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9 juin 2013 7 09 /06 /juin /2013 09:54

   L'anarchisme de gauche ou de droite, révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, individualiste ou sociétaire est divisé en plusieurs courants, se voulant souvent antagonistes, toujours centré sur la question de la contestation de toute autorité et de toute hiérarchie. 

 

   Ces courants s'agrègent souvent autour de plusieurs figures emblématiques dont autant les oeuvres et que les commentaires autour de ces oeuvres inspirent les adeptes, partisans, militants de l'anarchisme. 

 

GODWIN et godwinisme

      William GODWIN (1756-1836), pasteur anglais, qui se met un temps au service de l'aile gauche du parti whig, écrit d'abord une défense de la Révolution Française, qui réduirait à néant les attaques de BURKE dans les Réflexions sur la Révolution Française. A enquiry concerning political justice and its influence on general virtue and happiness (Une enquête sur la justice politique et sur son influence sur la vertu et le bonheur universel), de 1793, contribue à faire de lui le pôle de répulsion et d'attraction de l'opinion publique anglaise. Combattu par MALTHUS qui lui oppose son Essai sur le principe de la population, porté aux nues notamment par la jeunesse universitaire dont il devient le directeur de conscience, il inspire en 1794, les poètes SOUTHEY, GOLERIDGE et WORDSWORTH qui projettent de partir pour l'Amérique pour y réaliser la Société godwinienne. Mais, avec les guerres révolutionnaire, toute l'Angleterre honnit la Révolution Française et son oeuvre est oubliée, malgré sa tentative de surnager à travers une douzaine d'ouvrages. Sans discuter des contradictions entre sa vie privée et ses écrits (notamment envers le mariage et la propriété), il constitue une référence pour un anarchisme rationaliste.

Il destine ses attaques les plus violentes à l'État. Quelles sont en effet les idées sur lesquelles reposent l'État? Même s'il admet qu'il naît de la méchanceté des hommes (sa Société godwienne laisse des tâches à l'État : la défense des membres isolés de la Société et la défense de la Société elle-même, effectuée plus par le droit que par la force, dans une victoire de la raison...), il estime que ces idées sont largement illégitimes. Ou bien l'État s'appuie sur la force ; mais alors c'est un défi lancé à toute justice absolue, étant donné que tout gouvernement imposé par la force peut être déclaré légitime. Ou bien, l'État émane du droit divin, justification inacceptable tant qu'on ne pourra pas distinguer nettement les gouvernements approuvés par Dieu de ceux qui ne le sont pas. Ou encore, l'État résultat d'un contrat, mais nul ne peut renoncer à son autonomie morale, du fait même de l'inaliénabilité du jugement privé, tout contrat est caduc. L'État, qu'il soit despotique ou démocratique, s'oppose donc à la raison. 

 

STURNER et sa postérité

     Max STIRNER (1806-1856), professeur privé anglais, qui ne peut exercer que dans une institution de jeune fille, étant considéré comme intellectuel raté, fait publier en 1844 L'Unique et sa propriété. Ce livre, grandiose par la rigueur de sa logique et la limpidité de son style, retrace en un raccourci saisissant tout le mouvement de la gauche hégélienne pendant les années décisives de 1843 et 1844. Il atteint une grande célébrité, très brève, par la publication de cet étendard de l'anarchisme individualiste.

L'alinéation englobe chez lui toutes les puissances qui ne sont pas issue de l'individu, et surtout l'Homme Feuerbachien, l'homme en tant que catégorie, supérieur, lui aussi à l'homme particulier. La réappropriation est un effort désespéré en vue de ramener toutes ces puissances au coeur même de l'individu original. Il n'existe plus dorénavant que l'Unique qui considère comme sa propriété tout ce que s'oppose à lui et qui au fond émane de sa volonté. Il n'exalte pas la liberté absolue, mais il revendique le droit absolu  à l'originalité. Il n'enseigne pas la licence totale, mais il proclame l'unicité qu'aucune norme abstraite ne saurait faire disparaître. La révolte qu'il prêche est une révolte intérieure, la prise de conscience de notre unicité qui nous permet seule de procéder à un changement d'optique. Les puissance d'oppression ne peuvent être vaincues que dans la mesure où nous nous rendons compte qu'elles ne puisent leur force que dans l'ignorance où nous sommes de notre rôle de créateurs souverains et absolus. 

 

Pierre-Joseph PROUDHON

     Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1864), économiste, imprimeur et philosophe politique français, occupe une place à part parmi les théoriciens de l'anarchisme. Il est le seul anarchiste à n'avoir pas négligé le côté pratique d'une doctrine dont la faiblesse constitutive provient précisément de la prédominance presque exclusive d'une critique destructrice. Si l'économie politique surtout retient son attention (Qu'est-ce que la propriété? ou Recherches sur le principe du droit et du gouvernement, 1840, La Propriété, c'est le vol), il écrit en 1843 son premier grand ouvrage De la création de l'ordre dans l'humanité. Il défend contre Karl MARX un socialisme anti-autoritaire, ou socialisme libertaire, ou encore anarchisme socialiste. Opposant politique, il s'en prend également à l'Église. Son anarchie positive tourne autour de la notion de Justice.

Qu'est-ce que la Justice? Il insiste sur son caractère immanent en lui refusant toute référence à un autorité supérieure quelconque. La Justice de PROUDHON n'est pas une Justice individuelle. En tout cas, elle dépasse l'individu et ne se conçoit que sur le plan de la vie sociale. Ce sont les exigences de cette Justice qui dictent sa diatribe célèbre contre la propriété privée. Le droit d'occupation est injuste et barbare puisqu'il exclut au bénéfice du premier occupant le droit des derniers venus. La propriété ne peut même pas se prévaloir d'une utilité publique puisqu'elle amène tout un cortège de misères : chômage, surproduction, faillites et ruines. Sévère contre la propriété privée, il refuse également la notion de propriété collective. Sous le régime libéral, ce sont les forts qui exploitent les faibles, mais sous le régime communiste ce sont les faibles qui exploitent les forts. Donc pas de propriété, mais la possession, une sorte de propriété relative d'où serait banni tout abus grâce à un contrôle judicieux de la Société.

La condamnation de l'État résulte d'une application rigoureuse de la Justice. Pourtant, il ne prône pas l'absence totale de tout principe. C'est une anarchie "positive" où la liberté n'est plus fille de l'ordre, mais mère de l'ordre. Derrière ses proclamations et revendications politiques, PROUDHON diffère de HEGEL quant à la dialectique. HEGEL enseigne que les contradictions se trouvent réconciliées dans une synthèse supérieure, qui est à la fois leurs suppression, leur conservation et leur progression, triple sens que recèle le mot allemand de dépassement (Aufhebung). PROUDHON, convaincu que la multitude des éléments qui composent la Société ne peut être réduite à une unité quelconque et que l'antagonisme continuel est la loi de toute vie, ne retient des trois aspects du dépassement que la suppression arbitraire du particulier. Il s'oppose, au nom de la liberté individuelle, à l'unitarisme hégélien. La Justice ne commande pas la synthèse que la force seule peut obtenir, mais un équilibre entre des éléments contradictoires dont les effets se neutralisent grâce à son intervention. La synthèse est gouvernementale, le fait de l'État. L'équilibre, par contre, peut s'établir dans une société qui serait débarrassée de toute tutelle extérieure. L'anarchie positive est la victoire de l'Économique sur le Politique, la dissolution du gouvernement dans l'organisme économique. 

C'est la foi inébranlable en la Justice qui l'empêche de prôner une révolution violente. L'anarchie positive se situe au terme d'une évolution pacifique qu'il nous appartient d'accélérer en faisant triompher la Justice dès à présent dans la mesure de nos moyens.

 

BAKOUNINE

      Michel BAKOUNINE (1814-1876), bohème et philosophe russe, après avoir été officier dans l'armée du Tsar, voit naître sa "vocation de la révolte" en Prusse, chez les jeunes hégéliens. Après un essai, La réaction en Allemagne, publié dans les Annales allemandes en 1842, il fréquente les réfugiés allemands à Paris dès 1844 (dont Karl MARX) et les milieux socialistes français (dont PROUDHON), participe à la Révolution de 1848, subit un exil en Sibérie avant de s'évader, passe par le Japon et les États-Unis (participe à l'insurrection de la Pologne en 1863), épouse la cause française pendant la guerre de 1870-1871, entre dans l'Association internationale des travailleurs (première internationale (en 1863), avant de s'y faire expulser par Karl MARX.

Sa doctrine est celle de l'anarchisme communiste, marqué du sceau de l'hégélianisme. Il en extrait, plus qu'il n'adhère au système hégélien, la justification de son "nihilisme de combat". Il ne retient des deux aspects de la dialectique hégélienne - l'antinomie et la synthèse - que le premier, négligeant le côté constructif du système. Il porte l'accent sur la nécessité d'une destruction permanente telle qu'elle découle du conflit inévitable des contraires. Le plus athée de tous les anarchistes, il se déclare ennemi personnel de Dieu. La clef de cet athéisme qui en veut à Dieu parce qu'il frustre l'homme de se qualités dont il s'est emparé et de sa liberté qu'il confisque à son seul profit trouve son aliment dans L'Essence du christianisme, de FEUERBACH. l'État étant issu de la religion, est condamné à disparaître dès que la religion est devenue superflue. De fait, l'État est chargé de tous les maux inhérents à l'aliénation. Il asservit et avilit les gouvernés, démoralise et corrompt les gouvernants. Le combat contre lui vise, non pas à assurer, comme pour STIRNER, à l'individu isolé la faculté de réaliser pleinement son originalité, mais d'assurer à la Société toute entière, respectueuse de la liberté individuelle, l'exercice d'une liberté universelle. Cet anarchisme montre sa particularité dans la solution qu'il préconise pour le partage des biens. La condamnation de l'État implique celle de la propriété privée qui en est la base naturelle. De même que l'État doit être remplacé par la Société, garante de la liberté de tous, de même la propriété privée doit se transformer en propriété collective. Si BAKOUNINE ne s'oppose pas à ce que subsiste la propriété privée des moyens de consommation, il exige par contre que les moyens de production, la terre, les instruments de travail, tout capital, deviennent la propriété collective de la Société toute entière. Ce collectivisme semble si proche de celui préconisé par les communistes que BAKOUNINE sent le besoin de faire la différence entre son anarchisme social et le socialisme d'État. Ce qui rend son collectivisme compatible avec le maintien de la liberté individuelle, c'est l'absence de toute contrainte. La pyramide sociale est construite sur l'accord librement consenti de tous, et non sur l'ordre d'une puissance supérieure.

La doctrine de BAKOUNINE s'auréole d'un romantisme échevelé de la destruction et se dresse dans une attitude de révolte spontanée contre l'État. C'est une position non théorique (il n'y a guère de justification dans son oeuvre dans ce sens), mais fort réelle qui conduit tout droit vers l'action individuelle, la violence des actes et le crime. Ce sont les paroles incendiaires de BAKOUNINE qui font germer dans l'esprit de certains (parfois de beaucoup...), l'idée du terrorisme anarchiste. Les bandits anarchistes actualisent d'une certaine manière par leurs forfaits la dialectique hégélienne telle qu'interprétée par le militant russe. Les adversaires de l'anarchisme ne se font pas faute de le rappeler...

 

TOLSTOÏ et tolstoïsme

     Léon TOLSTOÏ (1828-1910), romancier russe, auteur de Guerre et Paix, peut être qualifier d'anarchiste dans la mesure où sa doctrine condamne toutes les formes d'oppression. Empreinte d'un mysticisme quasi-intemporel, TOLSTOÏ ne fait appel véritablement qu'à l'esprit des Évangiles chrétiens. Né de la mauvaise conscience de l'aristocratie russe qui se manifeste par une "nausée", le tolstoïsme peut sembler anachronique. Cependant, son anarchisme religieux inspire encore : il se montre tout autant intransigeant envers l'État qu'envers des autorités religieuses constituées qui lui semble trahir l'esprit des Évangiles. Il rejette par ailleurs, l'amour égoïste, qui disparaît avec l'individu, tandis que l'amour altruiste, ressort de toute vie, participe à la formation d'un autre monde. C'est de cet amour que dérive tout droit la "non-résistance au mal par la non violence", loi fondamentale du tolstoïsme. Il proscrit absolument l'emploi de la violence et prône l'exercice d'une non-violence, qui n'est pas du tout une école de résignation à l'usage des opprimés. 

De tous les anarchistes, c'est lui, sans aucune doute, qui a écrit à l'adresse de l'État les phrases les plus incendiaires. Jamais on a insisté avec autant de passion et de fureur sur l'effet corrupteur du pouvoir, néfaste autant aux gouvernants qu'aux gouvernés, et sur la volonté de puissance inhérente à tout État qui fatalement le pousse jusqu'aux exactions les plus horribles. Il n'y a qu'une explication à la mansuétude du gouvernement tsariste qui n'a jamais inquiété TOLSTOÏ, alors que même un gouvernement démocratique n'aurait probablement pu admettre facilement de telles "outrances". C'est qu'avant de s'y livrer, il est connu comme porteur d'une immense littérature. Le tolstoïsme exerce une grande influence autour de 1900. Cette mode se confond d'ailleurs avec l'engouement général dont les idées anarchistes faisaient alors l'objet. L'invite adressée aux intellectuels de se "simplifier", l'appel fait aux artistes de considérer l'art non pour un plaisir mais pour l'organe de la vie de l'humanité qui traduit par le sentiment la conscience des hommes, plus encore que les tirades antiétatiques, trouvent un écho dans les milieux occidentaux.

 

Des fondements qui s'agrègent à des causes diverses

   Les fondements philosophiques de l'anarchisme, qu'ils soient rationaliste, idéaliste, chrétien, socialiste, ne résument pas les références de nombreux membres des associations anarchistes de par le monde et surtout ils constituent des principes auxquels ils ne s'arrêtent souvent pas, amalgamant ces fondements-là à d'autres préoccupations, matérialistes ou pas, qui guident souvent bien plus leurs actions. Par exemple, nombreux sont les anti-militaristes ou/et non-violents qui se réclament d'une "sensibilité" anarchiste sans absolutiser aucun de ces fondements. 

   Avec les disciples et continuateurs de BAKOUNINE, dont James GUILLAUME, César de PAEPE, les Jurassiens, Pierre KROPOTKINE, s'élaborent des plans de construction d'une société anarchiste. Avec moins de brio littéraire et de génie, ils construisent les matériaux de ce qu'ils estiment devenir plus tard les éléments de cette société. Ils le font dans et par une lutte bien concrète, dans les multiples associations et syndicats qui se forment au tournant des XIXe et XXe siècles.

Fait partie de ces constructeurs, l'ouvrier menuisier Jean-Louis PINDY (1840-1917), délégué de l'Union syndicale des ouvriers du Bâtiment de Paris qui, le premier, trace la perspective d'une double fédération : fédération des communes, fédération des syndicats, avec pour corollaire la suppression du gouvernement et l'abolition du salariat.

Contribuent, dans leurs controverses mêmes, à l'élaboration de ces matériaux, au sein de la 1ère Internationale, César de PAEPE (1842-1890) et Adhémar SCHWITZGUÉBEL (1844-1895). 

James GUILLAUME (1844-1916), cofondateur en 1866, avec Constant MEURON, de la section de l'Internationale du locke, émanation intellectuelle des Jurassiens, partisans des syndicaliste révolutionnaires, influencé par BAKOUNINE, s'oppose tout au long de son oeuvre aux partisans de Karl MARX. Idées sur l'organisation sociale (1876), concentre une grande partie de ses réflexions. 

Pierre KROPOTKINE (1842-1921), officier et explorateur russe en Sibérie, fait figure d'auteur internationaliste. Il rédige le premier journal anarchiste allemand de l'époque, puis en 1879 commence à rédiger Le Révolté, son oeuvre préférée, constitué d'une longue suite d'articles. Ses travaux historiques et de science et les controverses marxistes orientent son intérêt vers les débuts du socialisme et l'histoire des idées anarchistes, comme en témoignent un grand article dans l'Encyclopédie britannique et son livre La science moderne et l'Anarchie (1913). Il est surtout un archétype de propagateur russe des idées révolutionnaires, à travers sa collaboration à de multiples revues.

Errico MALATESTA (1853-1932), activiste italien après des études de médecine, d'abord membre de l'aile bakouninienne à la Commune de Paris (1871), joue un rôle actif en 1876 au congrès de Berne de l'Internationale "anti-autoritaire", où il s'éloigne de l'héritage idéologique de BAKOUNINE, abandonnant le "collectivisme" pour se faire le propagateur du "communisme libertaire" et lançant aussi l'idée de la "propagande par le fait", associé alors avec Carlo CAFIERO et KROPOTKINE. Après avoir mené en 1877 une activité armée dans la province du Bénévent, en Italie, et après maintes aventures au Moyen-Orient, en Amérique Latine..., il connaît une grande activité militante et d'agitation révolutionnaire de 1919 à 1922, où il combat notamment les chemises noires fascistes, et est empêché de rejoindre la révolution républicaine espagnole de 1931. Entre ses coups de mains et aventures diverses, il écrit Anarchie et organisation (1927), participe au livre collectif L'Anarchie (Italie, 1891, traduit en 1907, réédité en 1929). A noter que dans un Manifeste publié le 15 février 1915, il s'oppose à la Grande Guerre, en compagnie de 34 autres libertaires connus de diverses nationalités.

Emile HENRY (1872-1894), autre anarchiste "terroriste" français, contrairement à ses compagnons, est un intellectuel. Attiré d'abord par le socialisme, duquel il s'éloigne à cause de son "autoritarisme" et de son "attentisme", il écrit participer à une guerre sans pitié déclarée à la bourgeoisie où il ne demande aucune pitié et n'en a aucune. Il succombe à la justice bourgeoise, comme il l'aurait écrit, après une Déclaration remarquée pendant son procès à la cour d'Assises.

Emile POUGET (1860-1931), employé dans un magasin de nouveautés après des études interrompues au lycée, prend part en 1879, déçu par un anarchisme spéculatif et idéaliste, à la fondation à Paris du premier syndicat d'employés.  Il participe au Père Peinard dès 1889 où il se fait le propagandiste de la grève générale. Grand pamphlétaire prolétarien, il bataille très activement pendant l'Affaire Dreyfus (Il écrit, avec Francis de PRESSENCÉ, Les Lois scélérates). Au Congrès de Toulouse de la Confédération Générale du Travail en 1897, il fait adopter un important rapport sur Le Boycottage et le Sabotage, qui apporte à la classe ouvrière une nouvelle forme de lutte. Il envisage de doter la classe ouvrière d'un organe de combat exclusivement  rédigé par les intéressés, ce qui donne La Voix du peuple le 1er décembre 1900. Secrétaire adjoint de la CGT, section des Fédérations, il est chargé d'assurer la parution hebdomadaire du journal (aidé par Fernand PELLOUTIER). Le Syndicat, pour lui, doit combattre la Propriété et l'Autorité, manifestation et expression divergente d'un seul et unique "principe" qui se concrétise en la réalisation et la consécration de la servitude humaine. Il n'y a qu'une différence d'angle visuel : vu d'une face, l'esclavage apparaît comme un crime de propriété, tandis que, sous une autre face, il se constate comme un crime d'autorité. Le groupe corporatif est l'unique centre, qui, par sa constitution, réponde aux aspirations qui impulsent le salarié. Il est la seule agrégation d'êtres humains résultant de l'identité absolue des intérêts, puisqu'il a sa raison d'être dans le forme de production, sur laquelle il se modèle et dont il n'est que le prolongement. (Le Syndicat, 1905). Toujours partisan de l'autonomie syndicale par rapport au pouvoir politique, il oeuvre constamment pour une Révolution sociale et non pour une Révolution politique. 

Vsévolod Mikhaïlovitch EICHENBAUM (VOLINE) (1882-1945), étudiant en droit russe, qui contribue en 1905 à la création du premier Soviet de Saint-Pétersbourg, devient anarchiste à Paris, où il est membre du Comité d'action internationale contre la guerre en 1913. Réussissant à s'enfuir aux États-Unis, il fait partie de ces anarchistes russes qui établissent des liens entre ceux qui restent en Europe (sous l'influence des idées de Pierre KROPOTKINE) et ceux qui séjournent en Amérique, effectuant un travail d'unification qui se traduit par une déclaration, puis par une organisation qui prend le nom de Union de propagande anarcho-syndicaliste de Petrograd et qui décide de la publication de Golos Truda, prolongement de l'édition américaine. Après la Révolution de 1917, il s'active dans les milieux anarchistes soviétiques, pas très longtemps, car dès 1919, le pouvoir soviétique supprime la presse libre. Il rejoint alors le quartier général du guerilleros anarchiste ukrainien Nestor MAKHNO. Là, il combat les forces soviétiques pendant six mois avant de se faire arrêter par l'Armée Rouge. Prisonnier, puis libéré, grâce à l'intervention des délégués du syndicalisme révolutionnaire européen en 1920, il passe en Allemagne et rédige un brochure accablante : la Persécution contre l'anarchisme en Russie soviétique, traduit en français le livre de Pierre ARCHINOFF (Histoire du mouvement makhoviste) et crée l'hebdomadaire en langue russe L'ouvrier anarchiste, revue de synthèse anarchiste. La CNT espagnole lui propose ensuite de rédiger pour elle son journal de langue française : L'Espagne antifasciste. Participant quelques temps à partir de 1938 à la rédaction de l'hebdomadaire Terre libre, il rédige La révolution inconnue, le classique libertaire de la Révolution russe, publié après sa mort en 1947, et redécouvert seulement en 1969.

Nestor MAKHNO (1889-1935) participe à la gigantesque jacquerie doublée d'une guérilla en Ukraine. Les congrès de la makhnovstchina regroupent des délégués de paysans et de guerriers, son organisation civile étant le prolongement d'une armée insurrectionnelle paysanne pratiquant la tactique de la guérilla. On peut voir, avec Pierre ARCHINOFF, dans la makhnovstchina le prototype d'un mouvement indépendant des masses paysannes en même temps qu'on peut la regarder comme une anticipation de la guerre révolutionnaire de guérilla, celle du XXe siècle, celle des révolutionnaires Chinois, Cubains, Algériens, Vietnamiens...

Buenaventura DURRUTI (1896-1936), membre de l'Union générale des travailleurs espagnols. Figure de la CNT, ses activités en font la référence de la guerre libertaire. Participant à la guerre d'Espagne, il rédige divers écrits dont L'armée populaire et les conseils de soldats, proposant notamment un nouveau Code militaire. Nombreux de ses écrits, appuyés par des témoignages de camarades, sont publiés après sa mort (notamment par André PRUDHOMMEAUX (1902-1968), dans les Cahiers de Terre libre, en 1937). Il considère que les militants antifasciste participant aux combats sont avant tout des miliciens et non des soldats. 

 

Anthologie de l'anarchisme, deux tomes, Sous la direction de Daniel GUÉRIN, La Découverte/poche, 2002 (réédition de l'ouvrage publié par François Maspéro en 1970). Henri ARVON, l'anrchisme, PUF, Que sais-je?, 1971.

 

PHILIUS

 

Relu le 18 mai 2021

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