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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 13:05

            La fortification ne disparait pas dans les Temps Modernes, même sous la poussée des progrès de l'artillerie à poudre. De la Ligne Maginot ou du Mur de l'Atlantique pendant la deuxième guerre mondiale ou du Mur de Berlin pendant la guerre froide ou du Mur en Palestine encore de nos jours, les exemples existent d'une permanence de techniques que nous pourrions penser faire partie définitivement du passé.

C'est que la fortification n'est pas seulement une technique de défense, même si peu d'auteurs y font allusion. Que ce soit dans toute la période du Moyen Age ou de la prétendue Renaissance, le passage aux portes est contrôlé non seulement pour ne pas laissé entrer des ennemis potentiels, mais également pour surveiller les populations protégées. Avec certains Murs, comme celui du Mur de Berlin, c'est même cette fonction de contrôle qui prédomine, bien plus que de s'opposer à une hypothèse offensive de blindés. La double fonction de contrôle social et de défense militaire est assez peu soulignée par les auteurs qui traitent des fortifications, et a fortiori des questions d'urbanisme (sauf d'auteurs comme Lewis MUMFORD). Il faut attendre le développement des passeports individuels pour que disparaisse la nécessité de compter et de contrôler au passage des portes de fortifications qui disparaissent alors peu à peu du paysage urbain, sauf comme objet touristique ou d'embellissement. Même lorsque les murailles entourant les cités disparaissent, à l'orée des Temps modernes, le passage obligé par les anciennes portes est longtemps maintenu (sous forme il est vrai d'oeuvres d'urbanisme pour la circulation).

 

             Même ceux qui se posent les questions pourquoi fortifier, que fortifier ou comment fortifier de nos jours n'y font pas allusion. Ainsi Jean-François PERNOT expose diverses réponses à ces trois questions sans évoquer le contrôle social et se concentre sur précisément les fortification de défense.

"Après la Seconde Guerre mondiale, seule le mouvement primait ; même la prise en compte de cas particuliers comme celui de la séparation des deux Corée était jugée inutile. Avec la nouvelle donne stratégique des années 1990, toute réflexion  sur le fait fortifié est considérée par certains comme dépassé, sans réel intérêt stratégique, appartenant à l'histoire, et d'un rapport coût/efficacité inintéressant pour l'économie d'un pays. Seule la guerre de mouvement et les affrontements entre grandes formations blindées participeraient de la guerre moderne. Que faire de positions fixes, de fronts, alors que tout est redevenu mobile, que l'ennemi n'est pas désigné." En fait, pour cet auteur, les événements de l'ex Yougoslavie rappellent les nécessités de positionnements et des protections en campagne, et ces trois questions restent d'actualité. 

Que fortifier? Même de nos jours, les contraintes logistiques imposent le contrôle de points de passage obligés sur de nombreux théâtres d'opérations, comme l'illustrent les deux guerres du Golfe ou la guerre actuelle de l'Afghanistan. 

Comment fortifier? Cette question se pose avec acuité encore pour les responsables militaires de certaines lignes de démarcation et de zones "neutres", celle contrôlées par les forces de l'ONU (Liban, Chypre...)  par exemple. Il ne s'agit plus d'établir des fortifications permanentes de béton la plupart du temps, mais d'édifier tout de même des constructions de défense qui ne les excluent pas, notamment en sous-sol. C'est d'ailleurs ce genre de fortifications qui prévaut face à la puissance des explosifs, joint à la discrétion de leurs emplacements.

    L'objectif de ces fortifications est toujours de fixer les combattants de part et d'autre d'une muraille, aujourd'hui "symbolique", "infranchissable". Il se situe sans doute à une autre aspect de la stratégie, que celui des grandes manoeuvres d'autrefois : celle de la guérilla urbaine ou semi-urbaine, où il n'est pas question pour les assaillants de prendre une place, mais d'effectuer un "coup de main" à vocation psychologique ou de maintenir un état d'insécurité permanente.

 

           Par ailleurs, juste après la Seconde Guerre mondiale, pour faire face aux effets des explosions nucléaires en cas de conflit généralisé, de complexes techniques d'abris souterrains ont été élaborées, soit pour installer des quartiers généraux "inatteignables" situés en grande profondeur, avec renforts de plusieurs épaisseurs de béton et/ou de métaux. Il s'agit non plus de défendre des positions, mais de permettre la défense de positions et de possibilités de manoeuvres.

De plus, dans une économie friande de solutions individuelles aux problèmes collectifs, le marché des abris anti-atomiques, très florissant dans les années 1950 aux États-Unis, reste en certains endroits "attractif". 

                 Dans un autre domaine, par la multiplication de résidences fortifiées, ou d'ensembles pavillonnaires clôturés, dans un milieu urbain où la ségrégation gagne du terrain, on voit s'édifier à nouveau des forteresses qui allient électronique avancée et vieilles techniques de terrassement, soit en sous-dol, soit en hauteur (sous forme parfois de véritables miradors). Si cette recherche de protection est laissée au soin du secteur privé et semble se situer en dehors des domaines régaliens des États, si la protection recherchée ne concerne pas une cité, mais un ensemble bien plus petit, il convient d'être attentif à de telles évolutions qui remettent au goût du jour les anciens objectifs des fortifications.

 

Jean-François PERNOT, article Fortification, dans Dictionnaire de stratégie, PUF, 2000.

 

STRATEGUS

 

Relu le 19 mai 2020

 

 

 

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