De nombreuses études, décrites par Farzaneh PAHLAVAN, depuis la parution du compte-rendu des travaux de Patricia JACOBS et de ses collègues (BRUNTON et MELVILLE) en 1965, tentent de déterminer le fondement génétique de l'agression dans la présence d'un chromosome Y (pour l'homme) ou X (pour la femme) supplémentaire dans le patrimoine génétique. Rappelons simplement ici que l'être humain possède 46 chromosomes dont deux (X et Y) déterminent le sexe de l'individu (XY pour l'homme, XX pour la femme).
Pour la plupart des chercheurs qui se sont intéressés à cette approche, les hommes semblent être plus agressifs que les femmes ; la présence de ce chromosome Y supplémentaire les amène donc à penser qu'il y aurait un potentiel d'agression plus important chez les hommes présentant le syndrome XYY. De la même manière, il existe des hypothèses concernant le chromosome supplémentaire X chez les femmes (XXX), qui les rendraient plus agressives.
Patricia JACOBS et ses collègues présentent donc un rapport sur leurs observations en milieu carcéral et leur rapport a suscité par la suite un nombre assez considérable d'études, aux résultats d'ailleurs contradictoires.
C'est surtout dans les milieux d'établissements fermés (prisons ou hôpitaux psychiatriques...) que ces études sont réalisées et de nombreux auteurs ont surtout relevé des déficiences d'ordre intellectuel et que ce sont ces déficiences qui seraient plus liées à l'incidence plus élevées d'actes criminels. Un examen psychologique plus poussé confirme que l'agression mesurée chez la population XYY ne diffère pas de celle évaluée chez la population XY (surtout en 1976, par WITKIN, MEDNICK, SHULSINGER, BAKKESTROM, CHRISTIANSEN, GOODENOUGH, HIRSCHORN, LUNDSTEEN, OWEN, PHILIP, RUBIN et STOCKING). Depuis la fin des années 1970, l'intérêt porté sur ce syndrome a largement diminué. Néanmoins, le sujet reste d'actualité. Des anomalies, relevées d'ailleurs par les chercheurs précédemment cités; au niveau des activités biochimiques ont pu être signalées chez les individus étudiés. Ces anomalies peuvent intervenir au niveau du contrôle de l'expression de l'agression. B. BIOULAC, M. BENEZECH, R. RENAUD et B. NOEL ont constaté en 1978 une baisse du taux du neurotransmetteur "sérotonine" chez la population XYY mâle. Lorsque le taux est normal la probabilité d'agression semble diminuer.
D'après d'autres études, les femmes ayant un caryotype XO seraient plus agressives que celles caractérisées par un caryotype XXX ou XX.
Heino MEYER-BAHLURG, faisant le tour des différentes expériences réalisées en milieu homme comme en milieu femme en 1981 conclue qu'il n'y a aucune démonstration évidente prouvant l'influence des anomalies de ces chromosomes sur l'augmentation ou la diminution de l'agression, sauf cas extrêmes relativement marginaux.
Une autre hypothèse sur le chromosome X concerne les hommes caractérisés par un surnombre de chromosome X (XXY). Mais les études révèlent plutôt une certaine insuffisance mentale, ce qui explique qu'ils se trouvent dans des institutions spécialisées.
Les débats sont d'autant plus vifs et confus que l'on s'éloigne des milieux scientifiques à l'oeuvre dans ses études, pour apparaître dans le grand public, tant le mythe du sur-mâle semble répandu.
Il n'est pas d'ailleurs étonnant que des débats actuels mettent plutôt en avant l'agressivité "génétique" des femmes plutôt que celle des hommes, vu les problèmes existentiels des hommes (devant la masculinité ou la paternité...) et la dévalorisation relative, du moins dans certaines parties de l'Occident, de la condition masculine. En bref, résume Jacques GERVET, à propos des résultats bruts - et à supposer que les nombreux biais d'ordre méthodologique n'aient pas pesé trop lourd -, on peut dire qu'ils ont été retrouvé dans de nombreux pays : dans un ensemble de prisons de sécurité, le taux de XYY atteignait 3% de la population, alors qu'il ne dépasse pas 0,1% dans le reste de la population. A propos de ces biais méthodologiques, il faut pointer les méthodes statistiques utilisées : quelles chances comparatives de retrouver les individus XY ou XYY en prison?... La seule façon d'apprécier complètement l'impact d'un tel caryotype serait l'étude longitudinale suivie d'échantillons XY et XYY choisis au hasard. Une telle étude n'a jamais été faite, mais le résultat le plus net dans les différences entre les deux types d'individus semblent être que ceux possédant le caryotype XYY sont de taille plutôt grande et souvent précocement chauve... D'autres différences sont citées et cette diversité d'indices, relevés parmi de nombreuses études qui recherchent bien entendu autre chose indique que la polysomie (augmentation accidentelle du nombre des chromosomes) peut introduire un déséquilibre qui peut réduire les capacités d'adaptation d'un organisme.
Pour ne prendre qu'une étude parmi celles qui continuent d'alimenter la littérature scientifique sur les liens entre ces aspects génétiques et l'agressivité (la recherche du chromosome du crime semble encore active dans des buts thérapeutiques de prévention de la violence), celle de Alina RAIS, professeur adjoint de psychiatrie de l'Université de Toledo aux Etats-Unis, aux résultats publiés en 2007, est instructive. Il s'agit d'une étude de cas, celle d'un patient âgé de 8 ans, admis en raison de l'augmentation des comportements agressifs et de l'hyperactivité à l'origine de dégâts matériels, et remis après étude aux soins ambulatoires. Il est intéressant de rapporter en intégralité la discussion qu'en fait l'auteur, qui étend son analyse à l'ensemble de nombreux cas précédents.
"Le polymorphisme clinique du syndrome XYY est bien connu (T. KNECHT, aspects biologique de la délinquance et des agressions, Schweiz Med Wochensh, 1993 et Diego MUNEZ et collaborateurs, Polymorphisme clinique du syndrome XYY, Un Esp Petditr, 1992 - il s'agit bien entendu d'une traduction des titres des ouvrages en anglais). Il y a une grande variation de la clinique, de la nature physique et du comportement. La présence d'une dysfonction cérébrale minime en raison de lésions cérébrales acquises au début et la THADA ont fait pensé à des risques élevés de criminalité.
SCHIAVI et ses collaborateurs (en 1984, Anomalies des chromosomes sexuels, hormones et d'agressivité) ont réalisé une double étude (placebo et sujets XYY) dans un ensemble de 4 591 hommes de grande taille nés à Copenhague. Dossiers sociaux, entretiens individuels et testes projectifs ne mettent pas en évidence chez les hommes présentant l'anomalie génétique des tendances particulièrement agressives. Les hommes XYY présentaient des concentrations plus élevées de testostérone et d'hormone lutéisante (LH) et FSH (hormone folliculo-stimulante) que ceux du groupe témoin apparié : une corrélation forte entre niveau plasmatique de testostérone et gravité des condamnations pénales a été observée. Toutefois, les relations entre le niveau de testostérone et le comportement criminel n'est pas reflété dans les mesures d'agression provenant de l'entretien psychologique et des testes projectifs. Il n'y a aucune preuve que la testostérone spécifique soit un facteur de médiation dans le comportement criminel des hommes XYY.
H. HUNTER (XYY mâles : Quelques aspects cliniques et psychiatriques découlant d'une enquête sur 1 811 hommes dans les hôpitaux pour handicapés mentaux, 1977) a enquêté dans 18 hôpitaux et trouvé 12 hommes avec 47 caryotypes XYY. Les résultats psychologiques, physiques et sociaux ont été étudiés dans des groupes appariés pour le QI (Quotient Intellectuel) et le poids. Les conclusions principales psychiatriques indiquent une intelligence diminuée, un retard dans le développement des caractères sexuels secondaires et un mauvais contrôle émotionnel qui conduisent à des capacités insuffisantes d'adaptation sociale. Une des caractéristiques les plus surprenantes étaient des réponses négatives à des régulateurs d'humeur. Une de nos hypothèses était que la combinaison de plusieurs médicaments dans le cas étudié avait probablement un effet thérapeutique négatif et la prescription de moins de médicaments a eu de meilleurs résultats. Cette étude de cas, à notre avis, enseigne clairement la complexité des interactions entre les anomalies génétiques et l'environnement."
Malgré la recherche régulière de méthodes de contrôle génétique de population présentant des risques supérieurs d'agression, l'écart entre la somme des moyens mobilisés dans les différents travaux et les résultats obtenus en terme de prescription reste énorme. La recherche de l'effet des surplus des chromosomes sur les comportements abouti à des impasses qui devraient amener à faire d'autres investissements - en termes d'efforts intellectuels et de moyens déployés - plus sur les conditions psycho-sociales de l'apparition des agressions... Nous ne manquerons pas de compléter ce constat par une interrogation sur les motivations des différents acteurs qui semblent s'obstiner dans cette voie.
Alina RAIS, Centre de santé Ruppert, 3120, avenue Glendale, Toledo, Ohio 43165, Etats-Unis, Prieuré Lodge Edication Ltd, 2007. Jacques GERVET, Agression/Agressivité, dans Dictionnaire du Darwinisme et de l'Evolution, PUF, 1996. Farzaneh PAHLAVAN, Les conduites agressives, Armand colin, 2002.
ETHUS
Relu le 5 mars 2020