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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 08:13

      Un esprit mathématique un peu disjoncté qui traduit tout en terme de probabilités peut facilement s'amuser à quantifier un raisonnement sur l'erreur humaine. De toute façon, on a quantifié plus bêtement déjà que cela, alors sur ce sujet grave, allons y gaiement!

 

Quatre grandes opérations

        Quatre grandes opérations lient les décisions aux raisons de ces décisions :

- De bonnes décisions pour de bonnes raisons.

- De bonnes décisions pour de mauvaises raisons

- De mauvaises décisions pour de bonnes raisons

- De mauvaises décisions pour de mauvaises raisons.

Le même esprit tordu évalue donc dans un premier temps les vraies bonnes décisions au quart des décisions, en se plaçant d'abord dans le cas le plus simple : l'individu raisonneur qui agit en tout bon égocentrisme et dont les décisions orientent sa vie personnelle.

En effet, seules les bonnes décisions pour de bonnes raisons sont réellement bonnes, car :

- Ce sont les seules bonnes décisions (pour de bonnes raisons) dont l'expérience peut être reproduite afin de produire, à environnement inchangé, de nouvelles bonnes décisions, à partir de bonnes raisons ;

- Les bonnes décisions pour de mauvaises raisons sont sans doute les pires, car elles amènent à reproduire les mêmes raisons pour déclencher des catastrophes de plus en plus importantes ;

- Les mauvaises décisions pour de bonnes raisons, peuvent conduire à la croyance que les raisons sont mauvaises, dont à éviter de bons raisonnements parce qu'ils semblent toujours provoquer de mauvaises décisions ;

- Les mauvaises décisions pour de mauvaises raisons, peuvent encore être corrigées, car ce sont les situations les plus faciles à mettre en évidence, d'autant plus que les conséquences premières sont cuisantes et que nous n'avons pas envie de les reproduire...

 

      Nous nous sommes placés du seul point de vue de l'individu égocentrique et les choses semblent plutôt simples au premier abord. Mais en fait, comme l'individu isolé n'existe pas ou dépérit assez rapidement (physiquement ou mentalement...), et qu'il existe toujours au moins un duo, la confrontation entre les quatre possibilités s'étend à beaucoup plus d'autres, et met en face de l'autre de chacun des protagonistes, pour chaque couple décision/raison (en supposant toujours bien entendu que chaque décision soit le fruit d'un raisonnement, ce qui est loin d'être toujours le cas, le nombre de personnes impulsives s'accroissant avec la multiplication des acteurs...). Ce qui fait au moins huit possibilités, au sens strict. Se confrontent 4 couples de décisions de l'un à 4 couples de décision pour l'autre. La paresse inhérente à la personne qui écrit cet article lui interdit de remuer davantage ses méninges, sur les croisements de ces possibilités. 

 

     Sachons seulement, suivant une méthode mathématique qui laisse toujours à désirer (mais bien entendu les mathématiques sont d'indécrottables absents du désir), le nombre de possibilités des couples décision/raison s'accroît de façon exponentielle avec le nombre d'acteurs en présence (toujours en se plaçant dans un environnement inchangé... ce qui bien entendu n'existe pas...), à raison de n puissance n-1 relations.... Ce qui veut dire qu'à trois, on a droit à 9 possibilités, à quatre à 64 possibilités en ainsi de suite (je connais des professeurs de mathématiques qui vont me mettre au piquet...). mais attention ces 9 possibilités (pour prendre seulement - par paresse toujours, ah c'est les vacances quand même! - le premier cas, existent pour un seul type de couple décision/relation, or nous en avons quatre...

 

      Au fur et à mesure que le nombre de relations entre les couples augmentent (quoi, quoi?... pas de grivoiseries!), la proportion de bonnes décisions pour de bonnes raisons chute lamentablement... Et l'erreur devient générale, lié à l'espèce humaine de manière admirativement solide. Et le nombre de points de vue sur la qualité des bonnes et mauvaises raisons et des bonnes et mauvaises raisons augmentant, cela produit un phénomène vraiment intéressant : de bonnes raisons peuvent devenir mauvaises en changeant de point de vue et de mauvaises devenir bonnes illico, et pareil par les décisions.

 

            Du coup, la statistique se ramasse une sacrée difficulté, car à vouloir tout quantifier on en oublie la qualité des décisions et des raisons. Or, comme la qualité d'une relation n'est pas quantifiable, et qu'elle varie dans le temps et dans les changements de lieu, cette sorte de mathématique sur les relations sociales est de toute manière condamnée à ne produire que des statistiques inutilisables, dont le seul résultat, comme beaucoup de raisonnements mathématiques, est assez tautologique, voire comique : l'erreur est humaine. De là à penser que plus de monde on est, plus les catastrophes peuvent arriver, le pas est déjà franchi avant même que vous ne l'ayez écrit... ou pensé...

 

            Ces lignes veulent relativiser tous les nobles efforts réalisés à longueur d'ouvrages pour mathématiser les relations sociales. De la lutte pour la vie mathématisée aux tentatives de socio-histoire (vous savez, Hari Seldon de la série Fondation d'Isaac Asimov... Non, vous ne savez pas, laissez tomber, il fait trop chaud pou réfléchir!), il est assez vain d'utiliser les mathématiques pour prévoir le résultat des relations sociales. Car pour comble de malheur, si vous parvenez à finaliser des calculs à environnements constants, cela s'avère inutile, car précisément tous les environnements changent (et ne me racontez pas d'histoires sur les marges!). Et si vous parvenez à finaliser avec des environnements changeants, et aboutir à une connaissance exacte de ce qui se passe et de ce qui va se passer, alors vraiment vous avez perdu votre temps, parce qu'en fait, comme vous avez toutes les sciences infuses, vous le saviez déjà avant de commencer les calculs!

 

  Notez bien, pour finir, que de l'expérience, on peut corriger de mauvaises décisions, à condition toutefois, de posséder la capacité de produire de bons raisonnements, ce qui n'est pas donné à tout le monde... et à condition aussi de comprendre les causes des décisions, ce qui est donné à encore moins de monde!

 

 

     Pourquoi tout de même, tant d'erreurs et tant de décisions en fin de compte mauvaises, même du point de vue des objectifs des intéressés et des bénéficiaires de ces décisions? Pourquoi tant de propension dans l'erreur... Est-ce parce que les individus sont en grande partie stupides? Parce que l'humanité se distingue par sa stupidité? Individuellement stupides ou collectivement stupide, cette espèce?  Sont-ce les individus qui sont stupides ou l'espèce toute entière?  Qu'est-ce qui l'emporte dans une espèce, l'addition des stupidités individuelles ou la stupidité rattachée à l'espèce? Prenons les insectes par exemple : individuellement stupide l'insecte, collectivement intelligente l'espèce... Prenons les humains : individuellement intelligent l'individu, collectivement stupide, l'humanité?

 

Les calculs de CIPOLLA

      En tout cas, l'humanité est souvent dans le pétrin, comme l'écrit l'historien de l'économie italien Carlo Maria CIPOLLA (1922-2000). Il dégage même quatre lois fondamentales de la stupidité humaine. 

1 - Chacun sous-estime toujours inévitablement le nombre d'individus stupides existant dans le monde. Si élevé que l'on juge le niveau de stupidité humaine, que l'on retrouve dans toutes les sociétés, dans tous les groupes, qu'ils soient puissants ou misérables, riches ou pauvres, matérialistes ou spiritualistes, dans toutes les catégories sociales et socio-professionnelles, dans le même pourcentage alpha, "on est régulièrement frappé, de façon récurrente, par le fait que :

a) Les gens que l'on croyait rationnels et intelligents s'avèrent outrageusement stupides ;

b) Jour après jour, avec une monotonie imparable, chacun est harcelé par des individus stupides qui surgissent à l'improviste, dans les lieux les plus malcommodes et aux moments les plus improbables".

2 - La probabilité que tel individu soit stupide est indépendante de toutes les autres caractéristiques de cet individu". Rien à voir avec la couleur de ses cheveux ni la longueur de son pénis. Qu'il soit jaune, marron, noir, blanc (si ça existe...), rose, rouge, vert, bleu... rien de cela ne détermine sa stupidité et sa stupidité, ajouterions-nous, ne fait pas varier la couleur de ses cheveux, la taille de son pénis, ni la couleur de sa peau... Notons toutefois que Carlo M. CIPPOLA a tendance à accorder une part naturelle à cette stupidité... Mais c'est une part de cette stupidité qui serait naturelle..

3 - Est stupide celui qui entraîne une perte pour un autre individu ou pour un groupe d'autres individus, tout en n'en tirant lui-même aucun bénéfice et en s'infligeant éventuellement des pertes. Cette Loi fondamentale "part du principe que l'humanité se divise en quatre grandes catégories : les crétins, les gens intelligents, les bandits et les êtres stupides." L'historien se paie même un schéma, genre graphique, pour expliquer la répartition des individus... 

4 - Les non-stupides sous-estiment toujours la puissance destructrice des stupides. En particulier, les non-stupides oublient sans cesse qu'en tout temps, en tous lieux et dans toutes les circonstances, traiter et/ou s'associer avec des gens stupides se révèle immanquablement être une erreur coûteuse.

   Dans son court exposé, Carlo M. CIPOLLA ne chiffre jamais ce fameux taux de stupidité alpha, même s'il effectue une comparaison de la puissance d'impact de la stupidité dans les société anciennes d'une part, et dans nos sociétés modernes d'autre part. Les richesses produites par le monde moderne tendrait à amoindrir cet impact... Voire, vu le pétrin actuel de l'humanité face à une nature qu'elle a elle-même en partie détruite...

 

Carlo M CIPOLLA, Les lois fondamentales de la stupidité humaine, PUF, 2012, 70 pages. Il s'agit de la traduction de l'anglais d'un texte écrit  en 1976 en édition limitée et numérotée, chez un éditeur arborant le nom impossible de "Mad Millers", les Meuniers Fous. Il fut d'abord traduit en italien en 1988. A l'automne 2011, l'éditeur italien Il mulino faisait paraître en anglais, The Basic Laws of Human Stupidity, texte qui sert de base à la traduction française... C'est un texte savoureux, méchant, et... pseudo-scientifique (mais pas à la manière de certaines impostures intellectuelles...!.

 

Complété (pour la stupidité) le 12 février 2013. Relu (avec plaisir) le 21 juillet 2020

 

 

MOQUS

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