L'opinion publique, les autorités politiques, religieuses et judiciaires, depuis les hécatombes des deux guerres mondiales, se montrent, en Occident, très sensibilisés à la question de la prévention et de la répression des responsanbles des massacres. Bien plus qu'aux périodes antérieures, la valeur de la vie humaine est considérée en soi, dans une sacralité laïcisée, et pas seulement en théorie dans des textes religieux peu appliqués, même par les autorités religieuses normalement chargées de le faire, mais également en pratique, dans un ensemble judiciaire de plus en plus touffu, lui-même enjeu dans de nombreux conflits.
Évolution du droit pénal pour massacre
Le droit pénal contemporain montre un investissement marqué dans la répression des grands massacres, tant à l'échelle internationale qu'au niveau interne à plusieurs États.
Le maître de conférences en histoire du droit à l'Université d'Avignon et des pays du Vaucluse Eric WENZEL survole l'histoire du droit en la matière. "Si le massacre est un phénomène consubstantiel à l'humanité, qui le pratique depuis le paléolithique pour le moins, le droit et les juristes ont été bien longs à punir les "massacreurs". (...) Aux massacres perpétrés, principalement dans l'Antiquité première, comme privilège des vainqueurs ou acte des pouvoirs souverains en construction, succèdent les premières exigences morales apportées par les droits religieux médiévaux, sans que le massacre punitif trouve, alors, un reliquat de légitimité. La naissance du droit international à l'âge de la modernité, puis l'élaboration ultérieure des grandes conventions planétaires, fournit la matière première juridique et intellectuelle qui aboutit aux définitions et au cadre procédural contemporain, lesquels sont loin d'épuiser les difficultés. Le massacre ne doit, et ne devra, cependant son "avènement" juridique que par l'exigence du châtiment des bourreaux et celle à peine abordées de prise en compte des victimes toujours plus nombreuses."
Conçu d'abord dans l'Antiquité, notamment en Grèce, comme un châtiment collectif, le massacre, est considéré par le droit canonique et de l'Église à l'époque médiévale comme devant être évité et réfréné, dans le fil droit des efforts pour limiter le recours aux guerres et leurs conséquences. Ensuite, c'est une "longue marche" vers la reconnaissance juridique dans un droit international en gestation. Après la Shoah, après le procès de Nuremberg et la reconnaissance des crimes conte l'humanité, dont le génocide, et des crimes de guerre dans certaines législations nationales, il faut attendre 1993 pour que le Conseil de Sécurité de l'ONU adopte la résolution 827 portant création d'un Tribunal pénal international (TPI) pour le jugement des crimes commis dans l'ex-Yougloslavie.
Avec le TPI, on assiste à la naissance de véritables "juristes sans frontière". Depuis, les choses semblent s'accélérer, "s'il l'on s'en tient à l'institution d'un second tribunal compétent pour l'affaire rwandaise (1994) et la "récupération" récente de l'ex-président Milosevic en 2001. Certains États règlent leurs problèmes internes, à l'exemple de la France et des condamnations de Barbie, Touvier et Papon au milieu des années 1990. L'institution de la Cour pénale internationale, prévue par le traité de Rome de 1998, prolonge les moyens mis en oeuvre depuis un large demi-siècle pour désormais éviter l'impunité de fait des massacreurs. Ainsi, une certaine "mondialisation" du droit semble avoir permis une reconnaissance pleine et entière du massacre comme notion et comme fait juridique à part entière."
Un arsenal juridique contre les massacres....
Le même auteur précise la portée de l'arsenal juridique actuel contre les massacres : "Le massacre est à l'heure actuelle pleinement pris en compte par le droit international pénal et son "bras séculier" qu'est la Cour Pénale Internationale, dont la compétence s'étend, officiellement depuis juillet 2002, aux génocides, aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre, plus tard peut-être aux agressions militaires injustifiées. Mais ces trois crimes énormes ne sont pas des massacres en soi. Ils renferment d'autres formes de crimes (violences sexuelles, apartheid, esclavage, prise d'otage...). Le massacre est cependant bien présent dans le statut de la CPI tel qu'il est adopté en 1998 :
- dans le génocide (article 6), par le "meurtre de membres du groupe" (ethnique, national...) et la "soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle" ;
- dans le crime contre l'humanité (article 7), par le "meurtre" et l'"extermination" de populations civiles ;
- dans le crime de guerre (article 8), par l'"homicide intentionnel" (à condition de s'exercer collectivement), "le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile (...)", "le fait de lancer intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile", "le fait d'attaquer ou de bombarder (...) des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires", "le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n'ayant plus de moyens de se défendre, s'est rendu à discrétion", "le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l'armée ennemie", voire "le fait de tuer (...) par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l'armée ennemie.".
Cet ensemble macabre renvoie à la définition classique proposée à l'époque moderne, mais il pose également les traces de préoccupations plus contemporaines (soucis de la guerre dite propre, terroristes de type 11 septembre...). La CPI est un organe complémentaire, non supérieur, des juridictions nationales et son intervention n'a lieu qu'en cas d'incompétence de celles-ci ou d'absence de volonté de poursuites. Les peines prévues contre les auteurs des meurtres collectifs sont lourdes, pouvant aller jusqu'à la détention à perpétuité en cas de circonstances aggravantes (article 77).
Si l'année 2003 a surtout été celle de la mise en place administrative de l'institution, celle-ci a reçu récemment son grand dossier avec l'affaire portée par le président ougandais Museveni en décembre 2003 contre l'Armée de résistance du Seigneur (ARS), accusée de maintes atrocités, notamment une foule d'exécutions sommaires, en plus du recours systématique et forcée à des enfants-soldats. Les meurtres collectifs étant commis principalement dans le cadre d'actions de guerre, il est loisible de se demander si, à terme, la guerre ne va pas être reconnue comme un crime contre l'humanité à part entière et les militaires des "massacreurs" en puissance. L'action réussie (en 2002) des États-Unis d'assurer l'immunité pendant une année à leurs soldats à la suite d'opérations menées sous l'égide de l'ONU n'entre-t-elle pas dans cette logique? Les manifestations contre la récente (le texte date de 2005) intervention américaine en Irak semble avoir été menées dans un esprit d'anti-guerre généralisée, un rien surprenant au regard de l'histoire du XXe siècle. Tout ceci est loin d'épuiser les difficultés et lacunes du droit." Eric WENZEL pointe ensuite ces difficultés, la moindre n'étant pas la distinction entre victimes et bourreaux, comme au Rwanda.
De la responsabilité des États et de leurs dirigeants...
Dans l'étude sur la responsabilité internationale des États, Eduardo Jiménez de ARÉCHAGA, docteur uruguayen en droit, un temps président de la Commission du droit international des Nations Unies et Attila TANZI, dipômé italien d'études supérieures d'affaires internationales de l'Université de Florence, constatent que "les crimes internationaux ont tous la particularité de conférer à tous les États membres de la communauté internationale, même si la violation ne les lèse pas directement, le droit de réclamer qu'il y soit mis un terme. Or ce droit ne peut être exercé que par des moyens pacifiques, et en particulier par la voie judiciaire lorsqu'il existe un lieu juridictionnel entre l'État indirectement lésé et l'État auteur du crime. Il ne s'agit pas là d'"actio popularis", mais d'un moyen pour la Cour Internationale de Justice de jouer un rôle en faveur de l'application volontaire de sa juridiction. L'idée a du reste été émise au sein de l'Assemblée générale que "la Cour Internationale de Justice devrait jouer un rôle important à cet égard." Dans ce texte de 1991, ils expriment le voeu assez partagé dans la communauté juridique internationale qui aboutit une dizaine d'années plus tard au renforcement des attributions de la CIJ.
Du récent droit international pénal...
Le vrai début de ce droit international pénal, même si auparavant de grandes initiatives et procès pour crimes de masse ont lieu (comme la première mention de "crimes contre l'humanité" en droit international dans la déclaration russo-franco-britannique de 1915 condamnant les massacres des populations arméniennes de l'Empire Ottoman), se situe juste après la seconde guerre mondiale, avec le procès de Nuremberg de novembre 1945 à octobre 1946. Ce procès des responsables allemands du génocide des Juifs est suivi lors de la première cession de l'Assemblée générale de l'ONU, janvier 1946, de l'approbation à l'unanimité des principes de droit international reconnus par la cour de Nuremberg et par le statut de cette cour. Dans la première partie de cette même session, l'Assemblée générale explicite ce qu'il entend par "génocide". Cette explicitation est devenue ensuite loi, en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 :
"Les parties contractantes,
Considérant que l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, par sa résolution 98 (I) en date du 11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l'esprit et les fins des Nations Unies et que le monde civilisé a condamné ;
Reconnaissant qu'à toutes les périodes de l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l'humanité ;
Convaincus que pour libérer l'humanité d'un fléau aussi odieux la coopération internationale est nécessaire,
Conviennent ce qui suit :
Article Ier. Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.
Article II. Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial et religieux comme tel :
- meurtre de membres du groupe ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
- mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
Article III. Seront punis les actes suivants : le génocide ; l'entente en vue de commettre le génocide ; l'incitation directe et publique à commettre le génocide ; la tentative de génocide ; la complicité dans le génocide.
Article IV. Le personnes ayant commis le génocide ou l'un quelconque des actes énumérés à l'article III seront punies, qu'elles soient des gouvernements, des fonctionnaires ou des particuliers.
Les 15 articles suivants déterminent l'instrumentalisation juridique du contenu du préambule et des quatre premiers articles de la Convention.
Le rôles de l'ONU et d'organisations "hydrides"
L'organisation des Nations Unies est, sous divers avatars, le mécène de la "Renaissance" des juridictions pénales internationales au cours des années 1990. C'est ainsi que présentent Luigi CONDORELLI, professeur à l'Université de Florence et Santiago VILLALPANDO, docteur en droit international, la contribution de l'ONU à la sortie d'un long sommeil des dispositions de la Convention de 1948.
"Les faits qui ont marqué cette Renaissance sont bien connus, écrivent-ils. Face aux exactions massives commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 et sous la pression de l'opinion publique mondiale, le Conseil de sécurité mit en place une procédure d'enquête au bout de laquelle, constatant que les violations généralisées du droit international humanitaire sur ce territoire constituaient une menace à la paix et à la sécurité internationales, il décida en 1993 la création d'un tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans ce conflit. Quelques mois plus tard, le Conseil de sécurité décidait la création d'une autre juridiction pénale internationale, dont la compétence portait sur les actes de génocide et les autres violations graves du droit international humanitaire commis dans le cadre du conflit qui avait éclaté au Rwanda en 1994. Naissait ainsi une espèce nouvelle dans la faune (encore essentiellement mythologique à l'époque) des juridictions pénales internationales : celle des tribunaux pénaux internationaux ad hoc. Ces derniers étaient instaurés par le Conseil de sécurité sous le couvert du Chapitre VII de la Charte ; ils avaient compétence limitée et une vocation temporaire, et leur but était de permettre le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales dans une situation déterminée. Le Conseil de sécurité reconnaissait ainsi l'existence d'un lien étroit entre, d'une part, la mise en oeuvre de la justice pénale et, d'autre part, les buts de l'Organisation et sa propre responsabilité principale en vertu de l'article 24 de la Charte ; il proposait également une interprétation progressiste de ses pouvoirs découlant du Chapitre VII.
Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc vécurent des débuts difficiles, confrontés à des difficultés d'ordre pratique (liées à leur instauration, à la conduite des enquêtes, à l'obtention d'informations des autorités compétentes, ainsi qu'à l'arrestation et au transfert des accusés) et à certaines perplexités, exprimées par la doctrine et quelques gouvernements, quant à la légalité de leur création. Au fil du temps, leur activité recueillit un succès croissant, comme le montre un aperçu des poursuites qu'ils ont engagées à l'encontre des personnes responsables de crimes du droit international (y compris des dirigeants politiques et militaires) (...). De plus, la jurisprudence de ces tribunaux a permis de préciser les règles du droit international pénal et de consacrer les développements plus récents du droit international humanitaire. Cette réussite reste pourtant obscurcie par un écher cuisant : l'institution du TPIY - première juridiction pénale internationale de l'histoire ayant compétence pour connaitre des crimes perpétrés lors d'un conflit armé en cours - n'a pas réussit à prévenir la continuation des massacres en Bosnie-Herzégovine jusqu'en 1995 (...) et, plus tard au Kosovo. L'idée la plus souvent avancée d'après laquelle l'existence d'un tribunal pénal international contribuerait à la prévention des crimes soumis à la compétence de celui-ci, c'est-à-dire constituerait un instrument décisif pour combattre la "culture de l'impunité", se révélait ainsi entachée d'un optimisme bien naïf...
Le Conseil de sécurité ayant désormais, dans les faits, franchi le Rubicon par l'établissement de tribunaux pénaux internationaux ad hoc, la question de la création d'une Cour pénale internationale à caractère permanent allait reprendre un nouveau souffle au sein de l'Organisation. A vrais dire, la Commission du Droit International s'était auparavant déjà penchée sur la question, toujours dans le cadre de ses travaux sur le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité, qu'elle avait repris en 1982 ; ayant reçu mandat explicite de l'Assemblée Générale qui l'invitait à examiner plus avant les problèmes liés à la création d'une telle cour, la commission s'y était en effet attelée dès 1990. Sous la pression des événements, la mise en place d'une cour pénale internationale devint désormais une question urgente, à traiter de façon prioritaire en la détachant du dossier relatif au code : l'Assemblée générale se fit l'interprète de telles exigences et décida en 1992 de demander à la commission d'adopter cette nouvelle approche. La CDI réagit avec beaucoup de dynamisme : en 1994 (...) ses travaux sur le sujet (...) purent aboutir à un projet de statut d'une cour criminelle internationale. Le projet prévoyait une participation importante de l'ONU dans le fonctionnement de la Cour, notamment, le Président de celle-ci, avec l'agrément des États parties, était habilité à "conclure un accord établissant un lien approprié entre la Cour et l'ONU" et le Conseil de sécurité était appelé à intervenir au stade de l'engagement des poursuites. Faisant suite au projet soumis par la CDI, l'Assemblée décida en 1994 de créer un comité ad hoc chargé d'examiner les principales questions de fond et d'ordre administratif soulevés par ce projet et d'envisager les dispositions à prendre en vue de la convocation d'une conférence sur la création d'une cour criminelle internationale. Compte tenu des divergences de vues exprimées à ce sujet au sein dudit comité, l'Assemblée créa en 1995 un comité préparatoire, dont les travaux devaient aboutir à "l'établissement d'un texte de synthèse largement acceptable pour une convention portant création d'une cour criminelle internationale". C'est le texte élaboré par ce dernier comité qui fut examiné par la conférence de plénipotentiaires tenue à Rome, sous les auspices de l'ONU, du 15 juin au 17 juillet 1998 et à laquelle participèrent 160 États, 33 organisations non-gouvernementales et une coalition de 236 organisations non-gouvernementales. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale fut adoptés le 17 juillet 1998, avec 120 voix favorables, sept contraires et 21 abstentions. Le Statut entra en vigueur le 1er Juillet 2002, à la suite du dépôt du soixantième instrument de ratification ; au 3 mai 2004, 94 États étaient parties au Statut. Les Juges et le Procureur ayant été élus et ayant prêtés serment au cours de l'année 2004, le procureur a décidé d'ouvrir deux enquêtes : la première, faisant suite à un renvoi de la part de la République démocratique du Congo en mars 2004, porte sur la situation qui se déroule dans l'ensemble de ce pays (...) depuis la date d'entrée en vigueur du statut de Rome : la deuxième, suivant un renvoi par l'Ouganda en décembre 2003, concerne la situation au nord de ce pays.
En dépit du fait que la Cour pénale internationale était ainsi constituée en tant qu'organisation internationale indépendante, les Nations Unies continuèrent à participer à sa mise en place, facilitant notamment les travaux de la Commission préparatoire chargée de présenter de propositions pratiques à prendre pour que la Cour puisse être instituée et commence à fonctionner. (...), l'Organisation garde des liens étroits avec la Cour, et ses organes interviennent à diverses étapes de la procédure judiciaire.
Cet aperçu historique de la participation de l'Organisation dans la création de juridictions pénales internationales serait incomplet sans un rappel de l'institution récente, depuis 1999, d'un nouveau type d'organes judiciaires répressifs, à savoir les tribunaux pénaux "internationalisés" ou "hybrides" (...). Sont à classer dans cette catégorie, en premier lieu, des juridictions pénales aménagées par les missions d'administrations intérimaire établies par le Conseil de sécurité au Timor oriental et au Kosovo (ATNUTO et MINUK), afin de s'acquitter, dans le cadre de leurs vastes mandats respectifs, de la tâche de restaurer le système judiciaire dans les territoires concernés. (...) Toujours à la catégorie des tribunaux pénaux "internationalisés" (...) appartient le Tribunal spécial pour le Sierra Leone, créé en vertu d'un accord entre l'ONU et le gouvernement sierra-léonais, conclu à Freetown le 16 janvier 2002. (...) Des initiatives visant à la création d'autres organes judiciaires "internationalisés" sont aujourd'hui en préparation (le texte date de 2005). Ainsi à la suite de négociations mouvementées, les Nations Unies et le gouvernement royal cambodgien ont conclu un accord concernant la poursuite des auteurs de crimes commis pendant la période du Kampuchea démocratique : en vertu de cet accord, des "chambres extraordinaires", composées de juges locaux et internationaux, seront créées conformément à la loi cambodgienne afin de juger les principaux responsables des crimes et graves violations du droit pénal cambodgien, des règles et coutumes du droit international humanitaire et des conventions internationales auxquelles adhère le Cambodge, commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979.
Au-delà des particularités que présente chacun des cas cités, notamment pour ce qui est du dosage des composantes du "cocktail" de ces juridictions ont cela de commun que - tout en exprimant l'engagement des Nations Unies en faveur de la répression des crimes internationaux les lus graves - elles se trouvent au carrefour entre le droit international et les droits internes : la plupart d'entre elles sont créées par des instruments juridiques internationaux de souche onusienne (...) et intégrées au système judiciaire national ; elles sont composées de personnel à la fois local et international (...) ; le droit et la procédure qu'elles appliquent résultent d'une combinaisons des lois internes et de principes et règles du droit international.
Le modèle des tribunaux pénaux hybrides a également été employés par d'autres administrations internationales de territoires, en marge de l'ONU. Ainsi, le Haut Représentant en Bosnie-herzégovine, chargé, au sein de la Cour d'État de ce pays, des chambres spéciales pour les affaires concernant le crime organisé, les crimes économiques et la corruption, auxquelles participent des juges internationaux ; dans une initiative commune avec le TPIY (et donc d'un organe de l'ONU), le Haut Représentant a également proposé la création, dans ce même contexte, d'une "chambre des crimes de guerre", composée de juges nationaux et internationaux, a laquelle seraient renvoyés les accusés de rang intermédiaire ou subalterne.
Pour compléter cet aperçu historique (que nous compléterons nous-mêmes au-delà plus tard), l'on signalera enfin qu'en décembre 2003, l'Administrateur de l'Autorité provisoire de la Coalition en Iraq a autorisé le Conseil de gouvernement irakien à établir un tribunal spécial, ayant une composant internationale, chargé de poursuivre les auteurs de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et certaines infractions sous la loi irakienne, perpétrés sous le régime de Saddam Hussein. (...)".
Luigi CONDORELLI et Santiago VILLALPANDO, Les Nations Unies et les juridictions pénales internationales, dans La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, Économica, 2005. Eduardo Jiménez de ARÉCHAGA et Attila TANZI, La responsabilité internationale des États, dans Sous la direction de Mohammed BEDJAOUI, Droit international et perspectives, Tome 1, Éditions A. Pedone/UNESCO, 1991. Eric WENZEL, Le massacre dans les méandres de l'histoire du droit, dans Le massacre, objet d'histoire, Sous la direction de David EL KENZ, Gallimard, 2005.
JURIDICUS
Relu et corrigé le 17 avril 2021