L'économie des énergies fossiles constitue un bon exemple de l'entrecroisement et de l'étagement des conflits et coopérations de tous types. Des acteurs sociaux sont mis en relation directement ou indirectement, du producteur au consommateur, de l'extracteur au distributeur, des pays hôtes aux pays exploitants de ces énergies, des sociétés privées à des sociétés d'État, tout cela dans une dynamique où un événement à un bout de la planète dans les gisements d'énergie (de pétrole ou de gaz naturel par exemple) s'ensuit un autre événement à l'extrémité du réseau de distribution, qui met aux prises pompistes et automobilistes, distributeur local et consommateur final.
De plus, comme l'automobile et l'électricité constituent des secteurs directement dépendant du pétrole, les États exercent leur droit régalien de l'impôt pour alimenter leurs budgets. Il se peut même, dans le cas français par exemple, que le prix payé par l'automobiliste soit constitué en grande majorité de taxes. Comme l'économie mondiale toute entière dépend de l'énergie, extraite ou produite de manière centralisée, les modèles sociaux de tous les pays, qu'ils soient importateurs ou exportateurs, en subissent l'influence directe. La société industrielle est aussi une industrie de l'énergie fossile. Elle l'est encore plus lorsque se développent les applications généralisées de l'électricité. Énergie secondaire, elle dépend, dans une proportion variable suivant les pays, des énergies primaires, notamment fossiles. Toutefois, à côté de ces énergies fossiles que sont le charbon, le pétrole et le gaz naturel se développe parallèlement l'utilisation de l'énergie hydraulique (barrages hydro-électriques) et, après la seconde guerre mondiale, de l'énergie nucléaire, dont l'importance, dans certains pays comme la France, dépasse, pour cette utilisation, les énergies fossiles. C'est surtout à cause de l'utilisation des énergies fossiles dans les transports qui font de celles-ci un véritable nerf de l'économie. Les maitres de l'énergie font jeu égal ou presque avec les maitres de la finance...
Des sociétés monopolistiques, privées ou publiques
Ceci d'autant plus, comme le rappelle Jean-Pierre FAVENNEC que "la création et le développement des capacités de production, des réseaux de transport et de distribution d'énergie ont souvent été le fait de sociétés privées. Ainsi, en Europe la production charbonnière a longtemps été aux mains de quelques grandes familles. Dans le secteur du pétrole, les noms des fondateurs des grandes sociétés sont restés célèbres : John Rockefeller (Standard Oil), Henri Deterding (Royal Dutch, puis Royal Dutch Shell), Marcus Samuel (Shell). Néanmoins, l'État a rapidement pris conscience de l'importance stratégique des industries de l'énergie et décidé de jouer un rôle prépondérant dans leur développement."
Pour cet auteur, "le développement de nombreuses industries s'appuie sur les avantages évidents du monopole naturel, fondé sur l'existence d'économies d'échelle. (...) Quoi de plus naturel (...) de confier à une société unique la distribution du gaz et de l'électricité sur un territoire donné? Si (...) en France avant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs sociétés se partageaient la distribution du gaz et de l'électricité, sur une zone donnée une seule société opérait : chaque société avait son territoire. Cette notion de monopole naturel s'étend au transport ferroviaire, mais aussi aux télécommunications, à la distribution d'eau et plus généralement à toutes les activités "en réseau"." Si cela peut paraitre naturel, ce monopole est le résultat tout de même de nombreux conflits, du conflit entre normes différentes techniques, chaque société avançant "sa" norme au conflit entre les différentes sociétés initiales, au début du développement de ces techniques, toutes désireuses précisément d'être la société qui va monopoliser la maximum d'activités sur le maximum de territoires...
Toujours est-il, pour notre auteur, "que le développement de la Standard Oil, première société pétrolière, illustre bien l'effet de taille. "En l'espace de dix ans (1870-1880), John Rockfeller crée une société qui s'assure le quasi-monopole du raffinage et de la distribution des produits pétroliers aux États-Unis. L'effet de taille va lui permettre de négocier au mieux le prix du brut qu'il achète à une myriade de petits producteurs, de peu de poids dans la négociation. De même, il obtient des transporteurs encore indépendants des coûts de transfert extrêmement avantageux, beaucoup plus intéressants que les prix concédés à ses concurrents. Dans un premier temps, Rockfeller n'intervient pas dans la production de brut, préférant jouer sur la concurrence entre producteurs, alors très nombreux et dont le marché est encore restreint. A la fin du siècle, et du fait du développement important de la consommation de produits pétroliers, il devient cependant nécessaire pour la Standard Oil de s'assurer un certain contrôle des fournitures de brut pour garantir la fabrication de ces produits. Rockfeller intègre donc la production dans les activités de sa société.
Cependant, dès le début du XXe siècle, le poids et la taille de la Standard Oil sont l'objet de critiques de plus en plus virulentes de la part des médias." Ces critiques visent à la fois la pression sur les prix aux consommateurs qu'exercent cet géant industriel et les possibilités, en fait l'existence parfois, de ramifications politiques de l'intérêt de cette méga-entreprise, via les partis, dans les Assemblées (étatiques et fédérales) déjà soumises à l'époque aux activités des lobbies (que l'on songe aux entreprises de chemin de fer faisant pression sur le pouvoir fédéral pour protéger la construction des voies de communication vers l'Ouest...).
"En 1911, la société est scindée en 34 sociétés au nom du Sherman Act (loi anti-trust) adopté en 1890. Parmi les nouvelles compagnies, on trouve la Standard Oil du New Jersey (devenu Esso puis Exxon), la Standard Oil de New York (devenue Mobel après fusion avec Vacuum) (...). Toutes ces nouvelles entreprises restent présentes à la fois dans la production, le raffinage et la distribution des produits pétroliers."
A la fin du XXe siècle et au début du XXIe, une nouvelle vague de concentration se réalise : BP-Aomoco-Arco, Exxon Mobil, Total-Fina-Elf, Chevron-Texaco, Conco-Philipes... Vaste mouvement de rachats et de fusion qui peut reprendre après une chute de prix...
Si nous détaillons ici cette histoire, c'est parce que celle-ci, malheureusement très peu présente à l'esprit des citoyens, pèse autant et parfois plus que les relations entre États, dans le développement de nombreux conflits. Cette histoire est celle de l'influence qu'exerce les membres des conseils d'administrations de ces entreprises sur leurs "amis", leurs "connaissances", leurs "contacts professionnels" qui travaillent dans les différentes administrations étatiques des différents pays parties prenantes de la géopolitique mondiale du pétrole.
Des guerres du pétrole...
Mouvements de dislocation de monopole et mouvement de concentrations s'effectuent ainsi dans un contexte de quasi-guerre entre différentes compagnies, même si les "armes" de ces guerres, ce qui n'exclue pas les coups tordus diplomatiques, sont surtout économiques... jusqu'à un certain point. Le point où précisément le déploiement du jeu inter-étatique va à l'encontre de leurs intérêts. Si l'État britannique, qui prend très tôt des participations dans l'Anglo-Persian peut considérer que ses intérêts se confondent dans certaines régions du monde avec ceux de cette entreprise, l'État français peut prendre le même raisonnement après avoir créé en 1924 la compagnie Française du Pétrole (CFP).
Mais au milieu de ces confrontations d'intérêts, sept grandes sociétés se partagent l'industrie pétrolière dans le monde entier. Et pour éviter la concurrence "excessive", elles se concertent dès 1928 pour s'accorder sur une réparation des marchés et des limites dans cette concurrence pour les nouveaux marchés. On peut retrouver l'histoire de ces Sept "soeurs" et de ses prolongements dans le livre de Pierre PÉAN qui considère la guerre du pétrole comme une véritable Troisième Guerre mondiale.
Les interventions des États visent après la Seconde guerre mondiale à garantir les approvisionnements perturbés précisément dans cette guerre-là. En Europe, dans certains pays comme la France et le Pays-Bas, le gouvernement choisit pour un monopole le statut d'entreprise publique. Aux États-Unis, en revanche, le gouvernement préfère confier le monopole à des entreprises privées. Dans tous les cas, l'entreprise monopolistique, acheteur unique, a le contrôle de l'"équilibre" entre l'offre et la demande. Cela conduit à de vraies réussite comme Gaz de France ou Électricité de France (GDF, EDF) en France ou Gasunie aux Pays-Bas, donnant à ces entreprises un grand poids dans le développement économique de ces pays. L'intégration verticale qui assure une vision centralisée des capacités de production et donc une optimisation des investissements entre bases et points, est majoritairement retenue en Europe, mais pas États-Unis.
Dans la chronologie qu'il propose, Jean-Pierre FAVENNEC distingue plusieurs périodes, d'une histoire qui continue de nos jours :
- Montée de l'interventionnisme après la Seconde guerre mondiale, pour des raisons économiques (les sociétés nationales qui disposent d'un monopole sont considérées comme seules capables de réduire les coûts), politiques (en Europe, il s'agit de sanctionner la participation massive de l'industrie pétrolière et de l'industrie de l'électricité au nazisme, pendant l'Occupation), sociales (les compagnies nationales semblent les plus aptes à faire face aux obligations de service public, d'approvisionner tous les consommateurs quel que soit le coût et dans les conditions de prix comparables.)
- Jusqu'à la fin des années 1960, la période de croissance économique, avec l'augmentation exponentielle de la consommation, fait perdurer cet interventionnisme ;
- Plusieurs éléments mettent fin à cette période d'"optimisme" : des experts (Club de Rome par exemple) s'inquiètent de l'épuisement prochain des matières premières ; une partie de la population ne se reconnait plus dans l'idéalisation d'une société de consommation ; le mécontentement des pays producteurs face aux réductions de prix décidées par les Sept Soeurs (Arabie Saoudite, Irak, iran, Koweit, Venezuela créent en 1960 l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP)) s'exprime ouvertement, stoppant cette baisse...
Le prix du pétrole reste alors stable de 1969 à 1972, dans le nouveau jeu compagnies pétrolières/pays exportateurs, à travers de différents accords. Mais en 1973, l'OPEP décide unilatéralement de multiplier par trois son prix (premier choc pétrolier), puis à nouveau par 3 entre 1979 et 1981 (deuxième choc pétrolier).
- Dans les pays du Tiers-monde, à l'image de ce qui s'est passé dans le monde occidental, le monopole d'État est repris largement. Une vague de nationalisations, progressive entre 1950 et 1970, aboutit radicalement à de nouvelles règles du jeu. C'est surtout dans la foulée des mouvements d'indépendance et d'affirmation des années 1960 que ce mouvement de réappropriation des ressources nationales, que dans les années 1970, l'industrie pétrolière (champs et installations) est nationalisée dans de nombreux pays exportateurs.
- Dans les années 1980-1990, l'OPEP perd de son pouvoir, suite à des divergences en son sein et à un fort développement de la production hors-OPEP. Cette perte d'influence sur les cours du marché se traduit par une baisse des prix, car en même temps, la demande diminue en occident (crise économique). Et à partir de 1982, l'OPEP accepte de jouer seulement un rôle d'appoint : les autres pays produisent au maximum et l'OPEP ajuste sa production à la demande. Cette situation dure jusqu'en 2003 environ, où la quasi-disparition des capacités excédentaires (montée de la consommation dans les anciens pays du tiers-mode, dont la Chine et l'Inde), permet à l'OPEP d'engranger le bénéfice de prix très élevés du pétrole sans avoir à toucher à ses niveaux de production.
Par ailleurs, dans les pays occidentaux, depuis les années 1970, un mouvement de libéralisation, de privatisation et de nouvelles réglementations change la donne entre exploitants, États et consommateurs. Selon les théories économiques libérales, qui tendent alors à dominer jusque dans les administrations étatiques, le déréglementation vise à éliminer les barrières à la concurrence, seule capable de garder les prix à des niveaux "raisonnables". Les monopoles naturels peuvent, avec le progrès technologique, être concurrencés par des unités de production plus légères, plus souples et plus performantes. Davantage de concurrence entre les acteurs économiques est supposée favoriser le progrès et bénéficier au consommateur. Les privatisations répondent en priorité à un objectif de plus grande efficacité : des sociétés privées soumises au contrôle de leurs actionnaires sont sensées être plus performantes que les monopoles d'État et les États, de leur côté, pour pallier à l'accroissement de leurs charges, comptent sur les rentrées d'argent sans recourir aux impôts.
Les systèmes de production énergétique britannique, américain et européen, sans compter celui de la Russie évoluent alors de manière sensiblement différentes. La déréglementation la plus importante se produisant en Grande-Bretagne, la réglemention américain revient à déléguer surtout aux États (dans la fédération) la fixation des prix (mais la situation est assez complexe) et l'Union Européenne, avec le Marché Unique, tend d'abord à établir dans son territoire un marché concurrentiel pour les différents types d'énergie, avec des difficultés importantes de transcriptions dans les législations nationales des directives communautaires.
Un bilan économique mitigé
Dans un bilan de ces différents mouvements de libéralisation, jean-Pierre FAVENNEC dresse un résultat plutôt mitigé qui tranche avec une certaine représentation médiatique :
- dans le secteur pétrolier, la privatisation des sociétés opérant dans le secteur aval (extraction, commerce) est un fait quasiment acquis ; la non-privatisation dans le secteur amont (distribution) est souvent une question d'idéologie plus que d'efficacité économique.
- dans le secteur gazier où le concept de monopole naturel s'adapte bien à cette industrie de réseau où il apparait peu raisonnable de créer plusieurs réseaux pour alimenter la même clientèle, la solution est plutôt d'introduire le concept d'"accès des tiers au réseau", sur le modèle des télécoms, pour permettre à tout fournisseur d'approvisionner un client en utilisant les réseaux existants sans avoir à construire de nouvelles infrastructures.
- dans le secteur électrique, les résultats des politiques restent mitigés. Il n'est pas évident (litote!) que les baisses de prix promises se soient réalisées. Dans nombre de pays en développement, la privatisation des sociétés électriques est apparue comme une réponse à la double incapacité de l'État, d'une part, d'obtenir que les clients paient leur facture, d'autre part, de financer le développement ou tout simplement le remplacement des installations existantes.
Revenant sur la situation dans le secteur des hydrocarbures, où se manifeste une concurrence accrue, le directeur-expert à l'Institut Français du Pétrole insiste sur le fait que les "relations entre les grandes entreprises du secteur pétrolier sont plus complexes qu'il n'y parait. Derrière la lutte féroce qu'elles mènent pour accéder aux ressources et trouver des débouchés, elles sont aussi capables de coopérer dans la mise en place de grands projets. Face à l'intensité capitalistique de certains d'entre eux, elles forment des alliances sous forme de joint-ventures et de création de filiales communes. Cette coopération peut également prendre la forme de cessions/échanges d'actifs dans un but d'optimisation fiscale (nous préférons parler plus net : d'évasion fiscale) ou de créations de synergies régionales." notamment depuis la fin des années 1990. Il s'agit, entre sociétés privées, ou propriétés de dynasties royales régnantes, de s'accaparer une grande part de la rente pétrolière sans que celle-ci reviennent, même parfois en petite partie, aux États proprement dits. On assiste alors à un retour de situations dominantes de marché, mais cette fois camouflés par un brouillage idéologique. Souvent, lorsque dans les statistiques, apparaissent les mouvements de matières et de capitaux, ce ne sont pas les États qui en sont véritablement bénéficiaires. A l'instar des contrats d'armements, les contrats de marchés à moyen terme (ceux qui veulent fixer des prix constants malgré certaines fluctuations du marché à court terme) sont pratiquement secrets.
Le jeu économique se jouerait entre un nombre d'acteurs relativement restreint d'acteurs, même s'ils peuvent entrer parfois en contradictions féroces, s'il n'entrait pas dans la lutte un certains nombre d'autres acteurs, souvent oubliés selon Jean-Pierre FAVENNEC :
- les organisations internationales, comme l'ONU, qui intervient notamment sous la forme de sanctions économiques (pour l'Irak programme "pétrole contre nourriture") ou comme le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale en jouant sur la structure des économies de nombreux pays en développement qui les sollicitent pour obtenir des financements. Ces deux dernières institutions ont contribué à déclencher des processus de libéralisation et de déréglementation dans de nombreuses parties du monde.
- les lobbies qui tentent d'orienter au niveau politique les différents programmes de développement économique. tentatives de modification des règles fiscales, mise en place de réglementations avantageuses, appui du pouvoir politique pour obtenir les grands contrats à l'étranger. Si aux États-Unis, ces lobbies sont approuvés, organisés ouvertement auprès des grandes instances de décision économiques (Congrès, Présidence, Commissions sur l'énergie...), en France aucune réglementation n'existe, incitant les responsables des grandes compagnies à participer directement aux jeux de pouvoir, dans une quasi-clandestinité.
- la société civile : Organisations Non Gouvernementales comme Greenpeace ou Human Rights Watch, relais très écoutés dans l'opinion publique, notamment dans les scandales économiques ou environnementaux (Marée noire par exemple). Notre auteur semble oublier le vaste mouvement de consumering, développé d'abord aux États-Unis, puis en Europe, qui pèse, au nom de l'intérêt des consommateurs, à coup d'enquêtes sur les prix et les services pratiqués sur les lieux de distribution d'essence par exemple, sur la réglementation par les pouvoirs publics des activités pétrolières. Leur influence, lente et profonde, agit jusqu'aux mentalités des consommateurs, que ce soit sur les modes de consommation (attitude plus ou moins critique vis-à-vis de la société de consommation) et sur leur confiance (parfois excessive) auprès des distributeurs. A un point tel sans doute, lorsque comme de nos jours aux risques écologiques amplifiés, que la tendance s'est inversée : peut régner une méfiance généralisée par rapport aux agents économiques qui régissent l'industrie du pétrole. Sans pour autant toutefois, sauf à l'occasion de contestations précises sur des lieux de stockage ou d'installation de circulation, cette attitude se traduise directement sur le marché. Une des raisons en est que, généralement, l'ensemble des informations sur la profession est aux mains des... professionnels!
- les instituts de recherche et de formation produisent à côté des centres de recherche des groupes groupes énergétiques, de la technologie alternative. Parfois soutenu par les pouvoirs publics pour permettre le développement d'une technologie nationale en concurrence avec une technologie américaine, par exemple. Nombre de ces Instituts aujourd'hui constituent autant de source de promotion d'énergies alternatives à l'énergie fossile. Leur influence s'étend aux Instituts de recherches de l'industrie pétrolière même, consciente de l'épuisement futur des gisements. A noter que souvent, derrière ces activités de recherche, existe une véritable guerre des brevets, non seulement entre Instituts "nationaux" mais également entre puissances économiques voulant promouvoir d'autres modes énergétiques et puissances économiques désireuses de "neutraliser" toute percée possible en la matière. Sans doute existe-t-il une myriade de projets possibles emprisonnés par les compagnies pétrolières elles-mêmes, sans qu'il faille céder au complotisme en la matière.
- les mouvements criminels : par l'argent que génère l'industrie de l'énergie et les dégâts potentiels qu'elle peut provoquer, se développe un certain nombre d'activités illégales, voire criminelles : camouflage de pollution, minoration d'accidents techniques, détournement de redevances versées par les compagnies pétrolières, sabotage d'oléoducs ou chantage aux sabotages, piraterie maritime, usage guerrier d'un supertanker ou d'un méthanier (lancement contre un objectif civil ou militaire...)...
Lisons encore la conclusion de notre auteur, "prudent" et "diplomate" :
"A travers le temps, il y a constamment eu un jeu entre opérateurs privés et États avec, en toile de fond, un souci permanent d'intégration du secteur énergétique afin de répondre aux contraintes d'économie d'échelle et de monopole naturel.
L'industrie du pétrole, à l'origine une simple matière première, s'est d'abord structurée autour d'entrepreneurs privés. Puis, sous l'action des idéologies dominantes de l'époque et, pour répondre à la montée de son importance stratégique et aux questions de sécurité d'approvisionnements, les États se sont impliqués directement dans le jeu industriel pour contrôler ce secteur d'activité. Enfin, accompagnant une évolution des idéologies économiques, les États se sont résignés à déréglementer et à laisser autant que possible jouer le marché, comme aux premières heures de l'industrie. Au fil du temps, le marché pétrolier a donc vu émerger un marché spot, puis des marchés à terme, qui déterminent de manière automatique, dégagés des rapports de forces politiques, un prix du pétrole connu de tous et qui peut servir de base aux transactions financières ou industrielles. Ces évolutions se sont faites pour répondre à des problèmes opérationnels et avec la participation plus ou moins active des acteurs industriels et commerciaux.
L'organisation du secteur pétrolier a suivi des évolutions historiques : domination du secteur privé à l'origine, intervention des États lorsque le caractère stratégique du pétrole a été avéré, privatisation et déréglementation à la fin du XXe siècle, retour à un certain interventionnisme depuis quelques années.
Dans le cas du gaz et de l'électricité, une logique avant tout politique est à l'oeuvre : l'objectif de la libéralisation commandée de ces marchés est de leur appliquer les règles du marché du pétrole. Il s'agit d'applications volontaristes de théories économiques et d'un processus émanant de gouvernements convaincus que le libéralisme et la concurrence sont les conditions du progrès économique."
Jean-Pierre FAVENNEC, Géopolitique de l'énergie, Editions Technip, 2009. Pierre PÉAN, Pétrole, La Troisième Guerre Mondiale, Calmann-Lévy, 1974.
ECONOMIUS
Relu le 30 mai 2021