en Chine qu'en Iran ou ailleurs, de nombreuses partis de ces peuples conquérants assimilent ce style de vie et sont en quelque sorte phagocytés par les valeurs sédentaires. Le même phénomène a déjà été observé dans l'Histoire à propos de l'Empire Romain. 

 

Un instrument militaire de premier plan

   L'instrument majeur de la conquête est l'outil militaire remarquable qu'a façonné GENGIS KHAN - et qui n'a pas connu à ses débuts que des succès. Les Mongols, comme les autres nomades, exterminent ceux qui leur résistent et leur causent des pertes. Ceux qui se rendent sont épargnés, mais réduits en esclavage et souvent utilisés en première ligne au cours de sièges ultérieurs. Seules catégories systématiquement épargnées : les artisans, et parfois les ministres de la foi. Pas d'innovations chez les Mongols sur le plan tactique : fuite simulée, manoeuvres de flancs, usure et dislocation par l'effet des flèches. Au XIIIe siècle, leur supériorité tient aux innovations instituées : briser les autres chefs tribaux au terme d'une longue et dure lutte, enlever aux chefs traditionnels leurs clientèles, promouvoir aux postes de responsabilité des gens issus du rang et qui lui doivent tout. Cette sélection ouverte amène au sommet non seulement les meilleurs, mais aussi, en principe, les plus loyaux des lieutenants. Enfin, la discipline instituée par le Yassa et la poigne de fer de GENGIS donnaient certainement aux troupes mongoles un esprit de corps et une cohésion sana égale. Cette discipline concerne tout le monde, et permet également d'instaurer une limite franche entre temps de guerre et temps de paix ; dans ces temps de paix, vol et pillage étant interdit et punis de mort pour éviter les vendettas intertidales et protéger le commerce. Avant toute campagne, les Mongols prennent soin à une préparation psychologique : pas seulement l'usage de la terreur (jusqu'à exagérer les exactions commises et encourues), mais la présentation d'une libération éventuelle (liberté religieuse notamment). Ils utilisent pleinement les services qu'ils rendent aux musulmans ou aux chrétiens en leur débarrassant de leurs rivaux les plus efficaces (secte des Assassins pour le califat abaisse par exemple). Tour à tour, ils se présentent comme des alliés permettant leur élimination, et en retour, exigent biens et services - ce qui leur est souvent refusés, d'où leur déprédations successives (contre ces alliés tout temporaires)...  

Jean du PLAN CARPIN, moine franciscain italien envoyé comme ambassadeur extraordinaire par le pape Innocent IV et qui séjourna à Karakorum en 1246 écrit : Pendant une bataille, si, dans un groupe de dix, un ou deux ou trois, ou même davantage, prennent la fuite, tous ceux qui restent sur les dix sont mis à mort, et si tout un groupe de dix prend la fuite, ceux qui restent du groupe des cent dont ils faisaient partie sont mis à mort, s'ils n'ont pu prendre eux aussi la fuite." Bon moyen de maintenir une discipline collective dans l'armée... Il cite également la manière dont les Mongols décochent leurs flèches et la manière de garder près des combattants des chevaux immédiatement utilisables pour lancer une attaque.

 

L'impossible pérennité de l'Empire mongol

  Non seulement, les civilisations sédentaires qu'ils attaquent - par leurs richesses et leur organisation social - attirent l'admiration des Mongols, mais au fur et à mesure que le temps passe, surtout après GENGIS KHAN, les éléments traditionnels des peuples nomades prennent le dessus : divisions entre tribus, entretenues par les sentiment d'injustes partages et les vengeances, abandon de l'organisation décimale de l'armée, reprise du pouvoir politique par les élites aristocratiques... En deux générations, l'Empire mongol n'existe pratiquement plus, même si nominalement, à l'image de ce que fut le Saint Empire Romain Germanique en Occident, les déclarations d'allégeance se poursuivent, ce qui permet d'ailleurs un quart de siècle de paix (1280-1307).  Les Mongols se font assimiler culturellement par les populations des territoires conquis : en Chine ou en Iran, comme ailleurs, notamment via des conversions religieuses de ces contrées. De façon logique, l'empire ne se maintient que dans la steppe eurasiatique, de la Mongolie à la Russie méridionale en passant par le Turkestan. Les descendants de des maîtres de l'Asie Centrale et de la Russie conservent leur puissance le plus longtemps possible. Réellement, chaque partie de l'Empire mongol connait un destin différent, se maintenant en tant que tel de manière différente. Ainsi, les Mongols marquent le destin des peuples conquis, tout en s'y assimilant plus ou moins complète. Ainsi en Russie et en Europe orientale, les Russes ne remporte une victoire décisive contre les Mongols seulement en 1380 (bataille de Koulikovo). 

Non seulement la fascination est continue - sauf aux yeux d'une partie de l'aristocratie qui combat d'ailleurs longtemps GENGIS KHAN - mais le facteur religieux jouent un rôle essentiel aux yeux des sédentaires dans la transformation du nomade de barbare en civilisé, et toutes les associations religieuses se livrent au même prosélytisme envers eux qu'envers leurs proches. La conversion au christianisme, à l'islam, au manichéisme, au bouddhisme confère au nomade ébloui un statut auquel il ne peut prétendre auparavant.

 

Des relations entre nomades et sédentaires 

S'installe souvent, au moment une sorte de relation entre sédentaires et nomades, à la limite des zones d'influence et de circulation. Cette relation peut être fondée sur des échanges effectués dans les marchés frontaliers, des tributs versés par l'Etat aux nomades, des mariages symbolisant une alliance très souvent passagère, parfois dirigée contre un autre groupe nomade. La modification de ce statu quo - où, à Byzance comme en Chine, le commerce des armes et des techniques militaires reste interdit avec les nomades - intervient lorsque l'une des parties s'estime être devenue plus puissante. S'il s'agit des nomades, ils peuvent alors exiger un tribut plus élevé pour rester tranquille, ou des avantages plus grands. L'Etat cède le plus souvent, n'ayant pas d'autres choix. La montée des extrêmes, conséquence de cette perpétuelle torsion de bras pour arracher davantage ou donner moins, se manifeste par un assaut généralisé des nomades s'ils se sentent assez forts. Souvent, ces ruées se produisent lorsqu'une dynastie s'affaiblit. En revanche, avec un souverain énergique, au moment où l'Etat est propre, les sédentaires cherchent à refouler les nomades le plus loin possible, en usant de leurs dissensions  tribales ou en s'efforçant de les priver de leurs points d'appui les plus favorables. L'État ne cesse de passer de l'usage de la diplomatie à celui de la force ; les nomades de celui du voisinage menaçant au raid meurtrier, voire à l'assaut généralisé. 

Le monde nomade est démographiquement limité, car la chasse ne peut nourrir une population dense. A l'inverse d'un État qui mobilise toutes les ressources de l'agriculture et de l'élevage. Ce n'est pas le nombre qui permet aux nomades de l'emporter mais la concentration de l'attaque, la surprise et une supériorité militaire souvent très nette ; avec, en face, des dynasties souvent affaiblies, des populations mal préparées au combat sans merci livré par leurs adversaires nomades.

Des relations mutuellement profitables se tissent généralement entre nomades et sédentaires durant les périodes pacifiques, qui restent toujours dangereuses. L'histoire écrite par les sédentaires - les seuls en fait qui l'écrivent... - insiste toujours sur la sauvagerie des agressions nomades. Mais les contre-offensives, qu'il s'agisse de la Chine ou de Byzance, ont été nombreuses et très meurtrières. Dans ce rapport perpétuellement conflictuel de façon ouverte ou masquée, les nomades ont souvent triomphé. Mais toujours et l'Empire mongol ne fait pas exception, de façon relativement éphémère. Pour que la victoire revienne aux nomades de façon pérenne, il leur faut adopter les formes de gestion des sédentaires, notamment sur le plan étatique... Et même si leurs leaders occupent les postes centraux et les plus importants dans les terres conquises (établissant des dynasties mongoles, comme en Chine), leurs populations, progressivement, sont assimilées de manière plus ou moins complètes et deviennent... sédentaires!

 

F.W. GLEEVES, Secret History of the Mongols, Cambridge, 1982. Marie-Dominique EVEN et Rodica POP, Histoire secrète des mongols, Paris, 1994. Paul RATCHNEWSKY, Gengis Khan, his Life and Legacy, Oxford, 1992.

Extraits de Grande histoire, IBN AL-ATHIR, L'irruption des mongols, dans Edward G. BROWN, A Literary History of Persia, Cambridge University Press, 1902, Traduction de Cathrine TER SARKISSIAN et de Mission to Asia, de Jean du PLAN CARPIN, Comment combattent les Mongols, ibid traduction, dans Anthologie mondiale de la stratégie, par Gérard CHALIAND, Robert Laffont, Bouquins, 1990.

Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016. Gérard CHALIAND, Les empires nomades, de la Mongolie au Danube, Ve siècle avant JC-XIVe siècle, tempus, 2006. 

 

STRATEGUS     

 

    

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