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6 juillet 2010 2 06 /07 /juillet /2010 17:59

            Les partisans et adversaires de la thèse des dépenses militaires stimulant  de la croissance économique s'affrontent, notamment chez les économistes keynésiens. Si John Maynard KEYNES n'écrit pas directement sur le rôle structurel des dépenses militaires - comprises surtout comme dépenses d'armement, même si certains auteurs semblent faire y entrer l'intégralité des composantes des dépenses militaires - et s'intéresse surtout au rôle de l'épargne monétaire dans le soutien de la croissance, le débat entre keynésiens, jusque dans l'interprétation d'oeuvres du fondateur de leur école, fait rage depuis ses débuts. 

 

           La littérature favorable à cette thèse commence dès 1941, avec l'ouvrage d' Alvin HANSEN (1887-1975), Fiscal Policy and Business Cycles (publié chez Norton and Cie à New York).

Cet auteur écrit notamment : "En plus de : a) la création de services publics, b) l'amélioration de l'efficience, les dépenses publiques peuvent également être génératrices de revenus dans la mesure où elles augmentent le revenu et l'emploi. En fait, de ce dernier point de vue, les dépenses publiques qui ne sont ni utiles ni efficientes (telles que les "dépenses" de guerre) peuvent néanmoins être tout à fait efficaces ("effective")... Ainsi, les guerres ne stimulent pas seulement l'emploi... elles peuvent stimuler l'investissement privé après la fin de la guerre en provoquant des pénuries dans le secteur du logement ou dans d'autres secteurs". (cité par Claude SERFATI). En 1964, le même auteur reprend cette hypothèse (Business Cycles and National Income, publié chez Norton and Cie, New York) en dressant un bilan de la croissance américaine d'après-guerre. Dans une première période (1948-1956), la croissance repose selon lui sur "des facteurs spontanés du développement autonome", au premier rang desquels figurent les dépenses militaires. 

 Les dépenses militaires, comme toute dépense publique, exercent un effet multiplicateur sur le revenu national et l'emploi, et sans elles, le revenu national aurait été plus faible que constaté. Elles constituent un passage obligé pour mettre en place des mesures sociales qui constituent des "stabilisateurs incorporés" de la croissance économique, Car au sortir de la guerre, les capacités de production américaines deviennent brutalement excédentaires. Il va sans dire que cet "expert" est très écouté des autorités militaires des États-Unis. 

 

              Cette argumentation est reprise par la suite dans les années 1980 sur trois points :

- la réalisation du plein emploi ;

- le plein emploi des capacités de production ;

- la supériorité des dépenses militaires sur les dépenses publiques civiles.

              Des économistes comme G. ADAMS et D. GOLD (Depense Spending and the American Economy, in Defense economics, 1990), William DOMKE et C. M. EICHENBERG (The Illusions of choice, Defense and Welfare in Advanced Industrial Democraties, 1948-1978, in The American Political Science Review, 1983), James TOBIN... appuient cette vision des choses, sans dire que les dépenses militaires soient plus efficaces que d'autres dépenses publiques. D'autres auteurs considèrent, comme C. L. SHULTZE (Economics Effects of the Defense Budget, in The Brookings Bulletin, 1981), la supériorité des dépenses de défense comme réelle : la concentration de la demande sur un petit nombre de fournisseurs en armements est à mettre en relation avec l'équivalent civil qui concerne une grande variété d'industries. En conséquence, une hausse des dépenses militaires possède un effet multiplicateur plus important car les firmes concernées y réagissent favorablement par des programmes accélérés d'investissement dès leur annonce dans l'espoir de décrocher les contrats. Ils soutiennent donc le programme du Président Ronald REAGAN d'augmentation très forte des dépenses militaires (programme guerre des étoiles par exemple). Autre argument en faveur des dépenses militaires par rapport aux dépenses civiles publiques : un haut niveau de dépenses civiles est en règle générale accompagné d'un déficit budgétaire élevé. Cette situation entraine une accélération de l'inflation, et un effet d'éviction sur le marché financier. L'argument de défense nationale permet de faire appel à de nouveaux impôts ou à un appel à l'épargne privée qui permet de financer le déficit budgétaire. (Claude SERFATI).

 

              Cette argumentation est vivement critiquée à l'intérieur du système keynésien par des auteurs comme K K KURIHARA et  M KALECKI. Ils nient cet effet stimulant sur l'économie. 

Ainsi K. K. KURIHARA (Applied Dynamics Economics, Allen, 1963), estime que les dépenses militaires servent à des productions qui n'entrent pas en concurrence avec les entreprises privées et sont donc parfaitement acceptées par elles, en raison de l'effet multiplicateur provoqué par les recettes des entreprises contractantes. De plus, ce sont des dépenses improductives (ne servant à alimenter ni le secteur de la consommation, ni le secteur de la production), qui ne viennent pas augmenter les capacités productives et de ce fait, ne diminuent pas l'efficacité marginale du capital. Elles induisent un climat de confiance indispensable. Mais il est illusoire par ailleurs de penser qu'un budget militaire massif puisse servir de support à une politique de croissance stable. La hausse de l'investissement public a un double effet : elle est génératrice de revenu via le multiplicateur. Mais elle contribue également à l'augmentation des capacités de production. Or, les dépenses militaires n'exercent que le premier effet. Une relance ou une politique de stabilisation de la croissance par une hausse des dépenses militaires provoque un déséquilibre entre la demande effective qui augmente (effet revenu) et les capacités de production qui demeurent étales ou faiblement croissantes (effet-capacités de production). 

Michal KALECKI (The last phase in the transformation of capitalism, Monthly Review Press, 1972, and The Baroque Arsenal, Abacus, 1983), considéré par M. C. SAWYER par exemple plus comme un "marxiste idiosyncratique" que comme un véritable keynésien, développe une argumentation qui fait des dépenses militaires une forme adéquate pour prévenir la crise du surinvestissement qui menace le capitalisme, mais au détriment de la consommation des travailleurs. L'effet stimulant sur la croissance économique dans ces conditions ne peut être durable.

 

              C'est surtout en fin de compte une évaluation critique qui domine chez les post-keynésien (Claude SERFATI), comme E. E. DOMAR (Essays in the Theory of Economic Growth) : "Les dépenses publiques sont la forme la plus difficile des trois (formes de dépenses, consommation, investissement, dépenses publiques) car nous n'avons aucune théorie des dépenses publiques. En son absence, nous pouvons nous contenter de les placer au-dessus des deux autres et en faire un facteur exogène, les fusionner avec les dépenses de consommation... ou les considérer en interrelation avec les autres types de dépenses". Comme tous les keynésiens adoptent une problématique de demande effective, ils considèrent que les dépenses militaires stimulent la demande effective et la croissance économique soit parce qu'elles sont génératrices de nouvelles capacités de production (HANSEN), soit parce qu'elles permettent l'utilisation de capacités de production potentiellement excédentaires (KALECKI). En dépit de tous les efforts de modélisation mathématique et l'apport de l'économétrique, il semble bien que nous soyons obligé de constater la pauvreté relative de toutes leurs études. 

Claude SERFATI, par ailleurs,  formule ou reprend deux critiques de la focalisation keynésienne sur la demande effective pour analyser l'impact des dépenses militaires :

- Une sous-estimation des problèmes de rentabilité et de mise en valeur du capital investi ;

- Un obscurcissement de l'impact des dépenses militaires sur l'accumulation du capital par une approche de celles-ci en tant que composante de la demande agrégée.

 

       La plupart des économistes qui se réfèrent à une approche par l'accumulation du capital considèrent que les dépenses militaires jouent un rôle stimulant, même s'il est critiquable, sur l'accumulation du capital. Paul  BARAN et Paul SWEEZY (notamment dans Le capitalisme monopolistique, Maspéro, 1968) soulignent l'aspect temporaire et partiel qu'elles apportent aux difficultés du capitalisme. Surtout chez les économistes proches du marxisme, même s'ils empruntent certaines de leurs catégories à KEYNES, nous retrouvons quelques idées communes (Claude SERFATI) :

- Le capitalisme connaît une contradiction croissante entre production et consommation. La production connait une gigantesque croissance grâce aux gains de productivité considérables, tandis que la consommation a pour limite le pouvoir d'achat disponible, constitué en grande partie par les revenus des salariés. Cette menace de surproduction peut être différée par une demande accrue de l'État, qui permet d'utiliser les capacités de production et d'accroître la rentabilité des capitaux investis.

- Les dépenses militaires constituent une forme "optimale" de réponse à cette demande insuffisante ;

- le rôle de parade des dépenses militaires peut aller jusqu'à freiner la chute du taux de profit (T. RIDELL, Marxisme and Military Spending, Journal of Post-Keynesian Economics, 1986), et même contribuer à un élargissement de l'accumulation aussi longtemps qu'il existe des capacités de production inemployées (Ernest MANDEL).

    Claude SERFATY reprend ce type d'analyse, qu'il qualifie de "keynésio-marxiste", en la critiquant sur trois angles, avant d'entreprendre une vaste étude sur ce qu'il appelle le "méso-système" de l'armement. Ainsi il pointe l'identification un peu rapide entre augmentation de la production et accumulation de capital, la confusion des niveaux micro et macro-économiques (si pour l'entreprise d'armement, les commandes d'État ouvrent la voie au profit, l'ensemble de l'économie se voit ponctionnée par les capitaux nécessaires à l'augmentation du budget de la défense) et l'approche un peu trop "instrumentale" de l'État, qui possède tout de même une capacité autonome d'action, sur la répartition du revenu national entre dépenses sociales et dépenses militaires, et qui "pense" les dépenses militaires d'abord en termes d'efficacité politico-militaire. 

 

         Dans son Rapport sur l'utilité des guerres, J K GALBRAITH développe une argumentation "jusqu'au-boutiste" sur le rôle des dépenses militaires dans l'économie.

"On a toujours associé la production d'engins destinés à la production de masse avec la notion de "gaspillage" économique. Le terme est péjoratif, puisqu'il implique un échec dans le fonctionnement de l'économie. Mais aucune activité humaine ne peut être considérée comme du gaspillage dans la mesure où elle remplit les objectifs qu'elle s'est fixé dans son propre contexte. Les mots de "gaspillage nécessaire", appliqués non seulement aux dépenses militaires mais à la plupart des activités commerciales "improductives" de notre société, constituent une contradiction dans les termes. (...) Or dans le cas du "gaspillage" militaire, il est évident que l'utilité sociale est manifeste. Cela provient du fait que le "gaspillage" de la production de guerre s'accomplit complètement en dehors des cadres de l'économie de l'offre et de la demande. En tant que tel, ce "gaspillage" constitue le seul secteur important de l'économie globale qui soit sujet à un contrôle complet et discrétionnaire de la part de l'autorité centrale. Si les sociétés industrielles modernes peuvent être définies comme celles qui ont acquis la possibilité de produire plus qu'il n'est indispensable à leur survie économique (sans tenir compte de l'équité dans la distribution des biens à l'intérieur de ces sociétés), les dépenses militaires peuvent être considérées comme le seul volant de sécurité pourvu d'une inertie suffisante pour stabiliser les progrès de leurs économies. Le fait que la guerre soit un "gaspillage" est précisément ce qui la rend susceptible de remplir ses propres fonctions. Et plus vite l'économie accomplit des progrès, plus lourd doit être ce volant de secours. Cette fonction est souvent considérée, d'une façon simpliste, comme un moyen d'écouler les surplus. (...) (L'auteur cite alors le rapport d'un groupe d'experts réunis par l'Agence de l'armée américaine pour le Désarmement et le Contrôle, en 1965 qui conclue que "l'extension considérable du secteur public, depuis la Seconde Guerre Mondiale, a fourni une protection supplémentaire contre la dépression, du fait que ce secteur n'est pas sensible aux contractions qui peuvent se produire dans le secteur privé, et qu'il a fourni une sorte de pare-choc ou de balancier de l'économie").

La fonction principale de la guerre en matière économique est bien, selon nous, qu'elle fournit un balancier de cette sorte. Il ne faut pas confondre cette fonction avec les formes variées du contrôle de l'économie qui peuvent s'exercer par la fiscalité, aucune de ces formes ne mettant en jeu un nombre important de personnes et d'unités de production. Il ne faut pas la confondre non plus avec les dépenses massives auxquelles peut se livrer un gouvernement en matière de programmes sociaux ; une fois mis en train, ces programmes deviennent normalement des parties intégrantes de l'économie et ne sont plus sujets à un contrôle discrétionnaire. Cependant, même dans le contexte d'une économie complètement civile, la guerre ne peut pas être seulement considérée comme un "gaspillage". Sans une économie de guerre datant de loin, et sans ses fréquents éclatements qui prennent la forme de guerres ouvertes et de grande ampleur, la plupart des plus importants progrès de l'industrie qu'a connu l'histoire n'auraient pas eu lieu, à commencer par le développement de l'industrie de l'acier. La technique des armes donne ses structures à l'économie. (...) Il faut aussi noter que la production de guerre comporte un effet stimulant absolument certain en dehors de son propre domaine. Loin de constituer une brèche de "gaspillage" dans l'économie, les dépenses de guerre, (...) ont été un facteur positif dans l'accroissement du produit national brut comme dans celui de la productivité individuelle. (...)."

J. K. GALBRAITH, dans un style provocateur, reprend là en fait les principaux arguments de progrès économique en faveur de la production des armements, et a contrario, dans beaucoup d'endroits du texte s'attaque aux effets désastreux sur l'économie qu'aurait la reconversion des industries militaires en industries civiles...

 

       Jacques FONTANEL résume les conceptions des économistes keynésiens. Il distingue les économies de sous-emploi de celle de plein-emploi :

- En situation de sous-emploi, les dépenses militaires exercent un effet positif sur la croissance économique, car elles réduisent le chômage, elles relancent l'activité des entreprises d'armement et maintiennent le financement de la recherche-développement. Elles provoquent lorsqu'elles sont en hausse, le fameux "effet multiplicateur". Mais la relance par les dépenses publiques peut aussi s'exercer par les activités civiles (santé, éducation, etc) et les dépenses militaires peuvent accroître la demande de matériels d'armement sans que l'offre des secteurs industriels soit en mesure d'y faire face, provoquant ainsi un essor des importations et des tensions inflationnistes ; la crise économique peut alors s'aggraver car la balance des paiements se dégrade alors que s'exerce parallèlement une nouvelle poussée des prix.

- En situation de plein-emploi, le problème du choix entre différentes dépenses publiques ressurgit (sociales/militaires). Les dépenses publiques et privées sont en concurrence. Les dépenses militaires participent alors largement au développement de l'inflation (déficit budgétaire, création monétaire, augmentation de la demande sans offre correspondante - les industries de consommation ne pouvant suivre car des fonds sont soustraits des investissements qu'elles devraient faire, faible sensibilité à la réduction des coût, détournement de moyens financiers considérables). Si tous les experts s'accordent à considérer, selon Jacques FONTANEL, que les dépenses militaires jouent un rôle négatif sur l'économie d'un pays de plein emploi, cela n'indique pas pour autant que cet effort soit inutile. La population d'un pays peut accepter le risque de l'inflation pour sa défense et sa sécurité (rôle de l'État).

    Pour Christian SCHMIDT (Guerre et économie, Études polémologiques, 1974), l'augmentation des dépenses militaires ne coïncide pas nécessairement avec une accélération de l'inflation. Pour l'ONU, par contre (Étude des rapports entre désarmement et développement, 1981), les dépenses militaires possèdent une influence inflationniste sur les économies occidentales et sur les pays en voie de développement.

   En conclusion, Jacques FONTANEL pense qu'il est vain de penser que les dépenses militaires puissent servir d'instrument de régulation de l'activité économique, d'une part parce que leur action sur la conjoncture est souvent perverse, d'autre part parce qu'elles favorisent, à terme, le développement de conflits armés.

 

         Dans un Avis du Conseil économique et social français datant de 2007, nous pouvons lire le constat balancé entre un effet multiplicateur à optimiser d'une part et des effets d'éviction et des externalités, d'autre part.

  Au chapitre d'un effet multiplicateur à optimiser : La Défense mobilise des ressources publiques importantes pour rémunérer des emplois civils et militaires qui apportent des revenus aux ménages, acquérir des équipements qui sont les débouchés de groupes industriels, procéder à des achats et des dépenses de fonctionnement qui font le chiffre d'affaires d'entreprises. L'hypothèse d'une détermination de l'activité par la demande globale implique qu'un supplément de dépenses militaires exerce un effet multiplicateur, d'autant plus élevé que "la propension à consommer" est très élevée. Une série de facteurs peuvent toutefois limiter cet effet : il ne s'exerce que dans l'hypothèse de sous-emploi, il suppose que l'expansion de la dépense publique soit accompagnée au plan monétaire, sinon l'augmentation du taux d'intérêt induit une certaine "éviction" de l'investissement privé, le financement de ces dépenses par l'impôt réduit la valeur du multiplicateur et enfin celui-ci peut être réduit encore par des "fuites" résultant des importations additionnelles nécessaires qui peuvent résulter du supplément de la demande. A noter que cet effet multiplicateur est induit pour toute dépense publique, qu'elle soit civile ou militaire. Il s'avère, en réalité, que les retombées des dépenses de Défense sont de moindre ampleur que celles d'autres dépenses publiques (social, éducation).

  Au chapitre des effets d'éviction et des externalités : le long terme se caractérise à la fois par l'aboutissement des différents processus d'ajustement et le jeu des mécanismes d'accumulation du capital et des connaissances dont résulte la croissance. Les dépenses militaires apparaissent alors comme une sortie nette du circuit économique, puisqu'elles ne contribuent ni à l'accumulation du capital ni au renouvellement de la force de travail.

L'avis fait référence lui aussi aux études de Paul BARAN et de Paul SWEEZY qui voient dans la montée des dépenses militaires un moyen de pallier à l'insuffisance de la demande globale. Mais il s'agit d'une absorption improductive de ressources qui est plus ou moins importantes selon qu'elle s'exerce en réduction de l'investissement ou de la consommation. Et réduit soit le volume du capital - et donc celui du produit  par tête -, soit la consommation par tête. Sans pour autant influer  à l'équilibre de long terme, sur leur taux de croissance. Au contraire, l'adoption d'une perspective de croissance "endogène" depuis la fin des années 1980 a conduit à réhabiliter la dimension productive des dépenses publiques, tant en termes d'infrastructure que d'éducation ou de Recherche et Développement. La croissance est dite endogène si elle peut être auto-entretenue, du fait de l'existence de rendements non décroissants pour des facteurs accumulables. Le progrès technologiques étant au coeur de la croissance et les dépenses d'équipement de Défense ayant partie liée avec les hautes technologies, les dépenses militaires peuvent avoir un effet d'entraînement sur la croissance dans les pays producteurs. La réévaluation de l'impact de cette dépense va mettre en oeuvre principalement deux mécanismes opposés :

- d'un côté, l'existence d'effets d'externalité, de retombées positives pour la compétence technologique nationale et l'avancée des technologies génériques de la recherche et du développement liées à la Défense (laser, technologie des réseaux, etc) ;

- en sens inverse, l'effort de Défense peut se réaliser au détriment d'autres catégories de dépenses publiques si son augmentation est supérieure à celle des impôts ou de la dette, comme dans le cas de l'administration américaine actuelle. Il peut absorber des ressources, en particulier de chercheurs et de techniciens représentant un capital humain très qualifié, et exercer un effet d'éviction sur les activités de Recherche et Développement civiles ou génériques.

  Les auteurs sont assez divisés sur cette question.

         Des études économétriques ont été menées pour les différentes formes d'économie, pour l'économie américaine, pour les pays développés en général et pour les pays en voie de développement. Les dépenses d'armement possèdent des effets différents d'une zone économique à l'autre. Elles infirment et confirment certains arguments avancés (de manière très différenciées) dans un sens ou dans l'autre sur l'impact des dépenses militaires sur la croissance économique. Il convient à ce sujet de noter la rareté relative des études effectuées pour l'ensemble d'une économie et pour le long terme. Nous trouvons par contre à foison des études de cas et des suivis budgétaires, notamment dans l'administration américaine. Par ailleurs, les analystes se heurtent parfois à des difficultés conceptuelles : choix d'analyse micro-économique comme les études de "cas" d'industrie d'armements ou d'analyse macro-économique qui exige de manier des agrégats peu adaptés. Il existe toujours, en matière de défense, un vrai problème de disponibilité de sources d'information, ce qui est aggravé par des problèmes de correspondances des appareils statistiques nationaux lorsqu'on veut avoir une vision globale et mondiale.

          La validité des modèles macroéconomiques, pouvons-nous lire dans l'Avis précédemment cité de 2007, "a été souvent questionnée du fait des problèmes à surmonter au niveau de la sélection de l'information, des comparaisons internationales, du choix de l'horizon temporel, des variables étudiées et de la méthode économétrique utilisée : ainsi, l'effet favorable des dépenses militaires est-il renversé si l'investissement est évincé par des dépenses militaires, mais conforté si ces dépenses, par l'effet de demande qu'elles exercent, contribuent à encourager l'investissement. Plusieurs économistes de renom se sont pourtant attachés à analyser les conséquences économiques d'un désarmement à partir de grands modèles macroéconomiques internationaux, comme le World Model de LEONTIEF et DUCHIN pour l'analyse de l'impact d'un désarmement des pays industrialisés, avec transfert des sommes épargnées vers les pays en développement."

 

Claude SERFATI, Production d'armes, croissance et innovation, Economica, 1995. Jacques FONTANEl, L'économie des armes, La Découverte/Maspéro, collection Repères, 1983. J. K. GALBRAITH, la paix indésirable? Rapport sur l'utilité des guerres, Calmann-Lévy, 1968. République Française, Avis et Rapports du Conseil Economique et Social, L'impact économique de la défense, 2007, présenté par Henri FELTZ ( A noter la très large contribution à cet Avis de Jean-Paul HEBERT (EHESS) et de Jean-Pierre AUBERT, délégués interministériel aux restructurations de défense.)

 

                                                                                                                                                                 ECONOMIUS

 

Relu le 1er février 2020

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