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16 mai 2008 5 16 /05 /mai /2008 15:39
   Sous le titre développé qui ajoute ...à Paris, pendant la première moitié du XIXe siècle, Louis CHEVALIER entend par ce livre en 1958 promouvoir une histoire sociale, en renouvelant l'étude du crime, dans une période et un lieu bien circonscrit.
Tout au long de ses trois parties (le thème criminel, un état pathologique dans ses causes, un état pathologique dans ses effets) cet ouvrage entend décortiquer les statistiques (importantes mais parcellaires à l'époque), comme la littérature et la presse, qu'elle soit bourgeoise ou populaire, afin de dégager l'état de la population parisienne, et notamment l'état de la population ouvrière. Tâche difficile, dont l'auteur ne tire que de conclusions prudentes, que de restituer, loin d'une sécheresse statistique, les conditions des classes populaires dans ce Paris dont la population grossit très vite, réputé pour ses violences et ses brutalités.
    
   Le thème criminel constitue de loin de principal thème dans la presse comme dans la littérature pour parler de Paris vers 1800-1850. Le diagnostic contemporain, d'une ville crasseuse, aux habitants en mauvaise santé, à l'eau et l'air infectés de manière constante, même si déjà au XVIIIème siècle, la situation s'était améliorée par rapport aux siècles précédents. Selon l'auteur, "la misère de Paris pendant la première moitié du XIXème siècle offre la monstrueuse expérience d'une misère physique et morale qu'ont sécrétées de tout temps les grandes métropoles : l'étude du sombre Paris de ces années importe à l'étude du Paris contemporain, éclaire bien des aspects de ce Paris ancien. Le crime n'est pour nous que l'expression de déterminismes biologiques qu'ils nous faut reconnaître et étudier. Il s'agit moins de crimes en effet, en ce récit, que de l'un des principaux aspects et de l'une des principales possibilités de la carrière ouvrière que le crime résume, dont il permet de définir la pente et de retrouver les principaux éléments (...) L'importance du problème criminel vient de ce que ce problème pose le problème principal de la carrière ouvrière au cours de ces années."
     Retrouver ces éléments, à travers les chiffres des archives des autorités civiles ou des hôpitaux, pour voir l'évolution de la fécondité, de la mortalité, des crimes observés le plus souvent (le suicide, l'infanticide, la prostitution, la folie), de l'immigration, du changement dans la balance des sexes n'a certainement pas été des plus faciles, même si la matière en papier peut sembler abondante.
En tout cas, l'expression des opinions des différentes classes entre elles, de la classe bourgeoise sur la classe ouvrière, et vice-versa d'ailleurs, montre une grande agressivité. "La description des classes populaires, bien qu'incomplète et sans cesse rompue, présente (un) caractère que les recherches d'histoire quantitatives permettent de considérer comme essentiel : une lutte entre deux populations. Antagonisme dont les formes ne sont pas seulement économiques, professionnelles ou politiques, qui ne s'expriment pas seulement par des grèves, des émeutes ou des révolutions, mais aussi par une certaine allure des relations les plus quotidiennes et des rapports au travail ou dans la rue, et qui aboutit enfin à cette forme extrême de la violence : la criminalité." 
Les violences compagnonniques se mêlent aux violences proprement parisiennes. Dans l'imagerie de l'époque, l'opinion distingue difficilement classes laborieuses et classes dangereuses, mêlées dans leurs échanges sociaux, en temps ordinaire comme en temps de crises, d'émeutes ou d'épidémies.
      
       Dans sa conclusion, Louis CHEVALIER met en avant le contenu biologique "des attitudes et du comportement des gens les uns par rapport aux autres (...) que découvre l'expérience de la population parisiennes de ces années."
  "Ce n'est pas assez de reconnaître les aspects biologiques dans ces violences publiques et privées (...), il faut aller plus avant et pénétrer" dans les dispositions mentales des gens.
   Le tableau, tout au long de ses pages aux lignes serrées, bondées de cartes et de statistiques, ne diffère finalement guère de l'image qu'on a rapporté la littérature. Tout en souscrivant au projet de recherche de l'auteur, on peut rester tout de même sur sa faim quant aux conclusions à tirer de cette étude. Ce n'est pas un hasard si d'ailleurs l'auteur ne conclue pas véritablement.
       On peut comprendre toutefois, car la situation tout au long du XIXe siècle ne semble pas s'être améliorée (une litote?) à Paris, pourquoi ensuite des spécialistes en criminalité, comme Gabriel TARDE, ont cherché plus loin que les statistiques lacunaires et orientées, les ressorts de la "dangerosité" de certaines classes sociales...
 


  Louis CHEVALIER, Classes laborieuses et classes dangereuses, Librairie Générale Française, Le livre de poche, collection Pluriel, préface de l'auteur, avant-propos de Richard COBB, 1978, 729 pages. Première édition en 1958, aux éditions Plon.

                                                                                            SOCIUS
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