Fruit d'un colloque tenu aux archives départementales de Marseille le 14 nombre 2014, ce livre présente les apports d'enseignants et militants associatifs rassemblés par l'association "Provence, mémoire et monde ouvrier" et le Centre international de recherches sur l'anarchisme. Après de stimulantes synthèses au plan national, l'ouvrage fait revivre les acteurs politiques, syndicaux et pacifistes de cette histoire de l'arrière et propose au lecteur un éclairage régional saisissant.
Composé de quatre parties, l'ouvrage à plusieurs voix fait le tour de la problématique de l'attitude du mouvement ouvrier : pacifisme, luttes sociales, mouvements ouvriers, d'abord au plan national, puis dans la région marseillaise, avant d'abord plusieurs aspects de la vie du mouvement ouvrier par rapport à la Grande Guerre après le conflit armé, avant de faire le constat global de l'échec des pacifismes en France.
Dans la première partie, entre autres questions, Guillaume ROBERT se demande si le mouvement ouvrier pouvait empêcher la guerre et Loïc LEBARS se penche sur l'attitude des instituteurs et des institutrices syndicales contre la guerre et l'union sacrée. Dans la seconde, se dessine les contours précis des actions, des revendications ouvrières dans les Bouches-du-Rhône à l'ombre de l'union sacrée (Bernard RÉGAUDIAT), le pacifisme et l'antimilitarisme à la bourse du travail de Marseille avant la Grande Guerre (Nicolas VIANT), de la réflexion et de l'action des militants socialistes marseillais, de l'union sacré au refus de la guerre (Frédéric GROSSETTI)... sans oublier un éclairage sur l'anarchisme dans cette région de France (contributions de François MOREL-FONTANELLI et de Thierry BERTRAND). Dans la troisième partie sont examinés certains aspects du mouvement ouvrier : monuments aux morts (Colette DROGOZ) ou encore A propos de l'affaire du 15e corps (Charles JACQUIER). La quatrième regroupe des annexes qui constituent encore autant d'éléments de réflexion (comme la réflexion de Rémi FABRE sur l'échec du pacifisme sonné par 1914).
Colette DROGOZ , dans une conclusion, constate que le mouvement ouvrier provençal se démarque un peu du mouvement national en ce sens que les grèves revendicatives n'y cessent jamais. "Ouvriers et ouvrières, même si ces dernières sont toujours tenues dans l'ombre, souffrent et le montrent. Comment parler des difficultés de l'arrière et penser que les travailleurs acceptent un dur labeur pour des salaires de misère sans se manifester? Les industries de guerre sont en pointe du mouvement revendicatif car ce sont des unités de production importante en nombre et fort surveillés. Oui, les ouvriers et les ouvrières marseillais ont revendiqué pour des salaires plus élevés pendant la guerre. (...) Cela semble une spécificité par rapport aux autres, rares cependant, étudiées du point de vue du mouvement ouvrier revendicatif" (...) Après la fin des combats, reprend une vie ouvrière et sociale fortement marquée par le conflit mais qui ne va pas dans un mouvement d'union, bien au contraire. Les luttes ouvrières de l'entre-deux-guerres laissent apparaitre une division durable des forces de progrès jusqu'au milieu des années 1930. Il faudra attendre le "moment Front populaire" pour voir les dynamiques unitaires se faire jour (...). Or la marche vers le deuxième conflit mondial ne sera pas, une fois de plus, entravée par le monde ouvrier organisé. Les questions qui se posent au monde ouvrier en 1938-1939 sont bien différentes de celles d'août 1914 ; il est confronté de nouveau à ses divisions et le pacifisme a changé dans beaucoup de ses aspects, il résonne différemment en 1939-1940."
Sous la coordination de Gérard LEIDET, Le mouvement ouvrier provençal à l'épreuve de la Grande Guerre (1909-1919), Union sacrée, pacifisme et luttes sociales, Éditions Syllepse et Promeno (Marseille), collection histoire : enjeux et débats, 2015, 345 pages.