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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 14:16

        Cette association volontaire de deux notions très différentes ne trouve ici sa motivation que dans leur utilisation fréquente dans les milieux de la psychanalyse et de la psychiatrie.

L'activisme est un mécanisme de défense psychique, l'acting-out est une gamme très étendue d'actes incluant ce que la clinique psychiatrique appelle passage à l'acte.

Ils peuvent, dans l'esprit de certains, induire une certaine perception qui allie un peu vite psychiatrie et criminologie dans des cas où elle n'a pas lieu d'être. L'Activisme, qui n'est cité en tant que mécanisme de défense que dans le DSM-IV (1994-1996) de l'American Psychiatric Association, est seulement une stratégie déterminée qui sert de dérivatif et qui est destinée à lutter contre l'angoisse. Tout de suite, peut venir à l'esprit le qualificatif d'activiste qui s'attache - péjorativement - aux partisans de l'action avec tous les dangers qui guettent des conduites extrémistes.

L'Acting-out ou passage à l'acte, en tant qu'acte impulsif désigne lui, la transgression de l'interdit d'agir dans le cadre de la cure classique, la psychothérapie individuelle ou institutionnelle, mais dans la littérature - anglo-saxonne surtout - nous retrouvons souvent ce terme dans le cadre d'études sur la délinquance. Il s'agit de bien les distinguer pour mieux comprendre en quoi l'activisme peut constituer un mécanisme de défense.

 

      L'Activisme est défini comme la Gestion des conflits psychiques ou des situations traumatiques externes par le recours à l'action, à la place de la réflexion ou du vécu des affects, écrivent Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET et Claude LHOTE. "On la retrouve couramment dans la vie quotidienne, à travers, par exemple, l'activité fébrile de la future mère sur le point d'accoucher, la pratique sportive de certains cadres dynamiques ou encore des engagements parfois excessifs dans des actions politiques et caritatives." "Pour les chercheurs qui ont collaboré au DSM-IV, l'activisme ne recouvre pas habituellement des comportements pathologiques.

Cette activité de substitution est défensive parce qu'en relation avec des conflits émotionnels sous-jacents. L'activisme serait "un appel à reconnaître que la conduite en question est liées à des conflits émotionnels", ce qui ne veut pas dire pour autant que cette reconnaissance soit toujours possible ou souhaitable. Tel est le cas de cet activisme qui a pour fonction de protéger d'un environnement familial ou conjugal agressif ou insatisfaisant, poussant à investir toujours plus son travail plutôt qu'à participer à la vie familiale. Il y a donc, dans ce mécanisme, participation active d'un Moi conscient qui cherche à fuir, à éviter ainsi la rencontre de l'affect ou de la pensée, sources d'angoisse, et à qui n'échappe pas non plus le caractère inadapté ou excessif de telles conduites. "L'acharnement thérapeutique", comme défense contre l'angoisse des soignants face à un pronostic létal, montre bien par sa formulation même (acharnement), et dans les faits, comment ce qui relève pourtant d'un activisme désespéré est généralement accepté, voire attendu".

Dans l'historique de l'activisme, les mêmes trois auteurs indiquent la proximité entre cet activisme et l'hyperactivité pathologique. MINKOWSKI en 1933, décrit l'activité dans des termes proches de l'activisme défensif. Ils rapprochent l'activisme d'autres mécanismes de défense comme le déni, l'identification projective et l'altruisme. Quant à sa signification pour la pathologie, "le champ nosographique des "pathologies de l'agir" aura peu ou prou à voir avec l'activisme en tant que défense puisqu'il s'agit inconsciemment de "faire" plutôt que d'avoir à dire, à penser ou à éprouver. C'est l'ensemble des conduites addictives mettant en jeu le corps, qui s'articule à cette défense active . "ne pas pouvoir ne pas "boire, se droguer, manger, ne pas manger, s'adonner au jeu, au sport, au travail, à la tentative de suicide ou encore à la sexualité sont autant d'exemples où le comportement s'érige en maître, et ce, de façon répétitive, transformant tous ces consommateurs excessifs en "esclaves de la quantité" (de M'UZAN, 1994). La défense maniaque venant obturer la douleur de la perte ou de la dépression s'offre en premier lieu avec son corollaire qui peut être pris ici à la lettre, la "réparation maniaque" (SEGAL, 1981). L'on connaît ces épisodes d'hyperactivité consécutifs à la mort d'un proche, qui amènent à hospitaliser en urgence des patients présentant des manies de deuil. N. ABRAHAM et TOROK, en 1973, considèrent toutefois que "un certain accroissement libidinal lors du décès de l'objet serait un phénomène répandu, pour ne pas dire universel". Cette tendance active peut alors entraîner honte et culpabilité, ainsi que le révèlent ces propos : "J'ai essayé le voile noir en me souriant dans le miroir, comme une fiancée qui se prépare au grand jour." Dans le registre de l'activisme pathologique, on pourrait ranger les pratiques sportives intensives bien connues des anorexiques qui rationalisent de telles conduites par la recherche de la perte ou du maintien d'un poids considéré comme idéal (BRUSSET, 1990). On peut considérer que le mécanisme de défense qu'est l'activisme remplit habituellement une fonction de suppléance et de compensation bénéfiques, lorsque le mot se trouve temporairement débordé par l'angoisse. Mais comme toutes les autres défenses, son utilisation exclusive, excessive, renverse l'essai d'ajustement en conduite pathologique pour le sujet qui s'en rend esclave, comme pour son entourage."

 

     Tout ceci posé froidement, pourquoi le DSM-IV est-il le seul à exposer ce mécanisme de défense et pourquoi le nom choisi est-il si proche, comme le signalent d'ailleurs nos trois auteurs, du qualificatif d'activiste?.

Le grand Larousse universel distingue, dans sa définition, deux sens du mot activisme en tant qu'activité de substitution à valeur défensive, et tendance à se perdre dans l'action désordonnée :

- Système de conduite qui privilégie l'action concrète, directe, l'initiative personnelle (en partie dans le domaine politique, social).

- Caractère, conduite de celui qui prend l'agitation pour le l'action (sens péjoratif).

A noter également que le DSM-IV accorde à l'hyperactivité (dans la catégorie de troubles : déficit de l'attention et comportement perturbateur) une certaine importance. Cela rejoint-il les préoccupations d'une partie du monde enseignant ou une partie des parents quant au comportement des enfants et des adolescents? 

 Il faut sans doute distinguer l'utilisation précise, confinée, prudente, qui en est faite par le corps médical au sens large et sa signification pour l'ensemble des acteurs asociaux (ce qui n'est jamais complètement disjoint). Une certaine presse peut relier la délinquance des jeunes à cet activisme, se polarisant alors sur des phénomènes psychiques internes et "oubliant" les facteurs économiques et sociaux de celle-ci. Certains intérêts économiques (laboratoires pharmaceutiques) peuvent attirer explicitement l'attention sur cet activisme (attitude très répandue finalement) pour inciter à la consommations de tranquillisants. Or, ici, le comité d'experts du DSM-IV est soupçonné de conflit d'intérêt. Certains acteurs politique, enfin, peuvent utiliser, de manière allusive ou précise, ce qualificatif d'activisme pour traiter à la fois une certaine délinquance et une certaine opposition à la société établie, voire à amalgamer au niveau comportemental une instabilité émotionnelle et l'expression d'une forme de contestation sociale.

 Pour tenter de répondre à la première question posée, il faut sans doute enquêter sur les évolutions de la pratique psychanalyste et psychiatrique aux États-Unis. Le DSM-IV, très utilisé outre-atlantique, cite ce mécanisme de défense "activisme ou activité de substitution (acting-out)", ce qui peut prêter à des confusions. Enfin, pour être honnête, le guide Mini DSM-IV-TR, Critères diagnostiques, publié aux Editions Masson, en 2004 (version française), ne mentionne pas l'Activisme (Il place par contre Hyperactivité). Mais est-ce une version expurgée, soumise au contexte français, où les polémiques sont très vives envers le DSM-IV?

 

      L'acting-out ou passage à l'acte, en tant qu'acte impulsif, est la transgression de l'interdit d'agir dans le cadre de la cure classique, la psychothérapie individuelle ou institutionnelle, c'est-à-dire dans tout abord thérapeutique s'appuyant sur la relation transférielle véhiculée par la parole. Il s'agit dans ce cas d'un "accomplissement de désir" prenant la forme d'agissements directs de la pulsion libidinale ou agressive dans le réel, en relation avec une méconnaissance par le patient du transfert. L'exemple caricatural, parce qu'extrême et pourtant réel de ce type d'acting-out dans ou hors de la cure, est illustré sur le versant agressif, par le patient tirant à bout portant sur son thérapeute ; sur le versant libidinal, par cette patiente d'Anne FREUD, infirmière, qui s'en vint un jour, hors du cadre de la cure, lui sauter dans les bras en public, lorsqu'elle le rencontre incidemment à l'hôpital, lieu de leurs activités professionnelles respectives. (Les mécanismes de défense).

 Jean-Bertrand PONTALIS et Jean LAPLANCHE définissent l'acting-out en psychanalyse comme l'ensemble des actions présentant le plus souvent un caractère impulsif relativement en rupture avec les systèmes de motivation habituels du sujet, relativement isolable dans le cours de ses activités, prenant souvent une forme auto- ou hétéro-agressive. Dans le surgissement de l'acting-out le psychanalyste voir la marque de l'émergence du refoulé. Quand il survient au cours d'une analyse (que ce soit dans la séance ou en dehors d'elle), l'acting-out est à comprendre dans sa connexion avec le transfert et souvent comme une tentative de méconnaitre radicalement celui-ci. Du point de vue descriptif, la gamme des actes qu'on range d'ordinaire sous la rubrique de l'acting-out est très étendue, incluant ce que la clinique psychiatrique nomme passage à l'acte, mais aussi des formes beaucoup plus discrètes à condition que s'y retrouve ce caractère impulsif, mal motivé aux yeux même du sujet, même si l'action semble rationalisée ; pour le psychanalyste, un tel caractère signe le retour du refoulé. Un des apports de la psychanalyse est de mettre en relation le surgissement de tel acte impulsif avec la dynamique de la cure et le transfert.

Mais l'extension du sens de l'acting-out dans d'autres contextes, et non spécifiquement dans l'interprétation psychanalytique classique, le rend relativement vague et variable... 

    

      Sophie de MIJOLLA-MELLOR expose la notion l'acting-out en la comparant à l'acting-in et en faisant de l'acting le point de départ de son explication.

On entend par acting l'expression et la décharge d'un matériel analytique conflictuel par le biais d'un acte au lieu d'une verbalisation. L'acte s'oppose ici au mot, mais tous deux procèdent d'un retour du refoulé donnant lieu dans un cas à une répétition et dans l'autre à un ressouvenir. L'opposition entre acting-out et acting-in tient au fait que les actions ainsi déterminées sont accomplies à l'extérieur de la cure, actions qui s'expliqueraient comme une compensation à la frustration induite par la situation analytique, la règle d'abstinence, etc, ou à l'intérieur de la cure : communication non verbale par les postures corporelles, mais aussi silences prolongés, retards répétés, tentatives pour séduire ou agresser l'analyste. Cette notion acting-out/acting-in est indissociable de la théorie du transfert et de son évolution. Beaucoup d'auteurs se sont intéressés à cette notion, notamment pour souligner le type de personnalités qui sont le plus susceptibles d'agir leur transfert à la place de la remémoration : Anna FREUD souligne l'importance des pathologies pré-oedipiennes, Léon GRINBERG fait l'hypothèse d'une perte d'objet précoce n'ayant pas fait l'objet d'un travail de deuil adéquat. dans ces différents cas, l'approche de l'acting se rapproche de la notion d'une action qui se produit sous la pression de désirs inconscients et mène à un comportement inapproprié, voire disruptif.

 

          La même auteure, Sophie de MIJOLLA-MELLOR, définit le Passage à l'acte comme un type particulier de l'agir, défini par son caractère disruptif, voire délictueux, qu'il soit auto- ou hétéro-agressif, souvent rapporté à la catégorie de la psychopathie. Cette notion est utilisée d'abord dans la clinique psychiatrique et la criminologie avant d'être reprise dans le contexte de la psychanalyse. Elle ne doit pas être confondue avec l'acting-in/acting-out qui est strictement limité au cadre de la cure et à la dynamique du transfert. Elle apparaît, même au-delà de certaines simplifications, susceptibles de renvoyer à des étiologies extrêmement variées, en même temps qu'elle s'intègre dans une perspective philosophique très large entre pensée et action.

     Et cela d'autant plus que le sens psychanalytique restreint ne vient que tardivement et que c'est son sens criminologique qui semble venir à l'esprit le premier. Le terme n'est même pas mentionné dans le Dictionnaire de la psychiatrie de Jacques POSTEL (Larousse, 2003). Par contre, y figure, très brièvement, l'Acting-out, juste en fin d'explication du terme Agressivité, renvoyant directement aux ouvrages de CASTETS, de 1974 (La Mort de l'autre, Essais sur l'agressivité de l'enfant et de l'adolescent, Privat) , de KARLI, de 1982 (Neurologie des comportements d'agression, PUF) et de VINCENT, de 1986 (Biologie des passions, Odile JACOB).

 

      Les processus du passage à l'acte délictueux constituent un chapitre copieux sur l'étude du crime, dans Criminologie, de Raymond GASSIN.

Y sont distingués des modèles partiels de ce passage à l'acte et le modèle général anti-déterministe de A. K .COHEN. Cet auteur, notamment dans La déviance, part de la constatation que dans les théories traditionnelle l'interaction entre l'acteur et la situation pré-criminelle est traitées comme un épisode unique. Or, selon lui, l'acte délictueux se développe au contraire dans le temps et par une série d'étapes. L'acte est une tentative, un processus de tâtonnement, qui n'est jamais entièrement déterminé par le passé et qui est toujours susceptible de modifier son cours en réponse à des changements intervenant soit dans la personnalité de l'acteur, soit dans la situation pré-criminelle, soit dans les deux. Cette considération, comme beaucoup d'autres dans la criminologie récente, peut amener à une surveillance d'une population d'individus qui se caractérisent par des actes qui sortent de la norme de manière répétée, quoique dans un premier temps, non délictueux. Parmi ces autres considérations figure en très bonne place le modèle du passage à l'acte qui fait résider ce passage dans les fonctions psychologiques du criminel. Le passage à l'acte délictueux est considéré comme un mouvement réactionnel consécutif à un déséquilibre du système psychique d'une personne vulnérable provoqué par un événement conflictuel qui a pour fonction de tendre au rétablissement de l'équilibre psychique de cette personne.  A partir de là, il s'agit de surveiller toutes les situations pré-criminelles.

 

      Cette première approche tente de cerner les possibles dérives d'une notion de mécanisme de défense, l'Activisme (jusqu'à la constitution d'une telle notion), à une notion de conditions de passage à l'acte. Notre lecture est surtout perplexe, de trouver dans une partie de la littérature psychiatrique, accolées des notions qui normalement ne devraient même pas être reliées entre elles. Y-a-t-il seulement le choc entre plusieurs types de littérature (spécialisé et non-spécialisé - anglaise et française), (mais nous en doutons) ? ou existe-t-il réellement une dérive dans le sens des concepts (indice d'une certaine décadence de la littérature scientifique sous l'effet de pouvoirs économiques, si l'on en croit les conditions de l'émergence de la notion d'Activisme) ?

 

Raymond GASSIN, Criminologie, Dalloz, 2003.  Mini DSM-IV-TR, Critères diagnostiques, Masson, 2004. Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, 1976. Sophie de MIJOLLA-MELLOR, Dictionnaire International de la psychanalyse, Hachette Littératures, Grand Pluriel, 2002. Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET et Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Théorie et Clinique, Nathan Université, 2003.

 

                     PSYCHUS

 

Relu le 3 mai 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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