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22 juillet 2019 1 22 /07 /juillet /2019 12:15

   Ouvrage important dans la littérature qui risque de devenir presque dominante en ce qui concerne les changements climatiques, Perdre la Terre alerte, sur le ton désespéré, sur l'histoire des scientifiques, politiques, militants écologiques qui ont tenté depuis la fin des années 1970, de mettre en place une stratégie environnementale planétaire pour inverser le cours de l'évolution climatique en cours. Le journaliste américain au long court pour le New York Times, fasciné par l'attraction paradoxales qu'exercent les catastrophes sur la société contemporaine, écrit là ce qui est déjà la possible histoire de la fin de l'humanité.

Alors que, selon l'auteur, depuis la moitié du XIXe siècle, l'effet de serre est connu dans ses mécanismes sinon dans son ampleur, alors que depuis 1979, toute une série de responsables au plus haut niveau, disséminé dans toute l'administration, ont tenté de mettre en place des traités contraignants pour changer le mode de production énergétique de l'ensemble des pays de la planète, il semble, à la lecture cet ouvrage, que les États-Unis n'aient plus continué sur cette lancée et aient abandonné en cours de route cet effort, pour céder aux sirènes du lobbying des sociétés multinationales à la pointe du capitalisme financier. Le savoir scientifique sur la question est acquis depuis ces années 1970, et il n'est plus question que de savoir à quel rythme ce réchauffement climatique va entrainer ses conséquences catastrophes sur tous les plans, à commencer par l'alimentation de l'humanité.

Au moment où aux États-Unis, dominent les forces politiques les moins au fait des données scientifiques du problème jusqu'à le nier, au moment où ils sont en perte de vitesse dans le concert des États, la Chine prenant de plus en plus le relais stratégique global, ce livre a un certain retentissement dans la société américaine, et se place déjà en bonne position dans la littérature publiée en France. C'est qu'il s'agit avant tout d'un livre destiné au grand public, écrit comme un roman, que l'auteur a l'habitude d'écrire, et qui, pour aborder un sujet plus que triste, se lit très facilement.

Au bout d'un récit en trois partie (1979-1982, Des cris dans la rue ; 1983-1988, De la mauvaise science-fiction ; 1988-1989, "Vous verrez des choses auxquelles vous croirez"), notre auteur conclue dans un Épilogue, que "la survie de notre civilisation est un enjeu qui nous concerne tous. Mais nous se sommes pas tous concernés de la même manière - du moins, pas encore. La relations entre ceux qui ont brûlé la plus grande quantité de combustibles fossiles et ceux qui souffriront le plus du réchauffement climatique est cruellement inversée. Il s'agit là d'une inversion à la fous chronologique ( les jeunes générations paieront pour les émissions de leurs aînés) et socio-économique (les pauvres subiront le châtiment que méritent les riches). Cela, aussi, est bien compris depuis les années 1970. Les principales victimes seront les gens les plus démunis de la planète, en particulier ceux dont les nations n'ont pas encore profité des avantages d'une consommation d'énergie industrielle, et surtout ceux qui n'ont pas la peau blanche - tous souffriront de manière disproportionnées des cataclysmes naturels, du déclin des terres arables, des pénuries d'eau et de nourriture et du chaos migratoire. Le changement climatique amplifie les inégalités sociales. Il désavantage les désavantagés, opprime les opprimés, discrimine les discriminés."  Si l'auteur estime qu'il existe encore des solutions, il ne pense pas que l'on puisse inverser le changement climatique en cours, et que la vie que nous menons - dans une certaine opulence en tout cas pour les pays riches - soit poursuivie longtemps encore.

     Même si nous partageons en grande partie ce sentiment, on peut regretter que l'auteur présente une vision particulière de l'histoire de ces occasions manquées ; bien entendu la prise de conscience des dangers climatiques provient de bien des milieux très différents, et certains ont même pris la mesure du danger bien avant, dans les années 1950.

On peut regretter aussi certaines approximations sur le plan scientifique. Les connaissances que nous avions en 1979 - même si elles pouvaient orienter bien des expéditions (notamment aux pôles) qui mesurent réellement depuis la fin des années 1990 l'ampleur du désastre - n'étaient pas suffisantes pour convaincre ni l'opinion publique, ni les décideurs politiques et économiques ; les différents rapports du GIEC, plus précis d'année en année, le montrent bien. Et on ne trouve pas dans ce livre les rudiments de la climatologie, il faut pour cela consulter des ouvrages de sciences naturelles, et on peut regretter là aussi certaines formulations, bien que jolies littérairement, qui peuvent induire en erreur. Approximations aussi dans les rôles entre les différents acteurs, le GIEC en particulier, qui ne négocie rien, ce sont les États qui négocient... Plus qu'approximatives, certaines appréciations de l'activité politique en matière d'environnement des différents présidents des États-Unis, confinent à la naÏveté. mais il est vrai, ce texte étant paru d'abord en plusieurs fois dans le N.Y.T. que ce journal ne se caractérise pas par des analyses politiques très fines... qui relèvent souvent plus de la morale que de la politique d'ailleurs... Malgré cela et pour cela, ce livre constitue un bon départ pour prendre conscience des tenants et des aboutissants de la crise climatique... pour ceux qui prennent réellement un train en route... Il faut au lecteur prendre connaissance de données scientifiques, économiques et politiques plus fines, et la lecture des rapports du GIEC est là alors d'un apport incontournable.

  Nathaniel RICH (né en 1980), ancien rédacteur en chef de la "New York Review of Bookes" et de la "Paris Review", est l'auteur également du roman de science-fiction Paris sur l'avenir (Éditions du sous-sol, 2015). Non traduits en français, il a écrit également aux États-Unis, de nombreuses nouvelles.

Nathaniel RICH, Perdre la Terre, Une histoire de notre temps, Seuil, 2019, 285 pages.

 

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