Alors que stratégiquement le débarquement en Provence des troupes venant d'Afrique du Nord et comprenant un fort contingent français est aussi important que celui en Normandie, la filmographie a favorisé fortement jusqu'à aujourd'hui celui des Anglo-saxons principalement engagés, avec à leurs côtés de multiples et beaucoup plus petits contingents de différentes nations. Si l'on célèbre chaque année, à force de petits documentaires souvent pris dans d'autres plus longs dans les différentes chaines de télévision, le débarquement du jour J en Normandie, peu de place est consacrée à l'autre, par le Sud, organisé notamment pour faire la grande jonction avec celui du Nord et devant également - même si dans les calculs des états-majors, ce ne fut pas toujours aussi clair, en terminer avec la présence efficace des troupes allemandes dans l'Italie du Nord.
Tant les documentaires que les films de fiction racontent ces combats, décisifs pour l'issue de la seconde guerre mondiale, qui ouvrent enfin le deuxième front demandés avec insistance par les Soviétiques depuis le début de leur "grande guerre patriotique". Dans la filmographie de la seconde guerre mondiale, si l'on excepte les oeuvres consacrées à la guerre dans le Pacifique, le débarquement de Normandie possède pratiquement la première place.
Côté documentaires, concernant le débarquement de Normandie, on pourra voir :
- Dans la série française Les grandes batailles, la partie La Bataille de Normandie (1944), d'une heure et 29 minutes (voir outre le DVD de la série, le site de l'INA) ;


- Dans la série britannique Le monde en guerre (the world at war), Une certaine aube, Juin-Août 1944

- le documentaire D Day, Ils vont voir l'enfer du débarquement (de Richard DALE)


- Ils ont filmé la guerre en couleur La Libération, de BOUYER;
- Champs de bataille partie 2, dans les DVD 3 ET 4, Les anges de la victoire et La Hitlerjugend contre-attaque, qui a le mérite de bien montrer les actions et réactions du débarquement (TIGNÈRES)


- Jour J, Le débarquement, de CAPRA, qui se situe dans la logique de Pourquoi nous combattons?

- La bataille de Normandie, documentaire américain. Diffusé en DVD à l'occasion du 70e anniversaire du débarquement, dans le flot de documents habituellement produits ou reproduits à ces anniversaires annuels, avec une présentation un peu tapageuse qui informe peu sur le contenu, ce documentaire, sous la bannière des AAA, semble une partie tirée de plusieurs autres, la dernière (?), éditée par Peter JONSON, en 2007 (Edgehill Publishing Ltd), à l'adaptation française de Gilles THOMSON. Composé uniquement d'images d'archives en noir et blanc, de 51 minutes.

- Grandes batailles de la Deuxième guerre mondiale, Le débarquement.

Côté films, nous ne conseillerons que les trois films suivants, bien que le thème du débarquement inspire de nombreux réalisateurs, mais souvent de manière annexe :
- Le jour le plus long, métrage américain (Twentieh Century Fox) de ZANUK et de ses nombreux co-réalisateurs, aux interprètes de renommée internationale. Centré sur le débarquement, le film de 172 minutes (mais la longueur peut varier) noir et blanc de 1962, ou colorisé plus récemment, présente les différents théâtres d'opération, du point de vue Allié et Allemand dans la journée du 6 juin 1944, précédé des préparatifs de la veille au soir. Il présente divers points de vue, de l'état-major au soldat de base, des forces régulières aux résistants, le tout avec de véridiques anecdotes. Très spectaculaire, le film serre de près la réalité historique,et les principaux déterminants des stratégies face à face.

- Il faut sauver le soldat Ryan, film américain de Steven SPIELBERG, sorti en 1998, qui met en scène des soldats américains ayant pour mission de retrouver un soldat, dans la ligne de front, dont les frères sont morts au combat. Il est intéressant de comparer les scènes mêmes du débarquement avec celles du Jour le plus long. Le réalisme est plus fort dans ce qui a été le vécu des soldats venant des navires de la côtes : un enfer et une boucherie.

- Paris brûle t-il? de René CLÉMENT, film franco-américain sorti en 1966, à la demande du producteur Paul GRAETZ et adapté du livre éponyme de Larry COLLINS et Dominique LAPIERRE. Fresque historique qui montre les faits de résistance et les actions militaires qui conduisent à la libération de Paris et à la reddition du général von CHOLTITZ, commandant en chef de la Wehrmacht à Paris, chargé par HITLER de détruire Paris en cas de débordement des troupes alliées, le film montre bien l'état des forces en présence, tant militaires que civiles (résistances rivales). Mêlant images tournées et archives, le film atteint un niveau de véracité historique intéressant, même s'il ne s'intéresse qu'à un tronçon de l'histoire de la libération de la France. En tout cas, il fait avancer dans le temps dans la perception de cette libération, qui s'arrêtait souvent aux plages de Normandie et aux villes côtières. Le DVD comporte des bonus intéressants qui resituent l'épisode de la libération de Paris dans son contexte et qui commentent la place du film dans l'historiographie générale, puis dans la filmographie de René CLÉMENT.

- Overlord, flm britannique de Stuart COOPER, sorti en 1975. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Tom, jeune homme de 20 ans, quitte le foyer familial pour rejoindre l'armée britannique. Il découvre la discipline militaire, l'entraînement, les copains, il rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux... mais il entrevoit aussi sa propre mort qui le hante dans ses rêves. Son unité est placée au secret car elle doit débarquer en Normandie, et le jeune soldat, qui vient de fêter son 21e anniversaire, est coupé de toutes ses racines et de tout contact avec l'extérieur. Il embarque avec ses camarades sur le chaland de débarquement et laisse ses pensées errer parmi les évocations de ses cauchemars et de son ami désormais lointaine... Si l'on se donne la peine ici de reproduire le synopsis de ce film, c'est parce qu'il est rarement diffusé. Présenté au festival de Berlin (1975) où il obtient le Prix spécial du Jury, Overlord voit sa diffusion cantonnée au Danemark, au Japon et aux États-Unis, et même pas dans son pays d'origine. Sans concession sur le thème du soldat chair à canons et sur la rhétorique militaire, il est à cent lieues des métrages de commémoration. De plus, l'entrelacement d'archives et de scènes de fictions a dû rebuter plus d'un distributeur... D'une heure 24 minutes, en noir et blanc (superbe), il est édité par Sidonis Calysta.

Côté séries, il faut mentionner deux réalisations marquantes. L'une surtout, Frères d'armes (HANKS/SPIELBERG), qui débute pratiquement par le débarquement en Normandie (DVD 1 : Currahee, Day fo Days ; DVD 2 : Carentin). L'autre Les orages de la guerre, dans sa partie 9, fait une large part à l'histoire de ce débarquement.


Il faut souligner que très peu de film de fiction ou de documentaire vont plus loin, après la libération de Paris et l'espace-temps entre le Débarquement et la bataille des Ardennes est très peu occupé par la filmographie. Il serait injuste toutefois de dire qu'il n'y en a pas. Témoin ce documentaire, intitulé La grande offensive, qui va des plages de Normandie aux rives du Rhin, sous la bannière des AAA, déjà mentionnée, construit à partir d'images - parfois très rares - en provenance des archives alliées et allemandes.

Alors que, notamment avec la conjonction des forces débarquées en Provence, des combats importants se déroulent sur le sol français, obligeant les troupes allemandes à une manoeuvre stratégique de repli des troupes d'Italie et de France sur le Rhin.
Il faut mentionner le documentaire Provence Août 1944, L'autre débarquement, qui dépasse par sa densité l'aspect hommage du 70e anniversaire d'un débarquement peu évoqué de la Seconde guerre mondiale. Dans ce DVD figure, outre le film-documentaire (2014) lui-même, réalisé par Christian PHILIBERT et Laurent MOËNOARD, d'une durée de 52 minutes, composé d'images d'archives d'origine variée, des entretiens avec d'anciens soldats et de historien (70 minutes) avec des extraits de D-Day, leur jour le plus long et de La libération en couleur.

La filmographie sur le débarquement de Provence n'est pas pour autant inexistante. Mentionnons le film algéro-belgo-français de Rachid BOUCHAREB sorti en 2006 (découverte de la guerre par trois tirailleurs algériens et un goumier marocain, de l'Italie jusqu'aux portes de l'Alsace) et le film Au soldat inconnu, le débarquement de Provence (2009) du réalisateur et acteur Thomas LEMOIGNE. Cette prise en considération est toutefois très récente.

Le traitement différent des débarquements de Normandie et de Provence a diverses provenances dont l'opinion selon laquelle le débarquement de Provence était une opération inutile. La presse comme les commentaires officiels, ainsi que le rythme de commémorations suit là l'opinion précise du maréchal Montgomery, commandant des forces terrestres de l'opération Overlord, opinion qu'il avait déjà sur moment et réitérée dans ses Mémoires publiées dans les années 1960. Contestable d'un point de vue militaire face à l'enlisement des Alliés en Italie, celui-ci était une erreur géopolitique majeure. En concentrant les troupes alliées en France et non en Italie puis dans les Balkans, Anvil-Dragoon aurait laissé le champ libre aux Soviétiques pour étendre leur mainmise sur l'Europe centrale et orientale. Or, ce débarquement incita les Allemands à une opération stratégique de retraite devant l'avancée en étau des troupes issues des deux débarquements, ce qui n'empêche pas de faire un nombre impressionnant de prisonniers allemands et de causer d'importantes pertes de matériel à l'Armée allemande. Ce débarquement s'inscrit dans un déploiement important de forces françaises - marginales en Normandie, qui opèrent la libération du territoire - Marseille s'est bien plus auto-libéré, du coup, que Paris. Avec lui, la France émerge véritablement comme partenaire à part entière. (Claire MIOT, dans Les mythes de la seconde guerre mondiale) Mais, comme le montre d'ailleurs le film Indigènes, la forte proportion de troupes venant directement de l'Empire française d'Afrique, composés de Noirs en grand partie, est sans doute une des raisons pour lesquelles l'État n'a pas beaucoup insisté sur ce débarquement de Provence. La libération est dans tous les esprits en France, l'oeuvre de Blancs d'abord, surtout et finalement seulement... In fine, cela rejoint aussi l'un de ces mythes de la Libération, qui serait partie de Londres, alors que tous les éléments politiques, logistiques et stratégiques (y compris sur le plan des fournitures d'hydro-carbures) proviennent alors de l'action du gouvernement provisoire établi à Alger. La reconquête de la France en passant par les colonies constitue à ce titre la réalité historique. (voir à ce titre Éric JENNINGS dans Histoire mondiale de la France).
Complété le 23 janvier 2021