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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 16:04

    Les études sur les collaborations et résistances à l'occupant nazi pendant la seconde guerre mondiale ne sont guère suivies en général par des considérations plus synthétiques et plus systématiques, et surtout plus pratiques (mises en oeuvre), sur la notion de Résistance.

Hormis de nombreuses études qui, mettant en avant les apports des populations et moins des armées ou des groupements armés, en tirent des leçons sur la nécessité d'organiser une véritable défense civile (qui ne soit pas seulement une protection civile) des valeurs et des territoires (mais souvent plus des valeurs que des territoires, à savoir la démocratie, le respect des droits de l'homme...), il n'existe guère de regard sur l'histoire à propos des phénomènes qui se déroulent après une guerre (et avant la suivante...) sur un sol occupé par des forces étrangères.

Les phénomènes de résistances et de collaborations si étudiés pour la seconde guerre mondiale, le sont très peu pour d'autres lieux et d'autres temps. Pourtant, au-delà de la mise en scène des victoires ou des pleurs-contritions sur les défaites, la "transformation" (dans le sens qu'il a en rugby...) de ces faits d'armes en exploitation des territoires ou en résultats stratégiques ou économiques est essentielle pour comprendre comment les conflictualités (plus ou moins violentes) se perpétuent. Car au-delà des chapitres de sièges de villes ou de batailles qui se terminent en massacres et en pillages, il existe bien une logique de confrontation, au sein des populations et des élites, entre vaincus et vainqueurs, qui modifie souvent la structure socio-économique et politique. Il existe bien, après une guerre, des phénomènes qui mettent aux prises ces quatre grands types d'acteurs : résistants, collaborateurs, et les deux pouvoirs qui vienne d'en découdre. Avec des phénomènes d'assimilation et de répulsion à la clef. Bien entendu, ce qui précède demande études.

Commençons par les enseignements en matière de défense civile qui ont été tirés et poursuivons par le regard sur quelques phases historiques qui peuvent être analysées sous le prisme plus général Collaboration/Résistance. Bien entendons, il s'agit là de deux ordres de réflexions différents, qui ne sont pas toutefois sans liens entre eux.

 

      Adam ROBERTS (né en 1940), Professeur émérite de Relations internationales au St Antony's College d'Oxford, définit la résistance civile comme un "type d'action non-violente qui suppose une série d'activités continues, soutenues et coordonnées, dirigées contre une puissance ou une force adverse particulière (...). L'adjectif "civil" dans ce contexte implique ce qui est propre au citoyen ou à la société et aussi ce qui est typiquement pacifique, civilisé, non-militaire ou non-violent.

Ces caractéristiques font que le terme "résistance civile" peut s'avérer plus précis que celui plus large "d'actions non-violentes" en tant que description de certaines luttes pacifiques nationales ou sociales, comme celles menées contre un coup d'État militaire, une occupation militaire étrangère, ou encore contre un gouvernement oppressif. L'expression "résistance civile" a fréquemment été utilisée en relation avec certains types de campagnes non-violentes, menées par exemple par Gandhi (...). L'expression "résistance civile" diffère de "désobéissance civile" (autre type d'action non-violente) notamment en ce sens que la résistance civile peut parfois s'inspirer de l'obéissance consciente à l'autorité légitime par opposition à un pouvoir rival ou usurpateur. Elle peut parfois revêtir la forme non d'une désobéissance mais plutôt d'une résistance légale."  L'auteur admet que des problèmes de définitions demeurent non résolus, notamment parce que plusieurs conceptions de la résistance civile se distinguent : des actions apparemment similaires peuvent être considérées comme morales ou immorales, constructives, défensives ou agressives, selon le contexte. Qu'en est-il d'une résistance civile utilisant de manière extensive le sabotage, ou plus loin encore, de celle qui opère (comme en France sous la seconde guerre mondiale) une forme de terrorisme contre les agents nationaux de la force étrangère (collaborateurs actifs). Sans aller jusque là, peut-on qualifier "d'entièrement non-violent" une grève générale qui peut avoir des conséquences dramatiques, de manière complètement indirecte, en termes de vie humaine?... Tout dépend en fin de compte des définitions de la violence conçues et surtout de la perception en terme d'agressivité des moyens utilisés. Il n'y a pas, en dernier ressort, totale assimilation entre résistance civile et résistance non-violente, bien que, par la force de choses (non accès à l'armement ou non formation à leur utilisation), beaucoup d'actes de résistance civile sont non armés.

L'auteur entre ensuite dans le détail des moyens : sabotages et dommages plus ou moins limités, jeûnes de protestation et auto-immolation, chantage moral, tactiques de ralentissement et de désorganisation du travail des fonctionnaires, boycottages économiques internationaux, avant de dresser des tableaux  des cas de résistance civile, contre une domination étrangère, des coups d'état militaire...

     

     Theodor EBERT (né en 1937), professeur de Sciences politiques à l'Université Libre de Berlin, entre dans la problématique de l'organisation et de la fonction de direction en défense civile qui s'inspire de nombreuses actions de résistance civile. La plupart des réflexions en Occident s'effectue parallèlement et en contre point d'une critique de la défense nucléaire. "Si l'on compare la Défense civile avec la "Défense préventive" de l'OTAN, les avantages et les inconvénients de chacune ne se présentent pas dans la même phase d'un conflit. Le point fort de la "Défense préventive" est théoriquement son effet de dissuasion, lequel, dit-on, fonctionne depuis plus de vingt ans maintenant (le texte date de 1967). Ses points faibles sont clairement les conséquences catastrophiques de l'escalade qui en résulterait si la dissuasion ne marchait pas. A propos de la Défense Civile, l'on peut dire qu'elle peut encore produire des réalisations politiques quand, en fait, elle est employée. Même si elle échoue d'abord, la défaite n'est ni catastrophique, ni finale. D'aucuuns voient généralement son désavantage dans le fait qu'étant basée sur un désarmement militaire unilatéral, elle présente un "invitation" à des agressions potentielles, une sorte de "provocation passive". Comme l'avantage de la stratégie militaire de dissuasion semble se trouver dans le temps présent, l'avantage de la Défense Civile semble se trouver cependant, seulement dans un avenir qui devrait être évitable. Mais si l'on peut s'attendre à un changement systématique d'une politique militaire de sécurité pour une Défense Civile à un stade où, d'une part le coût et l'instabilité d'un système international d'intimidation sont devenus transparents et que d'autre part, lorsqu'on a démontré qu'un pays ayant trans-armé vers la Défense Civile ne représente pas un vide de pouvoir, l'on doit montrer qu'au contraire cette forme de défense a une capacité de dissuasion que les agresseurs potentiels enregistrent au moins aussi clairement qu'une dissuasion militaire. Durant les années passées, des chercheurs internationaux pour la paix sont arrivés à d'impressionnants et indispensables résultats en analysant le système international d'intimidation et son instabilité (tel que Dieter SANHAAS,: Zur Pathologie des Rüstungswettlaufs. Beiträge zur Friedens- und Konfliktorschung, Freiburg, 1970). La prochaine étape dans la controverse avec le système actuel de défense militaire est d'examiner la capacité de dissuasion de la Défense Civile.

La capacité de dissuasion de la Défense Civile dépend de la crédibilité de l'entraînement à la défense, de sa manifestation et de la perception de ses effets. Il est difficile de prouver la présence d'une telle dissuasion par des exemples historiques. Dans les cas examinés jusqu'à présent, les actions non-violentes furent improvisées, dans la résistance contre le putsch de Kapp, l'occupation française (franco-belge en fait) de la Ruhr, la résistance pendant la deuxième guerre mondiale et en Tchécoslovaquie en 1968. L'opposant fut surpris. Il est donc difficile d'apprécier si une résistance annoncée et préparée eut été dissuasive. La politique allemande d'occupation pendant la deuxième guerre mondiale offre tout au plus des exemples pour étayer le fait qu'un agresseur fut dissuadé d'étendre son intervention dans les affaires d'un pays déjà occupé, parce qu'on s'attendait à une résistance non-violente."

 

     Ce que beaucoup d'études ne mentionnent pas, c'est que l'organisation d'une Défense Civile suppose une cohésion sociale forte, ne serait-ce que pour maintenir dans le temps une désobéissance massive aux ordres d'un occupant ou d'un gouvernement fantoche, pour sauvegarder l'essentiel des infrastructures socio-économiques (des écoles jusqu'à l'outil de production) et pour finalement décourager l'adversaire de poursuivre ses plans d'occupation et d'exploitation. Or cette cohésion sociale fait défaut à la plupart des pays, traversés parfois par des conflits sociaux très vifs, sinon également par des divisions d'ordre socio-religieuses. L'essentiel de "l'arsenal" de la résistance ou de la défense civile reste semble t-il l'apanage de groupes sociaux à cohésion forte, à l'intérieur d'un pays, quelque soit le domaine de cette cohésion, et en fonction des attaques opérées par l'ennemi.

 

     Pour ce qui est de l'aspect de la recherche sur les différents ressorts de la collaboration et de la résistance dans l'Histoire, il convient sans doute de repérer plusieurs éléments-phares :

- le degré admis de violence sociale, qui varie énormément d'un espace et d'un temps à l'autre ;

- l'objectif de l'agresseur : il est évident que si son objectif est la destruction globale d'une société et d'un peuple, étant donné sa continuité ou sa présence dans un temps et dans un l'espace limité et pleinement connu, la question ne se pose même pas. Ces cas de massacres organisés, ne serait-ce que pour occuper à sa place le territoire d'un ennemi sont relativement courants dans l'Histoire, même si cet objectif devient de plus en plus inenvisageable et possible au fur et à mesure que les sociétés se complexifient et s'interpénètrent. Si les Mongols pouvaient massacrer sans vergogne des populations sur des territoires entiers (et même là ils connurent leurs limites) pour s'y installer, une politique d'extermination de populations, intégrée dans le pays visé (ce pouvait même être l'Allemagne sous la seconde guerre mondiale), et même si la tentative de génocide (on pense aux peuples tsigane et juif..) cause de très nombreuses victimes, des résistances se manifestent.

- le degré de cohésion sociale, à la fois dans le pays occupé et dans le pays occupant. Une vision strictement militaire de la situation n'offre là guère de possibilité de compréhension. Même dans un pays "victorieux", pour de multiples raisons, se manifestent des divisions, ne serait-ce que pour se partager les richesses du pays "vaincu". Il est relativement rare qu'une société fasse bloc, sans recours interne à la contraintes envers certaines populations, pendant longtemps lors d'un conflit armé. 

- les liens préexistants à l'invasion entre des parties des populations ou des classes sociales chez les protagonistes.

- les moyens que l'occupant (notamment si s'établit ou s'étend un Empire) déploie pour s'attirer les collaborations plus ou moins actives : système des otages, systèmes fiscaux, assimilation ou déportation...

- les moyens que l'occupé (suivant ses réticences culturelles notamment) met en oeuvre pour résister de manière ouverte (insurrections...) ou cachées (actions clandestines de toutes les formes ;

- les systèmes d'autorité respectifs établis chez les protagonistes, qui, par delà des divergences socio-économiques permettent la transmission plus ou moins solides (encore une fois dans l'espace - problèmes de communications et dans le temps - durée d'acceptation de nouvelles contraintes pour soutenir l'effort de guerre...) des ordres venant de sommets de l'édifice social. Dans les sociétés pyramidales (et encore...), les possibilités de soutenir une occupation ou une exploitation semblent plus constantes. Il ne faut pas sous-estimer la capacité d'obéissance des populations soumises depuis longtemps à de mêmes autorités (civiles ou religieuses).

- Enfin, la capacité pour les différents pouvoirs militaires de maitriser la violence de leurs propres troupes. Combien de villes furent laissées au pillage, au grand dam de commanditaires de guerres (rois ou princes...) car les capitaines n'avaient plus la maitrise (surtout en cas de longs sièges) de la colère ou de l'esprit de vengeance de leurs troupes?

 

   L'intérêt de telles considérations réside dans la lecture même des événements historiques, qui rompe avec une vision strictement militaire ou guerrière (qui instaure souvent des coupures temporelles là où sans doute elles n'existent que pour des classes ou éléments bien précis de populations...) et qui réinstaure le sens de la continuité logique des conflits.

 

Theodor EBERT, organisation et Fonction de Direction en Défense Civile, Cahiers de la Réconciliation, Décembre 1978. Adam ROBERTS, Résistance civil et arsenal de la Défense Non)violente, Les Monographies de la Défense Civile, XII, Mai 1980.

 

STRATEGUS

 

Relu le 1er avril 2021

 

 

 

 

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