18 juin 2008
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Des psychanalyses des psychoses infantiles
Plusieurs courants psychanalytiques reprennent la suite des travaux du pédopsychiatre américain Léo KANNER (1894-1981) qui se propose d'isoler le syndrome de l'autisme infantile précoce. On l'observe chez de jeunes enfants atteints d'un retard très grave du développement psychique (absence de langage ou langage très pauvre et altéré), par l'incommunicabilité avec l'entourage et par des manifestations pathologiques spectaculaires (rituels, stéréotypes, intolérance au changement).
Il est parfois difficile de parler d'écoles homogènes, tant les approches sont parfois pluridisciplinaires et variées.
Aux Etats-Unis, Bruno BETTELHEIM (1903-1990), psychanalyste et éducateur très médiatisé, auteur du fameux "Psychanalyse des contes de fées" qui explique qu'ils exercent une fonction thérapeutique sur l'enfant en répondant de façon précise à ses angoisses, tente de ramener à la raison des enfants autistes en créant un environnement totalement à l'écoute de leur plainte et de leurs souffrances. Il met en place et dirige pendant 30 ans une École d'orthogénie (Chicago). Soulignant l'impact de l'environnement sur l'enfant, Bruno BETTELHEIM dénie toute origine organique à l'autisme. Ce qui déclenche après sa mort une polémique, de nombreux pédagogues et analystes s'élevant contre une culpabilisation des parents, qui prônent justement cette origine organique. Beaucoup ont un peu trop tendance, au minimum, à confondre les images inconscientes de bons et mauvais parents du jeune enfant avec la culpabilité réelle pointée du doigt de ceux-ci. On trouve d'ailleurs un certain nombre d'institutions dans cette polémique qui se retrouveront plus tard pour défendre l'idée que l'homosexualité est d'origine biologique...
L'influence de Bruno BETTELHEIM reste vivace, surtout à travers son hypothèse de "forteresse vide" (ces remparts que l'enfant dresse autour de lui, thème qui n'est pas sans rappeler la cuirasse caractérielle de Wilhelm REICH) et son concept de "situation extrême" (sensation de mort imminente qui déclenche les comportements de défense à la mesure de l'angoisse ressentie).
Toujours aux Etats-Unis, Margaret MAHLER (1897-1985), proche d'Anna FREUD, intègre les apports de l'ego-psychology à la théorie freudienne des pulsions et des stades de développement libidinal. Dans "Symbiose humaine et individuation" (1975), elle élabore l'idée d'une série de stades du développement vu sous l'angle de la distance relationnelle entre l'enfant et la mère. Comme dans beaucoup de courants psychanalytiques aux Etats-Unis, ses apports relèvent plus de la psychologie que de la psychanalyse.
Donald WINNICOTT (1896-1971), pédiatre britannique, bien que formé dans les milieux kleiniens, s'en détache pour élaborer surtout une pratique personnelle, dont il livre au fur et à mesure quantités de réflexions qui sont autant de petits textes, simplement remaniés à la publication. Il découvre ainsi, dans ce qu'il appelle "des balbutiements dans son effort pour saisir les faits", l'espace transitionnel, ce troisième espace, ni extérieur ni intérieur, entre le bébé et sa mère. Dans cet espace se développe une aire de jeu et de créativité où l'enfant se voit offert, si la mère est suffisamment bonne - on voit quelles polémiques peuvent surgir d'une telle approche - la possibilité de faire des expériences fondamentales pour sa maturation et son intégration. En cas d'échecs excessifs au tout début, le self, pour survivre, se dissocie en faux self soumis au désir de la mère et en self isolé de toutes nouvelles expériences. Loin de penser toutefois à l'existence d'un Moi dès sa naissance, Moi soumis à des fantasmes brutaux, Donald WINNICOTT voit un bébé qui passe progressivement d'un état de "dépendance absolue" à un état de "dépendance relative" qui s'adapte à la douloureuse découverte - entre ses périodes d'assoupissement - de la séparation d'avec la mère et de tout ce que cela implique, y compris l'apparition de l'inquiétude et d'une faculté de culpabilité.
Ces travaux influencent aujourd'hui une véritable nouvelle "science" (qui est aussi un sacré commerce...) : la bébélogie.
Frances TUSTIN (1913-1994), enseignante de formation, introduite en psychanalyse dans les milieux kleiniens, se spécialise toute sa vie aux soins des enfants autistes. Pour elle, la sensation d'arrachement, liée au traumatisme de séparation corporelle de la mère, se localise dans la bouche, comme si l'enfant se sent exposé à une série de discontinuités situés dans un axe bouche-langue-mamelon-sein. Cette sensation d'angoisse déclenche la mise en place de mécanismes défensifs, une coquille autistique, monde de sensations pures, sans altérité.
Sa compréhension de l'autisme déborde sur celle de troubles plus divers : phobies, mélancolie, anorexie mentale, psychopathie, pathologie psychosomatique, troubles fonctionnels graves de l'enfant. Ses quatre livres et sa pratique continuent d'inspirer nombre de courants en Europe et Etats-Unis.
Donald METZER (1922-2004) complète souvent par ses travaux, à travers les notion de claustrum et d'identification intrusive, les références à la psychanalyste britannique.
Située d'emblée dans la mouvance néo-kleinienne, Esther BICK (1901-1983) étudie à la fois l'importance de la peau au cours des relations précoces et la possibilité (pas évidente) d'une observation psychanalytique des bébés. Ses travaux, mal reçus en France (quoique Didier ANZIEUX aie développé des recherches sur le Moi-Peau), mais enseignés dans d'autres pays d'Europe, sont suivis encore avec attention en ce qui concerne sa méthode (très détaillée dans ses notes) pour l'observation régulières du tout-petit au sein de la famille.
Initiatrice et porteuse en France d'une conception des rapports entre enfants et parents maintenant passée dans les moeurs, Françoise DOLTO (1908-1988), longtemps partie prenante de l'école lacanienne, met en oeuvre dès 1940 une consultation très originale, ouverte aux analystes désireux de se former à l'analyse des enfants. Véritable militante des droits des enfants, elle multiplie les expériences novatrices (lieux d'accueil et d'écoute, émissions radiophoniques de consultation...) qui changent les relations entre la psychanalyse et la société.
Françoise DOLTO met en pratique dans ses consultations ses concepts d'"image inconsciente du corps", de "libido féminine", de "castrations symboliques" qui sont encore discutés par la communauté analytique et au-delà. Elle considère qu'avant même que l'enfant possède un véritable langage, l'être humain est par essence communiquant et il le fait d'abord par le corps : apprendre à marcher, manifester sa volonté de devenir propre, c'est déjà commencer à s'affranchir des parents et exprimer un début de désir d'indépendance.
Une problématique ni kleinienne ni annafreudienne, qui lui vaudra beaucoup d'exclusions d'ailleurs, est aujourd'hui très utile, à l'heure des familles décomposées-recomposées. Figure du féminisme politique, Françoise DOLTO constitue un exemple de l'intellectuel engagé.
Fondatrice en 1969 de l'école de Bonneuil-sur-Marne, lieu de vie pionnier, Maud MANNONI (1923-1998), tout au long et après un compagnonnage intellectuel avec Jacques LACAN, écrit de nombreux livres en faveur d'une écoute analytique des symptômes de l'enfant, "porte-paroles du malaise de la famille" et fait éclater le concept de débilité utilisé dans les milieux socio-médicaux. L'enfant est toujours doué de parole, qui attend d'être entendue.
De plein pied dans la société, Maud MANONNI participe à bien des conflits qui touchent les familles et communique une façon d'agir en psychanalyse, de se trouver du côté des poètes et des gens de terrain en contact avec la misère.
Serge LEBOVICI (1915-2000) est l'un des fondateurs en France du psychodrame analytique individuel. Sans faire d'humour, on peut dire qu'il est confronté à de nombreux psychodrames, comme acteur majeur de la Société Psychanalytique de Paris et de l'Association Psychanalytique Internationale (1973-1977).
Il refuse de trancher la controverse entre Anna FREUD et Mélanie KLEIN, préférant ouvrir une voie originale entre la tradition francophone et le développementalisme anglo-saxon. Serge LEBOVICI met en avant, dans sa conception des interactions bébé-parents, "la transmission intergénérationnelle" des conflits infantiles parentaux et la réciprocité des "transactions narcissiques" entre parents et enfants. Théorisant la pratique de la cure, il développe les notions d'"énaction" pour décrire l'éprouvé émotionnel et corporel de l'analyste face à la mère et au bébé, et d'"enquête métaphorisante" comme capacité à mettre en mots et en représentations leurs affects. Sa démarche n'est pas sans rappeler celle de Jacques LACAN qui tente de réfléchir aux dynamismes entre analysé et analysant.
Serge LEBOVICI, tant par ses sympathies politiques (membre du PCF de 1945 à 1949) que par son activité d'organisateur de la communauté psychanalytique (ses nombreux écrits sont souvent en collaboration avec divers autres de ses confrères) est mêlé aux innovations récentes.
Grande référence pour les traitements des psychoses et de l'ensemble de la psychiatrie, René DIATKINE (1918-1998) se détache de Jacques LACAN. Ses travaux ("La psychanalyse précoce" en 1972 notamment), imprégnés de la neuropsychologie des années cinquante, contribuent à la compréhension des maladies mentales infantiles, mais aussi à l'organisation en France et en Europe d'une véritable psychanalyse de l'enfant. Constamment, dans une approche pluridisciplinaire, tant théorique que pratique, René DIATKINE explique comment les liens se nouent entre le normal et le pathologique et comment ces liens permettent de sortir des classifications et d'un étiologie trop rigides. Dit autrement, les frontières entre le sain et le malade sont si ténues que seule une approche d'ensemble des troubles mentaux de l'enfant dès son plus jeune âge, avec ses processus de croissance physiologique et anatomique, permet de se faire une idée des conflits intérieurs infantiles. Sur le plan de l'analyse, il insiste pour faciliter chez l'enfant les réorganisations psychiques toujours possibles chez le malade.
Léo KANNER, Les troubles autistiques du contact affectif, 1943, article traduit en 1990 dans la Revue Neuropsychiatrique de l'enfance, disponible sur Internet sur le site Autisme.France.fr.
Bruno BETTELHEIM, La forteresse vide, 1967 (Gallimard, 1969); Psychanalyse des contes de fées, 1976 (Robert Laffont, 1976).
Donald WINNICOTT, Jeu et réalité, l'espace potentiel, Gallimard, 2004; Les enfants et la guerre, Payot, 2004; Agressivité, culpabilité et réparation, Payot, 2004; La crainte de l'effondrement, Gallimard, 2000; La nature humaine (il s'agit du seul livre de l'auteur, inachevé), Gallimard, 1990.
Frances TUSTIN, Autisme et psychose de l'enfant, 1972 (Editions du Seuil, 1982); Le trou noir de la psyché, 1986 (Editions du Seuil, 1989); Autisme et protection, 1990 (Editions du Seuil, 1992).
Françoise DOLTO, Psychanalyse et pédiatrie, Editions du Seuil, 1971; L'Evangile au risque de la psychanalyse (avec la collaboration de Gérard SEVERIN), Editions Jean-Pierre Delarge, 1977; Sexualité féminine, Editions Scarabée/A.M. Métailié, 1982; La cause des enfants, Editions Robert Laffont, 1985; Les étapes majeures de l'enfance, Editions Gallimard, 1994.
Maud MANNONI, L'enfant, sa "maladie" et les autres, Editions du Seuil, 1967; Amour, haine, séparation. Renouer avec la langue perdue de l'enfance, Editions du Seuil, 1991.
Serge LEBOVIVI, avec Françoise WEIL-HALPERON, Psychopathologie du bébé, PUF, 1989; Le bébé, la psychanalyste et la métaphore, Editions Odile Jacob, 2002
René DATKINE, Agressivité et fantasme d'agression, 1974 (texte paru dans la Revue Française de Psychanalyse en 1984); L'enfant dans l'adulte ou l'éternelle capacité de rêverie, Editions Delachaux et Niestle, 1994.
PSYCHUS
Plusieurs courants psychanalytiques reprennent la suite des travaux du pédopsychiatre américain Léo KANNER (1894-1981) qui se propose d'isoler le syndrome de l'autisme infantile précoce. On l'observe chez de jeunes enfants atteints d'un retard très grave du développement psychique (absence de langage ou langage très pauvre et altéré), par l'incommunicabilité avec l'entourage et par des manifestations pathologiques spectaculaires (rituels, stéréotypes, intolérance au changement).
Il est parfois difficile de parler d'écoles homogènes, tant les approches sont parfois pluridisciplinaires et variées.
Aux Etats-Unis, Bruno BETTELHEIM (1903-1990), psychanalyste et éducateur très médiatisé, auteur du fameux "Psychanalyse des contes de fées" qui explique qu'ils exercent une fonction thérapeutique sur l'enfant en répondant de façon précise à ses angoisses, tente de ramener à la raison des enfants autistes en créant un environnement totalement à l'écoute de leur plainte et de leurs souffrances. Il met en place et dirige pendant 30 ans une École d'orthogénie (Chicago). Soulignant l'impact de l'environnement sur l'enfant, Bruno BETTELHEIM dénie toute origine organique à l'autisme. Ce qui déclenche après sa mort une polémique, de nombreux pédagogues et analystes s'élevant contre une culpabilisation des parents, qui prônent justement cette origine organique. Beaucoup ont un peu trop tendance, au minimum, à confondre les images inconscientes de bons et mauvais parents du jeune enfant avec la culpabilité réelle pointée du doigt de ceux-ci. On trouve d'ailleurs un certain nombre d'institutions dans cette polémique qui se retrouveront plus tard pour défendre l'idée que l'homosexualité est d'origine biologique...
L'influence de Bruno BETTELHEIM reste vivace, surtout à travers son hypothèse de "forteresse vide" (ces remparts que l'enfant dresse autour de lui, thème qui n'est pas sans rappeler la cuirasse caractérielle de Wilhelm REICH) et son concept de "situation extrême" (sensation de mort imminente qui déclenche les comportements de défense à la mesure de l'angoisse ressentie).
Toujours aux Etats-Unis, Margaret MAHLER (1897-1985), proche d'Anna FREUD, intègre les apports de l'ego-psychology à la théorie freudienne des pulsions et des stades de développement libidinal. Dans "Symbiose humaine et individuation" (1975), elle élabore l'idée d'une série de stades du développement vu sous l'angle de la distance relationnelle entre l'enfant et la mère. Comme dans beaucoup de courants psychanalytiques aux Etats-Unis, ses apports relèvent plus de la psychologie que de la psychanalyse.
Donald WINNICOTT (1896-1971), pédiatre britannique, bien que formé dans les milieux kleiniens, s'en détache pour élaborer surtout une pratique personnelle, dont il livre au fur et à mesure quantités de réflexions qui sont autant de petits textes, simplement remaniés à la publication. Il découvre ainsi, dans ce qu'il appelle "des balbutiements dans son effort pour saisir les faits", l'espace transitionnel, ce troisième espace, ni extérieur ni intérieur, entre le bébé et sa mère. Dans cet espace se développe une aire de jeu et de créativité où l'enfant se voit offert, si la mère est suffisamment bonne - on voit quelles polémiques peuvent surgir d'une telle approche - la possibilité de faire des expériences fondamentales pour sa maturation et son intégration. En cas d'échecs excessifs au tout début, le self, pour survivre, se dissocie en faux self soumis au désir de la mère et en self isolé de toutes nouvelles expériences. Loin de penser toutefois à l'existence d'un Moi dès sa naissance, Moi soumis à des fantasmes brutaux, Donald WINNICOTT voit un bébé qui passe progressivement d'un état de "dépendance absolue" à un état de "dépendance relative" qui s'adapte à la douloureuse découverte - entre ses périodes d'assoupissement - de la séparation d'avec la mère et de tout ce que cela implique, y compris l'apparition de l'inquiétude et d'une faculté de culpabilité.
Ces travaux influencent aujourd'hui une véritable nouvelle "science" (qui est aussi un sacré commerce...) : la bébélogie.
Frances TUSTIN (1913-1994), enseignante de formation, introduite en psychanalyse dans les milieux kleiniens, se spécialise toute sa vie aux soins des enfants autistes. Pour elle, la sensation d'arrachement, liée au traumatisme de séparation corporelle de la mère, se localise dans la bouche, comme si l'enfant se sent exposé à une série de discontinuités situés dans un axe bouche-langue-mamelon-sein. Cette sensation d'angoisse déclenche la mise en place de mécanismes défensifs, une coquille autistique, monde de sensations pures, sans altérité.
Sa compréhension de l'autisme déborde sur celle de troubles plus divers : phobies, mélancolie, anorexie mentale, psychopathie, pathologie psychosomatique, troubles fonctionnels graves de l'enfant. Ses quatre livres et sa pratique continuent d'inspirer nombre de courants en Europe et Etats-Unis.
Donald METZER (1922-2004) complète souvent par ses travaux, à travers les notion de claustrum et d'identification intrusive, les références à la psychanalyste britannique.
Située d'emblée dans la mouvance néo-kleinienne, Esther BICK (1901-1983) étudie à la fois l'importance de la peau au cours des relations précoces et la possibilité (pas évidente) d'une observation psychanalytique des bébés. Ses travaux, mal reçus en France (quoique Didier ANZIEUX aie développé des recherches sur le Moi-Peau), mais enseignés dans d'autres pays d'Europe, sont suivis encore avec attention en ce qui concerne sa méthode (très détaillée dans ses notes) pour l'observation régulières du tout-petit au sein de la famille.
Initiatrice et porteuse en France d'une conception des rapports entre enfants et parents maintenant passée dans les moeurs, Françoise DOLTO (1908-1988), longtemps partie prenante de l'école lacanienne, met en oeuvre dès 1940 une consultation très originale, ouverte aux analystes désireux de se former à l'analyse des enfants. Véritable militante des droits des enfants, elle multiplie les expériences novatrices (lieux d'accueil et d'écoute, émissions radiophoniques de consultation...) qui changent les relations entre la psychanalyse et la société.
Françoise DOLTO met en pratique dans ses consultations ses concepts d'"image inconsciente du corps", de "libido féminine", de "castrations symboliques" qui sont encore discutés par la communauté analytique et au-delà. Elle considère qu'avant même que l'enfant possède un véritable langage, l'être humain est par essence communiquant et il le fait d'abord par le corps : apprendre à marcher, manifester sa volonté de devenir propre, c'est déjà commencer à s'affranchir des parents et exprimer un début de désir d'indépendance.
Une problématique ni kleinienne ni annafreudienne, qui lui vaudra beaucoup d'exclusions d'ailleurs, est aujourd'hui très utile, à l'heure des familles décomposées-recomposées. Figure du féminisme politique, Françoise DOLTO constitue un exemple de l'intellectuel engagé.
Fondatrice en 1969 de l'école de Bonneuil-sur-Marne, lieu de vie pionnier, Maud MANNONI (1923-1998), tout au long et après un compagnonnage intellectuel avec Jacques LACAN, écrit de nombreux livres en faveur d'une écoute analytique des symptômes de l'enfant, "porte-paroles du malaise de la famille" et fait éclater le concept de débilité utilisé dans les milieux socio-médicaux. L'enfant est toujours doué de parole, qui attend d'être entendue.
De plein pied dans la société, Maud MANONNI participe à bien des conflits qui touchent les familles et communique une façon d'agir en psychanalyse, de se trouver du côté des poètes et des gens de terrain en contact avec la misère.
Serge LEBOVICI (1915-2000) est l'un des fondateurs en France du psychodrame analytique individuel. Sans faire d'humour, on peut dire qu'il est confronté à de nombreux psychodrames, comme acteur majeur de la Société Psychanalytique de Paris et de l'Association Psychanalytique Internationale (1973-1977).
Il refuse de trancher la controverse entre Anna FREUD et Mélanie KLEIN, préférant ouvrir une voie originale entre la tradition francophone et le développementalisme anglo-saxon. Serge LEBOVICI met en avant, dans sa conception des interactions bébé-parents, "la transmission intergénérationnelle" des conflits infantiles parentaux et la réciprocité des "transactions narcissiques" entre parents et enfants. Théorisant la pratique de la cure, il développe les notions d'"énaction" pour décrire l'éprouvé émotionnel et corporel de l'analyste face à la mère et au bébé, et d'"enquête métaphorisante" comme capacité à mettre en mots et en représentations leurs affects. Sa démarche n'est pas sans rappeler celle de Jacques LACAN qui tente de réfléchir aux dynamismes entre analysé et analysant.
Serge LEBOVICI, tant par ses sympathies politiques (membre du PCF de 1945 à 1949) que par son activité d'organisateur de la communauté psychanalytique (ses nombreux écrits sont souvent en collaboration avec divers autres de ses confrères) est mêlé aux innovations récentes.
Grande référence pour les traitements des psychoses et de l'ensemble de la psychiatrie, René DIATKINE (1918-1998) se détache de Jacques LACAN. Ses travaux ("La psychanalyse précoce" en 1972 notamment), imprégnés de la neuropsychologie des années cinquante, contribuent à la compréhension des maladies mentales infantiles, mais aussi à l'organisation en France et en Europe d'une véritable psychanalyse de l'enfant. Constamment, dans une approche pluridisciplinaire, tant théorique que pratique, René DIATKINE explique comment les liens se nouent entre le normal et le pathologique et comment ces liens permettent de sortir des classifications et d'un étiologie trop rigides. Dit autrement, les frontières entre le sain et le malade sont si ténues que seule une approche d'ensemble des troubles mentaux de l'enfant dès son plus jeune âge, avec ses processus de croissance physiologique et anatomique, permet de se faire une idée des conflits intérieurs infantiles. Sur le plan de l'analyse, il insiste pour faciliter chez l'enfant les réorganisations psychiques toujours possibles chez le malade.
Léo KANNER, Les troubles autistiques du contact affectif, 1943, article traduit en 1990 dans la Revue Neuropsychiatrique de l'enfance, disponible sur Internet sur le site Autisme.France.fr.
Bruno BETTELHEIM, La forteresse vide, 1967 (Gallimard, 1969); Psychanalyse des contes de fées, 1976 (Robert Laffont, 1976).
Donald WINNICOTT, Jeu et réalité, l'espace potentiel, Gallimard, 2004; Les enfants et la guerre, Payot, 2004; Agressivité, culpabilité et réparation, Payot, 2004; La crainte de l'effondrement, Gallimard, 2000; La nature humaine (il s'agit du seul livre de l'auteur, inachevé), Gallimard, 1990.
Frances TUSTIN, Autisme et psychose de l'enfant, 1972 (Editions du Seuil, 1982); Le trou noir de la psyché, 1986 (Editions du Seuil, 1989); Autisme et protection, 1990 (Editions du Seuil, 1992).
Françoise DOLTO, Psychanalyse et pédiatrie, Editions du Seuil, 1971; L'Evangile au risque de la psychanalyse (avec la collaboration de Gérard SEVERIN), Editions Jean-Pierre Delarge, 1977; Sexualité féminine, Editions Scarabée/A.M. Métailié, 1982; La cause des enfants, Editions Robert Laffont, 1985; Les étapes majeures de l'enfance, Editions Gallimard, 1994.
Maud MANNONI, L'enfant, sa "maladie" et les autres, Editions du Seuil, 1967; Amour, haine, séparation. Renouer avec la langue perdue de l'enfance, Editions du Seuil, 1991.
Serge LEBOVIVI, avec Françoise WEIL-HALPERON, Psychopathologie du bébé, PUF, 1989; Le bébé, la psychanalyste et la métaphore, Editions Odile Jacob, 2002
René DATKINE, Agressivité et fantasme d'agression, 1974 (texte paru dans la Revue Française de Psychanalyse en 1984); L'enfant dans l'adulte ou l'éternelle capacité de rêverie, Editions Delachaux et Niestle, 1994.
PSYCHUS