Le western, ce genre cinématographique concentre dans ses mises en scène et ses scénarios des caractéristiques qui en fait un genre différent par nature. Le film noir ou le film fantastique peuvent se retrouver sous toutes les latitudes, avec des thèmes variés. Le western n'est lui-même que s'il raconte une histoire liée strictement à un temps et à un lieu très défini et il met en relief un combat le plus manichéen et le plus simplifié possible dans des décors extrêmement typés.
Pratiquement tous les auteurs, qu'ils soient cinéphiles ou sociologues, s'accordent pour soit dénigrer, soit considérer comme "faux" western ceux qui s'en écartent. Il n'y a que les oeuvres strictement commerciales qui défendent une extension plus ou moins grande de la notion de western. Bref, comme l'écrit Hervé BAZIN, le western est le cinéma américain par excellence et pas de n'importe quelle Amérique.
De nombreux auteurs tentent de définir le western.
Suzanne LIANDRAT-GUIGUES rappelle certaines tentatives, de Jean GILI, de Roger TAILLEUR ou d'elle-même, citant à l'appui maintes réalisations. Jean GILI (Sidney Pollak, ouvrage collectif sous la direction de Jean GILI, Université de Nice, 1971) systématise ce qui manque souvent de rigueur en établissant les règles suivantes : "Les films tournés au Mexique ne sont des westerns qu'à la condition de mettre en scène des Américains..." Au plan historique, il englobe le XVIIIe siècle "à la condition que le thème soit d'inspiration traditionnelle et qu'il évoque, au départ des colonies de Nouvelle-Angleterre, la pénétration de colons en direction de l'Ouest" et il propose de ne pas dépasser, au XXe siècle, la fin de la Première Guerre mondiale. A cet ensemble varié et si peu homogène, il faudrait ajouter la référence quasi-obligatoire à des groupes humains : cowboys, trappeurs ou chercheurs d'or ; cavalerie ou bande de hors-la-loi ; shérifs ou marshals ; prêtres et pasteurs, docteurs et juges ; joueuses et entraîneuses de saloon ; pionnières, institutrices ou mères de famille. Mais pas de n'importe quel prêtre, docteur et juge. Et pas de n'importe quelles joueuses ou institutrices. D'autres distinctions seraient à établir encore entre le héros et le vilain, les bons et les méchants, les victimes et ceux qui instaurent l'ordre ou font régner la terreur ; les maladroits et les tireurs d'élite ; les fermiers et les éleveurs, les sédentaires et les solitaires errants, hommes de l'Est et westerners, etc. Suzanne LIANDRAT-GUIGUES estime que cela fait très catalogue à aspect illimité, mais nous pensons que Jean GILI ne pense pas à n'importe quels bons et méchants ou à n'importe quels fermiers et éleveurs.
Il est difficile de se fier aux définitions proposées par les critiques de cinéma qui distinguaient les films sur les indiens (Indian stories) et les mélodrames de l'Ouest (western melodramas) et qui faisaient et font encore de multiples sous-classes afin d'intégrer parfois des éléments venus d'ailleurs (comédie musicale par exemple) ou tout simplement de suivre une actualité où se mêle considérations artistiques et calculs commerciaux.
Roger TAILLEUR (1956 : une année de westerns, dans Positif, n°22) remarque bien l'importation ou l'exportation dans une importante filmographie d'éléments venus du western ou "enrichissant" le western, surtout à partir des années 1950.
Suzanne LIANDRAT-GUIGUES pense qu'un "rapide parcours historique laisse deviner que si une même dénomination (un western) a pu, à un moment des années 20, servir à réunir un ensemble de disparités particulières, ces dernières s'étant modifiées dans le temps, l'appellation s'est maintenue par la suite pour désigner des réalisations fort différentes de ce que recouvrait le terme générique initial. Dès lors, la question "qu'est-ce qu'un western?" est peut-être mal posée et il serait préférable de lui substituer une réflexion sur ce qu'un est western hic et nunc. Envisager une oeuvre permet de voir en elle l'intrication des données qui font le genre à un moment précis, pour un public donné ainsi que pour un réalisateur particulier. L'oeuvre apparaîtra alors comme un ensemble de différences relevant d'une communauté de répétitions créée par une dynamique propre au genre. cependant le mouvement qui anime cette "matière" n'est ni régulier ni progressif ni linéarisé". Elle considère qu'un genre est d'abord une collection d'oeuvres, un corpus jamais fermé qui n'a pas non plus d'origine fermement assignable. En fait, cette réflexion, qui fait partie aussi d'une cinéphilie, ne considère pas du tout le milieu social, politique ou économique de la naissance d'un tel genre. Elle veut partie absolument que des oeuvres, négligeant par là, non seulement le nombre considérable d'oeuvres jamais réalisées ou montrées, mais également les intentions profondes des réalisateurs et des acteurs qui s'attachent parfois principalement, parfois exclusivement, à ce genre.
André BAZIN, dans sa préface au livre de J.-L. RIEUPEYROUT, Le western ou le cinéma américain par excellence (Editions du Cerf, collection 7ème art, 1953), met l'accent plutôt que sur les diverses contaminations passagères du western qui ne concernent selon lui qu'une minorité de films, sur les résistances du genre à l'implantation dans celui-ci d'autres thématiques ou d'autres cadres que les siens. Cette permanence des héros et des schémas dramatiques du western est confirmée par la télévision, à laquelle finalement peu d'auteurs s'intéressent lorsqu'ils discutent de ce genre. "Il est aisé de dire que le western "c'est le cinéma par excellence", parce que le cinéma c'est le mouvement. Il est vrai que la chevauchée et la bagarre sont ses attributs ordinaires. mais alors le western ne serait qu'une variété parmi d'autres du film d'aventure. Du reste, l'animation des personnages portés à une manière paroxystique est inséparable de son cadre géographique, et l'on pourrait aussi bien définir le western par son décor (la ville de bois) et son paysage ; mais d'autres genres ou d'autres écoles cinématographiques ont tiré parti de la poésie dramatique du paysage, par exemple la production suédoise muette, sans que cette poésie qui contribuera à leur grandeur assurât leur survie. Mieux, il est arrivé comme dans Owerlanders, qu'on emprunte au western l'un de ses thèmes - le voyage traditionnel du troupeau - et que l'on le situe dans un paysage (celui de l'Australie centrale) assez analogue à ceux de l'Ouest américain. Le résultat, on le sait, fut excellent ; mais il est heureux que l'on ait renoncé à tirer une suite quelconque de cette prouesse paradoxale dont la réussite n'était due qu'à des conjonctures exceptionnelles. Et s'il est arrivé qu'on tourne des westerns en France dans les paysages de Camargue, il n'y faut voir qu'une preuve supplémentaire de la popularité et de la santé d'un genre qui supporte la contrefaçon, le pastiche ou la parodie." L'écrivain dégage alors les attributs, autre que formels, qui font d'un western un western : son existence provient de la rencontre d'une mythologie avec un moyen d'expression. Effectivement la littérature du western était déjà surabondante à la naissance du cinéma (que ce soit sous forme de journaux, de bande dessinées ou de romans...). Ce qui frappe dans ces films, c'est leur souci de la vérité historique, s'ils ne restituent pas la réalité des faits, ils reprennent cette réalité (avec une fidélité dans les détails, mais plus tard, on verra que là aussi il y a idéalisation) en l'idéalisant. Les rapports entre la réalité historique et le western ne sont pas immédiats et directs mais "dialectiques". Si André BAZIN ne l'écrit pas, ces rapports sont de l'ordre de l'archétype : la femme toujours bonne car en bas de l'échelle, le cheval indispensable, la dureté des conditions de vie, la nécessité de la loi, qui "n'a jamais été plus été plus proche de la nécessité d'une morale (alors) que "jamais non plus leur antagonisme (n'a paru) plus concret et plus évident". "Ainsi trouve t-on à la source du western une éthique de l'épopée et même de la tragédie."
Déplorant, en amoureuse cinéphile, de manière plus accentuée qu'André BAZIN, la dénaturation puis la disparition du western (écrivant en 2005), Nicole GOTTERI, accusant au passage les "métastases du cancer soixante-huitard" d'avoir "tué sa merveilleuse puissance d'évocation, décrit les raisons de sa passion pour le genre. Le mythe du western, directement issu de l'histoire américaine, de la quête de la Frontière et de la conquête de territoires à l'Ouest des premiers États qui constituaient l'Union, fascine encore, par la figure idéalisée des héros dans les cycles d'une geste recomposée pour solliciter l'imagination, selon ses propres termes.
Raymond BELLOUR, introduisant plusieurs approches du western, estime que celui-ci agit comme miroir et comme preuve. Le western est un art ludique, rien à redire à cela, mais à la limite du jeu, "c'est le système des valeurs sur quoi toujours il vient buter et prendre appui." "Exercice du naturel, quoique mythologique, qui reprend à tout moment l'odyssée aventureuse de l'histoire américaine par le moyen d'un art qui n'est qu'une des faces de la même aventure, le western tient à la fois à l'univers du sérieux et à celui du jeu, et l'un toujours reste la condition de l'autre. D'où, en Amérique, sa popularité que dénonce l'abondance de la production télévisée. D'où pour le spectateur européen sa séduction particulière. Nous aimons dans le western la possibilité de l'aventure, de ce pari sur lequel bien sûr l'histoire s'édifie, mais qui, au moment de l'enjeu, possède la fascination extraordinaire de l'action personnelle. C'est en fonctionnaire du négatif que nous cédons à l'emprise de ces épopées pour nous miraculeuses, où un homme, soumis à un code qu'il connaît d'autant mieux qu'il contribue à l'établir, assure la vérité de l'univers par la seule réalité de son action. C'est cela le grand jeu, historique et filmé, grand jeu car jeu du risque naturel qui construit et interprète le réel immédiat en sa totalité. Les Américains, je pense, l'éprouvent déjà comme un regret, car en un sens, pour eux aussi, l'aventure est bien finie, et nous, du fond de nos pays si vieux, comme le rêve tout à fait illusoire d'une jeunesse historique et individuelle qui nous parait immémoriale, et qui toujours nous rendra un peu lointaine l'Amérique, dans sa naïveté, si belle et dangereuse." Ce sont L'Ouest et ses miroirs, de Roger TAILLEUR, La nostalgie de l'épopée, de Bernard DORT et Les aventures de la tragédie, d'André GLUCKSMANN, que Raymond BELLOUR introduit ainsi.
Yves PEDRANO s'attache directement aux ingrédients du western et à sa participation à la construction des mythes de la nation américaine. Il pose ainsi des questions essentielles : Quelle est la nature du récit qu'offre le genre western? Quelle en fut la genèse? A quel moment a-t-il atteint sa forme définitive? Quelles circonstances induiront un courant autocritique qui décidera de sa disparition? Quels liens existent entre l'histoire des États-Unis et le récit qui narre ses origines? En dépit de l'apparente spécificité de la forme et du contenu de cette fresque moderne, celle-ci n'est-elle pas en réalité un avatar d'une épopée beaucoup plus ancienne, celles des fils d'Abraham, dont la Bible nous contre les aventures?
Même si un auteur comme Jacques BELMANS n'aborde pas spécifiquement le western, nous pouvons nous interroger comme lui sur les relations entre cinéma et violence. Singulièrement, un film du genre western s'ouvre souvent sur une scène de violence pour se terminer sur une autre, censée boucler la boucle. La violence, bien présence dans tous les genres, semble constituer en soi un moteur de l'aventure dans l'Ouest. Tout conflit, notamment entre shérif et hors-la-loi, entre éleveur et cultivateur ou entre grands propriétaires terriens, se clôt - on n'ose dire se résout, car il ne s'agit souvent pas de résoudre une situation structurelle, mais bien de conclure un face à face où l'objet du conflit disparaît souvent derrière la peinture des sentiments des personnages principaux - sur un coup de revolver. Nous nous demandons si le western, genre proprement américain, n'est pas relié directement à une culture de la violence, au risque d'enfoncer des portes ouvertes. La problématique de la loi présente dans bien des westerns se trouve souvent mise en relation directe avec la question des armes.
Jacques BELMANS, Cinéma et violence, La renaissance du livre, 1972 ; Yves PEDRONO, Et Dieu créa l'Amérique! De la bible au western, l'histoire de la naissance des USA, Editions Kimé, 2010. Sous la direction de Raymond BELLOUR, Le western, Approches, Mythologies, Auteurs-acteurs, Filmographies, Gallimard, 1993. Suzanne LIANDRAT-GUIGUES, article Le western, dans CinémAction n°68, 1993, Panorama des genres au cinéma. Nicole GOTTERI, Le western et ses mythes, Bernard Giovanangeli Editeur, 2005. André BAZIN, Qu'est-ce que le cinéma?, Les éditions du Cerf, collection 7ème art, 1990.
FILMUS
Relu le 26 mai 2020