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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 09:09
    Musicologie et sémantique musicale

     La musicologie, au domaine très vaste (Danièle PISTONE) s'intéresse peu au conflit, mais en revanche elle peut intéresser une recherche sur le conflit dans au moins deux directions :
- l'étude de la langue musicale en liaison avec son impact sur la psychologie ;
- l'analyse des styles musicaux qui reste à mener de façon systématique, avec les apports de la psychophysiologie ou de la neurologie ;
         Précisément, les perspectives de recherche de la sémantique musicale (Jean-Jacques NATTIEZ) sont prometteuses : des analyses se "proposent de faire apparaître la dimension sémantique des oeuvres et des corpus (...) qui reconnaît que la musique est le véhicule d'émotions, de sentiments, d'images appartenant au vécu des compositeurs et des auditeurs". Jean MOLINO, professeur à l'université de Lausanne, tente de démontrer à travers sa théorie tripartite de la sémiologie, que la musique est à la fois un système complet de formes pures et que ce système est immergé dans le vécu humain.
 

     Musique et violence, études éparses

    Pierre FERRAND, dans la revue Gravitations, effectue une analyse musicologique de la neuvième symphonie de CHOSTAKOVITCH (1906-1975), compositeur soviétique, pour comprendre certaines relations entre violence et musique.
"Violence et musique semblent à première vue former un couple riche, trop riche, sinon indissociable. De fait, définir "la" violence musicale relèverait d'une gageure improbable : ses manifestations, comme ses sens, paraissent en effet multiples. Une grande partie de la musique occidentale semble en effet constituée d'une ensemble de tensions et de détentes, créées par l'emploi de nuances variées, de dissonances, d'effectifs instrumentaux différents. Il arrive même aux compositeurs les plus "doux" selon l'imagerie populaire de céder à une forme de violence sensible (...). Violence des sentiments déployés par le romantisme, violence faite à la forme dans un mouvement général qui, sans être propre aux derniers siècles, s'y accentue. D'une certaine manière, tout compositeur pourrait être qualifié de violent même si chacun d'eux semble faire une place particulière aux diverses formes de violence médicale : quel rapport entre les affrontements gigantesques de MAHLER (1860-1911) (Sixième ou Neuvième symphonies) mêlant en un tout les ambiances les plus contradictoires et la violence du Boléro, conçu par RAVEL (1875-1937), dans le refus de tout développement, comme une mort de la musique? A ne considérer qu'un seul compositeur, STRAVINSKI (1882-1971) à titre d'exemple, quoi de comparable entre les pulsions primitives du Sacre du Printemps et les brusques sections de l'Histoire du soldat? La violence se découvre en chaque compositeur, comme en chaque oeuvre, d'une manière qui lui est propre. Un même procédé d'écriture peut signifier une chose tout à fait différente ou, si le terme de signification semble excessif à certains mélomanes, rendre un tout autre effet."
  Dans cette analyse, l'auteur fait référence et effectue un parallèle prudent entre le conflit du compositeur avec l'establishment artistique soviétique et la manière dont il construit sa musique. D'une certaine manière la violence entre individus se traduit, se transfigure?, se canalise?, s'exprime en tout cas dans la manière dont ils composent les sons et dans la manière dont ils reçoivent l'exécution de la musique.

      Des expériences sur le vécu musical sont entreprise, encore de façon dispersée, comme celle du Gymnase de Nyon en 1993, menée par Hania BARTHOLOME. Citons simplement l'entrée en matière de la présentation de celle-ci :
"De quelle manière la musique "agressive" est-elle ressentie chez les personnes et peut-elle engendrer certaines formes de violence?
Mon travail de maturité est une atelier dans lequel je démontre la question en faisant des expériences. Ces dernières, présentées ici sous forme d'interviews, m'ont permis de définir les contours de la violence. Je parlerai plus spécifiquement des violences actives et passives chez les jeunes et leur lien avec la musique (violente) et les émotions qu'elles engendrent. Je ne tiendrai pas compte des facteurs comme le sexe et l'environnement social, car un telle étude exigerait bien plus qu'un travail d'atelier. Mon choix de personnes se porte sur leurs goûts musicaux en général.
La relation entre musique et violence est un thème qui apparaît très souvent dans notre société actuelle. En effet, celle-ci étant de plus en plus conflictuelle, la musique a tendance à refléter son instabilité et souvent les gens s'y identifient. D'ailleurs les statistiques le prouvent, le Hip Hop, le Rock et ses dérivés (le punk par exemple) sont les deux courants à titre revendicatif les plus appréciés en ce moment. On pourrait donc en conclure que musique et violence dans la société font route main dans la main et que la musique influence le comportement des gens.
Vu la popularité de ces deux tendances, Hip Hop et Rock, il est important de comprendre les sentiments qu'éprouvent les gens face à l'écoute de cette musique. Mon travail, cependant, analysera uniquement les effets de la musique punk."
"Il ne faut pas oublier le fait que cet atelier est purement expérimental, qu'il ne s'avère en aucun cas un travail objectif. Les analyses et conclusions seront donc uniquement subjectives, hypothétiques et par conséquent non généralisables".
   Il s'agissait d'interroger plusieurs personnes, individuellement ou en groupe, à travers dessins et questionnaires ce qu'elles avaient ressenti à l'écoute de ces musiques.
   Ce travail expérimental mériterait certainement à être effectué de manière systématique, étendu à de nombreux types de musique, sur une longue période, et sur des publics ciblés différenciés, pour en tirer des enseignements qui ferait avancer notre compréhension des liens entre conflit et musique.
 
 

Nathalie HEINICH, La sociologie de l'art, Editions La Découverte, collection Repères, 2006. Jean-jacques NATTIEZ, articles Ethnomusicologie et Analyse et sémiologie musicales, Encyclopedia Universalis, 2004. Danièle PISTONE, article Musicologie, Encyclopédia Universalis, 2004. Pierre FERRAND, Musique et contre-musiques : la neuvième symphonie de CHOSTAKOVITCH, dans la revue Gravitations, Actes de violence, numéro 2, 2008.
Theodore ADORNO, Philosophie de la nouvelle musique, Gallimard, 1962. Norbert ELIAS, Mozart, Sociologie d'un génie, Seuil, 1991. Antoine HENNION, La passion musicale, Une sociologie de la médiation, Métailié, 1993. Pierre-Michel MENGER, Le paradoxe du musicien. Le compositeur, le mélomane et l'État dans la société contemporaine, Flammarion, 1983 ; Max WEBER, Sociologie de la musique, Métailié, 1998.

                                                                           ARTUS
 
Relu le 11 janvier 2019
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