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11 juin 2009 4 11 /06 /juin /2009 14:35
            En dépit du fait, comme le dit Sylvie METAIS, que le terme Complexe, à cause de sa vulgarisation, a perdu "toute spécificité conceptuelle", il garde une pertinence pour la description de certaines structures psychologiques ou psychanalytiques.
On rappelle par ailleurs qu'un complexe n'est pas un fait physique à proprement parler. Dans certains commentaires, on perçoit la confusion - exemple pris sur une contribution, entre complexe de castration et castration. Cette dernière induit des phénomènes psychologiques tout-à-fait autres (et bien plus appuyés et graves physiquement et socialement..) sur les individus castrés, qui ont peu de choses à voir avec le complexe de castration présent dans toute l'humanité, sous une forme ou une autre. Pour être tout à fait clair, et dans le même ordre d'idées, le complexe d'infériorité n'est pas l'infériorité réelle... Sur ce point toutefois (mais bien plus à propos du complexe d'infériorité qu'à propos du complexe de castration), des auteurs de la psychanalyse divergent sur la liaison entre réalités physiques et sociales et sentiment individuel constitutif de la personnalité...
  
    A partir de la lecture notamment de L'interprétation des rêves de Sigmund FREUD et de ses expériences d'associations de mots et d'idées, Carl Gustav JUNG établit en 1934 une théorie en 3 points :
- Le complexe, définit alors comme un ensemble de représentations et de souvenirs à forte valeur affective, partiellement ou totalement inconscients, absorbe une certaine quantité d'énergie psychique qu'il détourne de la conscience, ce qui provoque des comportements inadaptés (lapsus par exemple) ;
 - Il forme une entité psychique autonome au sein de la psyché, et cela d'autant plus qu'il est lié à des représentations inconscientes (dans les cas extrêmes constitution de personnalités parcellaires) ;
 - La névrose peut se comprendre comme une dissociation de la personnalité.
    Sigmund FREUD, de son côté, distingue trois sens, décrits par Jean LAPLANCHE et de Jean-Bertrand PONTALIS :
- Un sens originel qui désigne un arrangement relativement fixe de chaînes associatives ;
- Un sens général qui désigne un ensemble plus ou moins organisé de traits personnels, l'accent étant mis sur les réactions affectives. Mais Sigmund FREUD refuse de suivre la voie d'Alfred ADLER qui aboutit à imaginer à partir des complexes des types psychologiques.
- Un sens plus strict qu'on trouve dans l'exemple de Complexe d'Oedipe et qui désigne une structure fondamentale des relations interpersonnelles et la façon dans la personne trouve sa place dans la société. Les complexes de castration, paternel, maternel, parental... appartiennent en fait pour Sigmund FREUD au fonctionnement du Complexe d'Oedipe. L'expression Complexe d'Oedipe apparait d'ailleurs dès 1900 dans L'interprétation des rêves.

      Alfred ADLER (1870-1937), d'abord co-fondateur avec Sigmund FREUD de la Société psychanalytique de Vienne, puis un des premiers "dissidents", construit sa propre théorie, la psychologie individuelle, sur le sentiment d'infériorité, dès 1907, avec Les infériorités organiques et leur retentissement psychique. Le complexe d'infériorité désigne l'ensemble des attitudes, des représentations et des conduites qui sont des expressions plus ou moins déguisées d'un sentiment d'infériorité ou des réactions de celui-ci.
Alors que pour Sigmund FREUD, le sentiment d'infériorité n'est pas électivement en rapport avec une infériorité organique, n'est pas un facteur étiologique entier, mais doit être compris et interprété comme un symptôme, Alfred ADLER centre toute sa psychologie là-dessus.
      Dans Connaissance de l'homme (1923), rassemblement des textes d'une série de conférences données par Alfred ADLER après la guerre de 1914-1918, il introduit le sentiment d'infériorité de la façon suivante :
  "On peut poser en principe que tous les enfants dont les organes sont inférieurs s'engagent facilement dans une lutte avec la vie, qui les entraîne à défigurer leur sentiment de communion humaine, si bien que ces individus en viennent tout aussi facilement à se donner pour consigne de s'occuper toujours plus de soi-même et de l'impression à produire sur le milieu ambiant, que des intérêt des autres. Ce que nous disons ds organes plus ou moins déficients s'applique aussi aux influences qui du dehors s'exercent sur l'enfant, se font sentir comme une pression plus ou moins lourde dont il porte la charge, et peuvent provoquer une position hostile envers le milieu. Le tournant décisif a lieu déjà de très bonne heure. Dès la seconde année, il est possible de constater que de tels enfants n'inclinent guère à se sentir aussi bien équipés que les autres, leurs égaux de naissance et également fondés en droit de se joindre à eux, à faire avec eux cause commune ; poussés par un sentiment de leur diminution, ils sont portés plus que d'autres enfants à exprimer une attente, un droit d'émettre des exigences. Or, si l'on considère qu'à proprement parler tout enfant est un mineur en face de la vie et ne pourrait subsister sans posséder à un degré notable le sentiment de sa communion avec ceux qui sont placés auprès de lui, si l'on saisit cette petitesse et cette contrainte si persistante qui lui donne l'impression de n'être que difficilement adapté à la vie, on est obligé d'admettre qu'au début de toute existence psychique se trouve, plus ou moins profondément, un sentiment d'infériorité. Telle est la force impulsive, le point d'où partent et se développent toutes les impulsions de l'enfant à se fixer un but dont il attend tout apaisement et toute sauvegarde pour l'avenir de sa vie, et à se frayer une voie qui lui parait susceptible de lui faire atteindre ce but."
  "C'est le sentiment d'infériorité, d'insécurité, d'insuffisance, qui fait qu'on se pose un but dans la vie et qui aide à lui donner sa conformation. Dès les premières années de l'enfance, le désir de se pousser au premier rang, d'obliger l'attention des parents à se porter sur vous. Tels sont les premiers indices de cette impulsion ouverte à être apprécié, estimé, qui se développe sous l'influence du sentiment d'infériorité, et qui amène l'enfant à se fixer un but où il apparaîtra supérieur à son milieu ambiant". D'où toute une série de comportement de compensations, qui explique l'impulsion de puissance qui marque la culture humaine. D'où aussi la nécessité de trouver des remèdes à des comportements qui peuvent être préjudiciables aux autres, tout en favorisant, en s'appuyant sur les facultés de l'enfant, le développement de sa personnalité, de son Moi.

     Complétant cette approche, Rudolf DREIKURS signale qu'"à l'origine Adler a pensé que le sentiment d'infériorité était la force pulsionnelle la plus importante chez l'homme. A ses yeux, la vie était un mouvement permanent, du bas vers le haut, du moins vers le plus. Partant de là, il a supposé que la compensation de ce sentiment d'infériorité "naturelle"menait inévitablement à la volonté de puissance, qui serait le but naturel de tous les hommes. Mais, dans la dernière phase de sa pensée, Adler a reconnu qu'il ne faut pas considérer la volonté de puissance et la tendance à se faire valoir comme des états d'esprits naturels et fondamentaux ; elles représentent une déviation de la motivation et de l'orientation. Ce qui est fondamental pour l'homme, c'est le besoin d'appartenance, tel qu'il se vit dans le sentiment communautaire. Au lieu de compenser nos sentiments d'infériorité, nous devons apprendre à les vaincre, à nous en libérer. Au lieu de chercher à nous faire valoir, au lieu d'orienter notre ambition vers la supériorité personnelle, ce qui ne fait que renforcer la compétition, nous devons aspirer à la victoire sur les insuffisances et les difficultés, en nous-mêmes, chez les autres, et dans la société humaine en général."  Alfred ADLER opère une différence entre sécurisation et sécurité, la sécurisation ne faisant que renforcer son propre sentiment d'infériorité, dans une sorte de course à la puissance. Tout le travail thérapeutique en direction des patients qui souffrent le plus de cette course, est de trouver les moyens de soigner ce sentiment d'insécurité par la recherche d'une vraie sécurité.
  Sur l'origine de l'insécurité, Sigmund FREUD, sans nier son importance, donne quelques indications : le sentiment d'infériorité viendrait répondre à ces deux dommages, réels ou fantasmatiques, que l'enfant peut subir : perte d'amour et castration.

Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976. Sylvie METAIS, article Complexe dans Encyclopedia Universalis, 2004.
Alfred ADLER, Connaissance de l'homme, étude de caractérologie individuelle, Petite Bibliothèque Payot, 1968. Rudolf DREIKURS, La psychologie aldérienne, Bloud & Gay, 1971

                                                   PSYCHUS
             
Relu le 11 avril 2019
      
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