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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 09:09

             Les opinions publiques se sont construites contre l'État et Internet démultiplie et l'expression et le nombre des opinions visibles. Vu le développement de l'individualisme accéléré par l'existence de ces nouveaux moyens de communication, les opinions publiques se voient même doublées d'opinions privées, dans la mesure où l'individu, sur la Toile, acquiert un statut d'acteur "qui compte" dans la formation des opinions, sur n'importe quel thème. Conçues par certains de ses initiateurs, Internet - mais pas le cyberespace en entier, lequel dérive précisément de recherches étatiques, et même d'ordre militaire - devait être un espace de liberté, où les frontières n'existent plus, un réseau de communication où circulent sans entraves toutes les idées et toutes les informations sur les faits. Internet devait être le terreau de cette vaste communauté que devrait être l'humanité, tout simplement. La transformation rêvée des différentes parties des activités humaines en véritable "village planétaire" n'a pas eu lieu.

 

Circulation et entraves à la circulation sur Internet

Si des éléments techniques rendent difficiles des entraves à la circulation des informations sur Internet, les recherches intensives et l'imagination des autorités étatiques permettent l'introduction dans ce réseau de multiples barrières : linguistiques, religieuses, politiques... Sont réintroduits dans Internet les éléments des conflits de toujours, des éléments de contrôle social et politique, et religieux, et la question qui se pose est de comprendre la véritable interaction qui se joue entre le monde virtuel qu'est Internet et le monde "réel" (mais internet est réel, lui aussi), physique plus précisément. Si le cyberespace constitue seulement un nouveau terrain de conflits où sont reproduits les conflits anciens sous des formes plus subtiles, plus rapides, plus évanescentes, les conflits - comme les coopérations d'ailleurs, ne sont qu'amplifiés, avec des résonances ramifiées partout dans le monde. Mais si Internet n'est pas que cela, mais un vecteur contagieux de représentation du monde, alors les acteurs - en voulant bien lui conférer un de véracité supérieure (une véracité plus "entraînante" avec couleurs, sons, musiques, graphismes et tout le reste), son utilisation intensive, dans le temps et dans l'espace, pourrait avoir un effet de changement de perspectives sur de nombreux conflits, sans pour autant, sans doute, en changer la nature. Le va-et-vient entre monde virtuel et monde "physique" pourrait être un objet d'observation important pour la compréhension des événements futurs.

     Et ceci singulièrement dans les relations entre citoyens et États. Car après une période euphorique qui a suivi une pré-histoire militaire, Internet constitue un instrument de plus en plus important de contrôle social, moral, un outil de police des États chargés des bonnes affaires, des bonnes moeurs, des bonnes moralités, des bons usages... Une des grandes difficultés de cet exercice par les États - outre des aspects techniques dont la maitrise n'est pas entièrement en leurs mains - est la constitution même d'acteurs "virtuels", où plutôt de multiples identités par chaque situation lorsqu'il évolue sur Internet. A l'extrême limite, le situationniste exerce des essais de déstabilisation en adoptant, en singeant en quelque sorte les objectifs des différents acteurs capitalistes où l'athée prend des éléments religieux pour combattre d'autres éléments religieux, en se faisant passer pour une autorité religieuse, fort de son érudition, voire de sa pratique, dans ce domaine, où l'agent de renseignement adopte l'habit du terroriste afin de favoriser le déploiement même d'un appareil policier... Les signes sur internet peuvent avoir autant de faux visages que de vrais (les différentes facettes d'un individu s'exprimant différemment lorsqu'il surfe sur le Net), qu'il peut être difficile pour un État de mener une politique de prévention ou/et de répression de la délinquance (ce qu'il estime être de la délinquance). Nul doute que les États vont de jour en jour inventer de nouvelles procédures pour tenter de faire le rapprochement entre ces identités multiples et l'identité physique de l'internaute, mais cela constituera toujours sans doute un problème. Le contrôle des opinions publiques, bien au-delà de la prévention/répression contre les délinquances, constitue un objectif majeur pour des États qui, constitutionnellement ou pas, considèrent l'expression démocratique comme un danger. Orienter des opinions publiques, par des procédés divers, constitue au minimum - même sans intention particulière - dans les hautes sphères des États, une tentation à laquelle il est très facile - corruption inhérente au pouvoir oblige, surtout s'il se prolonge sur la grande durée - de céder. Les techniques sont là, déployées depuis longtemps dans le monde "physique", publicités commerciales ou propagandes politiques et religieuses, et il suffit parfois de les "adapter" au cyberespace. Ensuite, selon les degrés (très très divers) de crédulités, de naïvetés ou de niaiseries des internautes, ces techniques font leur oeuvre, démultipliant leurs effets, notamment lorsqu'elles sont enveloppées d'une aura artistique et qu'elles sont formées de vecteurs visuels et sonores, peut-être demain olfactifs - adéquats. Le pouvoir hypnotique des images mouvantes fait le reste, démultipliant celui qu'avait autrefois le cinéma et la télévision. 

    C'est précisément en partie cet aspect séducteur qu'analyse entre autres Joanne LALONDE. "Tribune ouverte et populaire, l'Internet, écrit-elle, l'Internet regorge de formes culturelles polymorphes : textes journalistiques ou d'opinion, archives et documentations institutionnelles, nouvelles en diffusion continue, encyclopédies, vitrines et journaux personnels, extraits de spectacles, bases de données, sans cesse des formes inédites émergent. Dans ce contexte, nous examinerons la création artistique destinée à une diffusion sur Internet, ce qu'on nomme l'art hyper-médiatique, et plus spécifiquement, au sein de cette pratique, les oeuvres dont le moteur narratif se construit à partir de figures de violence soit par des reconfigurations testimoniales d'un élément traumatique, par des représentations allégoriques de la guerre et de la terreur, ou encore par des manifestes d'opposition aux formes contemporaines de l'oppression. Ces stratégies de représentation s'inscrivent dans une tendance générale qu'on appelle l'activisme web. Ces oeuvres s'offrent comme tribune, voir comme action, pour dénoncer différents modèles de domination et de contrôle exercés par les formes de pouvoir propres à nos sociétés hyper-modernes. Le panorama de l'activisme web est vaste, et les sujets d'opposition plus ou moins variés : guerre, sexisme, racisme, hétéro-centrisme, néolibéralisme, exploitation sexuelle des enfants, abus policiers et militaires... Ces résistances peuvent autant dénoncer au niveau micro, en s'adressant par exemple à une communauté spécifique, c'est ce que privilégie souvent le témoignage, qu'au niveau macro, en déplaçant de leur contexte des conventions et codes pour forcer un réexamen de leur puissance significative, ce que fait notamment l'allégorie.

 

Enjeux de l'hyper-médiatique

Rappelons quelques grands enjeux de l'art hyper-médiatique. Art de la communication, il compte sur l'ouverture contributive du réseau. L'interactivité directe en est la base essentielle, un dispositif quelconque doit être activé par le spectateur. L'oeuvre ne se présente quasiment jamais comme une séquence autonome et fermée. L'essentiel de l'oeuvre en réseau sera alors de construire un lien esthétique avec le spectateur sous le modèle de l'échange et de la rétroaction. Art de l'écriture hétérogène, la création web fait appel à des langages différents, qui ne sont plus pensés comme des disciplines fermées mais comme des catégories poreuses. Les images fixes et animées, les sons et les textes cohabitent et jouent sur les frontières indistinctes des grandes traditions de la photographie, de la littérature, de la vidéographie, du cinéma et de la création sonore. Art de la citation, l'hypermédia est enfin en résonance constante avec l'histoire culturelle. Loin de se penser en rupture complète avec la tradition, il interprète et réinvente les formes, les thèmes et les genres qui ont depuis toujours fasciné les artistes : portraits, carnets, paysages, tableaux d'histoire, représentations de la vie quotidienne, manifestes politiques en sont les formes les plus courantes. 

Interactives et dynamiques, les oeuvres web visent donc à créer des effets et à susciter des affects. Dans cette logique, (il s'agit) d'interroger la puissance subversive de trois modalités de représentation de la violence, le témoignage, l'allégorie et le manifeste, de même que les rapports qu'elles entretiennent avec les instances de pouvoir."

    La professeur d'histoire de l'art et vice-doyenne à la recherche et à la création à la Faculté des arts de l'UQAM, au Canada, termine cet examen par l'évocation d'une des formes les plus subversives de l'activisme web : le piratage. "Les anglophones distinguent entre les termes "hacking" et "cracking", c'est-à-dire entre le piratage qui s'introduit simplement dans les sites et les bases de données et celui qui en détruit les constituantes. Certains auteurs froncophone, comme Jean-Paul FOURMENTRAUX (Art et Activisme : l'alternative Internet, dans Critique, 2008), parleront d'un "hacktivisme" artistique pour désigner les oeuvres qui visent à contaminer ou faire dévier le dispositif informatique. Certains artistes, précise (t-il), "mettent en effet en oeuvre une efficace de l'infection et de la contamination : leur démarche a pour objet l'incident, le bug, l'inconfort technologique et la perte de repères". Encore ici, le registre des actions sera très vaste, de l'infiltration anodine dans une base de données, au clonage de sites commerciaux jusqu'à la création de "virus artistiques" qui mettent temporairement hors fonction le dispositif technique par lequel les oeuvres sont diffusées. 

Il est tentant de voir dans la figure subversive du "cracker", celle qi choisit de déconstruire jusqu'à la dysfonction les codes et les éléments du web, l'ultime manifeste contre les formes invisibles de l'oppression informatique, celle d'un dispositif de contrôle et de régulation sociale assujetti à une conception marchande de la technologie. Ces oeuvres de piratage radical sont violentes par elle-même. Elles ne se contentent plus de dénoncer ou de critiquer, elles détruisent l'accès même à Internet en supprimant leur propre support, pour proposer la disparition de l'objet et dénoncer une forme invisible d'aliénation, celle de la prolifération technique que nous sommes si enthousiastes à accepter. La violence rejoint ici l'acte même de création. L'ultime forme de l'activisme est cette oeuvre kamikaze, pourrions-nous conclure, qui forcera par sa disparition, une reconsidération de nos habitudes et de nos certitudes."

 

Internet, élément du contrôle social

    Cet activisme, et bien d'autres, se déroulent dans une évolution où Internet constitue un des outils de plus en plus privilégié d'un maillage de plus en plus serré et de plus en plus massif de contrôle de la circulation des citoyens dans les États qui peuvent se le permettre (financièrement parlant). Si depuis le 11 septembre 2001, date des attentats aux États-Unis, la presse se fait de plus en plus écho d'une système sécuritaire (les "affaires" des écoutes de la NSA en 2013 n'étant que la plus grosse dernière), celui-ci commence à se mettre en place bien auparavant, au plus fort temps de la guerre froide, en un temps où, aux yeux de nombreuses autorités étatiques, l'ennemi intérieur existait bien. Dans les années 1950 aux États-Unis et dans les années 1960 en Europe pour ne citer que des &tats qui se disent "démocratiques", se met en place, par petites touches, tout un système de surveillance des citoyens, prenant la suite de tendances encore bien antérieures, les mêmes qui instaurent l'obligation pour chaque citoyen d'avoir des "papiers d'identité".

Jean-Claude VITRAN décrit bien cette obsession de la sécurité, pour ce qui concerne la France, qui s'exprime par une frénésie législatives et réglementaires tous azimuts, couvrant des secteurs variés (de la prévention contre le terrorisme à la surveillance des chiens dangereux). Fichés, suivis à la trace, profilés, les Français le sont à plusieurs moments de leur vie, depuis leur première scolarité jusqu'à la mort, sous les prétextes les plus divers et les plus inattendus.

"L'abondance des lois sur la sécurité, écrit le membre de la direction de la Ligue des Droits de l'Homme, l'omniprésence de ce mot dans le débat politique, l'hétérogénéité des problèmes à propos desquels toutes sortes de personnes étrangères au maintien de l'ordre public croient pouvoir l'invoquer, montrent bien que ce terme est sorti du registre judiciaire, et depuis longtemps déjà. Cessant d'être subordonné à la question sociale, la sécurité est devenue, pour beaucoup, un moyen de la comprendre, et pour certains de la résoudre. Le processus par lequel nous en sommes arrivés là est complexe, nous nous en tiendrons à constater, ou à déplorer, le consensus amenant, depuis 1997 au moins, la droite et la gauche de gouvernement à considérer la sécurité comme "la première des libertés". Or, introduire ainsi en contrebande la sécurité dans la devise de la République est bien éloigné de la pensée des révolutionnaires de 1789 qui ne la mentionnent pas dans la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; l'article II affirmait seulement que la sûreté est un droit naturel et imprescriptible. A cette époque là, comme le dit Robert Badinter "la sûreté est précisément l'assurance pour le citoyen, que le pouvoir de l'État ne s'exercera pas sur lui de façon arbitraire et excessive". Cette phrase souligne l'inversion politique et intellectuelle du concept sécuritaire qui restreint les libertés individuelles au nom d'une sécurité absolue et inatteignable.(...) Après avoir relégué les libertés individuelles au magasin des accessoires, cette "révolution sécuritaire" n'a pas tardé à s'imposer, au rythme des faits divers médiatisés saisis comme des aubaines pour forcer le pas, les mesures et les moyens lui permettant de réaliser son utopie. La répression y occupe bien sûr une large place mais, comme il ne suffit pas de guérir, l'on s'est de plus en plus orienté vers une police dite "proactive" : entendre par là un ensemble de dispositions et de dispositifs plus ou moins appropriés aux diverses formes d'insécurité qu'ils entendent prévenir. La difficulté à prévoir un passage à l'acte (attentat, crime sexuel, vol, etc.) a conduit à développer des moyens d'évaluation, de détection, et d'identification des individus potentiellement dangereux, bref des suspects. C'est pourquoi, sous toutes les formes renouvelées que lui procurent les nouvelles technologies, la surveillance a connu un développement fulgurant  ; qu'il s'agisse de la video-surveillance, du fichage, du traçage ou du profilage. Les barrières juridiques protégeant la vie privée, pourtant établies dans nos textes constitutionnels, semblent avoir cédé sous la pression de l'impératif sécurité."  

    Nous pouvons trouver, sur le site InternetActu.net par exemple, quantités d'informations et de réflexions dans ce sens, qui concernent non seulement la France, mais le monde entier. L'usage quotidien d'Internet est surveillé de multiples façons, par de multiples acteurs commerciaux, politiques et institutionnels ou non, suivant des algorithmes permettant de capter des millions d'adresses IP d'ordinateurs "utilisateurs" dans un temps de plus en plus court. De véritables logiciels comportementaux peuvent traquer sur la Toile, en liaison ou non avec d'autres fichiers en provenance de multiples sources de surveillance (caméras urbaines, dans les magasins, aux alentours de certains bâtiments administratifs ou financiers, dans les transports - le fameux pass Navigo est très intéressant à cet égard - en attendant la nouvelle carte vitale des soins de chaque français, heureusement en fin de compte enterrée dans les méandres administratifs...) éventuels ou actuels délinquants, que cette délinquance soit mineure ou criminelle. Tant et si bien que le problème principal maintenant, dans les masses d'information accumulées et souvent stockées, est de les traiter intelligemment, sous peine de n'avoir capté que du bruit incessant. Et l'on retombe, de manière significative, sur la problématique de la qualité des informations recueillies bien connue de tous les services de renseignement de la planète.

 

Internet : un champ de bataille...

     Pour autant, on aurait tort de penser que s'oppose seulement face à face opinions publiques et autorités étatiques, actuels ou futurs délinquants et polices de toute sorte. Il y a réellement sur Internet une confrontation continue des opinions qui, pour une partie d'entre eux, le considèrent comme un véritable champ de bataille. On pourrait à peine paraphraser une formule célèbre en parlant d'une guerre de tous contre tous sur Internet. Heureusement, pour l'instant, les hackers et cracker ne constituent qu'une infime minorité - même si leurs dégâts peuvent dantesques - d'acteurs internautes. Plus insidieusement, ce sont des batailles des idées, auxquelles participent aussi organismes étatiques et sociétés commerciales, qui s'y livrent. En réaction ou non à des événements dans le monde "réel", quitte à parfois faire des événements uniquement "virtuels", sur la Toile, se joue des tendances d'opinions, qui sur le très court terme ressemble furieusement à une cour de récréation à la maternelle (sans surveillant(e)), mais qui, peu à peu, dessinent, des hiérarchies à partir de sites d'intervention, autour d'un pseudo, à partir de blogs... Ce phénomène est bien perçu par les mass médias qui tentent, tant bien que mal, de se "numériser" ou de s'agglomérer des blogs faisant plus ou moins autorité, dans le temps, sur des domaines très souvent très spécialisés... Se livrent notamment des batailles pour l'accélération ou le freinage d'évolutions espérées ou craintes dans la "vie réelle", et ce, à l'échelle planétaire. On connait les efforts, presque désespérés, des monarchies pétrolières arabes pour s'opposer au grignotage de positions ancestrales par la "modernité" (sur le statut de la femme, sur la place du religieux dans la société). Mais aussi, les efforts, tout aussi difficiles, de multiples ligues de vertu contre les effets ravageurs d'une pornographie déferlante, quitte à promener à longueur d'heures leurs morales pudibondes dans n'importe quelle partie d'Internet.... Le phénomène est très perceptible dans les sociétés qui ont fait depuis des siècles, du contrôle des images (dans les sociétés musulmanes et hindoues, mais aussi chrétienne, que l'on pense à l'orthodoxie, par exemple) un pilier du maintien de l'ordre religieux, politique et économique.

 

    Anne-Laure WIBRIN, dans une analyse sur l'image et la violence, utilise le concept de "panique morale" pour décrire les polémiques autour de l'influence des images violentes sur les jeunes. Ce concept "met en évidence à la fois la situation de panique que peut provoquer l'arrivée de nouveaux médias de masse et l'ampleur de la dimension morale dans les débats. En général, les auteurs (elle cite SPRINGHALL, CRITCHER, FERGUSON, MURDOCK, DROTNER...) considèrent que ces paniques détournent d'enjeux plus fondamentaux ou qu'elles sont révélatrices de changements sociaux plus profonds. Ainsi, par exemple, Ferguson, qui explique que se focaliser sur l'influence des jeux videos permet d'éluder la question des causes réelles de la délinquance juvénile et permet aux politiciens de faire croire qu'ils prennent le problème de la délinquance en main en proposant des solutions... centrées sur les images ou les censures d'images.

Les débats sur les peurs des images ne se comprennent que si on les replace dans leur contexte historique. Dans des climats de changements sociaux, ils renvoient à de nombreuses peurs qui s'entrecroisent. La peur de la perte de moralité pour les entrepreneurs de morale, mais aussi la peur de perdre une partie de leur statut de privilégié pour certains d'entre eux. La peur de la jeunesse populaire suivie de la peur de la jeunesse en général, y compris la nôtre qui nous échappe en consommant des loisirs que les adultes maitrisent moins bien. La peur de l'évolution de la place de la jeunesse dans la société. La peur de l'industrialisation, de la société de consommation, des loisirs qui détourneraient des "bonnes" valeurs. La peur du pouvoir des images, présente depuis des siècles. La peur tantôt de la massification, de l'endoctrinement des individus qui regardent tous la même chose, tantôt de l'individualisation des spectateurs qui s'enferment chez eux devant leurs écrans ou des plus jeunes qui préfèrent l'"isolement" devant leurs consoles de jeux video qu'une rencontre "réelle" pour jouer avec leurs pairs. Peur parfois bien différentes donc, mais néanmoins liées par l'association "images"-"jeunesse"-"violence".

    Mais Internet ne véhicule pas seulement des images qui peuvent être interprétées de bien des manières par des cultures différentes, mais aussi des idées, des principes de vie, des manières de considérer les peuples et les dirigeants. Une des forces de nombre de pouvoirs conservateurs ou pseudo-populaires" est de faire croire qu'il n'existe pas d'autres manières de gouverner. L'absence de comparaison, l'absence de débats sur les mode de vie ou sur les modes de gouvernement conforte tout pouvoir. A partir du moment où les idées pénètrent dans n'importe quel foyer par ordinateur fixe ou mobile interposé, que s'instaurent des échanges entre citoyens, qui disparait le seul face à face du monarque et du sujet, toutes les évolutions sont possibles, sous la pression des effets d'organisations sociales injustes ou de frustrations longtemps contenues (qu'elles soient matérielles ou morales)... L'effet de la circulation des écrits sous le manteau pour échapper à la censure ou à la répression de n'importe quelle police est démultiplié par cette technologie. Les droits de l'homme, les droits de la femme, les droits de l'enfant se placent à l'intérieur des débats essentiels qui traversent de toute façon les sociétés, même les plus fermées. Et cela soit de manière argumentée, conquérant les esprits, soit par des images, conquérant les coeurs...

   Si Internet est perçu parfois de manière bien différente par des fractions de populations qui se sentent contrôlées ou espionnées par les États et par d'autres fractions de population dans d'autres contrées qui l'utilisent à des fins libératrices, les conflits prennent avec lui d'autres tonalités, d'autres ampleurs...

 

Anne-Laure WIBRIN, article image ; Joanne LALONDE, article Internet, dans Dictionnaire de la violence, PUF, 2011. Jean-Claude VITRAN, Surveillance généralisée? dans Filmer, ficher, enfermer, Vers une société de surveillance, Sous la direction de Évelyne SIRE-MARIN, Fondation Copernic, Éditions Syllepse, 2011. 

 

STRATEGUS

 

Relu le 19 juillet 2021

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