Deuxième courant - historiquement - majeur du christianisme, l'Église orthodoxe, à l'histoire malheureusement mal connue en Occident, se situe pourtant en ligne droite du christianisme primitif.
Le schisme entre l'Occident et l'Orient chrétiens résulte d'un long processus d'estrangement (expression du père Congar) qui s'est déroulé, si nous suivons Olivier CLÉMENT, du XIe au XIIIe siècle. Les causes durables de ce schisme, outre la séparation entre les deux Empires romains aux destinées très différentes, semblent proprement religieuses et concernent toutes, à des titres divers, la personne et le rôle du Saint-Esprit dans ce que l'on appelle la querelle du filioque. En tout cas, la théologie de ces communautés chrétiennes orientales se distingue peu à peu des réflexions occidentales : si les références sont communes, en ce qui concerne le nouveau et l'Ancien Testaments (avec quelques variantes dans le contenu du nouveau...) jusqu'à au moins AUGUSTIN, la problématique de la guerre et de la paix est très différente.
Cette différence s'accentue après l'épisode de 1204, lorsque les Croisés, au terme d'une montée séculaire de haine, mettent à sac Constantinople dans une frénésie de profanation et d'iconoclasme. De la chute du Constantinople (1453) à la publication de la Philocratie (NICODÈME l'Hagiorite -1782) s'étend selon le même auteur, une sorte de Moyen Age (dans le mauvais sens du terme) orthodoxe. Le renouveau survient au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, par une réadaptation de l'hésychasme, par le sens de l'universalisme orthodoxe et le dialogue avec l'Occident. Le Concile de Moscou de 1917-1918, avant d'être dispersé par les bolcheviks, réussi à rétablir le patriarcat et à réformer l'Église russe dans le sens d'une responsabilité entière du laïcat. L'organisation de l'Église orthodoxe n'a rien d'une organisation centralisée comme l'Église catholique, mais malgré cela, le monde orthodoxe partage une même évolution en ce qui concerne la guerre.
Notons que les Croisades constituent une véritable rupture dans le courant des dialogues inter-culturels entre le monde chrétien et le monde musulman d'une part et les différents mondes chrétiens d'autre part, comme le rappelle le professeur Grigorios D. PAPATHOMAS, de l'Église orthodoxe d'Estonie, et que d'une certaine manière, il s'agit pour beaucoup dans le monde orthodoxe de renouer les fils de ce dialogue rompu. Ce courant de dialogue se traduisait entre autres par le refus de l'Église orthodoxe de la notion de guerre sainte, même lorsque les troupes byzantines devaient combattre les Sarrazins.
Une position liée à un rôle dans l'État : la permanence de la guerre dans le Ciel
Si, comme en Occident et comme le fait plus tard le monde protestant, la position de l'Église orthodoxe sur la guerre et la chose militaire oscille suivant que les hiérarchies sont plus ou moins proches ou l'exercent même de concert du pouvoir politique, elle adopte aujourd'hui, à l'aide d'un corpus important, une position complexe et originale. Qui, pour se rapprocher des Églises catholique et protestantes dans un monde aux problèmes ressentis comme communs, n'en possèdent pas moins quelques caractéristiques bien mises en évidence par la vision par exemple de Constantin ANDRONIKOF, professeur à la faculté de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris.
Dans une érudition impressionnante et fournie, appuyée sur les textes de l'Ancien et du nouveau Testament, sur les contributions des Pères de l'Église, jusqu'à AUGUSTIN, le professeur développe une analyse à la fois fataliste et relevant de la nécessité de la guerre.
Il dit s'appuyer sur le Nouveau Testament pour comprendre l'Ancien, même si parfois on a l'impression de l'inverse pour expliquer la permanence de la guerre, assez loin des développements occidentaux sur les conditions de la guerre juste ou de la guerre sainte.
"Sur terre, l'histoire de l'humanité commence par un assassinat, continue en un état de guerre endémique, se termine par une conflagration générale. Entre-temps, des puissances incorporelles se livrent à un combat ininterrompu dans le ciel. Cela fut annoncé dès le départ (Genèse 3,15), cela est prévu à la fin (Apocalypse 20). Ce n'est qu'à l'issue victorieuse d'une lutte ultime que pourront être instaurés "un ciel nouveau et une terre nouvelle". Alors seulement, "la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil ni cri ni souffrance" (Apocalypse 31,14). Mais jusqu'à cet avènement, le deuil ne sera pas absent du "premier ciel", la mort et la souffrance règneront sur "la première terre", la nôtre ici-bas".
Ce fait de la permanence de la guerre nous oblige à tenir la guerre pour un phénomène normal de la vie, quelle que soit notre répugnance à l'admettre." "S'il faut l'admettre, comme il semble naturel de le faire, que la guerre est l'un des maux les plus graves dont souffre l'humanité, nous sommes évidemment amenés à poser la question du mal. Nous ne sommes certes pas à même de la trancher. Nous paraissons n'en connaître sur terre que la réalité, non la solution. Depuis le temps qu'on la cherche, si elle avait été à notre portée, on l'aurait trouvée. Nous pouvons néanmoins essayer d'éclairer les tenants et aboutissants de la forme de manifestation du mal qui nous occupe ici.
Pour cela, il convient bien entendu de recourir d'abord à la révélation biblique." Constantin ANDRONIKOFF cite alors dans la même foulée, l'Ancien Testament, le Nouveau et les écrits de l'apôtre Paul : "Celle-ci nous apprend que Dieu lui-même est en guerre dans le ciel et sur la terre qu'il a créés. Ses guerriers sont ses anges et les hommes justes (Isaïe 11, Sagesse 5, Osée 6...). Leur combat depuis la chute de Lucifer (elle aussi en dehors de notre entendement) est livré contre le diable et ses milices. la situation ne change pas avec l'avènement du Fils de Dieu parmi les hommes. Le Verbe incarné est venu sur la terre en y apportant non la paix, mais l'épée (Matthieu 10, 34). Il recommande à ses disciples de se munir d'une épée quand, après sa mort, sa résurrection et son ascension, ils auront à témoigner de lui dans le monde (Luc 22, 36). Mais de quelle arme s'agit-il? Exactement, de la Parole de Dieu. celle-ci est décrite comme un glaive acéré (Apocalypse 1, 16...), plus coupante qu'un glaive à double tranchant (Hébreux 4, 12). Elle est "le glaive de l'Esprit" (Ephésiens 6, 17).
Le problème du mal
Nous tenons ici une part d'explication pratique, car fondée sur l'ontologique du problème du mal. Pour nous faire mieux comprendre la réalité et le sens de notre lutte inéluctable, l'apôtre Paul emploie des figures militaires (...)... Qu'entend-il par ces métaphores? La vérité, la justice, la foi, le salut. Dieu lui-même est "l'armure" qui permet de "résister et de rester debout". Or, si le guerrier s'élance, ainsi appareillé, c'est "pour annoncer l'Évangile d la paix" (Ephésiens 6, 13-17). Telle est la clef de l'énigme formidable : le vrai combat que livrent les fidèles (et a fortiori les anges) n'est pas contre "la chair et le sang". La guerre entre les hommes n'est que la manifestation extérieure de ce qui les anime sans cesse de l'intérêt : "les esprits du mal qui sont dans les cieux" (Ephésiens 6, 12). Ce sont les puissances du "monde de ténèbres", au service de "l'ennemi" de Dieu et de l'homme. Et ces puissances ne sont pas de chair et de sang. Par conséquent, les armes de la lutte contre cet ennemi incorporel sont naturellement elles aussi d'ordre spirituel. Comme le dit l'apôtre, "les armes de notre combat ne sont point charnelles, mais elles sont puissantes de par Dieu pour détruire les forteresses". (2 corinthiens 10, 4)." En fin de compte, les tueries sur terre ne sont que des épiphénomènes d'un combat dans la réalité spirituelle. L'enjeu véritable du conflit est la vie, la vie éternelle dans le Royaume de Dieu. L'échec conduit à la perdition dans la "géhenne du feu". Ce qu'il faut craindre, c'est finalement le diable.
Même si la langage humain peine à restituer ce conflit, cette dialectique parait "affreusement claire". Il y a véritablement combat entre la crainte de dieu et la crainte du diable. Ce dernier manifeste son appétit de puissance par la guerre en ce monde dont il est le prince. Il semble bien, à le lire, que pour le professeur de la faculté de théologie, l'on a bien affaire à une correspondance entre un conflit dans le ciel et un conflit sur la terre, avec le même enjeu, l'avènement ou non du Royaume de Dieu en ce qui nous concerne en tout cas. Le Seigneur intervient, d'après l'Ancien Testament, directement dans l'histoire d'Israël, sans jamais toutefois agir à la place des hommes, ceux-ci conservant un espace d'initiative. C'est aux hommes qu'il appartient de décider de leur propre Salut, chose qu'ils peuvent faire en se rapprochant de Dieu, dans une sorte d'Alliance où Dieu fait la promesse ultime, promesse renouvelée dans le Nouveau Testament. "Telle est la clef qui nous entrouvre le mystère de l'économie du salut, laquelle s déroule dans notre histoire ensanglantée par de perpétuels combats. Elle nous est offerte pour nous faire comprendre (et donc accepter) celle-ci : sa fin est dans l'éternité, non dans le temps. Toutefois, pour que les fidèles atteignent cette fin, il leur faut suivre jusqu'au bout leur propre processus dans ce monde dont nous savons par l'Évangile que, depuis la chute de l'homme, le prince est l'ennemi de Dieu et de sa créature. Et dans ce "royaume de César", les guerres sont inévitables, précisément en raison du conflit fondamental qui oppose Satan au Créateur et de la "semence de corruption" que contient le coeur de l'homme (selon l'Écriture, expression d'une prière orthodoxe du soir). Il y va malheureusement de la liberté de l'homme, sans le pénible apport de laquelle, selon la révélation christique, le vrai salut ne serait pas réalisé (malheureusement car, de toute évidence, le sort heureux du monde serait infiniment plus facile s'il n'était que le jouet de la toute-puissance divine). Bien que relative, cette liberté est appelée à s'exercer à plein, "paradoxalement" dans le sens de la volonté de Dieu, le plus souvent mystérieuse, parfois révèle, mais toujours "bonne" envers sa créature."
Mais qu'implique pour l'homme ce conflit, dans sa position face à la guerre? Il semble bien et le nouveau Testament n'introduit pas de changement fondamental à cet égard, que les Écritures n'apportent pas de réponse. Les Évangiles n'interdisent pas le service militaire ni ne condamnent la condition du soldat. Le commandement de ne pas tuer, s'il est discuté, l'est beaucoup plus que le commandement d'aimer ses ennemis comme soi-même. Il s'agit seulement de ne pas avoir de haine. Il n'y a pas là de théologie morale, mais surtout une mise en valeur eschatologique de la guerre. Les Pères de l'église, toujours en suivant Constantin ANDRONIKOFF, tendent à considérer la guerre comme causée par l'existence du mal, et tant que le mal existe, la guerre constitue la règle.
Ce type d'approche est caractéristique en fait de l'implication (religieuse, politique, économique et sociale) de l'Église orthodoxe dans la monarchie russe et dans d'autres monarchies au Centre et à l'Est de l'Europe, à l'instar de l'implication de l'Église catholique dans les monarchies européennes à l'Ouest - que l'on pense par exemple au Saint Empire Romain Germanique et à la diplomatie vaticane vers la dynastie des Habsbourg d'Autriche, puis vers la Prusse ensuite, notamment dans ce que Olivier CLÉMENT appelle le long Moyen Age de l'Église orthodoxe.
Un contraste avec l'évolution de l'Église catholique
Le professeur ANDROKINOF met toutefois en contraste les positions des deux Églises. "Faute d'un enseignement dogmatique, impossible à mettre en oeuvre dans le domaine terrestre et mondain, l'Église (en Occident), à son habitude, cherche dans les questions pratiques dont elle n'est pas entièrement maîtresse, le moindre mal, en dégageant le sens supérieur de la "nécessité" que ses membres affrontent. En effet, les chrétiens avaient désormais affaire (après l'établissement de l'Empire chrétien) "aux principes évangéliques dans un cadre nouveau, et ils y discernaient de nouvelles réponses (...). Impossible de réduire le sens du Nouveau Testament à une équation unique (...). Il y en avait qui voulaient simplifier le problème en identifiant les intérêts du Royaume de Dieu avec ceux du domaine terrestre. Sous cet angle, les guerres temporelles n'étaient pas considérées comme un effet du péché ou comme un mal nécessaire, mais comme un exercice de la volonté divine par le glaive et le feu. Cette vision, qui conduit aisément à la conception de la "guerre sainte", où valeurs séculières et spirituelles s'estompaient, était séduisante pour certains... (Louis J SWIFT, the Early Fathers on War and Military Service, Washington, 1983).
On sait la fortune de cette conception en Occident, jusqu'aux outrances d'un Bernard de Clairvaux, dans sa louange des Templiers : "Le chevalier du Christ (par opposition au chevalier séculier) tue en conscience et meurt tranquille : en mourant, il fait son salut ; en tuant, il travaille pour le Christ" (...). Il était à peu près inévitable que, selon cette logique, il devient justifié de porter le glaive non seulement contre les païens ou les "infidèles" (...), mais encore contre tous ceux qui "dominium romanae eccleciae non recongnoscunt" et qui par conséquent "impugnandi sunt" (...). L'Église orthodoxe s'en tint à une autre conception. Jusqu'au XVe siècle (et même plus tard, puisqu'au XIXe siècle seulement, la Géorgie, par exemple, vainquit définitivement les assauts des Turcs et des Perses, sans parler de la Bulgarie, de la Grèce...), les empires, principautés ou royaumes où elle se trouvait ne connurent pas de paix du côté des "barbares", comme c'était le cas en Europe occidentale (sinon pareillement en Espagne et en Europe centrale). Son état permanent d'agressée et le besoin impérieux d'une défense non seulement territoriale, mais encore confessionnelle, lui permirent pour ainsi dire naturellement de comprendre que, selon la révélation du Christ, la destinée de l'homme, même à la guerre, relevait du jugement de Dieu en fonction du comportement de sa créature qu'il entend sauver. De ce fait, et encore une fois, l'Église tend à considérer la guerre moins comme une nécessité que comme une conséquence inévitable du péché. Certes, le sacerdoce et le monachisme sont incompatibles avec l'état militaire, mais aucun interdit n'est jeté contre le devoir militaire, qui est celui de tout citoyen d'un État, en obéissance normale à son prince. Celui-ci reste César, mais il n'aurait aucun pouvoir si cela était contraire à la volonté de Dieu (Jean 19, 11). La guerre est évidemment un mal, elle est donc à condamner. Toutefois, elle est inévitable, comme l'est le mal lui-même jusqu'au salut, lequel est toujours personnel. En conséquence, l'Église impose par ses canons des pénitences à ceux qui ont pris les armes, mais elle prie pour eux, elle consacre des offices et des jours particuliers (...) à la mémoire des morts sur le champ de bataille, qui, pour certains, peut réellement être le "champ d'honneur". Et elle reconnaît que des guerriers sont des saints, non pas seulement s'ils subissent le martyre, mais aussi parce que, ayant offert leur vie en sacrifice, ils avaient accompli un haut fait de foi et d'amour. "Dans sa liberté, Dieu met parfois à profit le mal de la guerre pour appeler l'homme à un tel haut fait. Il peut y avoir des guerres "justes", quand elles sont destinées à être libératrices, à défendre des valeurs supérieures. Il faut cependant, sous peine de péché, faire preuve d'une prudence extrême dans leur appréciation, le critère étant le service de Dieu et non de ses propres passions. Il n'en reste pas moins qu'une guerre même "injuste" peut devenir une occasion de foi, d'abnégation suprême et présenter ainsi une voie vers la sainteté, c'est-à-dire d'accès au Royaume" (Père Alexis Kniazeff, dans une lettre personnelle)."
C'est sous l'éclairage de la défense stricto sensu de la révélation de Dieu, "que l'Église comprend et accepte le caractère inévitable de la guerre, ainsi que la nécessité dans le monde d'obéir aux décrets, mêmes militaires, de César. Non pas, certes, "cujus regio ejus religio", selon la fameuse formule du traité d'Augsbourg de 1555, mais le chrétien admet, quand sa foi n'est pas en cause, une formule symétrique, encore que radicalement différente : cujos regio ejus lex", cette loi ne régissant que le domaine terrestre, aux conditions extérieures duquel la destinée des hommes est soumise dans l'histoire. Au demeurant, ils sont appelés à la sainte liberté irénique du Royaume de Dieu. Tel est le sens, terrestre et céleste ensemble, que l'Église applique en effet au malheur historique et moral de la guerre, selon le précepte de l'apôtre Paul à son "enfant bien-aimé" : "prends ta part de souffrance en bon soldat du christ Jésus. personne, en s'engageant dans l'armée, ne s'embarrasse des affaires de la vie mondaine, s'il veut donner satisfaction à celui qui l'on enrôlé (...). Si nous mourons avec lui, avec lui, nous vivrons!" (2 Timothée)".
En définitive, loin des différentes polémiques des Églises à l'Occident, notamment lors des guerres de religion, les théologiens orthodoxes s'en sont très généralement tenus à l'enseignement biblique, sans guère y apporter de développements significatifs qui aurait constitué une théorie complète. On ne trouve pas chez eux de polémologie ni d'irénologie. Ce n'est qu'au sortir de la période soviétique, qu'en Russie se développe une réflexion particulière sur la paix. C'est la signification même de la paix qui interroge alors nombre d'intellectuels, pensée en regard des différences entre guerre physique et combat spirituel. L'une de ces différences, "entre la guerre et le combat invisible tient à la nature de leur finalité. Si tant est qu'une guerre vise la paix, ce n'est pas celle "d'en haut", "la paix de Dieu", mais encore une fous, celle des hommes "partagés" entre leur organisations terrestres et leurs intérêts dans le royaume de César."
C'est sur un retour, de la même manière qu'en Occident, à une réflexion antérieure à l'activité des Églises dans les royaumes temporels, qui s'opère.
Les évolutions récentes en phase avec un oecuménisme recherché
Ce retour est particulièrement vif devant l'évolution même de la guerre et des armements. La menace nucléaire constitue un point d'ancrage important à la réflexion pacifiste au sein des églises chrétiennes (François THUAL, Boris ZINOVIEFF). Dans un document publié en 1986, intitulé Contributions des Églises orthodoxes locales à la réalisation des idéaux chrétiens de paix, de liberté, de fraternité et d'amour entre les peuples, et à la suppression des discriminations raciales, la Commission inter-orthodoxe préconciliaire préparatoire de Chambésy, l'Église orthodoxe prend position : "L'orthodoxie condamne en général la guerre car elle la considère comme une conséquence du mal et du péché dans le monde ; elle a toléré par condescendance les guerres défensives faites pour rétablir la justice bafouée. C'est pour cette raison qu'elle ne doit avoir aucun scrupule à proclamer son opposition à toute espèce d'armements - conventionnels ou nucléaires - mais surtout nucléaires, d'où qu'ils viennent, car la guerre nucléaire a comme conséquence de détruire la création, de supprimer la vie de la face de la terre. Elle doit le faire d'autant plus aujourd'hui que nous connaissons mieux la force destructrice des armes nucléaires. (...) La guerre nucléaire est inacceptable de tous les points de vue (...). C'est un crime contre l'humanité et un péché mortel pour Dieu car elle détruit sa création. Les Eglises orthodoxes, les autres chrétiens et l'humanité tout entière ont donc le devoir d'écarter ce danger."
Le Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes autocéphales au Patriarcat Ocuménique d'Octobre 2008 va dans ce sens. Il déclare, entre autres, que "l'Église du Christ aujourd'hui accomplit son ministère dans un monde en évolution rapide, qui est maintenant devenu interconnecté par des moyens de communication et de développement des moyens de transport et de la technologie. Parallèlement, l'étendue de l'aliénation, des divisions et des conflits est également en augmentation. Les chrétiens soulignent que la source de cet état est l'aliénation de l'homme de Dieu. Aucune transformation des structures sociales ou des règles de comportement ne suffit pour guérir de cette situation. L'Église rappelle constamment que le combat contre le péché n'est possible que dans la coopération de Dieu et de l'homme." En écho, nous pouvons lire ces lignes du Père Théodore, de l'Église orthodoxe grecque de Bordeaux, d'avril 2011 : "D'après le propos de notre Patriarche Oecuménique, la rencontre des croyants des différentes confessions et des grandes familles religieuses doit nous aider, je cite "à la promotion et à l'accélération des changements nécessaires, afin d'obtenir la paix dans le monde, la prévention de la violence et de la guerre, ainsi que la protection de l'environnement".
La religion fonctionne comme une institution médiatrice pour la paix au coeur de plusieurs conflits, en même temps qu'elle apparaît comme le casus belli dans plusieurs parties du monde. ce paradoxe fait qu'elle est déchirée entre les passions les plus guerrières et les actions les plus pacificatrices. Bartholomée 1er dit d'autre part que "la meilleure place pour la gestation des changements se trouve dans le coeur de l'homme" car, lorsqu'il est nourri par la foi, celui-ci dicte la paix avec Dieu, l'humanité et toute la création. Il est essentiel que nous gardions à l'esprit les grands idéaux : l'âme et la paix : ils constituent notre vocation la plus intime, aux aspirations les plus profondes du coeur humain et, en un seul mot, à notre être de femmes et d'hommes de la religion. Les religions doivent trouver en elles-mêmes la force spirituelle qui leur permettra d'aider l'humanité aujourd'hui et de la conduire vers la solidarité et la paix."
Olivier CLÉMENT, L'Église orthodoxe, dans Histoire des religions, Gallimard, 2001. Constantin ANDRONIKOF, Non la paix, mais l'épée ; François THUAL et Boris ZINOVIEFF, Se défendre contre le mal, L'orthodoxie face aux nouvelles formes de guerre, dans Les religions et la guerre, Cerf, 1991.
Des informations sont disponibles sur le site //orthodoxeurope.org.
RELIGIUS
Relu le 7 août 2020