1 septembre 2009
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A l'Age de Bronze, toujours suivant la périodisation de Pierre LEVEQUE, les sociétés humaines entrent dans un autre univers mental. Cet auteur trouve dans les vestiges archéologiques de la Crête ancienne, et plus encore de Mycènes, les traces de cette évolution.
L'édification de palais en grand nombre (d'où le nom de monarchies palatiales) suppose une concentration du pouvoir entre les "mains du chef de la communauté, capable d'imposer le sur-travail nécessaire pour élever ces monuments, destinés à renforcer l'unité du corps social et peut-être à assurer indirectement un prélèvement supplémentaire sur les travailleurs. Au fur et à mesure que ce développe la métallurgie du bronze et les activités de fabrication et d'échange, et sans aucun doute aussi les besoins de défense, émerge un pouvoir d'État fort (...)".
L'édification de palais en grand nombre (d'où le nom de monarchies palatiales) suppose une concentration du pouvoir entre les "mains du chef de la communauté, capable d'imposer le sur-travail nécessaire pour élever ces monuments, destinés à renforcer l'unité du corps social et peut-être à assurer indirectement un prélèvement supplémentaire sur les travailleurs. Au fur et à mesure que ce développe la métallurgie du bronze et les activités de fabrication et d'échange, et sans aucun doute aussi les besoins de défense, émerge un pouvoir d'État fort (...)".
On a une bonne idée de ce développement par le déchiffrage de l'écriture utilisée, le linéaire A. Une grande documentation est disponible sur les divinités féminines, moins sur les divinités masculines. Les groupements identifiés de divinités permettent de décrypter les structures de la société minoenne. On peut y voir au premier plan, suivi d'une foules de divinités, mais aussi de démons et de génies, "le couple de la déesse et de son parèdre : dieu armé descendant du ciel vers la déesse". Était développée une vision cosmique du pouvoir, tout cela dans une religion naturiste foisonnante, religion de fécondité/fertilité également religion du salut, si l'on en juge les inhumations et le culte des morts. C'est en Crète que doit être recherchée sans doute l'origine de l'orphisme, cette doctrine d'ascèse et de salut qui "a profondément inspiré les grands esprits dans la Grèce du 1er millénaire". Les dieux de Crète sont passés largement en Grèce par la suite, Héra, Athèna, Hermès....
En Grèce, des migrateurs indo-européens compliquent le tableau religion venant de Crète, cela vers 2000 av J.C. (Bronze Moyen). "La situation est fort confuse : la ruine des palais du Bronze ancien montre bien que ces migrateurs s'installent par la violence, mais une certaine fusion ethnique et culturelle se réalise par la force des choses. Les nouvelles communautés grecques - misérables en comparaison de celles de l'époque précédente - sont organisées sous forme tribale (...) et placées sous l'autorité d'un roi qui n'est en rien un despote et dispose seulement d'un pouvoir sacral."
C'est seulement des vestiges datant de 1750 av J.C. environ que l'on peut percevoir une évolution des communautés grecques. "Le pouvoir royal s'affermit et se structure, tendant vers les monarchies véritablement despotiques de l'époque mycénienne.". La religion achéenne (1580-110 av J.C.) fait partie de l'État, organisé dans les détails, veillant à la mise en culture des terres ou à la fabrication des objets de bronze. Les tablettes découvertes ne font apparaître cette religion que sous l'aspect bureaucratique. Elle nous donne la première approche du panthéon, Poséidon, Zeus, Arès, Dionysos, Hermès, Héra...., panthéon mixte de dieux et de déesses, dont la structure se situe dans la suite de la religion crétoise, et plus loin néolithique : on n'y trouve aucune trace du trifonctionnalisme indo-européen, à part Zeus, qui a ses homologues directs à Rome (Jupiter) et dans l'inde védique (Dyauh). C'est que cette religion est déjà un syncrétisme (créto-mycénien), et toujours selon Pierre LEVEQUE, ce syncrétisme "s'est opéré d'autant plus aisément que la troisième fonction indo-européenne est celle des divinités de la production et de la reproduction et est donc naturiste". Ce syncrétisme est tout simplement une explosion de la trifonctionnalité, reflet d'un pouvoir bien moins despotique et lié beaucoup plus aux activités agricoles.
Nouveau monde encore, nouvel univers mental encore avec l'écroulement brutal des palais mycénéens (1200 av J.C.), puis gestation lente jusqu'à l'émergence des premières Cités grecques (800 av J.C.). Cette évolution amène ce que Pierre LEVEQUE appelle les enjeux sacrés de la cité grecque archaïque.
Après une période de dépopulation et de régression s'affirment "dans les zones les plus évoluées des communautés plus structurées où apparaît une nouvelle céramique (...) où se développe rapidement la métallurgie du fer et qui rouvre les échanges avec l'Orient". Cette phase, appelée homérique (moment de composition de l'Illiade et de l'Odyssée), est une période de royaumes petits et disséminés, alors que le pouvoir est aux mains des propriétaires fonciers. Tout cela provoque un changement dans l'équilibre du panthéon : "un renforcement du Zeus patriarcal, l'introduction en Grèce de divinités en provenance d'Asie (Apollon, Aphrodite...)". Tout l'apport du trifonctionnalisme est pratiquement noyé, récupéré, modifié : la fonction guerrière est écrasée et hétéroclite, puisqu'elle est en partie entre les mains d'une déesse, Athéna. La troisième fonction est surabondamment représentée avec l'introduction des nouveaux dieux asiatiques, un enfant-dieu et une Grande Déesse. Suivant le degré de sédentarisation des communautés grecques, on assiste toutefois à des différenciations dans l'importance de chacune de ces trois fonctions diluées. Ainsi les communautés doriennes restent en harmonie avec la fantasmatique de la procréation et de la germination.
Nouveau monde encore, nouvel univers mental encore avec l'écroulement brutal des palais mycénéens (1200 av J.C.), puis gestation lente jusqu'à l'émergence des premières Cités grecques (800 av J.C.). Cette évolution amène ce que Pierre LEVEQUE appelle les enjeux sacrés de la cité grecque archaïque.
Après une période de dépopulation et de régression s'affirment "dans les zones les plus évoluées des communautés plus structurées où apparaît une nouvelle céramique (...) où se développe rapidement la métallurgie du fer et qui rouvre les échanges avec l'Orient". Cette phase, appelée homérique (moment de composition de l'Illiade et de l'Odyssée), est une période de royaumes petits et disséminés, alors que le pouvoir est aux mains des propriétaires fonciers. Tout cela provoque un changement dans l'équilibre du panthéon : "un renforcement du Zeus patriarcal, l'introduction en Grèce de divinités en provenance d'Asie (Apollon, Aphrodite...)". Tout l'apport du trifonctionnalisme est pratiquement noyé, récupéré, modifié : la fonction guerrière est écrasée et hétéroclite, puisqu'elle est en partie entre les mains d'une déesse, Athéna. La troisième fonction est surabondamment représentée avec l'introduction des nouveaux dieux asiatiques, un enfant-dieu et une Grande Déesse. Suivant le degré de sédentarisation des communautés grecques, on assiste toutefois à des différenciations dans l'importance de chacune de ces trois fonctions diluées. Ainsi les communautés doriennes restent en harmonie avec la fantasmatique de la procréation et de la germination.
Une structure républicaine plus charpentée, dans les Cités grecques, succède aux monarchies homériques (les magistrats remplacent les rois...) avec "réunions régulières du conseil et de l'assemblée qui se substituent au flou institutionnel". Cette structure est "capable d'impulser et de promouvoir dans tous les domaines où peut s'exercer l'autorité de la communauté.". En face des propriétaires terriens solidement arrimés au pouvoir se trouve le peuple : hommes libres non nobles (marchands, artisans, médecins, hérauts...), les petits ou moyens propriétaires, les journaliers agricoles. "L'émergence de ce démos se fait dès les Ages sombres par un double processus qui génère une petite paysannerie libre à côté des grands domaines des aristocrates", (qui sont aussi les guerriers) : accaparement de terres lors des migrations et déplacements de peuples ; procès interne d'appropriation de terres par des paysans-dépendants au service de nobles.
Une nouvelle structuration sociale se met en place sous forme de groupes emboîtés (famille nucléaire, grande famille patriarcale, tribu, cité). La Cité est dotée d'institutions qui entretiennent le sentiment communautaire. "C'est une structure qui projette l'imaginaire de la participation et de l'intégration sur la dure réalité des inégalités fondamentales, nées de la répartition très inégalitaire de la terre. Elle fonctionne donc en grande partie comme un masque efficace (...) qui occulte le procès d'exploitation". Le facteur militaire dans la formation de ces Cités est premier. Ce sont d'abord des citadelles protégées par des chevaliers/cavaliers. "C'est en ce lieu que s'expriment les plus puissantes contradictions sur lesquelles est fondée la polis et que ne peut tout à fait occulter l'efficacité de ces structures. L'évolution très rapide des rapports sociaux remet en question la participation quasi-exclusive des aristocrates à la chose militaire et, dès la seconde moitié du VIIIe siècle, les nobles doivent s'adjoindre des milices paysannes de fantassins lourdement armés en hoplites."
Dans un panthéon très chargé, présent dans l'imaginaire grec, peuplé de divinités totalement anthropomorphisées, s'opère un nouvel équilibre qui s'instaure "autour des divinités des forces vitales de l'univers" dominées par la grande figure masculine de Zeus. Mais cela va au-delà, et c'est ce qui fait l'originalité et la grande force sans doute de l'esprit grec : "elle est dans un effort constant de rationalisation de cette matière religieuse trop riche, trop atomisée, qui caractérise les siècles de l'archaïsme. Il aboutit, sans doute en Ionie aux VII-VIe siècles, à la constitution d'une liste de 12 dieux dominant la structure surnaturelle, liste qui prend d'ailleurs selon les sanctuaires des formes différentes : le besoin d'unité ne parvient pas à unifier." C'est une religion civique qui se met en place, qui conforte le pouvoir des aristocrates, par le développement du culte des héros. Il faut prendre chacun de ces 12 dieux, à travers leur culte populaire, pour voir apparaître une victoire importante du démos : "la reconnaissance officielle de ses dieux est aussi importante que la suppression de l'esclavage pour dettes ou l'accession de certains de ses membres aux instances de décision politique ou aux tribunaux".
Dans un panthéon très chargé, présent dans l'imaginaire grec, peuplé de divinités totalement anthropomorphisées, s'opère un nouvel équilibre qui s'instaure "autour des divinités des forces vitales de l'univers" dominées par la grande figure masculine de Zeus. Mais cela va au-delà, et c'est ce qui fait l'originalité et la grande force sans doute de l'esprit grec : "elle est dans un effort constant de rationalisation de cette matière religieuse trop riche, trop atomisée, qui caractérise les siècles de l'archaïsme. Il aboutit, sans doute en Ionie aux VII-VIe siècles, à la constitution d'une liste de 12 dieux dominant la structure surnaturelle, liste qui prend d'ailleurs selon les sanctuaires des formes différentes : le besoin d'unité ne parvient pas à unifier." C'est une religion civique qui se met en place, qui conforte le pouvoir des aristocrates, par le développement du culte des héros. Il faut prendre chacun de ces 12 dieux, à travers leur culte populaire, pour voir apparaître une victoire importante du démos : "la reconnaissance officielle de ses dieux est aussi importante que la suppression de l'esclavage pour dettes ou l'accession de certains de ses membres aux instances de décision politique ou aux tribunaux".
C'est à travers l'évolution du rôle des dieux les plus populaires que s'exprime le plus fortement une sorte d'émancipation de l'imagerie populaire d'une religion officielle trop favorable aux pouvoirs des nobles. "De palatiale devenue poliade, la religion subit le contrecoup de l'accentuation des contradictions et des solutions partielles qu'elle entraîne ; en même temps, et dialectiquement, elle est un facteur pleinement intégré dans les luttes et contribue à la satisfaction partielle de nouvelles revendications du démos".
Pierre LEVEQUE ne dit rien du développement de la philosophie grecque à cette époque, mais il semble que l'on assiste à une distanciation de plus en plus grande du monde des dieux et du monde des humains, jusqu'au point où les dieux n'interviennent plus dans la vie des hommes. Prenons garde toutefois de faire des analyses trop rapides (il ne s'agit pas d'un mouvement de laïcisation) ; la religion reste très présente, même si c'est sous forme d'intercessions - voir le rôle des oracles depuis la vie de tous les jours jusqu'à la conduite des opérations militaires - des hommes vers les dieux.
Francis VIAN, dans l'Histoire des religions, corrobore cette vision des choses. "Les Hellènes ont enfin transformé radicalement l'esprit de la religion. Les Minoens, on l'a dit, vivent dans un contact permanent avec le divin, d'où le caractère mystique, extatique, orgiastique de leur culte. Les Grecs, héritiers en cela des Indo-Européens, séparent le profane du sacré. Homère déclare qu'en partageant le monde, les dieux ont laissé indivis la terre et l'Olympe, ce qui signifie, en ce qui concerne la terre, qu'elle n'appartient à aucun dieu en propre ; les hommes y sont chez eux et les dieux se bornent à intervenir de temps à autre dans leurs affaires."
Pierre LEVEQUE, Introduction aux premières religions, Le livre de poche, 1997. Francis VIAN, chapitre La Grêce archaïque et classique, dans Histoire des religions, Volume 1, sous la direction d'Henri-Charles PUECH, Gallimard, 1999.
RELIGIUS
Francis VIAN, dans l'Histoire des religions, corrobore cette vision des choses. "Les Hellènes ont enfin transformé radicalement l'esprit de la religion. Les Minoens, on l'a dit, vivent dans un contact permanent avec le divin, d'où le caractère mystique, extatique, orgiastique de leur culte. Les Grecs, héritiers en cela des Indo-Européens, séparent le profane du sacré. Homère déclare qu'en partageant le monde, les dieux ont laissé indivis la terre et l'Olympe, ce qui signifie, en ce qui concerne la terre, qu'elle n'appartient à aucun dieu en propre ; les hommes y sont chez eux et les dieux se bornent à intervenir de temps à autre dans leurs affaires."
Pierre LEVEQUE, Introduction aux premières religions, Le livre de poche, 1997. Francis VIAN, chapitre La Grêce archaïque et classique, dans Histoire des religions, Volume 1, sous la direction d'Henri-Charles PUECH, Gallimard, 1999.
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Relu le 26 mai 2019