Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 mars 2021 1 15 /03 /mars /2021 15:06

   L'acharnement dont fait montre la classe politique française à légiférer et à réglementer sur le monde musulman dans notre pays, avec une crainte de communautarisme en arrière-fond, suscite pour notre (très) petite équipe énervement, agacement et lassitude... Énervement, agacement et lassitude multipliés par l'emploi de vocables, tels que séparatisme et islamo-gauchisme, tous allant dans le même sens de la stigmatisation des Musulmans dans notre pays, alors même que depuis des décennies, les populations musulmanes font preuve de sens d'intégration dans la société française, de discrétion dans l'expression de leurs opinions profondes et de participation importante dans le dynamisme culturel, économique et social.

Cela ressemble à la rengaine passée sur un communautarisme supposé qui n'est le vécu que d'une très faible minorité de la population musulmane dans la société française. 

Si une partie de la population française s'inquiète d'un "envahissement" ou même d'une "invasion" de populations venus du Sud, c'est également parce qu'elle-même manifeste une tendance à la passivité et au recroquevillement dans un entre-soi (mauvaise citoyenneté), quitte à s'en remettre dans les temps de fièvre électorale (moins importante toutefois qu'auparavant) à des leaders d'opinion dont le charisme est parfois inversement proportionnel à leurs compétences intellectuelles.

 

Qu'est-ce réellement le séparatisme?

  Si on reprend les définitions usuelles, exemptes des sous-entendus politiciens, il s'agit de la volonté d'un groupe d'individus unis par un certain caractère et en une zone géographique, de se détacher du reste du groupe auquel il avait adhéré. Le sens principal est politique, la séparation est l'acte d'une région qui se détache d'un États. Elle diffère de la sécession en ce sens qu'il s'agit pour ce dernier terme de l'acte politique consistant, pour la population d'un territoire ou de plusieurs territoires déterminés, à se séparer officiellement et volontairement du reste de l'État ou de la fédération à laquelle elle appartenait jusqu'alors. La sécession s'emploie aussi en usage de guerre. Même si on confond régulièrement sécession et séparation, la sécession résulte d'un conflit insurmontable se transmuant souvent en guerre déclarée (mais pas systématiquement... on parle parfois peut-être par abus de langage de la sécession en 1991 mettant fin à l'URSS), tandis que la séparation peut être plutôt le résultat d'un accord aboutissant à deux entités politiques distinctes qui peuvent d'ailleurs nouer dans le même mouvement des accords de coopération (l'ancienne Tchécoslovaquie se dissociant d'un commun accord entre République tchèque et Slovaquie, voire le Brexit...).

   Le séparatisme politique suppose une volonté de séparation, et constitue parfois une doctrine visant la séparation d'une région (la Bretagne, la Corse.. de la France) d'un État. Mais souvent les groupes séparatistes ne recherchent rien de plus qu'une autonomie, souvent plus culturelle qu'administrative ou économique.

  Discuter du séparatisme d'une partie d'une population disséminée sur un territoire n'a pas beaucoup de sens, compte tenu de cette définition générale.

 

Séparatisme économique, séparatisme culturel, séparatisme religieux...

   En religion, on peut le rapprocher de schisme, rupture dans la communion ecclésiale. Dans le cas du christianisme, on trouve notamment les deux grands schismes (orthodoxe, puis protestant...),  mais le mot séparatisme se réfère de manière plus particulière aux dissidents anglais du XVIIIe siècle. Dans le cas de l'islam, le schisme entre chiites et sunnites est consommé pratiquement depuis la succession du prophète Mohammed.

   Le communautarisme et les quartiers ethniques qui s'isolent volontairement sont des formes de séparatisme social, qui se traduise jusque dans l'urbanisme, et sont une réalité dans le monde anglo-saxon (mais pas partout...). La séparation la plus forte n'est pourtant pas au coeur des villes américaines, mais apparait beaucoup dans la société philippine.

  Le séparatisme peut être racial (Afrique du Sud, Israël), ségrégationnisme (dans les anciennes colonies au XVIII-XIXe siècles, dans le Sud des États-Unis), séparatisme blanc, séparatisme noir.

   On ne discute que rarement de la plus grande forme de séparatisme, le spératisme économique...

 

Des sociétés inégalitaires aux séparatismes au XXIe siècle.

    Si les inégalités économico-sociales se sont toujours traduites par des tendances aux regroupements par catégories dans le tissu urbain, et même rural, le développement sans limite de l'urbanisation, les grandes villes étant parfois continument reliées les unes les autres par un tissu d'habitations, de bâtiments industriels..., laisse voir de véritables contrastes architecturaux entre quartiers pauvres et quartiers riches. En Amérique Latine, depuis longtemps, on observe le développement anarchique de bidonvilles autour ou à côté de quartiers résidentiels. En Europe et aux États-Unis, à travers la privatisation des sols, s'organisent des vies socio-économiques séparées. L'écart entre niveaux de vie de la masse de la population et d'une infime minorité d'habitants super-riches devient si caricatural qu'il se traduit dans l'urbanisme.

Une multitude de travaux sociologiques le montre. En passant, il n'est pas étonnant que les sciences sociales, sur le plan institutionnel et financier, soient de plus en plus attaquées, via des organisations politiques cachant bien leurs vraie nature ou des think tanks variés, car elles dévoilent de plus en plus cette réalité-là.

Des familles, des individus immensément riches cultivent un séparatisme qui s'apparente à une sécession, tant il intègre des aspects juridiques, économiques, politiques (à commencer par la prolifération de polices privées). Beaucoup d'entre eux restent discrets et il faut parfois même aller plus loin que l'étude attentive du Who's who pour les découvrir. C'est parce que ces riches cultivent désormais l'entre-soi spatial qu'ils deviennent de plus en plus visibles.

Parmi ces études, on peut noter :

- L'économiste Éric MAURIN, dès 2004, met en évidence une "ghettoïsation par le haut". Les élites mobilisent des ressources pour se mettre à l'écart. Des cadres supérieurs s'accaparent des pans entiers de l'espace urbain, notamment les centre-villes, les beaux quartiers et les zones les plus proches des principaux équipements. (Le ghetto français, Enquête sur le séparatisme social, La République des idées, 2004).

- Dans Sociologie de la bourgeoisie, Michel PINÇON et Monique CHARLOT, aux éditions La Découverte (2000) montrent comment les familles les plus aisées sont regroupées dans quelques quartiers bien délimités où elles cultivent un entre-soi parfois sourcilleux. Les deux sociologues estiment qu'"aucun autre groupe social n'est ainsi confiné dans un ghetto, doré et volontaire, allant parfois jusqu'à se murer dans des hameaux totalement privés et gardés.

- L'INSEE confirme ces analyses : dans les quartiers pauvres, les choix de localisation résidentiels sont plus subis que dans les quartiers riches, certains auteurs ayant pu parler pour les quartiers les plus riches d'auto-exclusion. Dans certaines villes se développe ce qui est souvent qualifié 'entre-soi" à savoir un habitat spatialement séparé des populations riches. (La ségrégation spatiale dans les grandes unités urbaines de France métropolitaine : une approche par les revenus, 2014) Ce qui est d'ailleurs vanté par certaines sociétés immobilières dans leur chasse aux clients.

  Cela conduit à une perte de mixité sociale et nombre de municipalités préfèrent risquer de payer des pénalités plutôt que de s'opposer à la formation de zones riches dans leur ville.

- La Fondation Jean Jaurès, de son côté, montre que à ce séparatisme spatial se joint un séparatisme scolaire. Les proportions d'élèves de familles favorisées sont nettement plus importantes dans certains établissements scolaires (dans le privé, concentration de CSP+ dans le coeur de grandes métropoles) (voir le site de la Fondation : jean-jaures.org)

 - Gabriel ZUCMAN (sur son site gabriel-zucman.eu) indique que l'évasion fiscale est un sport de riches.

     Si les médias focalisent leurs feux de temps à autres sur la fraude sociale qui se chiffre en dizaines de millions d'euros par an, ils sont moins bavards sur la fraude fiscale qui se chiffre elle en centaines de milliards d'euros... C'est par un réseau dense d'avocats et d'officines, de connaissances personnelles et de banques spécialisées que l'évasion fiscale opère ; évasion contre laquelle maints gouvernements de riches pour les riches ne sont pas pressés de mettre en oeuvre des moyens matériels et en personnels pour la combattre... "Incidemment", à l'occasion de regards sur les comptes des États faisant face à la pandémie, que l'on remarque (Oxfam) que certaines entreprises multinationales se sont enrichies grâce à elle...

   La situation est plus ou moins caricaturale à ce propos selon les pays. Aux États-Unis, où fleurent bon les fables sur les winners et les losers, il est même justifié de gagner autant personnellement que des millions de ses concitoyens ; en France, où la macronie tout ensemble chante les bienfaits des ruissellements des fortunes personnelles sur l'économie du pays, nombre de législations sont mises en place pour favoriser ce vrai séparatisme. Avec en plus l'absence de codes moraux (pas très suivis il est vrai) prônés par l'islam (obligation de charité), islam que l'on préfère dans les contrées "avancées" économiquement, mais pas uniquement là d'ailleurs... montrer du doigt pour dénoncer certaines "particularités"... Ce n'est pas tout qu'un séparatisme n'existe pas (par le biais de l'alimentation ou du suivi des cultes...), l'extrémisme "terroriste" semblant tout de même très rachitique en Occident, mais que le bon sens, ou du moins la conscience de la nécessité d'une cohésion sociale, commande que l'on s'attaque très sérieusement à ce séparatisme ici dénoncé, sous peine d'avoir à subir de très graves événements et de très graves évolutions assez prochainement...

 

MORDICUS

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : LE CONFLIT
  • : Approches du conflit : philosophie, religion, psychologie, sociologie, arts, défense, anthropologie, économie, politique, sciences politiques, sciences naturelles, géopolitique, droit, biologie
  • Contact

Recherche

Liens