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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 14:20

          Un panel de 14 personnalités émettent à New York les 16-18 avril 1986 une Déclaration à l'ONU,  Disarmament and Development, qui résume bien l'ensemble des intentions de très nombreuses études produites à ce jour, surtout d'ailleurs avec le soutien du système des Nations Unies.

Il s'agit pour eux d'énoncer les principes qui guident leur volonté de promouvoir dans toute la communauté internationale et au niveau des États, la liaison entre le développement et le désarmement, alors que ces deux notions sont encore séparées dans l'esprit de beaucoup. Pour eux la paix est bien plus que l'absence de guerre. Il faut dire que dans un monde interdépendant, aucune nation développée ou non ne peut échapper aux conséquences des courses aux armements dans leurs aspects économiques.

Constatant que dans les années 1980, les dépenses militaires, les recherches en armement ont encore augmentées et possèdent une responsabilité directe dans les crises économiques, ces personnalités entendent démontrer les liaisons fortes entre désarmement, développement et sécurité qui constituent une véritable triade de la paix. Développement et désarmement sont liés dans une dimension complexe qui ne se résume pas à un simple transfert de ressources. Autant la relation est extrêmement "perverse" entre augmentation des dépenses militaires et accroissement de richesses globales dans un pays ou une période donnée, de manière limitée, à très court terme, autant la dynamique volontariste d'une économie de paix exige des efforts constants et importants de la part des gouvernements.

Ils terminent leur plaidoyer en douze points  d'un programme qui doit promouvoir ce nouveau dynamisme, ensemble d'actions dont la coordination au niveau mondial revient à l'ONU

 

          Il y a bien sûr un abîme entre leur souhait et ce qui se passe dans la réalité ; ce qui n'empêche pas des économistes de poursuivre leur réflexion sur les conditions de la réussite économique du désarmement.

Jacques FONTANEL, par exemple, dégage dix principes positifs pour la gestion économique du désarmement :

- Le premier dividende de la paix, c'est la paix elle-même, ce qu'on a tendance sans doute à oublier derrière des argumentations économiques parfois tendancieuses ; en ce qui concerne les armements nucléaires d'ailleurs, il s'agit parfois d'un simple impératif de survie ;

- Corrélât du premier principe, "si le désarmement peut conduire à la paix, les dividendes seront importants en termes de vies humaines épargnées, de menaces retirées, de tensions internationales réduites, de recherche collective de bien-être."

- Le désarmement sans développement n'est pas synonyme de paix durable ;

- D'un point de vue économique, le désarmement doit être conçu comme un investissement (de préférence) public ;

- Il faut estimer, pour tous les protagonistes, le coût réel de la paix consécutive à une procédure de désarmement ;

- Une réduction vérifiée des dépenses militaires des États doit être exigée comme mesure complémentaire obligatoire de tout processus de désarmement ;

- Une procédure de désarmement réduite à la seule limitation globale des dépenses militaires n'est pas souhaitable ;

- Les règles de progressivité (temporelle, sectorielle et spatiale), de prévisibilité et de transparence des désarmements nationaux ou régionaux doivent être clairement énoncées ;

- Revendiquer un contrôle des dépenses militaires de recherche-développement est nécessaire à toute procédure de désarmement ;

- Un contrôle des ventes internationales d'armes doit être établi comme mesure complémentaire d'un processus de désarmement.

     Le même auteur considère que le désarmement et le développement forment deux objectifs essentiels de notre temps. "La question est de savoir s'il est judicieux de les relier. Rappelons que les gouvernements français ont souvent demandé la création d'un Fonds international du Désarmement pour le Développement, qui permettrait, grâce aux sommes économisées dans l'armement, de développer des activités productives qui accéléreraient le développement économique et par une procédure d'aide aux pays en voie de développement, de le généraliser. Le désarmement pour le développement est habituellement analysé, d'une part, en l'absence de tout transfert international des ressources épargnées par le désarmement et, d'autre part, dans le cadre d'une aide accrue en faveur des pays les plus démunis."

L'économiste distingue les effets internes du désarmement des effets des transferts internationaux qu'il évoque. Par ailleurs, les conséquences économiques directes d'un désarmement dépendent du type de désarmement effectué. Elles sont assez différentes selon qu'il s'agit d'une destruction de matériels militaire, de réduction des dépenses militaires ou de l'interdiction de la production de certain type d'armes, même si les trois procédures peuvent être conduites simultanément. En outre, ces conséquences économiques diffèrent selon les types de société, celles d'une économie de marché et celles d'une économie centralisée. Dans tous les cas, Jacques FONTANEL estime que ces conséquences sont plutôt positives à long terme, même si des procédures de reconversion peuvent s'avérer coûteuses sur le court terme. 

 

             Si l'évolution de la situation internationale n'est pas celle d'un processus de désarmement - en tout cas pas contrôlé ni harmonisé, voire celle de nouvelles courses aux armements, la question économique demeure importante de manière localisée dans les contrées qui sortent d'un conflit armé.

Comme l'examine Philippe LOREC, "chaque conflit présente des particularités qui font que sa résolution nécessitera un montage politique et économique et un jeu d'acteurs différents. La reconstruction d'un pays est un processus général, dynamique et intermédiaire qui demande l'intervention de multiples catégories d'acteurs, ensemble ou séparément. Le haut fonctionnaire au ministère de l'Économie, des finances et de l'Industrie qui s'exprime à titre personnel, distingue quatre phénomènes qui "ont profondément modifié la gestion des sorties de conflits" :

- Le passage de l'unilatéralisme au multilatéralisme : Depuis la seconde Guerre Mondiale, la reconstruction des pays sortant de guerre était essentiellement un processus unilatéral ayant pour principal bailleur de fonds les États-Unis. Ces derniers ont assuré, du plan Marshall, destiné à l'Europe, aux négociations de camp David (Israël/Pays arabe/Palestiniens), la majeure partie des financements et des aides. Cet effort a permis d'assurer une certaine stabilité politique mondiale mais surtout d'asseoir l'influence et la suprématie économique et politique des États-Unis pendant plus de cinquante ans. Cependant, depuis 20 ans, on assiste à l'arrivée de nouveaux bailleurs de fonds, car aucun pays, même les États-Unis, ne peut plus actuellement assumer à lui seul un tel rôle, en raison du nombre de conflits et de la difficulté et de l'énormité croissante de la tâche. Elle se traduit par l'apparition d'alliances multilatérales diverses, larges et hétérogènes, composées de forces tantôt coopératives tantôt concurrentes.

- La complexité des mécanismes internationaux s'ajoute aux difficultés rencontrées au niveau local.

- La multiplication des acteurs locaux et internationaux, notamment la société civile, augmente les risques de dispersion et d'inefficacité des aides.

- L'élaboration d'une doctrine qui se construit et s'affine progressivement à la suite des expériences : la sortie de crise nécessite, de façon concomitante, le rétablissement d'une gouvernance locale et le soutien aux logiques classiques de reconstruction des infrastructures et de l'économie. Depuis moins de 10 ans, la gestion des conflits a beaucoup évolué sur le terrain et ne se cantonne plus aux traditionnelles opérations de maintien de la paix.

Il faut en effet prendre en compte dans les dispositifs des évolutions suivantes :

- la dimension civile des crises est devenue prépondérante.

- Les rapports de force sur le terrain sont de plus en plus affirmées entre les différentes grandes puissances et sont marquées par une forme d'asymétrie entre les logiques militaires des Occidentaux et les solutions civiles déployées sur le terrain.

- Les dimensions multinationales et multilatérales des opérations sont désormais pensées avec une architecture civile.

- Enfin les marchés à la clef, contrairement aux idées reçues, ne sont pas immédiatement "rentables", à l'exception des pays possédant des ressources naturelles importantes. Ils nécessitent des investissements préalables non négligeables et s'avèrent souvent risquées. La plupart des entreprises au regard des dernières opérations ne réfléchissent plus en "retour sur investissement", mais en "retour sur présence ou sur image".

   La problématique désarmement-développement devient alors une problématique de retour à la paix civile et constitue un point-clé de toutes les opérations de maintien ou de retour de la paix qui se sont multipliées ces dernières années. 

 

Philippe LOREC, Enjeux et opportunités économiques des sorties de conflits, dans Guerre et Économie, Sous la direction de Jean-François DAGUZAN et Pascal LOROT, Ellipses, 2003; Jacques FONTANEL, L'économie du désarmement, dans Stratégique n°47, Le désarmement, FEDN, 1990/La gestion économique du désarmement. Dix principes positifs, dans Économistes de la paix, Presses Universitaires de Grenoble, 1993. Disarmament and Development, Declaration by the panel of eminent personalities, New York, 16-18 April 1986, United Nations.

 

                                                                                    ECONOMUS

 

Relu le 1er avril 2020

 

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