Écrivain, journaliste, militant politique français, Claude BOURDET est un résistant (alias Lorrain, dans la Résistance), déporté, compagnon de la libération et une figure de la mouvance pacifiste. Il milite, après la Libération, notamment dans l'Union de la Gauche Socialiste (UGS), puis au Parti Socialiste Unifié (PSU) et au Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (MDPL).
Un résistant de la première heure
Après des études à l'École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) (ingénieur en physique technique en 1933), il fait son service militaire, comme sous-lieutenant dans un régiment d'artillerie de montagne. Dès 1936, il est chargé de mission au ministère de l'économie dans le gouvernement du Front Populaire. Mobilisé en 1939 comme lieutenant dans l'artillerie, puis démobilisé après la bataille de France, il entre dans la Résistance dès l'automne 1940. Il participe aux côtés de Henry FRENAY à la fondation de Combat, dont il est ensuite membre du comité directeur puis représentant en 1943 lors du départ de FRENAY à Londre puis à Alger. Il se charge à partir de 1942 de la création et du développement du service de noyautage des administrations publiques dont il devient responsable national. Claude BOURDET représente Combat au Conseil National de la Résistance. En 1944, il est arrêté et déporté.
Un engagement pacifiste et à gauche
A la Libération, l'expérience de la guerre le fait évoluer vers l'extrême gauche et la recherche d'un socialisme non stalinien. Il participe au Comité d'action des gauches indépendantes (GAGI). Un temps vice-président de l'Assemblée consultative, éphémère assemblée de transition pour le rétablissement de la République (printemps 1945), il s'associe avec Hector de GALARD avant de fonder à l'été 1945 avec d'autres anciens de Socialisme et Liberté (Yves DÉCHEZELLES, Henri FRENAY, Marceau PIVERT) le journal Octobre. Tous sont imprégnés de pacifisme et d'anticolonialisme, autour de la recherche d'un passage démocratique au socialisme et de la formation d'un nouveau pôle à gauche conservant l'esprit de la Résistance tout en refusant l'asservissement stalinien. Même s'il reste néanmoins peu critique vis-à-vis de l'univers concentrationnaire soviétique. Peu d'ailleurs à l'époque ont conscience de son ampleur. Claude BOURDET continue d'écrire dans Combat, mais s'oppose au nouveau propriétaire du journal, Henri SMADJA, qui soutient les gaullistes. Il quitte ce journal en 1950 et fonde avec Gilles MARTINET et Roger STÉPHANE, la même année, L'Observateur, qui devient L'Observateur Aujourd'hui (1953) puis France Observateur (1954) puis le Nouvel Observateur (1964) et enfin LObs en 2014. Il y défend l'union de toutes les gauches autour d'une seule et même cause : la justice sociale.
Anticolonialisme et Pacifisme.
Présents dans de nombreux combats contre le colonialisme français - Madagascar, Algérie - il défend de sa plume et de ses paroles maints militants ou personnalités poursuivis pour opposition à la politique des gouvernements qui se succèdent sous la IVe comme sous la Veme République. Ce qui lui vaut par exemple une inculpation d'entreprise de démoralisation de l'armée, en 1956, de même que la saisie de France-Observateur. Claude BOURDET est par ailleurs l'un des élus de l'Union de la Gauche Socialiste au Conseil de Paris, conseiller municipal du 13e arrondissement de 1959 à 1971.
Co-fondateur du PSU en avril 1960, il publie le Manifeste des 121, titré "Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, signé par des intellectuels, universitaires et artistes de renom (mais pas par lui). Son militantisme politique, jugé excessif par ses ennemis, entraine des tensions qui aboutissent, en 1963, à une rupture majeure au sein de l'équipe de France-Observateur avec son départ.
En 1961, il invective et dénonce le préfet de police Maurice PAPON à propos des exactions et massacres commis à Paris le 17 octobre 1961 par la police contre les manifestants algériens du FLN.
En février-mars 1963, pour se démarquer du Mouvement de la paix, Claude BOURDET lance, avec le soutien du PSU, une organisation non-alignée, le Mouvement contre l'Armement Atomique (MCAA), dont il est le président et Jean ROSTAND le président d'honneur. Les principes du MCAA sont clairs : Opposition à tout armement atomique et à tout essai nucléaire quel qu'en soit le pays responsable ; Lutte prioritaire contre la force de frappe française ; Lutte pour le désarmement général et d'abord atomique et pour la fin des expériences atomiques, pour des mesures unilatérales de désarmement, des traités et des accords internationaux ; Lutte pour la dissolution des blocs militaires. "Le MCAA n'est aligné sur aucun parti, aucun groupe : c'est un mouvement de paix ausein duquel marxistes, socialistes, anarchistes, non-violents, pacifistes intégraux ont leur place. Il entretien d'excellentes relations avec tous les partis de gauche."
En 1968, le MCAA élargit son champ d'intervention et se rebaptise MDPL. Le MDPL existe jusqu'en 1996, date de sa dissolution lors de son quatorzième Congrès, quitte à ce que des groupes autonomes du MDPL subsistent ensuite dans plusieurs villes.
En 1978, il est candidat du Front Autogestionnaire aux élections législatives à Villeurbanne, opposé au maire Charles HERNU, spécialiste - et promoteur de l'arme nucléaire - des affaires militaires du Parti Socialiste.
En février 1979, il crée et préside la première Association France-Palestine, qui vise à "développer l'aide matérielle et humanitaire au peuple palestinien meurtri par la guerre, l'exil et l'occupation et oeuvrer pour que soient reconnus et effectivement respectés les droits nationaux inaliénables du peuple palestinien, qui lutte sous la direction de son seul représentant légitime, l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP)". D'ailleurs, le MDPL est la première organisation française à reconnaître l'OLP.
Claude BOURDET continue de soutenir les initiatives pacifistes, notamment contre les ventes d'armes, directement et à travers ses articles dans Témoignage Chrétien, Politique Hebdo ou Politis et participe à des numéros spéciaux du Nouvel Observateur.
S'il est bien connu pour ses activités pacifistes dans beaucoup de milieux, il est aussi reconnu comme témoin important de la Résistance, notamment à travers son livre L'Aventure incertaine - De la Résistance à la Restauration, publié en 1975.
L'Aventure incertaine (1975)
Dans ce livre, de souvenirs et d'analyses politiques, Claude BOURDET raconte son expérience de la Résistance, comme de sa lutte anticolonialiste et pacifiste.
Pour lui, les aspirations nées de la Résistance n'ont pas abouti aux transformations sociales en profondeur qu'il jugeait indispensables, mais à une décevante forme de restauration du régime politique et social antérieur. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille renoncer à l'action, car l'esprit de la Résistance continue à circuler à travers le monde et à animer des luttes qui contribuent au lent progrès de l'humanité, même si les résultats ne sont jamais à la hauteur des espérances et si des retours en arrières ne sont pas à exclure.
En tant qu'acteur important de la Résistance française, Claude BOURDET s'interroge aussi sur les difficultés rencontrées par des mouvements clandestins, qui sont nés en dehors des forces politiques organisées et qui, au départ, manquaient singulièrement d'expérience. Il met en lumière le caractère dispersé des initiatives, compliqué parfois pas des divergences politiques et des conflits personnels, qui a rendu difficiles l'organisation des mouvements de résistance, puis leur unification progressive. l'existence du revanchard régime de Vichy a également beaucoup nui au développement de la Résistance, en entretenant, chez beaucoup, de néfastes illusions et en retardant l'engagement de responsables administratifs et politiques, qui ont pu croire un temps au double jeu du maréchal Pétain.
Il souligne également les difficultés des liaisons entre la Résistance intérieure, d'un côté, et la France libre, le général de Gaulle et son représentant en France Jean Moulin, de l'autre : un militaire traditionaliste, autoritaire et imbu de sa légitimité historique, comme le général de Gaulle, a eu beaucoup de mal à admettre l'autonomie de la Résistance et a sous-estimé son apport. De leur côté, les résistants ont eu tendance à mythifier le chef de la France libre et n'ont compris que trop tard le rôle de restaurateur qu'il entendait jouer dans la France libérée.
Claude BOURDET, Le Schisme yougoslave, Minuit, 1950 ; Les Chemins de l'Unité, Maspéro, 1964 ; A qui appartient Paris, Le Seuil, 1972 ; L'Aventure invertaine - De la Résistance à la Restauration, Stock, 1975 ; L'Europe truqué ; supra-nationaliste, Pacte atlantique, force de frappe, Seghers, 1977 ; Mes batailles, Éditions in fine, 1993 : L'Afrique, l'aventure d'Albarka, (avec Jean SURET-CANAL), Éditions Burin-Martinsart, 1973.