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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 09:03

   Sophie de MIJOLLA MELLOR développe dans Psychanalyse le travail du trait d'esprit et de l'humour.

  La production du trait d'esprit répond au même type de travail psychique que celui de l'élaboration onirique et FREUD pour mieux souligner qu'il s'agit d'un travail, même s'il est préconscient, parle de la "technique" du mot d'esprit. On trouve la meilleure élaboration du sens de ce travail-là dans son livre Le mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient, Gallimard, 1930.

Cette technique recouvre une grande diversité de moyens consistant par exemple à former des mots composites en en condensant plusieurs ou, avec l'emploi du même matériel verbal, à établir des interventions et des modifications ou encore à jouer sur le double sens des mots, équivoque, métaphore, etc. Mais, comme le dit FREUD : "La condensation demeure la catégorie à laquelle sont subordonnées toutes les autres. Une tendance à la compression ou mieux à l'épargne domine toutes ces techniques".

Le procédé majeur de l'élaboration du rêve, le déplacement, se retrouve aussi dans la technique du trait d'esprit. Notamment, lorsque l'histoire drôle consiste dans l'erreur de compréhension de l'un des personnages de l'histoire, celui-ci apparaît comme ayant déplacé le sens sur un élément de la phrase aux dépens de celui qui était vraiment significatif. Ce contretemps est un ressort très général de l'effet comique et consiste en une espèce de déplacement de l'accent psychique, tel qu'en produit, pour d'autres raisons, le rêve. De manière plus large, les fautes de raisonnement ou les raisonnements tendancieux spéciaux utilisent le déplacement et le contresens. On pourrait cependant arguer du fait que ce type d'erreur peut ne pas être du tout comique et, en effet, il convient de considérer que la technique du trait d'esprit, pas plus que celle du rêve ne sont des fins en soi mais des moyens pour exprimer et laisser libre court à des tendances qui seraient réprimées, si elles ne se présentaient sous ces travestissements. "L'esprit permet la satisfaction d'un instinct (le lubrique et l'hostile) en dépit d'un obstacle qui lui barre la route : il tourne cet obstacle et tire ainsi du plaisir de cette source de plaisir, source que l'obstacle lui avait rendue inaccessible" (FREUD).

   L'esprit élude donc les restrictions et restitue ainsi les sources du plaisir d'antan qui étaient devenues inaccessibles du fait du refoulement. Cependant l'esprit dispose aussi d'une technique spécifique pour poser l'inhibition consistant à conserver intact le jeu avec les mots ou avec le non-sens, tout en choisissant les cas où ce dernier se présente sous des dehors admissibles ou ingénieux. Le but du travail psychique s'avère donc, outre la satisfaction pulsionnelle, un gain de plaisir lié à la forme, gain de plaisir qui s'apparente à une satisfaction narcissique de se découvrir maître de jouer avec les mots ou avec le sens.

  Cette dimension érotique narcissique du travail de l'esprit se retrouve encore plus nettement dans l'humour. FREUD le définit comme un mécanisme de défense consistant à mettre à l'écart les exigences de la réalité au bénéfice de la suprématie assurée au principe du plaisir, ce en quoi il s'apparente à la névrose, à la folie, à l'ivresse et à l'extase. Mais l'humour, contrairement à la pathologie mentale, loin de constituer un abandon du Moi est une forme de triomphe.

  Le travail psychique qui peut mener à cette étonnante performance a un explication métapsychologique qui consiste à considérer que la personne de l'humoriste retire l'accent psychique de son Moi et la déplace sur son SurMoi. Grâce à ce déplacement, la personne peut faire une sorte de deuil des investissements qui la mettent en danger de souffrir par frustration et se place vis-à-vis de ceux-ci comme une instance parentale qui consolerait un enfant en ces termes : "Regarde, voilà donc le monde qui paraît si dangereux. Un jeu d'enfant, tout juste bon à faire l'objet d'une plaisanterie". (FREUD).

   Cette présentation classique de MIJOLLA-MELLOR est une sorte de socle sur lequel s'élaborent d'autres réflexions, dont celles d'Oliver DOUVILLE, Max KOHN et de bien d'autres qui se retrouvent dans le numéro 30 de la revue Che VUOI? consacré au Rire en psychanalyse (Éditions Lharmattan).

  Olivier DOUVILLE (sites.google.com/site/olivierdouvilleofficiel) se réfère plutôt à Jacques LACAN pour qui l'aptitude à l'humour est un des critères de distinction entre des sujets normaux et des malades mentaux. Le clinicien qui fréquente un peu les hôpitaux psychiatriques, dans le cadre de sa profession, est témoin et parfois acteur, de tours de force langagiers qui pourraient évoquer l'humour à l'état nu, sorte de "non-sens" accéléré où le signifiant des mots se détache de leur pesanteur de signe et fulgure. La réflexion d'Olivier DOUVILLE ouvre sur le social et le culturel : l'humour n'engage pas seulement son auteur par rapport à ses problématiques intérieures, il débouche sur les relations avec les autres et fait bouger en quelque sorte les lignes d'interdépendance, de domination et de subordination.... Du moment où ces mots d'esprit sont prononcés aux interprétations qu'en donnent les "psy" en général, l'humour intervient subtilement et fortement dans les relations sociales. Les adeptes et les militants de la désobéissance civile et de la non-violence savent très bien la force de l'humour dans les confrontations.

      Le psychanalyste membre d'Espace analytique et de la fondation européenne de la psychanalyne Max KOHN, discute dans Champ psy n°67, 2015/1, de la place de l'humour pour la psychanalyse. Reprenant lui aussi la conception de FREUD pour analyser certaines différences suivant les cultures. Il aborde notamment l'humour juif ainsi que la place du mot d'esprit yiddish qui pose le problème des liens entre la linguistique et la psychanalyse.

 

Sophie de MIJOLA-MELLOR, Le travail du trait d'esprit et de l'humour, dans Psychanalyse, PUF, 1999.

 

PSYCHUS

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