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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 12:46
      Dans ce documentaire allemand de 200 à 220 minutes de 1938 de la réalisatrice officielle du Reich allemand, Leni Riefenstahl (1902-2003) raconte par l'image et le son les Jeux Olympiques d'été de 1936.
   Se déroulant à Berlin, ces Jeux Olympiques furent une véritable oeuvre de propagande pour le régime hitlérien ; l'Allemagne écrase ses concurrents, avec un total de 89 médailles, les États-unis n'arrivant que deuxième avec 56 médailles. 49 nations et 3963 athlètes y participèrent et ces Jeux furent l'occasion pour le Troisième Reich de prouver sa puissance et la "suprématie de la race aryenne". Et également - en liaison avec l'idéal olympique, de "prouver" son attachement à la paix.  C'est surtout sur le plan intérieur que ce fut une réussite pour le régime : cela renforça notablement l'adhésion populaire. Ces Jeux renforcèrent en eux-mêmes le régime nazi, malgré le boycott par une partie du monde sportif et par les Fronts populaires français et espagnols qui organisèrent des Olympiades populaires à Barcelone la même année, ceux-ci étant d'ailleurs interrompus par le pronunciamento militaire.

   Mais l'impact de ces Jeux Olympiques fut multiplié par le documentaire lui-même, qui met l'accent sur l'esthétisme des corps, les mouvements d'ensemble, avec des images révolutionnaires pour l'époque, tant par leur angle de vue que par les mouvements de caméra qu'elles impliquent. Les dieux du stade fixent les règles de base de prises de vue des compétitions sportives depuis lors. Le film constitue un double tour de force, au tournage et au montage (seuls 10% du métrage tourné fut utilisé). Cinématographiquement, c'est une oeuvre de toute beauté qu'il faut voir si l'on aime les films sportifs.
    Et précisément, c'est cette valorisation des corps et de leurs efforts pour vaincre l'obstacle du temps et de l'espace sur le stade, quel que soit la compétition, course, saut, lancer de poids, natation, athlétisme cyclisme, escrime, boxe, gymnastique... qui constitue le plus beau camouflage d'un régime fondé sur le sang, la haine et la mort. C'est cette représentation qui est capable de cacher les pires avanies des pires régimes. C'est cette confusion du beau et du bien qui mystifie les foules.
     Classé un peu tard "Oeuvre de propagande du Troisième Reich", le documentaire fut réhabilité par le monde du cinéma dès les années 1970, et aujourd'hui il est la propriété (depuis 2003) du Comité International Olympique. Quand on visionne de nouveau ce documentaire constitué en deux parties (fête des peuples et fête de la beauté), on ne peut que souscrire aux déclarations en 2003 faite à l'Équipe de la réalisatrice : "J'ai tourné Olympia comme une célébration de tous les athlètes et un rejet de la théorie de la supériorité de la race aryenne", tant les victoires étrangères (telle celle du noir américain Jesse OWENS, par exemple) et les défaites allemandes sont mises en valeur. Et c'est précisément cela qui peut sembler dramatique : même avec les meilleurs intentions du monde, un beau documentaire comme celui-ci peut servir les intérêts profonds d'une dictature.
   Toutefois, toujours à la vision de ces images, on se rend compte, comme le disent des auteurs, qu'on est très loin d'une image hédoniste et à fortiori de la valorisation sexuelle des athlètes (d'ailleurs dans le même temps le mouvement naturiste et tous les projets d'éducation sexuelle étaient balayés en Allemagne) : "Elles montrent, avec un pouvoir de séduction intemporel, l'être humain comme une forme pure, défini par ses seules attitudes et ses attributs identitaires, et non sa capacité à exister comme individu" (Les Jeux Olympiques, L'Équipe, 2003).
 
   Des moyens exceptionnels (un budget de 1,8 million de Reichsmarks, une équipe de 300 personnes, dont 40 cameramen), la mise au point de techniques novatrices (à l'aide de rails et multiples perches, travellings, contre-plongée), une préparation minutieuse et un montage serré, et de plus une post-production sur place avec des athlètes pour retourner des scènes... donnent à ce documentaire le rang de prototype de film sportif, sans compter une distribution en salles bien programmée. Le film est sorti en trois versions, allemande (20 avril 1938), anglaise (sortie aux États-Unis le 8 mars 1940) et française (22 juin 1938), sans compter les retouches effectuées par la réalisatrice après sa sortie. Plusieurs versions ainsi circulent de nos jours.
   
    Ce documentaire constitue pour le régime nazi le complément d'un autre, tourné par la même réalisatrice en 1935, Le Triomphe de la volonté. Les deux documentaires sont régulièrement diffusés en morceaux ou intégralement sur certaines chaînes de télévision, notamment la chaîne ARTE.
 


Leni RIEFENSTAHL, réalisatrice, scénariste et monteuse, Olympia (Les dieux du stade), production Olympia-Film, Allemagne, 1938.
On consultera avec profit l'ouvrage de Fabrice ABGRAMM et François THOMAZEAU, paru aux Editions Alvik, en 2006, 1936 : la France à l'épreuve des Jeux Olympiques de Berlin. Ainsi que celui de Jean-Michel BLAIZEAU, Les jeux défigurés Berlin 1936, Éditions Atlantica, agrémenté de 300 photographies.
 
FILMUS
 
Relu le 6 mai 2019
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commentaires

J
Enfin une analyse objective de ce très grand film, véritable ode au sport et à l'esthétisme, qui fut dans les années 60 classé dans les dix meilleurs fils de tous les temps par les américains.<br /> Que le régime nazi l'ait utilisé à l'instar de Wagner et d'autres ne peut en aucun cas en abimer le génie.
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