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2 janvier 2019 3 02 /01 /janvier /2019 08:12

   La "paix belliqueuse", formule due à Raymond ARON,  du titre fait reférence à une période (bien délimitée pour Yves SANTAMARIA, pour ce qui est de l'Europe, car aux États-Unis par exemple, on a affaire à une toute autre périodisation) entre 1947 et 1962, entre une guerre "chaude", la seconde guerre mondiale et une guerre "froide" entre les deux blocs, les pays d'Europe s'ancrant chacun progressivement alors dans un camp ou dans un autre, celui des États-Unis ou celui de l'Union Soviétique. Bien entendu, tous les auteurs ne partagent pas cette périodisation (et encore moins cette caractérisation de la période...), la guerre froide commençant pour les uns dès la fin des hostilités avec l'Allemagne nazie, ou n'ayant jamais cessé depuis la révolution d'Octobre 1917 pour les autres, ou encore, pour d'autres encore, lorsqu'ils considèrent plus les faits que les mouvements d'opinion ou les propagandes idéologiques, pour qui l'évolution historique est constituée de phases d'aggravation et de répit... En tout cas, pour les opinions publiques et de certaines parties des états-majors militaires, la guerre ne semble marquer qu'une petite période de répit pour devoir reprendre - comme l'espéraient d'ailleurs une partie du Reich - entre les États-Unis et l'Union Soviétique... Il semble pourtant que la période qui commence vers 1962, à l'inverse de la période précédente, soit marquée par l'instauration solide des deux blocs, au point que cela fasse partie d'une configuration qui perdurera dans le temps, coupant le monde entier entre Est et Ouest, avec l'acquiescement tacite des deux Grands pour laisser le champ libre au concurrent-partenaire-adversaire, pour ce qui est des moyens de garantir leur respectif ordre intérieur (non intervention dans les affaires de pays tentant de se dégager de l'emprise d'un des Grands...). Belliqueuse, cette paix l'est, sans doute dans la rhétorique que dans les périodes qui suivent, chaque camp stigmatisant et menaçant l'autre, soit directement comme les États-Unis brandissant leur supériorité atomique éphémère, soit indirectement comme l'Union Soviétique, par l'intermédiaire des multiples syndicats et associations communistes, clamant la nécessaire fin du système capitaliste...

    Le Paysage Pacifiste Européen est alors, au sortir du seconde conflit armé mondial, tout autre que celui de l'avant-guerre, bien que bien des traits le rattachent aux périodes précédentes (caractère social ou non du pacifisme, antagonisme entre sensibilités religieuses et sensibilités laïques...). Ce qui domine alors de manière incontestable dans ce nouveau PPE, et singulièrement en France, c'est l'hégémonie du mouvement communiste en général sur l'imagerie de la paix. Alors que le Mouvement de la paix, créé et dominé par les courants socialistes ou communistes, mais aux orientations encore débattues face aux diktats de l'URSS (à travers le Kominform créé en 1947), dicte l'agenda des initiatives et des campagnes pacifistes (Indochine, Algérie, Bombe atomique...), des mouvances très diverses contestent cette hégémonie (sans réellement l'entamer), autonomes le plus souvent des institutions, des syndicats et des partis, chaque mouvance "représentant" une famille intellectuelle, plus souvent à gauche qu'à droite. Marqués par les divisions entre résistances et collaborations, ces différents courants du PPF, suivent, dans leur démarche intellectuelle comme dans leurs initiatives pratiques, les évolutions des opinions publiques, de manière assez différentes d'ailleurs d'un pays à l'autre dans les "priorités de combat".

Ces opinions publiques "prennent alors conscience de la difficulté d'échapper à la division du monde en deux camps. Une petite majorité admet également que le risque majeur d'agression vient d'Union Soviétique (la fraternisation des vainqueurs n'a pas duré longtemps). Leur armée (pour ce qui concerne surtout la France, mais c'est en partie vrai aussi pour la Grande Bretagne en difficulté dans son Empire), elle, est déjà en guerre sur des théâtres coloniaux dont certains se transforment en terrains d'affrontement Est-Ouest. Instruits dans le souvenir des conflits précédents, les combattants évolueront sous le regard  d'une opinion mobilisée par des préoccupations différentes de celle des années 1930 et 1940 ; à la crise et à la pénurie succède une aisance relative qui est en passe de modifier le rapport à l'impôt du sang. Cette évolution est d'autant plus perceptible que les secteurs de la planète dans lesquels la troupe est engagée sont excentrés et que l'absence d'agresseur potentiel aux frontières crée une situation sans précédent. Quant à la menace atomique, le développement des arsenaux - et plus particulièrement du parc nucléaire soviétique - ne parvient pas (en France) avant les années 1960, à susciter les émotions populaires que connait, par exemple, la Grande Bretagne, il est vrai plus précocement dotée. (...)."

 

L'hégémonie du Parti Communiste

   Profitant du tour de force idéologique de faire oublier ses hésitations pendant la guerre au profit de l'image des fusillés, surfant sur le prestige que lui procure une participation très forte, à l'égale de la tendance gaulliste, à la Résistance, le Parti Communiste, comme son émanation plus ou moins directe, le Mouvement de la Paix, traversés tous deux de manière égale par des luttes entre fidélité au grande "Parti frère" de l'URSS et combats centrés sur les objectifs bien concrets de défense de la classe ouvrière française, choses parfois dures à concilier, vus les différents contextes dans lesquels évoluent alors la politique intérieure et extérieure de la France... C'est que, en outre, l'ambiance de l'opinion en général et de la classe politique dans sa majeure partie ne lui ait pas forcément favorable. Passée la période triomphante des mois qui suivent la Libération, viennent les temps de conflits - cela dans un contexte matériel qui exige une vigoureuse Reconstruction après les destructions de la guerre, suivies des problèmes d'approvisionnement au milieu de populations migrantes de retour chez elles - le parti Communiste est confronté à des rumeurs de guerre contre l'URSS, tandis que le Général de GAULLE leur apparait comme le fourrier des États-Unis.  Précisément, Charles TILLON est chargé par le Parti de mobiliser, au nom des idéaux de la Résistance, contre la menace américaine (les troupes de G.I. sont parsemées dans toute l'Europe, bien visibles malgré leur cantonnement dans leurs bases). Alors qu'à Prague et en Yougoslave, sans compter la guerre civile grecque, s'agitent partisans et adversaires de ce qui ne sont pas encore les blocs, tout en affichant leur condamnation du "pacifisme béant" dont se réclame il faut bien le constater une certaine mouvance pacifiste (par exemple Lucie AUBRAC), les Combattants infléchissent progressivement leur rhétorique dans le sens d'une mise en garde contre les conséquences d'un conflit. Le contrôle du mouvement échappe alors progressivement à TILLON, au profit de Laurent CASANOVA qui a la confiance de l'Union Soviétique. Laquelle sait gré au PCF d'impluser des campagnes annonçant que "le Peuple de France ne fera pas la guerre à l'URSS".

Cela parait loin et un peu étrange pour nous, rétrospectivement, mais il ne faut pas oublier que des opinions publiques dans les territoires occupés à des franges (dans l'armée notamment), ne s'est jamais éteint l'espoir d'un retournement, comme il y en avait eu un avec le Pacte germano-soviétique, mais en sens inverse, les Occidentaux défendant les pays libérés contre la main-mise soviétique et même, alors que bien des faits plaidaient en sens contraire - y compris dans les relations entre les USA et l'URSS pendant la guerre - entrant en guerre contre les Soviétiques dans la conquête de l'Allemagne... L'anticommunisme d'une grande partie de l'intelligentsia française, qui remonte loin, à 1917, rendait alors crédible toutes sortes de scénarios pourtant non corroborés par les plans des états-majors de puissance engagées dans la construction de l'ONU.

L'orchestration, pensée comme nécessaire, d'un "patriotisme soviétique extraterritorialisé", dans des campagnes plus ou bien bien relayées par la presse non communiste, si elle agite bon nombre d'intellectuels, le père Riquet, Pierre DAIX, David ROUSSET - et qui perturbe d'ailleurs la prise de conscience de la politique d'extermination des opposants et des Juifs (pour ne parler que d'eux, car d'autres groupes en furent victimes), l'enjeu "camp de concentration" étant prise de guerre idéologique contre ou pour la préparation de la guerre - laisse assez indifférente l'opinion en général, bien plus préoccupées par sa vie quotidienne encore difficile. C'est surtout dans les grandes conférences internationales que communistes français et soviétiques collaborent le mieux, avec la mobilisation de bon nombre de compagnons de route du PCF. 

Dès 1948, lorsque s'éloignent ces rumeurs de guerre et de prolongation de guerre (avec changement de camps...), et que la crise de Berlin s'est dénouée, le PCF, comme, d'ailleurs surtout par la suite, le Mouvement de la Paix, lancent diverses campagnes aux thèmes plus mobilisateurs sans doute, pour "l'interdiction absolue de la guerre nucléaire" (Appel de Stockholm), puis pour la "paix en Indochine" (Comité d'études et d'action pour le règlement pacifique de la guerre au VietNam, né à la fin de 1952), contre la guerre de Corée (Appel contre la guerre bactériologique en avril 1952). L'ensemble des intellectuels qui débattent au sein ou à la marge des organisations pilotées par le PCF, de manière d'ailleurs de plus en plus sûre, se retrouvent dans les débats lors de la guerre d'Algérie, pendant ou après d'ailleurs l'affaire de la Communauté Européenne de Défense (qui devait, c'est selon, faire pièce ou être complémentaire en Europe à l'OTAN). Et au fur et à mesure de ces débats dans le temps, où les thèmes peuvent varier mais où des engagements personnels perdurent campagne après campagne, de manière d'ailleurs concomitante avec des débats internes au PCF, à l'issue desquels se font des sorties plus ou moins retentissantes de dissidents. Malgré ces débats internes qui suintent de plus en plus souvent à l'extérieur du Parti, la mouvance communiste reste hégémonique dans le Paysage Pacifiste Français.

Ce n'est que progressivement, avec notamment sur le plan international le rattrapage nucléaire et la percée spatiale de l'URSS, mettant peu à peu en équivalence Etats-Unis et URSS comme... fauteurs de guerre, que s'effrite cette hégémonie, à la fin des années 1950 et qu'oeuvrent alors jusqu'au milieu des années 1960, des mouvances non-communistes, parfois très critiques par rapport au PCF. Mouvements ou groupes anti-nucléaires, groupes de soutien au FLN et porteurs de valise, groupes contestataires divers et variés partagent alors avec le PCF la scène du pacifisme. Dans des débats d'ailleurs - il faut attendre la période suivante pour que l'opinion publique et les forces politiques en fasse des points d'ordre du jour majeurs - qui font la une de la presse à cause de l'implication de personnalités en dehors de la sphère communiste (Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER avec L'Express, le général de Bollardière, les groupes d'actions civiques non-violentes). C'est à la suite de ces débats que prennent fin cette hégémonie persistante, mais seulement dans les années 1962-1974, et que beaucoup trouvent l'inféodation à la politique extérieure de l'Union Soviétique (avec la victoire notamment de la thèse du socialisme dans un seul pays), bien pesante, voire contre-productive...

   On n'insistera jamais assez sur l'inadéquation entre les réelles évolutions des armements et même des guerres coloniales et les réactions des organisations pacifistes. C'est que l'agenda de ces organisations, qui se calque sur celui, dans cette période, du Parti Communiste et du Mouvement de la Paix, correspond plus à celui des gesticulations diplomatiques de la part des deux Grands. Alors même que c'est certainement la menace des armements nucléaires la plus importante pour l'humanité, pour les peuples européens en particuliers, l'attention se focalise en France - moins en Grande Bretagne qui suit une évolution sensiblement différente - sur les guerres coloniales, à des moments où elles sont déjà fortement entamées, et que les réactions aux essais nucléaires par exemple, ne se sont pas réellement en fonction de la véritable évolution de ces armements. Il faut attendre les années 1980, sous la conjonction de plusieurs facteurs, pour que cette adéquation se réalise, partiellement.

    Même si l'agenda des activités du Mouvement de la paix et, finalement, de ses détracteurs, qui existe, même s'ils ont de la peine à se faire entendre des grands médias, est fixé souvent au Komintern, les débats internes sont marqués par des questionnements qui n'ont font pas pour autant une marionnette docile. Ce n'est d'ailleurs que fin 1948 que la direction du Mouvement de la paix est complètement soumise aux orientations tactiques du Parti Communiste. C'est à partir du moment où les éléments non-communistes de la Résistance à l'origine de la fondation du Mouvement de la paix sont évincés, que ceux-ci s'organisent réellement. Mais même au plus fort des campagnes orchestrées par Moscou, avec leur apparence trompeuse de neutralisme, les débats auront lieu de manière interne, même s'ils ne transpirent guère à l'extérieur dans les médias. Il faut tous les efforts de la direction pour rendre étanche le Mouvement de la paix, chose faite dans les années 1960.

Créée début 1948, à la suite d'un Appel fin 1947 à la fondation d'une organisation destinée à "soutenir le régime républicain et interdire le retour du fascisme et de la dictature",  le Mouvement de la paix rassemble une soixantaine de personnalités (compagnons de route du PCF, chrétiens de gauche...) issues de la Résistance (d'abord sous la forme des "Combattants de la liberté", sous la direction d'Yves FARGE). Lors des Assises des 27 et 28 novembre 1948, les thèmes du réarmement allemand, de l'usage de l'arme atomique et du désarmement général reflètent l'adéquation avec les positions communistes. Les membres communistes du Mouvement évincent alors à la direction, ceux issus de la Résistance ne faisant pas partie du PCF. L'activité du Mouvement de la paix est alors directement reliée à celle du Congrès des peuples pour la paix (août 1948) et en 1951, les "Combattants de la paix et de la liberté" deviennent "le conseil national français du Mouvement de la paix".

C'est dans les années de guerre froide, surtout avant la déstalinisation de 1956, que le Mouvement est le plus riches en actions et influent de par ses effectifs. Appel de Stokholm, manifestations contre la guerre de Corée (1950), campagne contre le réarmement de l'Allemagne au sein du CED (Communauté Européenne de Défense) (qui échoue d'ailleurs à se réaliser) à partir de 1952. le Mouvement se radicalise de plus en plus, développe un argumentaire de plus en plus politisé (au sens de la politique politicienne d'alors), situé dans la mouvance du PCF et le Mouvement perd de sa vitalité durant la compagne contre la guerre d'Algérie, et ne cesse alors, trop marqué PCF, de perdre des militants et de l'influence, même si sa flamme se ravive au moment de la guerre du Viet-Nam dans les années 1960, et plus loin, lors de la crise des euromissiles des années 1980. Il reste encore la plus importante Organisation Non Gouvernementale pacifiste, après près de 150 comités locaux, même après la fin de l'URSS, même si finances et militance ne sont plus ce qu'ils étaient. Il a encore une activité importante dans la jeunesse, même s'il ne bénéficie plus d'une caisse de résonnance tonitruante, vu la perte d'influence de la presse communiste et l'affaiblissement politique du PCF.

 

Une mouvance hors de la sphère communiste toujours active

   Dans la mouvance d'intellectuels se réclamant d'un neutralisme bien plus assumé, autour de la revue Esprit et du journal Le Monde et qui rompent avec le Mouvement de la paix au début de 1950, se forment plusieurs groupes pacifistes, qui peinent d'ailleurs d'abord à se faire entendre. Ils débordent peu les mouvements de de la presse ou du milieu universitaire contre les guerres ou à la fois anti-américains et non communistes. C'est surtout sur la thématique anticolonialiste en général, pendant la guerre d'Algérie, à partir de la fin des années 1950, d'abord très minoritaires puis se montrant capables de provoquer un débat dans une opinion publique plutôt apathique jusqu'à la montée en puissance des activités du contigent militaire, et de la transformation de révoltes ou d'insurrections en véritable guerre civile dans des départements alors français. Des partisans français de l'indépendance algérienne (dont beaucoup refusent d'entrer dans les conflits entre FLN et MNA), se font réellement entendre lorsqu'ils adoptent la posture, largement inspirée des écrits de Jean-Paul SARTRE et Franz FANON, selon laquelle la violence du colonisé porte en elle-même une promesse d'émancipation universelle. Parfois dans des acrobaties intellectuelles, notamment dans les milieux musulmans, qui sont reliées parfois de manière très lâches avec les clivages sur le terrains, des intellectuels, des universitaires et des militants pacifistes, dans un moment d'hésitation de presque tous les partis, même s'ils sont parfois très éloignés idéologiquement, parviennent à mobiliser l'opinion publique autour d'éléments-clés : la question de la torture, la revendication d'un statut d'objecteur de conscience, l'abolition des camps d'internement... Entre le général De Gaulle à la politique peu visible à ses débuts de reconquête du pouvoir et un PCF toujours sur ses positions tranchées, mais avec la présence virulente du Mouvement de la paix bien qu'en perte de vitesse, les forces et courants pacifistes dont l'influence croit avec l'allongement de la guerre, peinent d'abord à s'organiser et gardent pâle figure encore jusqu'au bout... C'est que l'esprit munichois est confondu encore avec le pacifisme et que nombreux sont les groupes ou personnalités qui n'ont pas réussi le tour de force de la mouvance communiste de faire oublier ses réelles positions du début des années 1940.

C'est surtout dans les milieux enseignants ou les mouvements d'éducation populaire que se manifestent à plusieurs reprises des convictions pacifistes, déjà à propos de la tentative de CED, et alors sur la guerre d'Algérie. Il faut dire qu'avec l'attitude d'autonomie relative  officielle, les campagnes pacifiste hors PCF ne "mordent" que difficilement. Il faut que la jeunesse soit intéressée au premier chef (avec l'engagement d'appelés en Algérie) pour que se développe un mouvement d'opposition, qui fait parfois la une de la presse, par des actions spectaculaires. Il faut également que la "couleur" socialiste des gouvernements de la IVe République soit bien entamée pour qu'une partie du personnel politique s'interroge sur le bien-fondé (d'autant que le cartierisme, de Raymond CARTIER sur ses inconvénients, gagne du terrain) de garder des colonies. Parfois d'ailleurs sans une once de pacifisme dans leur argumentation...

Les milieux catholiques, dans un contexte de perte radicale d'influence du catholicisme politique après le régime de Vichy que nombre d'autorités ecclésiatiques avaient un peu trop soutenus..., alors que la Papauté ne se sent plus liée par aucune rhétorique d'État sur la guerre et l'armement, sollicités souvent par le Mouvement de la paix... se révèlent, malgré la méfiance exprimée par exemple dans le journal La Croix par rapport à l'Appel de Stokholm, réceptifs par rapport aux campagnes pacifistes alors menées, même s'ils le sont moins que la mouvance protestante, notamment à travers le journal Témoignage Chrétien. C'est que les divers courants protestants sont moins encadrés que les catholiques ne le sont à travers des structures dédiées aux questions de la guerre et de la paix. Dans le cadre de l'écclésiologie traditionnelle, la hierarchie encadre les couches mes plus sensibles à la question de la violence guerrière, avec Pax Christi, fondée suite à une initiative française juste après le seconde guerre mondiale (initiative privée reprise en main par Mgr FELTIN, par ailleurs aumônnier général des armées...). S'encrant dans les milieux d'éducation (enseignement, scoutisme...), les autorités religieuses catholiques prônent, souvent sans se référer à l'actualité immédiate et se gardant de le faire, les progrès vers la paix universelle, restant strictement sur le plan moral, souvent sans incidences politiques ou institutionnelles directes. Les militants communistes du Mouvement de la paix cherchent d'ailleurs à puiser soutiens multiformes dans cette mouvance chrétienne peuplée à leurs yeux "d'idiots utiles"...

Les campagnes sur l'objection de conscience et l'opposition à la guerre d'Algérie semblent toutefois plus efficaces à mobiliser les énergies dans ces milieux, en tout cas bien plus que les divers groupes d'extrême-gauche qui se réclament de l'héritage trotskyste. Ceux-ci, en effet, refusent de mettre sur le même plan les impérialismes américain et soviétique, et leur anti-impérialisme se tournent bien plus contre les États-Unis et leurs alliés, que contre les activités de l'Union Soviétique et encore plus de la Chine. Le thème de l'émancipation contre les puissances colonialistes, dans un tiers-mondisme (bien orienté) leur importe bien plus. Si, notamment les groupes libertaires, certains critiquent la position "opportuniste" du PCF et du Mouvement de la paix, ils peinent à faire entendre des opinions qui restent dans le milieu militant, et qui sont imprégnées des conflits entre groupuscules se voulant parfois plus (ou vraiment) révolutionnaires que les autres...

 

Yves SANTAMARIA, Le pacifisme, une passion française, Armand Colin, 2005 ; le parti de l'ennemi? ; Le Parti Communiste Français dans la lutte pour la paix (1947-1958), Armand Colin, 2006. Sabine ROUSSEAU, La colombe et le napalm. Des chrétiens français contre les guerres d'Indochine et du VietNam, 1945-1975, CNRS, 2002. Pierre MILZA, les mouvements pacifistes et les guerres froides depuis 1947, dans Les internationales et le problème de la guerre au XXe siècle, École française de Rome/Universita di Milano, De Boccard, 1987, Disponible sur internet à www.persee.fr

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