Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 16:43

     Au moment où la pensée marxiste semble retrouver des couleurs, crise du système capitaliste oblige, cet ouvrage, qui fait la synthèse d'une journée d'étude organisée à l'initiative du Collège International de Philosophie de Paris, en décembre 2010, autour de la pensée du philosophe français Louis ALTHUSSER (1918-1990) est le bienvenu, bien qu'il ne couvre bien entendu qu'un volet de cette nouvelle vigueur. 

      Louis ALTHUSSER est à l'origine, dans les années 1960, d'un important renouvellement de la pensée marxiste dans une perspective généralement associée au structuralisme, qui implique de nombreux intellectuels, comme Roland BARTHES, Etienne BALIBAR, Maurice GODELIER, Jacques RANCIÈRE, Yves DUROUX, Pierre MACHEREY, Roger ESTABLET... il s'exprime notamment par l'ouvrage collectif Lire le Capital, paru en novembre 1965 en deux tomes aux Éditions François Maspéro.

 

    Annie IBRAHIM, dans un Avant-propos, présente comment Penser un matérialisme aléatoire : "L'Histoire n'est que la révocation permanente du fait accompli par un autre fait indéchiffrable à accomplir, sans qu'on sache à l'avance ni jamais, ni où, ni comment l'événement de sa révocation se produira. Simplement un jour viendra où les jeux seront à redistribuer et les dés de nouveau jeté sur la table vide".

C'est ainsi qu'Althusser, dans un texte de 1982 - le courant souterrain du matérialisme de la rencontre (Louis Althusser, Écrits philosophiques et politique, Stock/IMEC, 1994) - conclut un bref commentaire de la célèbre sentence mallarméenne : "Jamais un coup de dés n'abolira le hasard". Toute rencontre est aléatoire et provisoire ; elle aurait pu ne pas avoir lieu, elle peut ne pas durer, elle peut ne plus avoir lieu. Cette philosophie du vide peut-elle se donner l'existence autrement qu'en faisant le vide philosophique? En effet, l'alternative "philosophie marxiste ou matérialiste aléatoire? - est tranchée de manière radicale en 1986 : "Je pense que le véritable matérialisme qui convient  le mieux au marxisme, c'est la matérialisme aléatoire,, dans la ligne d'Épicure et de Démocrite. Je précise : ce matérialisme n'est pas une philosophie qui devrait être élaborée en système pour mériter ce nom. Même si ce n'est pas impossible, il n'est pas nécessaire de le convertir en système ; ce qui est vraiment décisif dans le marxisme, c'est qu'il représente une position en philosophie." (Louis Althusser, Sur la philosophie, Gallimard, 1994). 

C'est à ce chantier d'un matérialisme aléatoire, que plusieurs intellectuels se consacrent ici, le chantier du "dernier Althusser". Althusser nous incite-t-il à substituer à la philosophie un matérialisme authentique qui exige de penser et d'agir sur un autre sol que celui de la philosophie? Dans ce cas, écrit toujours la philosophe marxiste, il faudrait se mettre à la recherche du statut théorique et pratique de ce matérialisme souterrain qui occupe le vide laissé par la philosophie et par la stratégie politique solidaires du matérialisme dialectique soupçonné d'hégélianisme.

 

   André TOSEL ouvre une première partie consacrée à la délimitation du problème (Matérialisme de la rencontre et pensée de l'événement-miracle), suivi par Jean-Claude BOURDIN (Ce que fait la rencontre aléatoire au matérialisme (et à la philosophie). Ce thème de la rencontre est l'objet, dans une seconde partie, des contributions d'Alain GIGANDET (Le hasard des atomistes), d'olivier BLOCH (Les jeux de l'humour et du hasard), d'Annie IBRAHIM (Diderot et les aléas de la politique : une aporie?) et de Pascale GILLOT (Althusser, Wittgenstein et la question du sujet).

Dans la troisième partie, Horizons, Irène PEREIRA expose "Une contestation sans lois de l'histoire ni téléologie : la radicalité pragmatique dans les mouvements sociaux du XXIe siècle, et Isabelle GARO discute du Matérialisme de la rencontre et de la politique du vide dans le dernier Althusser. Il est assez dommage qu'une contribution d'Étienne BALIBAR (Vérité, point d'hérésie : Althusser et pascal), empêché de transmettre la version écrite de son intervention, n'y figure pas.

 

   Dans une Postface, Annie IBRAHIM indique qu'il s'agit bien là d'une exploration d'un chantier, au bout duquel personne ne sait s'il en sortira quelque chose : "Nous espérons que nos lecteurs accepterons d'entrer dans le labyrinthe de la diversité de nos approches : de la perception d'un geste fondateur, jetant une vive clarté sur un courant souterrain et refoulé de l'histoire du matérialisme, grâce à un autre style d'écriture d'une autre modernité, jusqu'au constat de l'aveu d'une impasse théorique et pratique, nous avons tenté d'exprimer la richesse problématique des lectures et conjectures aussi ferventes que disparates léguées par Althusser à ses neveux."

 

 

Sous la direction d'Annie IBRAHIM : Autour d'Althusser, Penser un matérialisme aléatoire : problèmes et perspectives, Le temps des cerises, 2012.

 

Relu le 8 février 2021

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : LE CONFLIT
  • : Approches du conflit : philosophie, religion, psychologie, sociologie, arts, défense, anthropologie, économie, politique, sciences politiques, sciences naturelles, géopolitique, droit, biologie
  • Contact

Recherche

Liens