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10 décembre 2008 3 10 /12 /décembre /2008 13:17
           A l'heure où encore, malgré des crises financières à répétition, la perception dominante de l'homme passe par une vision économiciste, l'ouvrage de Tony ANDREANI, membre de la Fondation Copernic, propose une critique radicale de celle-ci. C'est en effet à une critique psychologique, sociologique, socio-psychologique et éthico-politique que le philosophe se livre. Cette philosophie économiste qui envahit tous les esprits et tous les actes de la vie quotidienne mérite depuis longtemps d'être passée au laminoir de la critique.
          La vision de l'individu comme d'un être  cherchant avant tout à satisfaire des besoins illimités par une accumulation de richesses, qui ne conçoit avec les autres qu'un rapport contractuel, qui est définit comme libre et rationnel, tellement libre qu'il ignore les pressions sociales et ne suit que les indications du marché n'est nullement une vision multi-séculaire...
Née avec l'essor du capitalisme marchand, elle résulte d'une série de présupposés que l'auteur entend remettre en question. L'intérêt même des théories classique et néo-classique de l'économie est qu'il recherche l'allocation optimale des facteurs travail et capital pour la fabrication et la commercialisation des choses. Même si elles reposent tout de même sur une théorie des équilibres partiels qui se compensent de marché en marché,  Tony ANDREANI se demande si cette théorie ne repose pas sur une conception mythique de l'équilibre.
D'ailleurs, comme il le souligne, la pauvreté de la valeur descriptive et l'indigence de la valeur prédictive de la science économique, "peut-être inférieure à celle de la météorologie"... met en cause la réalité de l'existence de tels équilibres...
           L'enjeu de son étude est grand, car comme il l'écrit dans le premier chapitre de son livre, "l'homo oeconomicus n'est pas seulement un modèle explicatif. Il a aussi, quoiqu'il s'en défende, une valeur normative, se muant en un vaste discours idéologique qui pousse les individus à se comporter selon ses prescriptions."

       Tony ANDREANI, considérant qu'il existe dans l'existence humaine deux sphères, celle des activités de travail et celle des occupations de temps libre, ou de "consommation", revient sur les réflexions de nombreux auteurs en philosophie sur les Passions et la Raison, décortique la notion de Désir et de Plaisir, à travers les travaux des continuateurs de Sigmund FREUD (Gérard MENDEL, Serge LECLAIRE...). "...un individu n'est pas cet agrégat d'intérêts et d'apprentissages que la psychologie économiste conçoit sur le modèle de l'intersubjectivité comme relation entre sujets autonomes et souverains, et ses relations avec les autres ne se réduisent pas à des relations d'instrumentalisation, de rivalité et de séduction (...). Ces relations existent bien, mais elles se construisent sur une infrastructure d'impressions passives, de relations identificatoires et d'aspirations fusionnelles qui lui préexiste constamment. A l'ignorer, la psychologie économiste manque un très grand nombre de phénomènes sociaux et ne peut comprendre pourquoi l'homo oeconomicus a des comportement fort différents de ceux qu'on attend de lui."
    Décideurs irrationnels, les hommes et les femmes ne constituent pas, même s'ils ont des connaissances scientifiques et logiques plus importantes que ceux qui les ont précédés, des unités rationnelles que l'on peut traduire dans des statistiques de comportements. La rationalité des personnes est souvent une rationalité tronquée, à la fois par la méconnaissance de ce qu'ils sont réellement et par la mauvaise connaissance des structures sociales dans lesquelles ils évoluent. S'inspirant beaucoup des travaux de Pierre BOURDIEUX, l'auteur montre tout au long de sa critique sociologique que les actions humaines peuvent se faire contre leurs propres intérêts individuels et collectifs. Sa forte critique éthico-politique porte notamment contre une certaine interprétation de la liberté et de la justice. En poussant un tout petit peu plus loin que la pensée de l'auteur, on pourrait dire que toutes les théories dominantes qui tournent auteur de l'homo oeconomicus vont à l'encontre de la socialité.

     Dans un "post-scriptum", Tony ANDREANI relève la duplicité du discours économique. "D'un côté, il se prétend modeste (on ne traitera ici que des comportements égoïstes de calculateurs rationnels, et on laissera le reste à d'autres sciences) (...), de l'autre, il ambitionne de tout expliquer, même l'amour et le don". Pour lui, il "faut cesser de se voiler la face : nous ne sommes pas et ne serons jamais des acteurs rationnels, mais nous pourrions faire quelques progrès en prenant la mesure de nos passions. Nous ne sommes pas davantage condamnés à répondre à l'ubris des dominants par des ruses serviles. Et je ne cacherais pas qu'à mon avis le capitalisme, puisqu'il faut l'appeler par son nom, est un système social foncièrement irrationnel, alors même qu'il a, plus que tout autre, développé et utilisé des outils de rationalité."
   
   Tony ANDREANI est également l'auteur de l'ouvrage Le socialisme est (a)venir, en deux tomes, publiés également aux Éditions Syllepse (2001 et 2004).

    Tony ANDREANI, Un être de raison, critique de l'homo oeconomicus, Editions Syllepse, ouvrage publié avec le soutien de la Fondation Copernic, 2000, 246 pages.

                                                                                                            ECONOMIUS
 
Relu et corrigé le 1 décembre 2018
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