Théodore Agrippa d'AUBIGNÉ (de son vrai nom d'AUBIGNY, retranscrit par erreur), homme de guerre, écrivain controversé et poète baroque français, connu surtout pour Les tragiques, poème héroïque racontant les persécutions subies par les protestants, dont l'oeuvre a été ignorée de ses contemporains, n'a été redécouvert qu'à l'époque romantique, notamment Victor HUGO.
Il fait pourtant partie des chefs de guerre, stratèges et écrivains militaires - comme Gaspard de COLIGNY, François de la NOUE, et aussi le maréchal de Saulx-Tavannes qui compose des Mémoires dont son neveu Charles de Neufchaises tire un abrégé (Instructions et devoirs d'un vrai chef de guerre, 1574) et Blaise de MONTLUC - qui s'inscrivent dans la grande tradition, par seulement protestante d'ailleurs, des guerres de religion. Calviniste intransigeant, Théodore Agrippa d'AUBIGNÉ soutient sans relâche le parti protestant, souvent en froid avec le roi Henri de Navarre, dont il est au début le campagnon d'armes. Après la conversion de celui-ci, il rédige des textes qui ont pour but d'accuser Henri IV de trahison envers l'Église. Chef de guerre, il s'illustre par ses exploits militaires et son caractère emporté et belliqueux. Ennemi acharné de l'Église romaine, ennemi de la Cour de France et souvent indisposé à l'égards des princes, il s'illustre également par sa violence, ses excès et ses provocations verbales.
Dès le début de sa carrière, à l'exemple de son père Jean, converti au calvinisme, et qui participe au soulèvement protestant, Théodore Agrippa d'AUBIGNÉ, marqué par les massacres de la Saint-Barthélémy, tout en feignant à la Cour d'être un courtisan catholique, et même en combattant par exemple en Normandie puis à la bataille de Dormans contre les protestants, oeuvre pour que le futur Henri IV ne suive pas une politique conciliatrice envers les catholiques. Sur cet aspect, les historiens ne se déterminent pas encore sur sa bonne foi ou une certaine duplicité. En tout cas, lors de ses nombreuses missions confiés par le futur Henri IV, il se brouille avec lui à cause de son caractère emporté et intransigeant.
Après la signature de la paix de Poitiers (1577) qu'il condamne, il quitte une première fois son maître. Blessé lors d'une bataille, c'est pendant sa convalescence de deux ans, selon lui-même, qu'il aurait commencé la rédaction de son grand poème épique sur les guerres de religions, Les Tragiques.
Il retourne à la Cour de Navarre en 1579, mais perd ses illusions, pendant les guerres de la Ligue, alors qu'il s'illustre de nouveau au combat, étant nommé par Henri de Navarre maréchal de camp en 1586, puis gouverneur d'Oléron et de Maillezais, puis vice-amiral de Guyenne et de Bretagne. Après l'assassinat du duc de guise en 1588, AUBIGNÉ reprend part aux combats politiques, et représente la tendance dure du parti protestant ("Les fermes"). Comme de nombreux protestants, il ressent l'abjuration d'Henri IV, en 1593, comme une trahison. Les divergences politiques et religieuses finissent par le séparer complètement du roi. Il est écarté de la Cour, dont il se retire définitivement après l'assassinat d'Henri IV en 1610.
C'est désormais sur le plan littéraire qu'il continue son combat : il ridiculise à l'Assemblée des églises protestantes de Saumur, en 1611, le parti des "Prudents" dans Le Caducée ou l'Ange de la paix, achève les Tragiques, et est contraint de quitter la France en 1620, après la condamnation de son Histoire universelle depuis 1550 jusqu'en 1601 par le Parlement. il se retire à Genève pour publier l'essentiel de ses oeuvres. L'essentiel de cette oeuvre est polémique, en dehors de ses sonnets, stances et odes (Le Printemps, L'Hécatombe à Diane et les Petites oeuvres mesless, Méditations sur les psaumes, poésies religieuses...). Ainsi, il cherche à discréditer les vanités de la Cour royale et la religion catholique dans la Confession du Sieur de Sancy et Les Aventures du baron de Faeneste. Il écrit ses mémoires sous le titre Sa vie et ses enfants.
Même lorsqu'il aborde sa carrière littéraire, Théodore Agrippa d'AUBIGNÉ continue de s'intéresser aux affaires militaires. Comme LA NOUE, il porte un intérêt particulier à la préparation de la guerre. Mais il considère la personne du maréchal de camp, équivalent du chef d'état-major et chef suprême sur le terrain, comme facteur clé de la victoire. Sa vision du chef omnipotent annonce l'ère des "grands capitaines", qui voit son apogée lors de la guerre de Trente Ans - encore unconflit de caractère passionnel - au cours de laquelle s'affrontent des figures légendaires comme GUSTAVE-ADOLPHE, MONTECUCCOLI et WALLENSTEIN. Ces généraux lèvent, organisent et entrainent leurs armées, mais ils sont également capables de mener la charge à la tête de leurs troupes au cours d'une bataille. (BLIN et CHALIAND)
Théodore Agrippa d'AUBIGNÉ, Les tragiques, Gallimard, 1995 ; Histoire universelle, en 11 volumes, Éditions André Thierry, Genève, Droz, 1981-2000 ; Les Aventures du baron de Faeneste, Édition Prosper Mérimée, disponible sur le site gallica.bnf.fr. ; Oeuvres, sous la direction de Henri Weber et Jacques Balibé, Gallimard, La Pléiade, 1969 ; Écrits politiques, édition jean-Raymond Fanio, Paris, Champion, 2007.
Jacques BALIBÉ, Agrippa d'Aubigné, poète des Tragiques, Presses Universitaires de Caen, 1968. Marie-Madeleine FRAGONARD, La pensée religieuse d'Agrippa d'Aubigné et son expression, Paris, Didier, 1986. Madeleine LAZARD; Agrippa d'Aubigné, Fayard, 1998.
Eugène CARRIAS, La Pensée militaire française, Paris, 1960. LA BARRE DUPARCQ, L'Art militaire pendant les guerres de religion, Paris, 1864.
Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, Dictionnaire de stratégie, tempus, 2016.