Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 15:17

       Les études géopolitiques ont la vocation de faire comprendre les contraintes géographiques qui pèsent sur les politiques des Etats, tant dans leurs entreprises extérieures que dans leur capacité à maintenir la cohésion interne. Même si elles débordent - la lecture de nombres ouvrages de "géopolitique" le montre - sur l'histoire, l'économie, et même la culture, tout en prenant garde à ne pas perdre le fil conduction qui est la politique d'un grand acteur possédant (mais cela ne se vérifie pas toujours) des capacités d'exercer la force (qui peut être seulement morale), et singulièrement la violence, l'essentiel est de comprendre comment un Etat, un Empire peut naître, s'étendre et perdurer. Singulièrement pour la Chine, très grand ensemble géographique où des éléments de relief et de climat pèsent. Pour laquelle il est important (pour elle-même et pour ses "partenaires" dans le monde) de comprendre comment se défendre en tant qu'ensemble unifié et cela sur au moins deux plans, face à ses voisins extérieurs, et face à d'autres acteurs présents à l'intérieur de son territoire. 

 

    Aymeric CHAUPRADE et François THUAL présentent dans leur Dictionnaire de Géopolitique, un article sur la Chine qui est très caractéristique de ce que nous écrivons plus haut. Après une présentation proprement géopolitique, tout un développement présente l'histoire chinoise depuis l'époque moderne (fin du XVIIe siècle), et après la guerre du Pacifique en 1945, analyse l'évolution du "communisme chinois" notamment dans ses aspects économiques et stratégiques. S'il n'y avait quelque ancrage sur la géopolitique, nous pourrions retrouver cet article dans un atlas stratégique. Loin de nous de déplorer une pluridisciplinarité entre études sur la géopolitique, la stratégie ou l'économique, mais au bout du compte, nous n'en savons pas beaucoup plus sur les liaisons entre le relief et le climat de la Chine et ses positionnements stratégiques... N'exagérons pas, ce n'est pas tout à fait vrai, mais nous pourrions percevoir bien plus les contraintes proprement géographiques qui pèsent sur la définition d'une politique de défense... Pour la Chine par exemple. Sans doute, les obstacles géographiques ne pèsent-ils plus comme auparavant sur cette politique de défense. Si le relief peut-être contourné, le climat, lui, pose et va poser de plus en plus de problèmes...

Quoi qu'il en soit, lisons ce qu'ils en disent :

"Depuis plus de deux mille ans, l'espace chinois n'a cessé de connaître des mouvements de désintégration et de réunification. La civilisation chinoise, l'une des plus anciennes du monde, put s'étendre de manière unifiée à partir de sa base de peuplement des Hans, grâce à la solidité de sa structure étatique : la diversité des dialectes de l'Empire chinoise trouva un cadre unificateur dans l'écriture idéographique, dont la connaissance donna aux mandarins un rôle déterminant dans la formation et la pérennité de l'État chinois. A l'époque moderne, sous la dynastie mandchoue des Qing, vers la fin du XVIIe siècle, une forte poussée démographique fut la cause d'une expansion territoriale importante. En quelques décennies, le territoire de la Chine doubla de superficie : les frontières de la Chine débordèrent jusqu'au coeur de l'Asie centrale ; le Tibet fut annexé, ainsi que la Sibérie méridionale. Au XVIIIe siècle, le territoire de la Chine avoisinait les 12 millions de km2, alors que sa superficie actuelle est de 9,6 millions de km2. Parallèlement à cet accroissement du territoire, la vassalisation de la périphérie de la Chine - Corée, Birmanie, Népal - fut renforcée. (...)"

Suivent la description de l'inversion de ce mouvement d'épanchement territorial au début du XIXe siècle, les Traités inégaux de 1842 (avec l'Occident), l'expansion du Japon de la fin du XIXe siècle, l'affrontement majeur de la Chine nationaliste et de la Chine communiste après la capitulation du Japon en 1945, la confrontation avec l'Union Soviétique après la déstalinisation, la deuxième guerre d'Indochine, la sortie d'un certain isolationnisme à la fin des années 1970, pour sortir d'une situation entre l'Empire soviétique et le bloc impérialiste (États-Unis plus ses alliés), la période post-maoïste, au début des années 1980, le début du processus d'ouverture économique, dans un concept de "socialisme de marché", l'insertion dans le processus de mondialisation actuel... "A l'orée du XXIe siècle, c'est une Chine en cours de modernisation, forte de ses un milliard deux cent mille habitants, qui retrouve le chemin de la "tentation impériale" (François JOYAUX, La Tentation impériale, Imprimerie nationale, 1994), à avoir le retour à une position dominante en Asie, position qui fut d'ailleurs la sienne avant l'arrivée des Européens au XIXe siècle."

Les auteurs se risquent ensuite à une prospective : "La Chine d'aujourd'hui est certes une puissance mondiale, de par son étendue, sa démographie, sa forte diaspora planétaire ; pour autant son site et son horizon géopolitiques demeurent l'Asie, et en cela il est permis d'affirmer que la dimension mondiale de la Chine est bien moindre que celle des États-Unis. Mais, opérant un important retour à la maritimité alors qu'elle était jusqu'à présent limitée dans ses ambitions continentales par la Russie, la Chine connaîtra une présence régionale et mondiale accrue dans les années à venir, et ce d'autant que le régime ouvre l'économie chinoise au marché. Le retour d'une Chine sûre d'elle même, nationaliste et "dominatrice", décidée à parachever son unité au siècle prochain, est certainement, à l'échelle asiatique et mondiale, l'un des facteurs géopolitiques les plus importants pour le XXIe siècle et ce d'autant que, grâce à ses capacités nucléaires et balistiques, la Chine est en mesure aujourd'hui de frapper les deux côtes des États-Unis et d'Europe occidentale."

 

Juxtaposition des approches plutôt que véritable géopolitique...

   Denis LAMBERT présente une Géopolitique de la Chine qui juxtapose surtout des approches de la géographie, de l'histoire, de la sociologie chinoises, traitant des questions stratégiques comme... beaucoup d'ouvrages stratégiques, où la géopolitique apparaît souvent comme une synthèse à réaliser par... le lecteur!  

Toutefois, la présentation des fondamentaux physiques (la géographie, relief, hydrographie, diversité des climats, économie..) et celle des fondamentaux humains (démographie, diversité des ethnies, religions, éducation, emploi...) permet de dégager les caractéristiques géographiques qui sous-tendent la géopolitique chinoise.

Notamment, en ce qui concerne les fondamentaux physiques, la possibilité pour la Chine de contrôler les sources de presque tous les grands fleuves d'Asie, sauf du Gange et de l'Irrawaddy, fleuve birman. Malgré cela, la configuration des montagnes, des vallées et des fleuves pose le problème de l'accès à l'eau, aggravé par une industrialisation désertifiante et polluante. Malgré la présence d'une façade maritime continue de plusieurs milliers de kilomètres, la politique des princes et empereurs chinois, et plus tard du Parti communiste s'est longtemps orientée sur la terre. Devant cette façade, le Japon, avec ses nombreuses îles, a longtemps (et encore aujourd'hui...) fait figure de menace. 

Pour ce qui concerne les fondamentaux humains, ce qui frappe, c'est la position prédominante de l'ethnie des Hans, face à de très nombreuses minorités. Classés comme population mongoloïde, les Hans constituent un ensemble assez homogène, lié de plus par l'écriture et la reconnaissance de valeurs traditionnelles communes. Le peuple porte le nom de la première dynastie durable de Chine. 

La Chine dans son contexte géopolitique est située face à de grands partenaires mondiaux comme la Russie, la lointaine et divisée Europe, le Japon, les Etats-Unis ; face à l'Asie "de proximité", notamment la Mongolie, le Kazastan et les autres républiques d'Asie centrale, les Corées ; face au Sud-Est asiatique (Singapour, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Cambodge, Viet-Nam ; face au sous-continent indien. Les autres ensembles régionaux, le Proche-Orient et l'Afrique, comptent également de plus en plus. Ce sont surtout les relations bilatérales qui sont examinées.

 

Une approche d'ensemble...

   Les approches rassemblées dans le numéro 2 de 2007 de la revue Hérodote permettent d'avoir une vision d'ensemble, qui ne peut exister, en définitive, que dans une approche pluridisciplinaire (ce que ne veut pas dire juxtaposition de données de plusieurs discipline...). 

Thierry SANJAN, présentant le Dictionnaire de la Chine contemporaine (Armand Colin, 2006), montre que l'on peut "comprendre la Chine contemporaine par les mots des sciences sociales". 

"La Chine a profondément changé ces dernières années. Si les réformes ont bientôt trente ans, une refondation radicale des structures économiques, sociales et territoriales chinoises s'est engagée essentiellement depuis la relance par Deng Xiaoping de l'ouverture en 1992. Trois périodes peuvent en effet être distinguées depuis la politique de "réforme et d'ouverture" de 1978 :

- une période de transition post-maoïste, où la question d'une spécificité de la voie chinoise et de la possibilité d'allier efficacement régime communiste et économie de marché se posait (1978-1992) ;

- une période de refondation fondée sur le slogan d'une "économie socialiste de marché" et une polarisation urbaine du développement (1992-2001) ; 

- une période ouverte par l'adhésion à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) fin 2001, période également où le Parti communiste s'est mué explicitement en parti national, où la Chine est devenue dépendante de la mondialisation pour soutenir la croissance de son commerce extérieur et ses besoins énergétiques, où la Chine, contrainte à se redéfinir sur tous les continents comme une puissance mondiale émergente, articule un positionnement sur tous les continents à une politique de "développement pacifique.

      Interpréter la Chine ne peut donc plus aujourd'hui se satisfaire d'une analyse des réformes des structures issues des premières décennies du régime communiste, ni d'une seule mise en perspective de l'héritage politique et culturel de l'Empire. La Chine change, car le monde change, et elle contribue dorénavant elle-même à le restructurer avec force dans ses équilibres économiques et de plus en plus géopolitiques. (...) Pour autant, la modernisation chinoise, son adoption de l'économie de marché et l'apparente "standardisation" des paysages urbains et des modes de vie ne signifient nullement que la Chine se banalise. Un régime autoritaire conserve un rôle fort à l'État. Il est clairement impossible de coller aux réformes chinoises le calendrier et les modalités des transitions des anciens pays communistes vers l'économie de marché. (...) Même si les types de propriété des entreprises se sont nettement diversifiées, si les réformes juridiques permettent une individualisation de l'acteur économique, le politique reste déterminant dans la conduite du développement aux échelles tant nationale que locale : les grands groupes pétroliers chinois trouvent difficilement une autonomie par rapport au gouvernement central et, à l'autre bout de la chaîne, l'entrepreneur privé ne peut ignorer les contraintes réglementaires du pouvoir local - et éventuellement l'appétit financier de ses cadres. 

La société chinoise a successivement connu une dé-collectivisation rurale, puis urbaine. Elle n'est cependant pas en rupture totale avec l'héritage communautaire, qu'il soit "traditionnel" ou post-1949. Les Chinois invoquent de nouvelles valeurs (argent, propriété privée, loisirs, etc.) mais celles-ci se combinent aussi avec les strates précédentes de la trajectoire chinoise au XXe siècle. (...) La Chine redéfinit ses nouvelle formes collectives dans un contexte d'aggravation des disparités régionales et des inégalités sociales, elle recompose son identité dans un foisonnement de valeurs (pré-, post-1949 ou 1978, ou 1992) (...)."

 

Thierry SANJUAN, Comprendre la Chine contemporaine par les mots des sciences sociales, Hérodote 2007/2, La Découverte. Aymeric CHAUPRADE et François THUAL, Dictionnaire de géopolitique, Ellipses, 1999. Denis LAMBERT, Géopolitique de la Chine, Ellipses, 2009.

 

STRATEGUS

 

Relu le 27 février 2021

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : LE CONFLIT
  • : Approches du conflit : philosophie, religion, psychologie, sociologie, arts, défense, anthropologie, économie, politique, sciences politiques, sciences naturelles, géopolitique, droit, biologie
  • Contact

Recherche

Liens