5 mai 2008
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Livre indispensable pour ceux qui veulent étudier la psychanalyse et singulièrement le conflit psychique, "Trois essais sur la théorie sexuelle" (1905) eut un accueil virulent.
Comme l'écrit Michel GRIBINSKI dans la préface de l'édition de 1987, le livre tout entier est porté par une détermination iconoclaste, celle d'attaquer le savoir antérieur sur la sexualité humaine. Jean LAPLANCHE, dans "Vie et mort en psychanalyse" (Flammarion Champs, 1977) indique que c'est la sexualité qui représente le modèle de toute pulsion et probablement la seule pulsion au sens propre du terme.
Accusé de pansexualisme, Sigmund FREUD n'a cessé de répéter que toute sa théorie est fondée sur le conflit. Du conflit psychique, il en fait donc trois essais, parmi les textes les plus remaniés de sa vie : le premier, sur les aberrations sexuelles veut montrer qu'il ne s'agit justement pas d'aberrations et qu'elles se ramènent à la sexualité humaine, le deuxième sur la sexualité infantile veut prouver qu'elle existe et existe fortement, le troisième sur les remaniements de la puberté veut argumenter sur le fait que la découverte de l'objet sexuel n'est qu'une retrouvaille.
Ouvrage à la fois polémique et de recherche scientifique, "Trois essais sur la théorie sexuelle" part des aspects les plus répandus de toutes les perversions, le sadisme et le masochisme (nommés par Von KRAFFT-EBING) pour retrouver le mécanisme du refoulement sexuel, dont l'origine se situe dans l'enfance. Par l'analyse des explications infantiles de la sexualité (théories fausses de la naissance, conception sadique des rapports sexuels), la redécouverte des manifestations physiques des appétits de l'enfance dès son plus jeune âge (activités musculaires, masturbations, suçotements) comme ses manifestations phantasmatiques (envie de pénis et complexe de castration), il dresse un tableau de la genèse et de développement de l'organisation de la sexualité (orale, sadique-anale, génitale), de ses ambivalences, de son choix des objets sexuels. Les métamorphoses anatomiques et physiologiques de la puberté déplacent les modalités et les lieux d'expression de la sexualité infantile.
Dans sa récapitulation en fin d'ouvrage, Sigmund FREUD indique que la recherche sur la sexualité humaine est toujours à entreprendre pour comprendre aussi bien le normal que le pathologique. Il faut sans cesse combattre les idées fausses, nées des refoulements eux-mêmes. En sériant les facteurs de la sexualité humaine, la prématuration dès la naissance, la temporalité des manifestations physiologiques, l'adhérence ou capacité de fixation des pulsions sur un objet, l'auteur n'arrête pas au fil de ses années de recherche d'approfondir, de mettre en question, de questionner constamment les ressorts des pulsions sexuelles. En tout cas, "une bonne part des déviations qu'on peut observer plus tard par rapport à la vie sexuelle normale est déterminée d'emblée, aussi bien chez les névrosés que chez les pervers, par les impressions de la période infantile, soit-disant libre de toute sexualité." A notre époque de résurgence de pseudo-spiritualités et de religions castratrices, il est bon de rappeler de bonnes évidences, qui n'en sont pas toujours pour tout le monde.

Sigmund FREUD, Trois essais sur la théorie sexuelle, traduction de l'allemand de Philippe KOEPPEL, Gallimard, folio essais, 2001, 213 pages. Auparavant traduit en français "Trois essais sur la théorie de la sexualité" par Blanche REVERCHON-JOUVE en 1923. Cette traduction fut simplement revue en 1962 par Jean LAPLANCHE et J-B PONTALIS. Editions allemandes de 1905, 1910, 1915, 1920, 1922, 1925, 1942 et 1982.