L'évêque français Eugène-Louis-Ernest JULIEN est une figure de la mouvance pacifiste et catholique, connu sous le nom d'"évêque de la reconstruction" pour ses initiatives de bâtir ou de rebâtir de nombreuses églises dans les communautés minières du nord de la France pendant la période de l'entre-deux-guerre. Élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1925, il fait partie de ces ecclésiastiques qui veulent réconcilier la France laïque et la France catholique. Il se situe dans la vie internationale de l'Église, notamment dans l'effort du Vatican pour promouvoir les initiatives de paix en Europe.
Alors que, pendant la première guerre mondiale, les milieux catholiques s'organisent pour gagner à la cause de leur pays le soutien des pays neutres et que se multiplient les écrits et déclarations de toute sorte accusant le camp adverse des destructions causées aux édifices religieux, quelques évêques seulement en France et en Allemagne tentent, en donnant une interprétation favorable aux appels à la paix du pape, et tout en revendiquant pour leur part souvent le patriotisme requis de tous, d'apaiser les esprits et de chasser la Haine. Ainsi Mgr JULIEN, tout en prononçant des sermons très patriotes, publiés sous le titre Haut les coeurs!, demande que l'on chasse la haine des esprits... Ce qui est haïssable, dit-il, "ce n'est pas une nation, c'est une doctrine, c'est un système, ce n'est pas un peuple".
Lorsqu'il inaugure en août 1925 la vaste chapelle et une lanterne des morts sur la colline de Lorette, qu'il a contribué à faire construire, il tient à rappeler : "Ils sont morts pour la paix... Ils sont montés si haut dans leur sacrifice qu'ils ont qualité pour crier aux peuples encore trop égoïstes : assez de guerres". Agrégé de grammaire, il compose lui-même des quatrains dans ce sens.
En sa qualité d'évêque, il intervient en 1921, à l'invitation des Amitiés catholiques françaises à l'étranger (qui ont pris la suite du Comité catholique de propagande française à l'étranger créé en 1915), en faveur de la SDN et du Droit chrétien en présence de l'archevêque de Paris. Il participe, du côté catholique, aux efforts de réconciliation avec l'Allemagne (L'Évangile nécessaire à l'ordre international) et adhère de même au Comité franco-allemand d'information et de documentation, créé en 1926 par Vladimir d'ORMESSON. Il prend une place importante dans les efforts des catholiques en faveur de la paix, alors même que ses interventions ne sont pas partagées par l'ensemble des évêques français.
Dès 1920, il encourage plus qu'un "compagnonnage critique avec la SDN", en soutenant les efforts d'un petit groupe qui crée à Fribourg en Suisse cette année-là l'Union catholique d'Etudes internationales (UCEI), elle-même encore très méfiante envers les Autrichiens et les Allemands. Lorsqu'en 1922, en lien avec l'UCEI, ressuscite la Ligue des catholiques français pour la paix, disparue pendant la guerre, elle modifie son nom en Ligue des catholiques français pour la justice internationale, évitant de reprendre le mot paix, tant celui-ci semble avoir l'odeur de la gauche ou même de l'extrême gauche chez les catholiques. Le premier numéro de son organe Justice et Paix de décembre 1922, indique les réticences de certaines nations à cette conception qui mêle la justice et la paix. Ce n'est qu'en 1927 que se met en place une conférence annuelle des différents groupes nationaux de l'UCEI. C'est autour de cette année que les catholiques accordent une place importante aux questions internationales, par la multiplication de rencontres où l'atmosphère est tout de même encore méfiante par rapport aux initiatives de la SDN, qui déjà manifeste bien des défaillances.
Mgr JULIEN participe, dans le même esprit au Congrès de 1926 de l'International démocratique pour la paix, dont il vante, avec la présence bien plus nombreuses que dans les rencontres précédentes des Allemands, "l'esprit pacificateur". Il y serre même la main du libre penseur Ferdinand BUISSON... au grand scandale de nombreux paroissiens! A ce congrès de Bierville de 1926, il prononce un discours remarqué.
Eugène JULIEN, Le conflit : les mots, les idées, les faits, 1904 ; Civisme et catholicisme, 1911 ; Vers la victoire, discours, 1914-1919, 1920 ; L'Évangile nécessaire à l'ordre social, 1924 ; L'Évangile nécessaire à l'ordre international, 1927 ; Saint François de Sales, 1928.
G. BELLART, Monseigneur Julien, 1856-1930, évêque d'Arras. Edward MONTIER, Monseigneur Julien, Éditions Beauchesne, 1971.
Nadine-Josette CHALINE, Empêcher la guerre, encrage, 2015.