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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 12:55

        Le protocole de Genève de 1925 interdit l'emploi des armes biologiques au même titre que les armes chimiques. Ce protocole n'interdit pas les recherches. Le 10 avril 1972 est signée la Convention sur l'interdiction (entrée en vigueur le 26 mars 1975) de la mise au point, de la fabrication et du stockage d'armes bactériologiques ou à toxines et sur leur destruction.

Depuis se tiennent des conférences en vue de l'examen de la convention et du renforcement du régime de vérification originel où l'on se préoccupe surtout des implications militaires des progrès scientifiques et techniques en matière de biotechnologie et de génie génétique. Un groupe ad hoc se constitue en septembre 1994 pour élaborer des mesures de confiance et de vérification. Toutefois, peu de progrès sont accomplis dans cette voie en raison de la complexité du contrôle de l'interdiction des armes biologiques et de la "répugnance" des organisations professionnelles (notamment les industries pharmaceutiques) à souscrire à des procédures de vérification trop intrusives, qui se réfugient bien facilement derrière le secret industriel. Malgré tout, les experts internationaux estiment que la résolution 1540 adoptée en 2004 par le conseil de sécurité de l'ONU marque une étape importante. Contraignante pour tous les États membres de l'ONU, elle réaffirme que ces derniers doivent s'acquitter de leurs obligations en matière de maîtrise des armements et de désarmement et prévenir la prolifération, sous tous ses aspects, de toutes les armes de destruction massive. 

 

        Pendant que des efforts se déploient sur la constitution d'armes biologiques dans les unités militaires, les recherches se sont poursuivies et se poursuivent toujours, avec de temps à autres des velléités d'usage et surtout des "expérimentations" ponctuelles. La France crée un commission de bactériologie dès 1921 pour établir une politique de guerre biologique, et sous diverses appellation, il y a toujours un département du ministère de la défense qui y travaille. Le Royaume Uni se dote d'une unité spéciale sur les armes biologiques à Porton Down en 1940, unité qui réalise des tests sur l'ile Gruinard en Ecosse. Laquelle est contaminé en 1942 par la maladie du charbon (5 millions de tourteaux comprenant de l'anthrax produits), contamination qui perdure au moins jusqu'en 1990. Les États-Unis créent un centre de recherche en 1943 et dès l'année suivante, une installation d'essai sur site est opérationnelle. En Union Soviétique, un programme d'armement biologique débute dès 1927. Il fournit toute une série d'agents pathogènes capables de provoquer la tularémie, le typhus ou la fièvre Q, mais qui ne sont pas utilisés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Lors de l'expansion de l'empire japonais pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945), l'empereur du Japon autorise la création d'une unité de recherche bactériologique qui pratique des expérimentations sur des milliers de cobayes humains. Ces armes sont employées à maintes reprises en Extrême-Orient par l'armée impériale jusqu'à la fin de la guerre. L'Allemagne crée en 1943 un petit centre de recherche d'armement biologique à Posen, centre qui est repris par les Soviétiques en 1945. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la faisabilité des armes biologiques est clairement établie, même si aucun pays, pour autant qu'on le sache, n'a fait de découverte considérable. 

         Durant les premières décennies de la guerre froide, les grandes puissances continuent leurs recherches dans ce domaine jusqu'à l'arrêt unilatéral des États-unis en 1968 et la signature de la Convention de 1972. Cependant, des programmes d'armes biologiques se poursuivent toujours. De temps à autre, des "accidents" nous le rappellent. Ainsi l'usine de production d'armes bactériologiques de Sverdlowsk (rebaptisé Ekaterinbourg), en Union Soviétique, laisse échapper de l'anthrax le 30 mars 1979. Bilan, entre 66 et 600 morts selon les sources. Les soviétique ont lancé dès les années 1970 un immense programme de recherche et d'essai en armes biologiques appelé Biopreparat (révélé par Ken ALIBEK, Biohazard, Random House, 1999 ; La guerre des germes, Presses de la cité, 2000). Également, entre 1975 et 1983, des cas d'intoxication causée par la "pluie jaune" sont constatés en Asie du Sud-Est, au Laos et au Cambodge. Nous n'avons su que dans les années 1990 que l'Afrique du Sud avait mené un projet d'État (Coast) dans les années 1980. Des inspections internationales en Irak, menées dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu ayant mis fin à la seconde guerre du Golfe, ont révélé un programme biologique d'envergure à un stade assez avancé, quoique bien en-deçà des allégations de l'administration américaine.. 

 

           D'une manière générale, la plupart des pays occidentaux ont renoncé aux armes biologiques dans les années 1960. Les principaux possesseurs de programmes militaires biologiques se situent au Moyen-Orient et en Asie. Le risque de prolifération provient surtout de pays qui, ne pouvant se doter d'armes nucléaires pour des raisons techniques et industrielles, se tournent vers des armes plus faciles à concevoir et dotées de propriétés voisines sur le plan stratégique.

     Il existe une grande différence entre la prolifération biologique et la prolifération chimique : sur les dizaines de milliers d'agents chimiques sur lesquels les scientifiques militaires (et civils, mais ils l'ignorent la plupart du temps...) travaillent depuis plusieurs décennies, la liste des agents à usage militaire s'est stabilisée autour d'une soixantaine de produits ; au contraire, les formidables progrès de la génétique ouvrent à la biologie militaire des perspectives aussi vastes qu'inquiétantes. Les techniques biotechnologiques peuvent être utilisées pour produire des agents biologiques à des fins militaires en quantité importante et il se dit même que l'ingénierie génétique est susceptible d'améliorer leur stabilité - longtemps l'un des principaux obstacles posés aux programmes biologiques militaires - et leur résistance aux vaccins ou aux traitements existants. Les travaux des spécialistes sont incessants à cet égard.

Si l'on prend en exemple le système soviétique, les armes biologiques faisaient l'objet d'un classement stratégique au regard de leurs effets létaux :

- les armes stratégiques, dont les taux de contagion et de mortalité sont très élevés (type peste ou variole) ;

- les armes opérationnelles, destinées à donner un avantage militaire sur un théâtre d'opération (type tuléramie, brucellose, morve) ;

- les armes stratégico-opérationnelles, qui mêlent les deux effets (type anthrax, Marburg, fièvre Q).

   Une centaine d'État dispose de la technologie nécessaire, mais depuis l'arrêt des activités dans ce domaine aux États-Unis, en Union Soviétique et en Afrique du Sud, il ne reste qu'une douzaine de pays à avoir réellement franchi  le pas : Égypte, Irak (mais depuis l'occupation américaine, cela n'est plus le cas), l'Iran (qui suscite actuellement les plus vives inquiétudes), Israël, Libye, Syrie au Moyen-Orient ; Chine, Corée du Nord, Taïwan, Birmanie, Vietnam en Asie. La quasi totalité de ces pays développent également des armes chimiques. Dans certains États-majors circulent l'idée d'une complémentarité entre armes chimiques (tactiques) et biologiques (stratégiques).

En 1999, le centre de Monterey recensait dix-neuf pays concernés par l'arme biologique, dont treize seraient encore actifs : l'Algérie, la Chine, l'Inde, l'Égypte, l'Iran, l'Irak, Israël, la Libye, la Corée du Nord, la Russie, la Syrie, Taïwan et les États-Unis... Mais cette liste inclut des pays aux statuts très divers :

- les pays qui, tout à fait officiellement et dans le cadre de la Convention internationale, conduisent un programme de recherche à des fins défensives : Inde et États-Unis ;

- les États qui mènent un effort de recherche, plus ou moins avancé : Corée du Nord, Taïwan, Égypte, Iran, Irak, Syrie, Algérie, Libye ;

- la Russie doit être traitée à part dans la mesure où, bien qu'elle conduise tout aussi officiellement que l'inde et les États-Unis un programme de recherche défensif, des soupçons pèsent sur la réalité de ses activités ;

- la Chine est considérée comme le pays au risque le plus élevé en termes de prolifération biologique, avec vraisemblablement un programme offensif.

     Encore une fois, disons que la prolifération biologique est celle où les données sont les plus imprécises.

 

Hauman YAAKOUBI, Armes chimiques et biologiques, dans Dictionnaire de stratégie, PUF, 2000. Olivier LEPICK, Armes chimiques et biologiques, Encyclopedia Universalis, 2004. Commission sur les armes de destruction massive, Armes de terreur, L'Harmattan, 2010. Rapport d'information sur la prolifération des armes de destruction massive, Assemblée Nationale, 2000.

 

                                                                                         ARMUS

 

Relu le 8 avril 2020

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