Rappelons tout d'abord que le jaïnisme ou jinisme (Jainamatan de JINA, "vainqueur" et mata "doctrine") est une religion qui aurait probablement commencé à apparaître vers le Xe ou le IXe siècle avant J-C.. Autrement, la tradition jaïne se considère immémoriale : sa lignée de tîrthankara étant perçue sans commencement (manière commode d'apparaître comme la seule tradition valable...) et cyclique. Le jaïnisme ou dharma jaïn revendique près de 10 millions de fidèles dans le monde,ascètes et laïcs confondus, en majorité en Inde (30 000 en Europe et 100 000 aux États-Unis), sans que soit considérée plus avant l'observation de ses préceptes.
Le but de la vie pour les Jaïns est le même que pour l'hindouisme, le bouddhisme et le sikhisme : l'adepte doit atteindre l'illumination menant à la fin des transmigrations de son âme appelée moksha ou nirvana. L'humain doit sortir du flux perpétuel de ses transmigrations : le samsara, par des choix de vie appelés voeux dont le premier, qui mène à tous les autres, est celui de l'universelle non-violence nommée ahimsa, non-violence basée sur la devise clé de "toutes les vies sont interdépendantes et se doivent un mutuel respect et assistance ; la méditation et le jeûne sont aussi des pratiques jaïnes. Les Maîtres éveillés, guides spirituels de cette religion dénommés les Tirthankaras (en sanskrit, "les faiseurs de gué") ont enseigné avec notre ère les principes du jaïnisme. Le terme de chemin de purification est utilisé de nos jours pour décrire la route que doit suivre le pèlerin afin d'atteindre cette illumination.
Le jinisme doit son nom donc aux adeptes de VARDHAMANA (également appelé MAHAVIRA, "grand héros"), RÉFORMATEUR, AU VIe siècle avant J-C., de la doctrine et de la communauté de Pârsva. Selon la tradition, VARDHAMANA est né dans le Bihàr, vers le temps et non loin du lieu où naquit le BOUDDHA. Princes élevés tous deux dans le faste d'une cour, ils suivent des destins souvent comparables ; les similitudes, cependant, résultent de coïncidences et d'affinités qui tiennent à l'influence de la civilisation ambiante et de l'ascétisme brahmanique sur les deux maîtres : par exemple, il ne semble pas que le BUDDHA et le JINA se soient jamais rencontrés ; mais ce dernier passe pour avoir eu des contacts avec Makhali Gosàla, chef de la communauté des Ajivika (que mentionne aussi le canon bouddhique), et pour avoir été gagné par la rigueur de son ascèse. MAHAVIRA n'en est pas moins une des personnalités les plus originales de l'Inde ancienne ; ce fut assurément, un penseur vigoureux, et, en outre, un remarquable organisateur. A sa mort, la communauté modelée par lui et orientée vers une compassion active atteignit une extension telle qu'elle joua rapidement un rôle important. Au cours ds âges, elle a manifesté sa vitalité. Peu nombreuse actuellement, elle est néanmoins respectée : elle dispose en Inde d'une puissance économique enviable, jouit d'un prestige qui tient aussi à son rayonnement intellectuel et moral. A la différence du bouddhisme, religion missionnaire, le jinisme n'a guère cherché à s'étendre hors des frontières. Et s'il comptait en 1981 seulement 3 200 000 fidèles (réellement fidèles...), c'est que les exigences de sa perfection ne lui ont jamais permis d'atteindre qu'un nombre restreint d'adeptes. (Colette CAILLAT, Marie-Simone RENOU)
La non-violence est la loi première du jaïnisme. Elle montre que l'humain sais se contrôler et est une des clefs indispensables pour brûler son karma et atteindre l'éveil (moksha). La violence est définie comme une atteinte à ce qui vit, par un manque de soin ou d'attention, mais son sens n'est pas limité à cela. Il est sûr que de blesser, d'attacher; de faire du mal à une créature, d'exploiter ceux qui travaillent, de surcharger, d'affamer ou de ne pas nourrir quand il le faut, constituent des formes de violence et, comme telles, doivent être bannies. la renonciation à la violence peut être complète ou partielle. La renonciation complète s'accomplit de neuf façons (pour certains éveillés) : par soi-même, par un moyen, ou par approbation, et, chaque fois, par pensée, par la parole et par le corps. Pour un laïc, la renonciation complète est impossible. Aussi est-il demandé de se décharger de ses responsabilités terrestres avec le minimum de préjudice pour les autres. De plus, il ne faut pas croire que le jaïnisme est une religion unifiée. Outre un grand schisme intervenu en 79 après J-C., entre deux philosophies différentes, il existe autant d'approches qu'il y a d'éveillés...
Toutes se centrent sur la personne, et l'objectif est de libérer l'âme des multiples réincarnations. Il ne faut point chercher, même si les conséquences de la mise en oeuvre de la non-violence les favorisent, des préoccupations sociales et encore moins politiques, comme on le fait habituellement maintenant en Occident. Et ceci d'autant plus que le mode matériel est considéré est considéré comme rempli d'illusions et comme une véritable prison. Les multiples exercices d'ascétisme détaillés dans de nombreux ouvrages des Maitres, ont pour but de se débarrasser de toutes attaches envers ce monde, même si par ailleurs, on compte parmi ceux-ci - dans le cadre des stades de qualification spirituelle - le jeûne; la confession pénitence, la bonne conduite envers les autres, le service des membres de la communauté, l'étude, le recueillement, avec le soin (on peut se demander si ce n'est pas figure théorique) d'éviter les formes pathologiques et malignes qu'ils peuvent présenter...
Cette non-violence implique entre autres choses le végétarisme. La pratique alimentaire jaïne exclut la plupart des racines, car l'on pourrait causer du mal à un animal en les déterrant, et l'on détruit de facto une vie végétale. Les véritables ascètes et les pieux laïques jaïns ne mangent pas, ne boivent pas ou ne voyagent pas après le coucher du soleil et ne se lèvent pas avant son apparition, toujours pour éviter de blesser un être vivant par manque de lumière ou à cause des lampes, des bougies, etc. qui pourraient brûler les insectes attirés par leurs flammes dans la nuit. Certains jaïns pratiquent la mort pacifique par le jeûne, afin de respecter leurs voeux de non-violence et d'ascèse, et en raison de leur grand âge ou d'une maladie incurable (tradition panindienne qui existe aussi dans l'hindouisme.
Profondément influencé par le jaÏnisme particulièrement présent au Gujarat, le Mahatma GANDHI s'en inspire dans sa propre approche de la non-violence. Il est attiré par la façon de vivre jaïne, paisible et respectueuse de la vie. Il a aussi été inspiré par sa description même de la violence, définie en quatre catégorie : la violence accidentelle, parfois inévitable dans l'accomplissement des tâches domestiques ; la violence professionnelle, dans laquelle entre au premier plan l'intention première et mentale, malgré des conséquences des occupations diverses (agriculture, commerce, industrie, médicales...), la violence défensive, et la violence intentionnelle. Concernant la violence défensive, le jaÏnisme, avec l'hindouisme, considèrent que celle-ci peut être justifiée. UN soldat, qui tue ses ennemis dans un combat, accomplit un devoir légitime : les communautés jaïnes (pas toutes en fait) acceptent d'utiliser la puissance militaire pour leur défense et celle des autres, et il y a des laïcs jaïns, dans le passé et aujourd'hui. A ce sujet, GANDHI dit : "Ma non-violence n'autorise pas qu'on s'enfuie du danger en laissant les seins sans aucune protection. Je ne peux que préférer la violence à l'attitude de celui qui s'enfuit par lâcheté. Il est tout aussi impossible de pré^cher la non-violence à un lâche qui de faite admirer un beau spectacle à un aveugle. La non-violence est le summum du courage". Également, GANDHI considère qu'entre la violence et l'absence d'action, l'acceptation de l'oppression, il préfère toujours la violence.
Colette CAILLAT, Marie-Simone RENOU; Jinisme, dans Encyclopedia Universalis, 2014. VILAS ADINATH SANGAVE, Le jaïnisme, Guy Trédaniel éditeur, 1999. Site Internet : jainworld.com.
GANDHI, Tous les hommes sont frères, Gallimard, 1969.
RELIGIUS
Réédité suite à bug... le 13 mai 2021 en remplacement du "vide" du 5 mai...