7 avril 2009
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Contemporain de René DESCARTES, Baruch SPINOZA (Benedictus de Spinoza) est vraisemblablement un de ces philosophes et philosophes politiques dont l'influence est la plus prégnante dans les conflits à caractères politiques et religieux du XVIIème siècle à nos jours. De même que les philosophes se déclarent hégéliens ou kantiens dans les conflits les plus divers, la plupart des personnes font du spinozisme ou de l'anti-spinozisme sans le savoir. Juif d'Amsterdam d'une famille descendante des marranes (Juifs chassés d'Espagne au XVème siècle par les Rois catholiques), à l'éducation juive et philosophique, SPINOZA porte "à l'extrême le mouvement d'idées et d'exigences nouvelles qui animait à la fois les libéraux juifs et les oppositionnels protestants. (...) Il finit par se séparer ouvertement de tous les dogmatismes, juif ou chrétien" (Robert MISRAHI). Son oeuvre agit en silence, par propagation continue des ses écrits, écrits au contenu paradoxal et subversif.
C'est à plusieurs titres qu'un tel philosophe intéresse une étude sur le conflit, tant à travers son oeuvre, à la diffusion largement posthume, qu'au travers des multiples interprétations données à celle-ci par ses vulgarisateurs, ses détracteurs et ses prosélytes...
C'est à plusieurs titres qu'un tel philosophe intéresse une étude sur le conflit, tant à travers son oeuvre, à la diffusion largement posthume, qu'au travers des multiples interprétations données à celle-ci par ses vulgarisateurs, ses détracteurs et ses prosélytes...
Pour Leo STRAUSS et Joseph CROPSEY, Baruch SPINOZA "est le premier philosophe à avoir écrit une défense systèmatique de la démocratie. Elle se trouve dans son Traité Théologico-politique, qui fut publié en 1670. Cette défense apparait comme une conséquence nécessaire de la position métaphysique de Spinoza et de sa répudiation explicite de la philosophie politique traditionnelle. L'expression la plus précise des fondements métaphysiques de la pensée politique se trouve dans l'Ethique, l'oeuvre majeure de Spinoza, qui étudie la structure fondamentale de la réalité ou la Substance, et donc de la relation entre l'existence humaine et l'ordre éternel. Le rejet de la philosophie politique traditionnelle par Spinoza s'exprime de la manière la plus claire dans les premières pages du Traité politique et il le conduit à remplacer ce qu'il tient pour les conceptions imaginaires et inutiles des philosophes traditionnels par les analyses réalistes, scientifiques, de la vie politique, qui caractérisent des hommes au premier rang desquels se trouve Machiavel.
La métaphysique scientifique de Spinoza conserve dans une certaine mesure l'aspect de la tradition politique classique selon lequel un ordre éternel sous-tend et règle l'ordre simplement humain. Selon la compréhension classique, l'ordre éternel devient d'abord accessible grâce à une analyse de cet ordre humain. Mais l'analyse de Spinoza, en se tenant à son acceptation des procédures scientifiques modernes, implique une négligence de principe de l'ordre humain, afin que l'ordre éternel puisse devenir visible. L'observation des phénomènes politiques, en tant que distincts de l'ordre, tente d'éliminer la distorsion propre à la perspective simplement humaine : les phénomènes politiques sont rassemblés et analysés exactement comme les phénomènes de n'importe quelle autre science. L'ordre humain est ainsi "déduit" de l'ordre éternel scientifiquement dévoilé."
Son Traité de la réforme de l'entendement (publié en 1677, rédigé en 1656 ou 1662...), qui précède (?) ses Principes de philosophie de Descartes dont il enseigne l'oeuvre, porte sur la recherche d'une méthode pour connaitre le vrai et le faux. "(Cette) recherche serait vaine, quel que soit notre amour du vrai, si elle devait nous laisser par ailleurs dans l'état où nous sommes, qui regardons comme le souverain bien le plaisir des sens, la richesse et l'honneur, biens pourtant incertains, qui venant à manquer nous plongent dans la tristesse, que nous avons tort de chercher pour eux-mêmes. La réforme de l'entendement serait vaine, si elle n'était pas elle-même une éthique, si la connaissance qu'elle se donne pour fin n'était pas telle qu'elle fût par elle-même, en nous égalant à notre vraie nature, le souverain bien." (Jean LECHAT).
Établir une méthode est au coeur de cet ouvrage. Il résout le problème de la recherche de celle-ci par la pratique : le faux se montre lui-même dans l'échec de la déduction, et le vrai dans son succès. L'origine de la réalité se trouve dans "une puissance native de l'entendement". L'idée vraie donnée, c'est bien sûr, par excellence l'idée de Dieu. Mais SPINOZA "ne dit jamais que la méthode doive partir seulement de l'idée de Dieu, à l'exclusion des autres idées : tout au contraire, il précise bien (...) que la méthode peut partir de la considération d'une idée vraie "quelconque". La bonne méthode est donc finalement celle qui montre comment l'esprit doit être dirigé selon la norme d'une idée vraie donnée". (Charles RAMOND). Il y a un fondement autonome au vrai qui ne nécessite pas, comme chez DESCARTES, de se référer à Dieu, ultime recours ou nécessaire justification.
Dans l'Éthique (rédigé entre 1663 et 1675, publié en 1677), Baruch SPINOZA examine, selon le plan traditionnel du traité de théologie, une théorie de Dieu, une théorie de l'âme, une théorie des "effets" des modes de connaissance, une théorie du salut pour l'amour de Dieu.
Son Traité de la réforme de l'entendement (publié en 1677, rédigé en 1656 ou 1662...), qui précède (?) ses Principes de philosophie de Descartes dont il enseigne l'oeuvre, porte sur la recherche d'une méthode pour connaitre le vrai et le faux. "(Cette) recherche serait vaine, quel que soit notre amour du vrai, si elle devait nous laisser par ailleurs dans l'état où nous sommes, qui regardons comme le souverain bien le plaisir des sens, la richesse et l'honneur, biens pourtant incertains, qui venant à manquer nous plongent dans la tristesse, que nous avons tort de chercher pour eux-mêmes. La réforme de l'entendement serait vaine, si elle n'était pas elle-même une éthique, si la connaissance qu'elle se donne pour fin n'était pas telle qu'elle fût par elle-même, en nous égalant à notre vraie nature, le souverain bien." (Jean LECHAT).
Établir une méthode est au coeur de cet ouvrage. Il résout le problème de la recherche de celle-ci par la pratique : le faux se montre lui-même dans l'échec de la déduction, et le vrai dans son succès. L'origine de la réalité se trouve dans "une puissance native de l'entendement". L'idée vraie donnée, c'est bien sûr, par excellence l'idée de Dieu. Mais SPINOZA "ne dit jamais que la méthode doive partir seulement de l'idée de Dieu, à l'exclusion des autres idées : tout au contraire, il précise bien (...) que la méthode peut partir de la considération d'une idée vraie "quelconque". La bonne méthode est donc finalement celle qui montre comment l'esprit doit être dirigé selon la norme d'une idée vraie donnée". (Charles RAMOND). Il y a un fondement autonome au vrai qui ne nécessite pas, comme chez DESCARTES, de se référer à Dieu, ultime recours ou nécessaire justification.
Dans l'Éthique (rédigé entre 1663 et 1675, publié en 1677), Baruch SPINOZA examine, selon le plan traditionnel du traité de théologie, une théorie de Dieu, une théorie de l'âme, une théorie des "effets" des modes de connaissance, une théorie du salut pour l'amour de Dieu.
A partir de l'opinion des grands philosophes et de la connaissance fine de la Bible, dans le latin pour que l'écrit ne circule qu'entre personnes averties, il subvertit en fait la notion de Dieu. Dieu est Nature et la Nature est Dieu, écrit-il, en centrant d'un bout à l'autre son propos sur l'homme. "Substance, attributs, modes infinis et modes finis sont le système conceptuel qui permet de n'expliquer la Nature que par la Nature (sans mystère ni transcendance), tout en respectant l'opposition fondamentale entre le fini et l'infini. Mais c'est sur un plan homogène horizontal et méthodologique (celui de la raison) que ces deux aspects du réel s'opposent ; ils sont instruments de connaissance et détermination d'une même nature, et non pas régions ontologiques hétérogènes. Le système rationnel et structuré de l'unité de la Nature permet donc à la fois de se libérer du mystère et des arrière-mondes, et d'instaurer une maitrise rationnelle de l'homme sur la Nature et l'Etre. Il n'y a pas de contradiction entre l'homme et l'Etre parce que l'Etre n'est rien d'autre que cette totalité structurée dont l'homme est une partie finie, fort intelligible." (Robert MISRAHI).
L'imagination des hommes remplace leur connaissance de la réalité, leurs idées générales sont des idées confuses, car ils se laissent trop facilement emporter par la lecture de choses imaginaires. Affirmant que les hommes se croient libres parce qu'ils ignorent qu'ils sont déterminés, le philosophe renverse les arguments de ses prédécesseurs. L'idée vraie de la liberté ne peut être celle d'un décret libre, car il n'y en a pas du tout, ni en l'homme, ni en Dieu. C'est que la liberté n'est pas le contraire de la nécessité, c'est le contraire de la contrainte. Pour Baruch SPINOZA, tout ce qui tourne autour de la liberté, la contrainte et la nécessité, n'est en rien lié à un parcours classique de l'itinéraire spirituel qui va de l'obscurité initiale, de la douleur de l'entrée dans la réforme, suivie de l'illumination progressive puis totale, et retour de l'esprit ou de l'âme éclairée dans la réalité commune. A l'inverse de la logique de la Caverne de PLATON, SPINOZA ne fait pas de cette recherche ascétique de la connaissance une méthode pour parvenir à la vérité, et surtout pas par une sorte de discipline de l'esprit et du corps, familière à la majeure partie du christianisme. Il n'y a qu'une possibilité d'acquérir la vérité vraie, c'est de participer pleinement aux lois universelles de la nature. La vertu d'un être, c'est sa puissance. Non le pouvoir, mais sa puissance.
L'imagination des hommes remplace leur connaissance de la réalité, leurs idées générales sont des idées confuses, car ils se laissent trop facilement emporter par la lecture de choses imaginaires. Affirmant que les hommes se croient libres parce qu'ils ignorent qu'ils sont déterminés, le philosophe renverse les arguments de ses prédécesseurs. L'idée vraie de la liberté ne peut être celle d'un décret libre, car il n'y en a pas du tout, ni en l'homme, ni en Dieu. C'est que la liberté n'est pas le contraire de la nécessité, c'est le contraire de la contrainte. Pour Baruch SPINOZA, tout ce qui tourne autour de la liberté, la contrainte et la nécessité, n'est en rien lié à un parcours classique de l'itinéraire spirituel qui va de l'obscurité initiale, de la douleur de l'entrée dans la réforme, suivie de l'illumination progressive puis totale, et retour de l'esprit ou de l'âme éclairée dans la réalité commune. A l'inverse de la logique de la Caverne de PLATON, SPINOZA ne fait pas de cette recherche ascétique de la connaissance une méthode pour parvenir à la vérité, et surtout pas par une sorte de discipline de l'esprit et du corps, familière à la majeure partie du christianisme. Il n'y a qu'une possibilité d'acquérir la vérité vraie, c'est de participer pleinement aux lois universelles de la nature. La vertu d'un être, c'est sa puissance. Non le pouvoir, mais sa puissance.
"La critique spinozienne des positions de DESCARTES vise fréquemment la notion de "pouvoir", si bien qu'en en viendrait à voir dans le spinozisme une philosophie de la puissance par opposition à une philosophie du "pouvoir". Les textes (...) obligent à une appréciation plus nuancée. (Néanmoins) l'opposition entre puissance et pouvoir est (...) particulièrement visible là (...) où SPINOZA reproche à DESCARTES et aux Stoïciens d'avoir conçu la maitrise sur les passions sous la forme d'un "pouvoir absolu" de la volonté, avant de défendre sa propre thèse d'une "puissance" de la raison." (Charles RAMON).
Le Traité théologico-politique (1670) écrit dans l'urgence de se défendre contre les accusations d'athéisme, veut d'abord montrer "que la prétention d'une théologie fondée sur la seule autorité de l'Écriture de gouverner les consciences n'est rien d'autre que la confusion de l'historique et du rationnel, de la philologie et de la philosophie ; que la liberté de penser et de parler ne menace, ni la piété, ni, tout au contraire, la paix de l'Etat." (Jean LECHAT).
Le Traité montre la nécessité de préserver la liberté du citoyen et prouve rationnellement, pour tous les temps et tous les lieux, que la finalité de l'association politique, indispensable pour sortir d'un état de nature, tel que décrit par ailleurs par Thomas HOBBES, n'est pas la domination (présentée comme nécessaire par tous les dominants), mais la liberté, et que de tous les régimes, le démocratique est le meilleur. Dans le fil droit de sa conception de la puissance, Baruch SPINOZA prône non pas l'abdication de la puissance de chacun pour la sécurité de tous, mais l'union de tous en un corps dont la puissance fait la puissance de tous. Sa conception du Pacte social est celle où tous les hommes expriment leur puissance ensemble. Trop souvent, le Pacte social imite la raison sans aller jusqu'à la lumière, pour reprendre la phraséologie de Baruch SPINOZA. La philosophie de SPINOZA est considérée à juste titre comme un "rationalisme absolu" qui met le désir en avant, compris comme l'impulsion de l'homme à satisfaire les besoins de son intelligence. Il s'agit, dans la composition d'autant de forces en l'homme qu'il y a de désirs, de permettre l'expression d'une puissance, seule capable de permettre l'accession individuelle et collective à la lumière. On peut comprendre les foudres des prêtres ascètes de la foi pour qui l'accession précisément à la lumière nécessite de brider les esprits et les corps.
C'est dans le Traité politique (1677), inachevé, comme beaucoup de ses écrits d'ailleurs, que SPINOZA va le plus loin dans sa conception de la société la meilleure.
Pour Antonio NEGRI, cet ouvrage est "un ouvrage de fondation théorique : fondation de la pensée politique démocratique de l'Europe moderne. Affirmation rigoureuse : on ne saurait tout d'abord ramener à une identité générique l'idée moderne de démocratie, fondée sur le concept de multitudo, et de démocratie chez SPINOZA, et bien davantage encore du concept de multitudo, c'est l'universalité humaine." Cette vision pratiquement dithyrambique du Traité politique est partagée aujourd'hui par beaucoup, même chez ceux qui n'entrent pas dans une problématique marxisante.
SPINOZA fixe les bornes naturelles de la puissance souveraine et déclare que les États sont naturellement ennemis. Dans le traité théologico-politique, déjà, on trouve des passages qui inspirent par la suite nombre de révolutionnaires.
Déclarés au XIXème siècle comme l'une des oeuvres les plus grandes (SCHELING, SCHOPENHAUER, HEGEL, NIETZSCHE), redécouverts et réhabilités au XXème siècle (FREUD, BERGSON, Michel HENRY, DELEUZE, NEGRI), les ouvrages de Baruch SPINOZA sont d'abord décriés, condamnés, détournés, utilisés sans mention de source, plagiés au XVIIème et au XVIIIème siècle, que ce soit dans la littérature des philosophes reconnus par les Universités ou dans les littératures clandestines.
La réaction est vive du côté des "chrétiens officiels". Cet athéisme, panthéisme... suscite des réfutations innombrables - qui le réfute se fait sans doute bien voir des autorités "morales" - qui ont l'effet paradoxal ensuite de surmultiplier les publications de ses ouvrages. La discussion de ses écrits - au milieu de conflits religieux et politiques - participe même à ces conflits. Dans la lutte antireligieuse, la formation du matérialisme et de la pensée révolutionnaire, l'influence du Traité politique comme du Traité théologico-politique notamment, est grande. Même si se réclamer complètement et ouvertement de SPINOZA reste encore honteux, à voir l'article qui lui est consacré dans l'Encyclopédie de DIDEROT et d'ALEMBERT, des auteurs comme MONTESQUIEU et sa philosophie déterministe, ou encore plus, d'HOLBACH qui édifie une philosophie purement matérialiste, s'en inspirent largement. Certains pensent même que comprendre ROUSSEAU sans SPINOZA est difficile... L'influence directement politique, au-delà de la philosophie, est importante également dans le mouvement révolutionnaire que connait la France en 1789 et même au-delà : le marquis de MIRABEAU et SEYES s'en inspirent.
C'est évidemment sur la question du christianisme que les arguments spinozistes continuent encore aujourd'hui de faire leur oeuvre. L'idéalisme rationaliste de HEGEL et l'existentialisme de KIERKEGAARD, dans des sens divergents, en découlent en partie.
Dans sa comparaison entre PLATON et SPINOZA, Robert MISRAHI écrit : "...si PLATON a beaucoup fait réfléchir, il n'a jamais sérieusement mis personne en danger. SPINOZA, au contraire (...) pousse toutes choses à l'extrême : philosophe, il l'est totalement (...), mais dangereux et subversif tout autant (...), il parvient à la sérénité, mais il bouleverse les siècles, les institutions et les moeurs ; il est ignoré, barré, rayé, mais omniprésent ; il écrit peu et il provoque néanmoins des révolutions, non seulement dans les gouvernements, mais aussi dans les esprits. En un mot, il semble être, avec SOCRATE, comme l'incarnation de la philosophie éternelle, ou plutôt, de la naissance éternelle de la philosophie"... Ouf ! Sans prétendre que rien ne serait arrivé sans SPINOZA, il fait partie de ces auteurs qui forcent à exprimer la puissance potentielle vers la connaissance et le "bien souverain". Il force les hommes ainsi à penser leurs coopérations et leurs conflits.
SPINOZA, Traité de la réforme de l'entendement, 1661, publié en 1667 (Vrin, 1992) ; Traité théologico-politique, 1670 (dans Oeuvres complètes, sous la direction de Pierre-François MOREAU, PUF, collection Epithémée, 2009) ; Principes de la philosophie de DESCARTES, 1663 ; L'Ethique, 1677 (Gallimard, 1954, collection idées nrf) ; Traité politique, 1677 (PUF, 2005).
Antonio NEGRI, article SPINOZA, Traité politique, dans Dictionnaire des Oeuvres politiques, Sous la direction de François CHATELET, Olivier DUHAMEL et Evelyne PISIER, PUF, 1986. Jean LECHAT, article SPINOZA, dans Philosophes et philosophie, tome 1, Nathan, 1992. Robert MISRAHI, article SPINOZA, Encyclopedia Universalis, 2004. Charles RAMOND, article SPINOZA dans Le Vocabulaire des philosophes, Philosophies classique et moderne, Ellipses, 2002. Léo STRAUSS et Joseph CROPSEY, Histoire de la philosophie politique, PUF, collection Quadrige, 1999.
Signalons qu'un site très intéressant est consacré sur Internet entièrement à ce philosophe, http//hyperspinoza.caute.lautre.net, où l'on trouve beaucoup de textes en ligne et en consultation libre de SPINOZA. Pareillement, les sites www.spinozaetnous.org et www.aspinoza.com de l'Association des Amis de SPINOZA offrent des perspectives intéressantes.
PHILIUS
Le Traité théologico-politique (1670) écrit dans l'urgence de se défendre contre les accusations d'athéisme, veut d'abord montrer "que la prétention d'une théologie fondée sur la seule autorité de l'Écriture de gouverner les consciences n'est rien d'autre que la confusion de l'historique et du rationnel, de la philologie et de la philosophie ; que la liberté de penser et de parler ne menace, ni la piété, ni, tout au contraire, la paix de l'Etat." (Jean LECHAT).
Le Traité montre la nécessité de préserver la liberté du citoyen et prouve rationnellement, pour tous les temps et tous les lieux, que la finalité de l'association politique, indispensable pour sortir d'un état de nature, tel que décrit par ailleurs par Thomas HOBBES, n'est pas la domination (présentée comme nécessaire par tous les dominants), mais la liberté, et que de tous les régimes, le démocratique est le meilleur. Dans le fil droit de sa conception de la puissance, Baruch SPINOZA prône non pas l'abdication de la puissance de chacun pour la sécurité de tous, mais l'union de tous en un corps dont la puissance fait la puissance de tous. Sa conception du Pacte social est celle où tous les hommes expriment leur puissance ensemble. Trop souvent, le Pacte social imite la raison sans aller jusqu'à la lumière, pour reprendre la phraséologie de Baruch SPINOZA. La philosophie de SPINOZA est considérée à juste titre comme un "rationalisme absolu" qui met le désir en avant, compris comme l'impulsion de l'homme à satisfaire les besoins de son intelligence. Il s'agit, dans la composition d'autant de forces en l'homme qu'il y a de désirs, de permettre l'expression d'une puissance, seule capable de permettre l'accession individuelle et collective à la lumière. On peut comprendre les foudres des prêtres ascètes de la foi pour qui l'accession précisément à la lumière nécessite de brider les esprits et les corps.
C'est dans le Traité politique (1677), inachevé, comme beaucoup de ses écrits d'ailleurs, que SPINOZA va le plus loin dans sa conception de la société la meilleure.
Pour Antonio NEGRI, cet ouvrage est "un ouvrage de fondation théorique : fondation de la pensée politique démocratique de l'Europe moderne. Affirmation rigoureuse : on ne saurait tout d'abord ramener à une identité générique l'idée moderne de démocratie, fondée sur le concept de multitudo, et de démocratie chez SPINOZA, et bien davantage encore du concept de multitudo, c'est l'universalité humaine." Cette vision pratiquement dithyrambique du Traité politique est partagée aujourd'hui par beaucoup, même chez ceux qui n'entrent pas dans une problématique marxisante.
SPINOZA fixe les bornes naturelles de la puissance souveraine et déclare que les États sont naturellement ennemis. Dans le traité théologico-politique, déjà, on trouve des passages qui inspirent par la suite nombre de révolutionnaires.
Déclarés au XIXème siècle comme l'une des oeuvres les plus grandes (SCHELING, SCHOPENHAUER, HEGEL, NIETZSCHE), redécouverts et réhabilités au XXème siècle (FREUD, BERGSON, Michel HENRY, DELEUZE, NEGRI), les ouvrages de Baruch SPINOZA sont d'abord décriés, condamnés, détournés, utilisés sans mention de source, plagiés au XVIIème et au XVIIIème siècle, que ce soit dans la littérature des philosophes reconnus par les Universités ou dans les littératures clandestines.
La réaction est vive du côté des "chrétiens officiels". Cet athéisme, panthéisme... suscite des réfutations innombrables - qui le réfute se fait sans doute bien voir des autorités "morales" - qui ont l'effet paradoxal ensuite de surmultiplier les publications de ses ouvrages. La discussion de ses écrits - au milieu de conflits religieux et politiques - participe même à ces conflits. Dans la lutte antireligieuse, la formation du matérialisme et de la pensée révolutionnaire, l'influence du Traité politique comme du Traité théologico-politique notamment, est grande. Même si se réclamer complètement et ouvertement de SPINOZA reste encore honteux, à voir l'article qui lui est consacré dans l'Encyclopédie de DIDEROT et d'ALEMBERT, des auteurs comme MONTESQUIEU et sa philosophie déterministe, ou encore plus, d'HOLBACH qui édifie une philosophie purement matérialiste, s'en inspirent largement. Certains pensent même que comprendre ROUSSEAU sans SPINOZA est difficile... L'influence directement politique, au-delà de la philosophie, est importante également dans le mouvement révolutionnaire que connait la France en 1789 et même au-delà : le marquis de MIRABEAU et SEYES s'en inspirent.
C'est évidemment sur la question du christianisme que les arguments spinozistes continuent encore aujourd'hui de faire leur oeuvre. L'idéalisme rationaliste de HEGEL et l'existentialisme de KIERKEGAARD, dans des sens divergents, en découlent en partie.
Dans sa comparaison entre PLATON et SPINOZA, Robert MISRAHI écrit : "...si PLATON a beaucoup fait réfléchir, il n'a jamais sérieusement mis personne en danger. SPINOZA, au contraire (...) pousse toutes choses à l'extrême : philosophe, il l'est totalement (...), mais dangereux et subversif tout autant (...), il parvient à la sérénité, mais il bouleverse les siècles, les institutions et les moeurs ; il est ignoré, barré, rayé, mais omniprésent ; il écrit peu et il provoque néanmoins des révolutions, non seulement dans les gouvernements, mais aussi dans les esprits. En un mot, il semble être, avec SOCRATE, comme l'incarnation de la philosophie éternelle, ou plutôt, de la naissance éternelle de la philosophie"... Ouf ! Sans prétendre que rien ne serait arrivé sans SPINOZA, il fait partie de ces auteurs qui forcent à exprimer la puissance potentielle vers la connaissance et le "bien souverain". Il force les hommes ainsi à penser leurs coopérations et leurs conflits.
SPINOZA, Traité de la réforme de l'entendement, 1661, publié en 1667 (Vrin, 1992) ; Traité théologico-politique, 1670 (dans Oeuvres complètes, sous la direction de Pierre-François MOREAU, PUF, collection Epithémée, 2009) ; Principes de la philosophie de DESCARTES, 1663 ; L'Ethique, 1677 (Gallimard, 1954, collection idées nrf) ; Traité politique, 1677 (PUF, 2005).
Antonio NEGRI, article SPINOZA, Traité politique, dans Dictionnaire des Oeuvres politiques, Sous la direction de François CHATELET, Olivier DUHAMEL et Evelyne PISIER, PUF, 1986. Jean LECHAT, article SPINOZA, dans Philosophes et philosophie, tome 1, Nathan, 1992. Robert MISRAHI, article SPINOZA, Encyclopedia Universalis, 2004. Charles RAMOND, article SPINOZA dans Le Vocabulaire des philosophes, Philosophies classique et moderne, Ellipses, 2002. Léo STRAUSS et Joseph CROPSEY, Histoire de la philosophie politique, PUF, collection Quadrige, 1999.
Signalons qu'un site très intéressant est consacré sur Internet entièrement à ce philosophe, http//hyperspinoza.caute.lautre.net, où l'on trouve beaucoup de textes en ligne et en consultation libre de SPINOZA. Pareillement, les sites www.spinozaetnous.org et www.aspinoza.com de l'Association des Amis de SPINOZA offrent des perspectives intéressantes.
PHILIUS
Complété le 1 juin 2014. Relu le 4 mars 2019