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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 09:24

        Dans les relations entre cinéma et guerre, nous pouvons distinguer la représentation de la guerre à l'écran, notamment à travers les filmographies, l'utilisation de la caméra, dans le prolongement de l'affiche ou de l'estampe de propagande, comme arme de guerre et la mémoire historique des conflits armés à travers le cinéma.

 

         Les représentations de la guerre au cinéma sont innombrables, comme les faits de guerre eux-mêmes, non seulement dans le genre de film de guerre, mais aussi à travers le péplum, le film d'aventures, le film historique, la science fiction et la fantasy et même les comédies musicales, sans compter bien entendu les films dont le thème n'est pas la guerre, mais ayant la guerre en toile de fond (films d'espionnage, film noir...). 

Dans tous ces genres, il existe plusieurs façons de représenter la guerre, de sa glorification (relations des hauts faits de batailles) à sa dénonciation (films antimlitaristes ou simplement contre la guerre), en passant par sa réduction à des aventures violentes mais finalement amusantes (dans certaines comédies musicales). 

C'est surtout au sortir de la Première Guerre Mondiale qu'éclate le genre de films anti-guerre, qui reviendra ensuite, comme des vagues successives, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre du VietNam... Il faut noter entre les filmographies américaine et française (en prenant les deux plus importantes, en excluant le cinéma indien) une très grande différence de ton. Si la dénonciation de la guerre fut vive dans de nombreux films aux États-Unis, il n'en est pas de même en France, où le souvenir des années 1940 sous le régime de Vichy a laissé des traces très profondes de conflits non résorbés. Mais ces vagues des films anti-guerre apparaissent de façon quasi-simultanée avec des productions qui la glorifient ou en tout cas qui la présente surtout comme fait glorieux et nécessaire. Enfin, il existe une différence notable entre la filmographie de temps de paix et la filmographie de temps de guerre, où la propagande et la censure dominent. 

  Sébastien DENIS montre bien cette alternance entre temps de guerre et temps de paix dans le cinéma français. En temps de paix dominent amourettes et comédies, et ensuite des comédies qui, faute de pouvoir glorifier l'armée française tournent en ridicule l'armée allemande et les nazis. Filmer la guerre, c'est d'abord prendre parti pour ou contre elle, et il n'existe pas de film descriptif froid à l'anglo-saxonne. Après la Seconde Guerre mondiale, et surtout après la guerre d'Algérie, les cinéastes qui se frottent au filmage du combat le font souvent pour dénoncer la guerre, ce qui contraste avec la flopée de films coloniaux d'entre-les-deux guerres. Cet auteur constate qu'il existe donc un va-et-vient constant et spécifique entre la "réalité" peu enviable du troufion et le "rêve" d'une grande Armée retrouvée. Nous pourrions compléter en écrivant que si décrire la guerre du XXe siècle, c'est entrer dans un champ conflictuel parfois directement politique, de nombreux réalisateurs trouvent une sorte d'exutoire en décrivant la guerre avant ce siècle. Très nombreux sont les films de cape et d'épée ou d'aventures qui présentent la guerre sous un jour plutôt positif (voyages et gloire...).

    Edward DOLAN décrit comment Hollywood s'en va t-en guerre, et montre un semblable balancement entre films favorables ou de propagande et films dénonciateurs. Le registre utilisé se centre souvent, sorti des films de propagande proprement dit (Pourquoi nous combattons, par exemple) sur le destin de plusieurs personnages dans l'enfer de la guerre des tranchées ou de débarquements et les films montrent souvent la réalité crue de la guerre. Et cela de plus en plus au fur et à mesure que l'on s'éloigne des événements relatés. Pour ne prendre qu'un exemple, la différence de traitement du débarquement de juin 1944 en Normandie entre Le jour le plus long et Il faut sauver le soldat Ryan est frappante. Cette vision crue des combats existent de plus en plus, même dans les films d'aventure, ce qui peut forcer à faire une critique ambivalente : plus de violence et de sang racoleurs à l'écran, mais aussi plus de réalisme de la tuerie collective sur le champ de bataille, ne manquant pas de transformer dans un sens négatif l'image de la guerre elle-même.

 

         De tout temps, déjà aux temps antiques, l'image fut utilisée pour promouvoir l'enrôlement et la participation à la guerre. Le cinéma de propagande, dès l'avènement de ce nouvel art, fut largement utilisé à la fois pour exalter les populations  et faire soutenir l'effort de guerre (notamment dans le film documentaire, mais également en temps de guerre dans les films de fiction). L'ennemi y est montré sous des traits presque inhumains et le soldat doit être l'objet de toutes les ferveurs. L'adversaire est moins montré comme le peuple à abattre pendant la Seconde Guerre et se centre plus sur les visées des dirigeants, mais il s'agit plutôt d'une nuance. L'effort de propagande est d'ailleurs très centré, non pas sur l'ardeur des soldats au combat (même si cela n'est pas négligé), mais surtout sur le soutien de la population civile de l'arrière, incitée à faire parvenir aux soldats quantités de cadeaux et de fournitures, incitée à s'engager dans les usines d'armement (surtout les femmes pendant la Seconde Guerre Mondiale), incitée à faire attention à l'ennemi intérieur (les murs ont des oreilles). Le cinéma de propagande tend à maintenir la confiance dans les chefs militaires et les progrès de l'armée contre l'ennemi : ils mettent en avant les victoires (au besoin en transformant les défaites en victoires) ou taisent les revers. Dans l'Allemagne nazie par exemple, jusqu'au dernier moment, la population eut confiance au sursaut final promis par Hitler, en partie grâce au cinéma de propagande (...jusqu'à ce que toutes les salles soient détruites!). 

 

          Le mémoire historique constitue un véritable enjeu politique et les représentations des conflits armés peuvent s'opposer. La guerre Algérie pour la France et la guerre du VietNam pour les  États-Unis furent le sujet de films aux thèses contradictoires. On trouve dans la série des films de Rambo par exemple une explication de la défaite américaine comme trahison de l'armée par le pouvoir politique civil, ce qui rappelle la thèse des nazis et d'une grande partie de la population allemande d'ailleurs, du poignard dans le dos, dans les années 1930-1940, pour expliquer la défaite allemande (contre-pied exact de Voyage au bout de l'enfer ou même d'Apocalypse Now).

Tout un regard critique, à partir des actualités allemande, italiennes, américaines, françaises et japonaises, conduite par Marc FERRO ouvre une réflexion très intéressante sur les rapport entre Cinéma et Histoire. Même si cette manière de faire a peut-être une portée limitée (quoique le même travail sur la guerre d'Algérie est très bénéfique à cet égard), le regard porté sur la guerre ne peut plus être manichéen. Cela ouvre la voie au thème de la responsabilité partagée de la guerre, très loin du cinéma de propagande et se rapprochant d'un véritable regard d'historien. 

L'ouverture d'archives fournies sur les deux guerres mondiales, y compris des archives cinématographiques constitue une chance pour les générations futures de constater que sans doute les destructions matérielles et humaines causées par les guerres forcent à approfondir les efforts pour trouver d'autres modes de résolution des conflits. Toutefois, s'agissant des archives à propos de l'holocauste juif pendant la Seconde Guerre Mondiale, nous pouvons tristement constater une forte instrumentalisation qui peut empêcher une telle prise de conscience. Nous pouvons assister à un retour d'un certain manichéisme en matière de compréhension des guerres, sauf si cette perception (qui fait appel plus à l'émotion qu'à la réflexion) se limite à ces événements-là.

 

Marc FERRO, Cinéma et Histoire, Denoël GONTHIER, 1977. Edward F. DOLAN Jr., Hollywood s'en va-en-guerre, Editions Atlas, 1986. Sébastien DENIS, article Le militaire inexistant à l'écran : un chevalier inexistant? , dans CinémAction n°113, L'armée à l'écran, Corlet/Télérama ; 2004.

 

                                                                                                                       ARTUS

 

Relu le 18 janvier 2020

 

 

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